le portrait inconscient

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Mon premier bouquin français

10 jeudi Sep 2015

Posted by biscarrosse2012 in mon travail d'écrivain, poèmes

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Angèle Casanova, Avant l'amour, Ève de Laudec, Brigitte Célérier, Claire Dutrey, Claudine Sales, Elisabeth Chamontin, Florence Zissis, François Bonneau, Françoise Gérard, Hélène Verdier, Hervé Lemonnier, Jocelyne Turgis, José Defrançois, Marie-Christine Grimard, Marie-Noëlle Bertrand, Nicole Peter, Noël Bernard, Noëlle Rollet, Serge Marcel Roche, Vital Heurtebize

Il m’est arrivée par la poste, juste hier, 9 septembre, le jour de l’anniversaire de ma fille cadette, un joli colis contenant quelques copies de mon premier bouquin français : « Poèmes d’avant l’amour », publié par les Editions des Poètes français. Je suis bien conscient de ce que cela signifie. En même temps, je suis tranquille, confiant, heureux de pouvoir transmettre quelques miettes d’un trop long discours.

Giovanni Merloni

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« Et maintenant ? »

25 mardi Nov 2014

Posted by biscarrosse2012 in mon travail d'écrivain

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« Et maintenant ? » a écrit dans un tweet Serge Gabriel Roche depuis son observatoire éloigné et pourtant proche beaucoup plus que la fenêtre d’en face, au-delà du boulevard. « Chemin tournant », comme tous les vrais poètes, possède un sixième sens (et même un septième) pour le côté concret de l’aventure humaine.
Avec cette question synthétique, ce collègue que j’aimerais compter parmi mes amis m’interroge autour de ce texte « clair et calme avec balcon », dont je viens de mener à terme la publication en dix-neuf « épisodes ». Ou, plutôt que répondre à sa question, il m’invite, amicalement, à interroger moi-même, à profiter de la pause inévitable pour réfléchir.
Et voilà la réponse : « je ne sais pas ».
Ce qui me tient à cœur, aujourd’hui, c’est de comprendre le sens de ce que j’ai écrit, avant de m’en séparer. Je suis d’ailleurs convaincu que cela peut intéresser ceux qui m’ont suivi en m’encourageant à avancer jusqu’à la FIN.
Avec « Clair et calme avec balcon », conte-récit théâtral sur le thème du hasard réglant le bonheur ou le malheur des gens, se termine une petite « trilogie » de contes-récits marquant pour moi la période désormais révolue de l’installation à Paris.
Cette trilogie avait eu son exorde avec « La cloison et l’infini », conte théâtral en quatre épisodes. Ici l’esprit amer donne souvent le relais à l’esprit sombre, cela juste pour mettre en évidence le décalage des sentiments et des passions de deux hommes aux antipodes de la vie vis-à-vis d’une femme aussi extraordinaire que commune, assez simple dans ses attitudes « eau et savon ».
Le deuxième texte en ordre chronologique — « X, Y, Z, W » —, peut être enfin considéré comme un conte-récit picaresque (en six épisodes) où le paradoxe s’impose comme une contrainte que la catharsis finale rendra humain et tout à fait réel.

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Ces trois textes de « l’installation à Paris » n’ont pas en commun que cette circonstance cruciale.
Le premier lien évident est représenté par mon adoption idéale de la rue de la Lune comme endroit privilégié pour le déroulement des trois « actions » différentes. Une rue que j’ai découverte pendant mes premières promenades dans Paris. J’aime cette rue d’abord pour le nom, évidemment, ensuite parce qu’elle est montante, courbe et étroite, respectant apparemment un ancien parcours moyenâgeux à l’intérieur des anciens remparts parisiens. Enfin, je m’y suis affectionné en raison du livre de Queneau et du film homonyme de Louis Malle, de mon penchant pour Philippe Noiret et surtout de mon identification avec Zazie : si je creuse dans le fond de mon âme, je découvre que moi aussi, comme Zazie, je suis venu à Paris surtout pour « voir le métro ».
Présente de façon explicite dans « Clair et calme » et dans « La cloison », la rue de la Lune s’identifie, dans « X, Y, Z, W », avec le cours principal d’Âpreville. Cette localité est un pays installé au sommet d’une colline imaginaire, « copié-collé » à partir de mon modèle ancestral, c’est-à-dire Sogliano sur le Rubicone, le village de mon enfance en Romagne.
Le deuxième lien est celui de la frontière. « La cloison » est une frontière sans consistance séparant deux destins : celui d’un homme mourant, l’italien Trepaoli ; celui du jeune professeur Jérôme et de son amie italienne Antonia. Dans « X, Y, Z, W », le mur d’incompréhension entre X et Upsilon s’ajoute au mur du couvent des Carmélites en haut du village d’Àpreville ainsi qu’à de murs invisibles : entre Àpreville et Villedouce (une Bologne transfigurée) ; entre Âpreville et Villecalme (une Cesena transfigurée aussi). Dans « Clair et calme », une frontière invisible s’est installée sur le balcon de l’appartement de la rue de la Lune. Toujours, dans ces trois textes, un courant affectif brise ces frontières pour transporter l’Italie en France et la France en Italie.
Le troisième lien est celui de l’avalanche. Une avalanche de contradictions accélère la rupture entre Jerôme et Antonia dans « La cloison ». Une avalanche humaine marque la catharsis finale de « X, Y, Z, W ». Une avalanche de votes aux élections politiques italiennes de 2008 accélère ou précipite le dénouement des destins incertains d’Anna et Michele dans « Clair et calme ».
Évidemment, tous ces enchevêtrements de situations et de pulsions humaines ne sont pas nés qu’à Paris. Ils viennent de loin, depuis cette Italie qui reste au-delà du mur. Paris c’est le plateau de théâtre où les fantômes de l’imagination et de la mémoire se sont croisés et multipliés comme autant de lapins agiles.
Et maintenant, je crois que j’oublierai les avalanches, les volcans et les intempéries des pays du Sud. Je vais m’inscrire dans un paysage nouveau, dans une langue nouvelle.

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Giovanni Merloni

Portrait d’un roman scandaleux

05 dimanche Oct 2014

Posted by biscarrosse2012 in mon travail d'écrivain

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« Chi si offende è fetente ». J’aimerais bien laisser dans sa langue originale, l’italien, cette expression « tranchante » et même vulgaire (qui représente d’ailleurs un « chef d’œuvre » parmi les nombreux dictons napolitains), avant d’essayer de la traduire et de l’expliquer dans mon nouveau contexte linguistique, humain et social.
Cependant, en m’appliquant à cette traduction, je me suis aperçu des risques à plusieurs facettes (et lames) que j’allais rencontrer. Car les nombreuses nuances qu’on doit forcément associer au mot « fetente » peuvent aboutir à des interprétations tout à fait contradictoires.
Si dans ce mot une quantité de significations sont correctes (homme malodorant ; personnage odieux ; quelqu’un qui révèle dans ses actes une évidente malhonnêteté intellectuelle ; quelqu’un qui est assez rusé, capable donc de réagir promptement, en plus habile dans l’exploitation des faiblesses des autres), dans le contexte de cette phrase spécifique (« chi si offende è fetente ») ce mot redoutable assume une signification plus stricte : « celui qui se sent vexé (quand évidemment ce n’est pas le cas), profite de son attitude à la susceptibilité pour flanquer de coups lâches et disproportionnés et même mortels ».
Puisqu’en général ce sont les Présidents ou les Papes et les Rois qui ont le droit de « se sentir vexés » (avec la cour et la cohue infinies des caporaux, rentrant dans une hiérarchie compliquée de puissants, visible ou invisible), les pauvres mortels — qui tombent éventuellement dans le cas de « lèse-majesté » ou de banale « irrévérence » (ou encore de « désacralisation ») envers le pouvoir — risquent d’être anéantis. « Celui qui se sent (même à tort) vexé a toujours envie de vous tuer ».

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En tout cas, dans les démocraties modernes, ceux qui ont la hardiesse de penser peuvent souvent se réjouir d’avoir la grâce de la survie.
Et pourtant… La réponse la plus typique (et en fin de compte logique) de la part du pouvoir vexé est le silence, la mise au ban ainsi que la destruction des œuvres iconoclastes ou désacralisantes.
L’effacement et le silence sont des punitions toujours dures à endurer : après ces mesures-là, personne n’aura la possibilité — vingt ou cinquante ou cent années depuis — de comprendre exactement ce qui s’est passé, quelles ont été les nuances précises ou les mots exacts qui ont troublé le sommeil de quelqu’un là-haut. Personne ne saura le nom ni l’histoire personnelle de celui qui s’est senti particulièrement concerné, voire touché par les considérations « arbitraires » qu’un homme maladroit et téméraire a osé prononcer.
Personne ne pourra connaître, dans la plupart des cas, les noms ni les histoires personnelles de tous ceux qui ont eu la hardiesse de dire une petite vérité, de la hurler ou, chose bien plus grave, de l’écrire sur un mur ou des feuilles virtuelles avec un ordinateur portable de la première génération.
Si la rare et périssable copie en papier, conservée dans quelques rares bibliothèques, reste placidement inconnue, personne ne pourra s’amuser pour un texte éventuellement original, ironique et au final débonnaire comme le sont la plupart des écrits qui touchent à la vérité.
Car ceux qui osent briser la glace opaque du conformisme et de l’abus de pouvoir tombent bientôt dans un état d’incrédulité et d’angoisse : « Est-il possible ? Est-ce incroyable, mais vrai, comme le dit la chanson ? » C’est pour cela qu’on s’arrête sur le bord du gouffre, qu’on s’appuie péniblement à une rambarde en train de s’écrouler… Et pourtant…

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Voilà, sans exagérer, un malentendu (ou quiproquo) a causé une petite conjuration du silence envers « Roma città persa » (« Rome cité perdue »), mon deuxième roman. Une « convention à exclure » qui a été néanmoins suffisante à le faire disparaître de la circulation en Italie. Cette « gaffe », ma gaffe, dérivait surtout du sujet que je touchais, et aussi du choix du roman pour traiter des questions que j’aurais pu bien sûr exploiter sous d’autres formes (par exemple dans des revues d’urbanisme, où j’aurais été bien accueilli) en disant les mêmes mots…
En traitant de l’urbanisme, une matière qui m’était familière et très chère, je m’engageais d’ailleurs dans un thème intime, profondément ressenti et personnel en définitive, tout comme une question d’amitié ou d’amour. Et voilà, comme vous le verrez peut-être un jour, mon amour pour le jouet me pousse toujours, comme le ferait un enfant curieux, à le rompre, à le casser avant de l’avoir longuement admiré comme un magnifique objet, sacré et incorruptible…
Ou alors, il n’y a même pas eu de vrais malentendus ni de gens vexés… On a été tout simplement victime d’un jeu (ou d’un enjeu) dans lequel l’homme simple et anxieux de connaissance n’aurait dû même pas faufiler sa tête ! Bien sûr, je refuse l’idée que l’expression libre soit a priori condamnée à l’échec et je n’accepte pas que la qualité des textes résulte, elle aussi, subjuguée au destin « politique » du thème choisi.
Heureusement, le temps est parfois galant homme. Et le fait de pouvoir en parler avec vous maintenant c’est déjà un cadeau pour moi. Cela me rappelle un autre proverbe basique : « Qui vivra verra… »

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Depuis quatorze ans d’hibernation, en sortant pour vous « Roma città persa » de sa couche de poussière physique et psychologique, j’en ai choisi et traduit ci-dessous un extrait, assez significatif quant au thème traité ainsi qu’à l’esprit du livre.

« Roma città persa » (« Rome, cité perdue »), extrait du chapitre II/5 (Fahrenheit 451)

« L’Urbanisme est gravement malade, en fin de vie. Chaque jour, une cohue de médecins et de stagiaires sont là, à son chevet. Mais on le soigne mal. Le primaire se défend : il n’y a pas les moyens pour une fouille appropriée. »
« L’Urbanisme est là-bas, dans le bloc de réanimation. S’en sortira-t-il ? Qui sait ? Il y a des cas de branches du savoir qui sortent du coma avant de guérir parfaitement. Heureusement, en Italie on est contre l’euthanasie ! […] Nous nous retroussons nos manches et nous avançons tout de même, même en nous passant de l’Urbanisme ! »
En reconnaissant l’écriture nerveuse de Garbuglia (1), Italo (2) sursauta, tout comme il lui arrivait lorsque l’un des chats noirs en dessous de chez lui décidait, l’ayant attentivement dévisagé, de lui couper la route (3).
Sabina lisait bien, avec de l’humour, mimant peut-être les cadences de ses collègues de bureau, fainéants et très experts en imitations, médisances et crocs-en-jambe…
« L’Administration publique est un organisme parfait, qui se comble de nourritures nuisibles et indigestes tout en demeurant fleurissante. Y a-t-il quelqu’un qui pourrait la tuer ? On parle beaucoup de méritocratie, de personnes adaptées à la bonne place. Est-ce que les gens savent comment se passent vraiment les choses ? Par exemple les gens qui attendent le bus comme des cormorans ou des pingouins sur l’île, le savent-ils ? Lorsque quelqu’un a envie de travailler, que le Ciel s’ouvre ! Celui-ci est regardé comme un ennemi. Tout le monde se coalise contre celui qui se dérobe à la platitude, aux rumeurs et aux médisances ! »
Italo s’affala dans le fauteuil tournant, tout en fixant l’envoûtante affiche…

LATIUM DES DÉLICES !

Une photo assez raffinée d’une balustrade baroque accoudée sur un beau jardin à l’italienne.
« Personne ne dit qu’il faudrait approuver une loi assez claire ainsi que des règles pour le montage et le démontage. On ne fait pas les lois, on les attend, comme la pluie. Cette petite pluie qu’on peut même boire, dont on peut se servir aussi pour se laver… Ce ne sont jamais ceux qui travaillent tous les jours dans la matière qui font les lois. Ce sont des autres qui les font, les lois : des gens incompétents, mais à la hauteur ! Cette dernière expression prime sur-le-champ l’attitude à l’improvisation qui dépanne, la créativité qui débureaucratise, accélère, fait des crocs-en-jambe, esquive… Les gens apeurés et gelés qui stationnent sur la rive désolée où le bus tarde à arriver se demandent pour quelle raison ce qui semble raisonnable à tout le monde n’arrive pas. »
« Quand nous sommes là, formant des troupeaux de plus en plus serrés, en attendant… — pensait Italo, absorbé — que nous voyons passer dix, quinze, vingt minutes tout en envisageant que peut-être le bus n’arrivera plus jamais… parmi tous les gens qui sont là plongés dans une attente en dehors du temps, une société désespérée s’installe… Mais le conducteur du bus pourrait devenir même plus méchant, jusqu’à nous écraser sur le grand trottoir et puis… nous y abandonner, morts ou blessés ! D’ailleurs, nous ne comptons rien ! Ou alors, peut-être, nous n’existons même pas ! »

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— Pourquoi es-tu agité ainsi ? lui dit Sabina, en lui prenant la main.
Italo demeurait debout, à côté de la grande baie vitrée du douzième étage. Une véritable boîte de bonbons pour toutes les âmes perdues de ce Palais labyrinthique qui envisageaient vraiment de se suicider.
Par-delà les premières maisons à trois ou quatre étages, on reconnaissait parfaitement le grand fleuve d’asphalte et de pins de la rue consacrée à Christophe Colomb. Au bout, les blanches statues au bord de la façade de la basilique de San Giovanni ressemblaient à des oiseaux de plâtre.
« Parler, écrire, jetant au milieu des images la poussière de la rue frottée par les chaussures, toujours les mêmes Clarks que j’insiste à nettoyer, à laver parfois… Parler, raconter, comme si tout ce qui nous entoure c’était de l’utopie ou alors un rêve, essayant toujours de sortir des parenthèses rondes, carrées et circonflexes où je me cache moi-même au bout de mes nonchalantes pérégrinations… »
Italo et Sabina, tels deux lièvres siamois, sautillaient d’une page à l’autre.
— C’est quoi, ça ? demanda Sabina, fermant le cahier, le regard concentré sur les mains osseuses et assez peu expansives d’Italo.
— C’est un roman inachevé !
Au milieu du cahier, il y avait cette phrase :
« Il faudrait enseigner dans les écoles, sérieusement, pour de bon, notre Risorgimento, la République Romaine et la Résistance… ainsi que toutes les occasions ratées de libérer Rome des chaînes ! »
Il y avait depuis une rature.
« Pour moi, la Résistance et le Risorgimento ne sont pas compatibles avec Rome ! »
C’étaient les derniers mots de Garbuglia.
— Même la place du Risorgimento n’est pas compatible avec les remparts du Vatican, alors, si j’ose dire ! observa Italo, en tirant la langue à l’adresse de Sabina.
— Continuons ! dit la jeune collègue. De son visage avait disparu la patine qui enlaidit les employés de la Région, les rendant inexorablement lâches, gris et sans vie.
« Surtout ceux du siège central ! » constata Italo Cottanello. Ses narines, fines comme celles de Cyrano, saisirent l’agréable odeur jaillissant de son pull bleu. Sabina lui souriait, hochant la tête telle une poupée.

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Italo se tourna à nouveau vers la fenêtre. Malgré tous ses efforts de s’interdire la vie, cette fois-ci une forte excitation s’était emparée de lui qui n’avait aucune intention de s’éclipser.

MORS TUA VITA MEA ?

Peut-être, la mort de Tito Garbuglia lui donnait, elle-même, la vie ?
Italo était encore emprisonné par millions de fils invisibles. Et pourtant une mutation millénaire était en train de se produire en lui, qu’on aurait dit inconcevable avant la disgrâce.
Sabina s’en était aperçue. Mais elle préférait attendre… Ou, pour mieux le dire, continuer à attendre. Elle reprit la lecture :
« D’ailleurs, Rome, toujours gravide et surchargée d’enfants, ne sera jamais une ville moderne à parcourir en long et en large avec un simple mode d’emploi. »
De ses deux mains, Italo souleva son fauteuil tournant avant de le poser à côté de celui de Sabina.
« Devant cette mère étouffante… cette gardienne de prison… combien d’avant-postes de la liberté civile sont passés, fiers et hagards, éventant la chemise rouge de Garibaldi ou le drapeau – rouge aussi – de Gramsci… Mais tous ces braves gens n’ont pas pu s’arrêter pour s’y enraciner ! »
Italo scrutait les doigts sans bagues de Sabina, tout en lisant à haute voix, avec le maximum d’engagement dont il était capable, le texte de Garbuglia. Au-delà de la porte vitrée, on voyait glisser de plus en plus rarement les ombres de collègues âgés en quête de mystérieux repères de protocoles et disquettes sans le virus où transcrire de relations écrites avec d’horribles calligraphies, pleines de ratures et notes. Au-delà de la porte… fermée. Est-ce que quelqu’un avait tourné le poignet ?
« Même le soixante-huit a défilé… Il s’agit juste de quelques forcenés, évaporés tout de suite après, dans l’air empuanti et dans la lumière splendide. Rome est réfractaire et hostile à toute révolution ! »
Sabina mit les deux mains sur la feuille avant de poser sur elles son visage heureux.
Italo faufila sa main droite entre son cou et ses cheveux châtains. Une force étrangère – peut-être un dieu de l’Olympe ? – rapprocha la tête de pantin de Sabina de la bouche ainsi que des moustaches d’Italo.
— Viens ici, Sabina Montasola, dorénavant tu ne seras plus seule !
Ils s’embrassèrent, oubliant tout à fait qu’ils étaient dans un lieu public.
— Qu’est-ce qu’il t’arrive ? demanda allègre Sabina, dès qu’elle eut repris le contrôle de la situation.
Ils remirent à sa place le deuxième fauteuil. Mais, même si un gros bureau les séparait l’effet Garbuglia ne diminuait pas. Au contraire !
« Rien à voir avec Voltaire et Rousseau ! À Rome fait fureur une lumière magnifique qui cache d’immenses sanctuaires – pas des ossuaires bien sûr – de mensonges. »
S’écriait, dans son noble texte, l’urbaniste malchanceux, à présent disparu…
Tandis qu’Italo lisait, Sabina écoutait. À présent, elle n’était plus l’obscure secrétaire du Bureau des Imprévus, mais une des actrices préférées de Truffaut. Ah oui, il n’y a que Truffaut !
Et lui, nouvel Antoine Doinel aux exordes, serait-il à la hauteur de son Maître ? Réussirait-il à surmonter sa gêne pour les mots difficiles et en latin ? Garderait-il la vertu calme des forts devant de nouvelles folies subies ?
« Et même Marta, la partie de moi la plus délirante et audace, elle-même n’est pas du tout compatible avec Rome ! »
Avait ajouté Tito Garbuglia avec son stylo rouge, donc avec son sang…
Avant de sortir du bureau, où miraculeusement personne n’était entré, Italo avait serré Sabina dans ses bras, en éprouvant un frisson violent, de la tête jusqu’aux pieds. C’était la première fois qu’il embrassait celle qu’il considérait, selon ses paramètres, une vraie femme.
Juste à ce moment-là devait-il se réveiller de sa léthargie amoureuse ? Juste au moment où la vie le flanquait en avant, aux premiers rangs d’une tranchée où ne peut-on pas poser des questions tandis que l’on est obligés, au contraire, de donner des réponses ?

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Giovanni Merloni

(1) Tito Garbuglia, chef du Service d’urbanisme de la Région Latium, est le personnage principal du roman. Son nom, Garbuglia, évoque, immédiatement, dans la langue italienne, l’activité obscure et frustrante de la plupart des employés et dirigeants de l’administration publique ayant un rapport d’amour-haine avec les paperasses bureaucratiques.

(2) Italo Cottanello, jeune collaborateur de Garbuglia, se trouve obligé, au lendemain de sa mystérieuse disparition, de se débrouiller dans le travail très délicat qu’avant son maître exploitait de A à Z. Le nom Cottanello est celui d’une commune du Latium. Comme lui, tous les nombreux personnages du livre, dont Sabina Montasola, auront aussi de noms empruntés aux localités du Latium ou alors de différents quartiers de Rome. 

(3) Italo Cottanello, très superstitieux, est très méfiant vis-à-vis des chats noirs.

En attendant les Contes du Strapontin (Le Strapontin n. 44)

19 samedi Avr 2014

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits, mon travail d'écrivain

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Le Strapontin

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Mes chers lecteurs,
Il y a toujours des raisons, qu’on pourrait rechercher, analyser, expliquer. Nos actes, ainsi que nos paroles, ne viennent pas d’un limbe de hasard et d’inconscience. On pourrait tout examiner, bien sûr. Mais je crois que ce n’est pas la peine.
Le Strapontin a été endommagé par un déraillement tout à fait inattendu. On avait juré que le train électrique Märklin avec la locomotive Rivarossi aurait bien marché même dans les conditions climatiques les plus prohibitives.
Malheureusement, cette « insoutenable légèreté de l’être », dont nous parlait Milan Kundera, ce n’est pas une évidence comme une jolie femme qu’on rencontre sur la route du potager.
Et pourtant elles sont, toutes les deux, indispensables.

Donc, avec les graves déclarations dont a dû se charger, au nom de l’Auteur, un personnage assez naïf et inadéquat comme Nino Meraviglion (promu sur-le-champ « exécuteur testamentaire » ou porte-parole de son Patron invisible), le Strapontin, nonobstant son succès, s’arrête.
Ces derniers volets ont été plus difficiles pour moi, vis-à-vis des précédents. Mais, je me sens tout de même soulagé à l’idée que le but primordial que je m’étais donné atteint son bout. Même si de façon indirecte et par moments fantaisiste, je crois avoir correctement profité du dialogue constant avec vous pour fouiller dans certains endroits de mon « vécu », jusqu’à y dénicher quelques petites vérités.
Je me rends compte que ces « petites vérités » ont peut-être troublé le lecteur ou la lecture. Mais j’ai ressenti vivement en moi ce devoir de « les dire », un devoir d’honnêteté intellectuelle avant tout.

D’ailleurs, le temps réel de publications régulières est devenu au fur et à mesure incompatible avec le temps de gestation des épisodes et des personnages. Cela pourrait devenir l’objet de discussions, de forums, de correspondances — auxquelles j’aimerais participer, bien sûr — où l’on finirait pour affronter une question cruciale. « Est-il possible d’écrire des textes littéraires valides au jour le jour, sans jamais arrêter ? »
Mon projet était peut-être trop vaste. Ou alors, chemin faisant, je me suis aperçu que plusieurs personnages ou lieux ou événements historiques que j’allais frôler au passage auraient demandé un travail parallèle, parfois énorme (de traduction aussi), incompatible avec le temps que je peux concrètement consacrer à l’écriture.
Je crois qu’il faut être sages. Laisser que les souvenirs viennent tous seuls, sans qu’on les sollicite, comme il arrive lors de l’inspiration d’un tableau ou d’une poésie.
D’ailleurs, si jamais encore dans ma vie j’aurai envie de me soumettre à des plans à long terme, cela ne pourra pas s’adapter au rythme d’un blog, ni surtout aux attentes de lectures constantes et attentives de la part de tous ceux qui fréquentent, comme moi, les réseaux sociaux comme Twitter, Google+ ou Facebook pour se faire connaître et dialoguer dans un esprit de partage.

Dans les trois derniers épisodes du Strapontin, Nino Meraviglion avait été touché par quatre mots à l’aspect symbolique, que moi aussi j’installerais volontiers aux quatre bouts de la rose des vents :

SOLITUDE, PARTAGE, RATTRAPAGE et MIRAGE

Voilà. Dorénavant, j’essayerai de suivre moins « le devoir d’être » que « l’être », m’autorisant à publier librement (et sans préavis) mes poésies en alternance avec quelques « faits divers », ainsi que des contes « héritiers du Strapontin ».
Ce seront des « contes de la solitude », des « contes du partage », des « contes du rattrapage » ou alors des « contes de mirages » qui pourront être longs ou courts, fortement ancrés dans la réalité ou tout à fait libres.

Je vous souhaite une très belle journée.

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Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 19 avril 2014

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La juste taille

14 mardi Jan 2014

Posted by biscarrosse2012 in échanges, contes et récits, mon travail d'écrivain

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Mes chers amis,
J’avais plusieurs fois commencé une lettre adressée à vous. Dans la corbeille de mon ordinateur sont déjà six les boules de papier qui s’amoncellent les unes sur les autres.

Donc, cette fois-ci est la bonne pour vous signifier, très amicalement :
1)    Le Strapontin sera à l’affiche pendant toute l’année 2014, avec le but d’y exploiter tout ce que j’avais annoncé dans l’avant-propos et dans le n. 1 ;
2)    je continuerai avec la publication de mes poésies, donnant la priorité au  testament immoral, jusqu’à son achèvement ;
3)    je vous proposerai aussi, en parallèle, quelques textes inédits (des contes, des articles « libres », ainsi qu’un roman situé dans les années 1960) ;
4)    Je resterai fidèlement actif dans nos échanges sur Twitter.

Pourtant, je ne suis pas en condition de garantir, comme j’ai essayé de faire jusqu’ici, une continuité journalière dans mes publications sur le portrait inconscient.
J’ai beaucoup appris de ce tour de force, demandant de la créativité, de l’équilibre et aussi du détachement qui n’est pas toujours évident.
J’ai appris que la publication journalière c’est une formidable école d’attention et en fin de compte d’humilité, que je n’oublierai jamais.
Mais, à côté de la créativité, de l’équilibre et des autres qualités qu’il faut savoir mettre en mouvement et en valeur, pour rester dans le peloton, il faut avoir du temps.
Or, quoi que ce soit le sujet de mes articles où récits ou poèmes, je ne suis capable de faire rien de différent par rapport au « standard » que vous me connaissez. J’avais espéré de trouver la juste taille éditoriale avec le Strapontin, mais, vous l’avez vu, même le Strapontin s’est vite transformé en siège du pape (ou aussi de l’antipape).

Il m’est impossible de faire cela parce que pour moi le blog n’est pas qu’un but, un instrument pour communiquer au jour le jour. Il est aussi cela, bien sûr, car je ne pourrais jamais me passer des autres, de leurs jugements et conseils. Moi aussi, je ressens le besoin de faire passer des messages concernant l’actualité, la vie de tous les jours, la politique, les événements culturels, et cetera.
Mais j’ai donné à mon blog, depuis le commencement, un caractère spécifique. Comme le dit le titre, que je ne changerais pas, je me suis engagé dans des portraits et des fouilles qui entraînent des attitudes moins de journaliste (et critique, parfois) que d’écrivain.
Cela devient de plus en plus évident avec le Strapontin, comme je viens de dire.
J’ai besoin de produire mes textes pour le blog selon des temps qui ne peuvent pas toujours rentrer dans des échéances journalières.
D’ailleurs, grâce au soutien chaleureux que vous tous avez voulu accorder à mes dessin et tableaux, j’ai absolument besoin de temps pour m’y mettre avec plus de continuité et d’efficacité si je veux préparer une exposition dans le 2014.

Conclusion. Vous trouverez assez fréquemment sur vos écrans l’annonce de mes publications. Il pourra bien sûr arriver qu’elle soient continues pendant plusieurs jours de suite mais, plus fréquemment, elle auront une cadence irrégulière. À la fin de chaque publication, je vous donnerai rendez-vous pour la publication suivante.

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La juste taille

Dans un Silo sans Confins
j’ai trouvé bien de Messages
Métronomiques.

Dans les Nuits échouées
près de la Fons Bandusiae,
j’ai découvert les Passages
du Balai.

Le vent qui souffle
dans les Mots sous l’aube
fredonnait avec entrain
le quatrain quotidien

tandis que Les cosaques
des frontières,
dans la plage hospitalière
de Colors and Pastels
s’accordaient un poétique repos
bercés par l’écho
du Blog O’Tobo
et des gracieux Décalages
et métamorphoses
pour la belle Paumée
que du Mons Analogos
arrivaient versifiés
et justifiés.

Era da dire, dorénavant
il faudra être sages.

Sans renoncer à l’usage
de la flânerie quotidienne.
(ni, pendant le week end
à la distance au personnage),
au portrait inconscient
il ne reste qu’un métier :
l’irrégulier.

Giovanni Merloni

Prochaine sortie du Strapontin : vendredi 17 janvier à 00 h 05

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 14 janvier 2014

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