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Dans la rue qui mène à la rue où nous étions intègres (Bologne en vers n. 21)

09 jeudi Août 2018

Posted by biscarrosse2012 in poèmes

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Bologne en vers

Dans la rue qui mène à la rue où nous étions intègres

Dans la rue qui mène à la rue
où nous étions intègres
tu demandes à quelqu’un
l’adresse de ces diableries
que le rêve ne veut pas déjouer :
« Car le rêve, tu dis sans bouger,
par son amoncèlement
d’endroits inconnus et d’étranges ravins,
nous fait courir en vain :
il est trop éloigné, rongé par les lapins
notre lit peint en vert,
désormais tout se perd
dans une mer qui n’est plus notre mer ! »

Dans l’escalier qui mène à l’escalier
où naguère demeurâmes volontiers,
un vent de gens musclés
brise et balaie la lumière
qui t’effleure les lèvres.
Il balaie et brise cette fleur
de mots compliqués
qu’épiaient les baisers que t’arrachais,
que tout d’un coup tu m’accordais
par un bond bienfaiteur.

Ton visage réapparaît, à peine courbé
vers le pré où m’amène
un autre pré. Là, se fige une maison
qui ne ressemble pas à la tienne
rue des Orphelines. Au-delà d’une cloison
ton regard retranché et hardi
est en train d’explorer nos ruines :
« Pour le ciel que tu me portes
c’est trop tard, car je suis morte.
Des avalanches assassines
ont trop bien poli ton rêve maudit ! »

Dans le couloir qui mène au couloir
où nous fûmes des guerriers aux membres élancés
je m’accroche à l’ultime porte
tandis que tu jures qu’elle est morte
cette histoire où d’autres histoires me portent
cette joie conquise et ressuscitée
qui explosait dans le bas-ventre
d’une ville dépourvue de centre
dans un pré brûlé
dans un souffle désespéré
qu’à nouveau j’avale
traversant le couloir
me rouant dans l’escalier
où pour la énième fois
tu ne m’attends pas. (1)

Giovanni Merloni

(1)
Tu n’es pas dans la rue,
et je ne trouve pas une rue
où te poursuivre en courant
(du moins quelques instants).
Il n’y a pas non plus un sentier
où me réveiller tout entier…
G.M.

Jamais, ma joie, tu n’aurais quitté mon bras… (Bologne en vers n. 20)

06 lundi Août 2018

Posted by biscarrosse2012 in poèmes

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Bologne en vers

Jamais, ma joie, tu n’aurais quitté mon bras…

De ces temps éloignés et perdus,
rassurés par les mots de nos apôtres
nous marchions, parmi d’autres
à l’assaut de ce monde mal fichu.

Nous courions bras dessus-bras dessous
estompant dans la joie contagieuse
la blessure âpre et douloureuse
de notre escapade interrompue.

Tout d’un coup, t’ayant perdue de vue,
à la première rambarde je m’accrochai
et, parmi mille têtes, je fouillai dans la rue
désespérant que la tienne jaillît du marais.

En plongeant mon regard de fantôme
dans le miroir lugubre de ta soudaine absence
je vis autour de moi se répandre le silence
avalant rudement tes élans, ton arôme.

Ô combien inutile me sembla l’impatience
qui naguère me poussait à t’emboîter le pas !
Si j’avais cru jusqu’au bout à ma chance
jamais, ma joie, tu n’aurais quitté mon bras…

Giovanni Merloni

Subitement, j’ai grandi (Bologne en vers n. 19)

01 mercredi Août 2018

Posted by biscarrosse2012 in poèmes

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Bologne en vers


Subitement, j’ai grandi

Subitement, j’ai grandi
dans ta petite main.
Abruptement, j’ai suivi
la courbe de ton cou châtain.
Et suis précipité, en contre-jour,
à travers les moucherons de la cour
au bout d’un accablant après-midi
où la chaleur paraissait de velours.

En un seul dessin

En une seule tache lumineuse
je voudrais te résumer
ou sinon t’emprisonner
dans une rude toile d’araignée
dans une suffocante nébuleuse,
dans une sculpture figée.

Rien qu’en deux traits de fusain
je voudrais éterniser
ton regard malencontreux
les couleurs juxtaposées
de ta peau, de tes cheveux.

En un seul dessin
je voudrais savoir graver
les pensées où tu te tords
tes fantaisies bien cachées
tes espoirs, tes remords
tes ombres décachetées.

Il s’ouvrirait alors devant moi
des collines de gel ou de feu
un paysage vallonné vert et bleu
où se confondraient sans émoi
nos vêtements brusquement jetés
dans la mer rose et jaune de l’été.

Plus tard, mon croquis flotterait
sur la table mollement dressée
des amants tourmentés
sur leurs tristes fourchettes
sur le festin encore chaud
que voudrait mettre en miettes
le regard indiscret d’un salaud.

Je demeurerais inconscient
face à l’incessant va-et-vient
de silhouettes étrangères
qui sillonnent notre clairière.

Au-dehors des glaces noircies
et des ampoules éteintes
je savourerais, sur la terre avilie
l’odeur vif de notre étreinte
nos soupirs haletants et imberbes
et nos chuchotement silencieux
rebondissant, tels des adieux,
des ruines et des herbes.

Il me faudra, tôt ou tard

Il me faudra, tôt ou tard
arrêter de décrire ce que dit ton regard,
brusquement m’obliger
de ranger ce portrait mensonger
dans une toile d’araignée,
dans une nébuleuse,
dans une sculpture
dans un lit de fumée
dans une journée boueuse
où notre fabuleuse aventure
se termine.

Giovanni Merloni

j'ai grandi def

Ces trois poésies sont protégées par le ©Copyright, tout comme les autres documents (textes et images) publiés sur ce blog.

Je ramasserai ces haillons et ces mouchoirs sales (Bologne en vers n. 18)

08 dimanche Juil 2018

Posted by biscarrosse2012 in poèmes

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Bologne en vers

Je ramasserai ces haillons et ces mouchoirs sales

Dans le noir, juste avant l’aube,
je ramasserai ces haillons et ces mouchoirs sales.

Dans le désert de mon cœur
je verrouillerai les enseignes éteintes
de ce quartier incolore qui me fut gentil.

Dans un trou de ma poitrine,
je garderai la photo froissée
le sourire surpris, les yeux étincelants
de la seule femme que j’aimai.

Ce sera sans doute un matin froid
où le vent expérimenté
frappera brusquement aux rideaux métalliques.

Dans cet air sombre et hostile
mes pas malhabiles fouleront les trottoirs
en laissant derrière eux le sillage noir
de regards emboués de tristesse.

Dans ce vacarme silencieux
j’emprunterai une gueule quelconque
et, d’un coup, je me déroberai
aux mesquineries bien connues
qui voudraient m’empêcher
de fredonner mon chant faux
parmi les ombres en cohue.

Au petit soleil, le souvenir m’écrasera
des amis riant fort sous l’ampoule
et leur cri déchirant zigzaguera
parmi les poteaux qui s’écoulent.

Y aura-t-il d’autre moyen, à cette heure fatidique
de savoir qu’à jamais je suis seul ?
Que mon destin de partir va s’étendre
tel un triste linceul
sur un mot de fierté maladroite
sur un geste d’orgueil ?

Seul, j’arpenterai des chemins
de terres arides et fleuves. Quand
au sommet des ponts
je croiserai moi-même,
ce que j’étais vraiment,
j’aurai sur-le-champ l’envie
de faire demi-tour.

Vous ne m’entendrez pas
quand je partirai,
ramassant mon corps amoureux
à la hâte, dans le noir,
juste avant l’aube.

Giovanni Merloni

mulino a vento_fardellox poésie

Lien texte italien 

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Une statue (Bologne en vers n. 17)

01 dimanche Juil 2018

Posted by biscarrosse2012 in poèmes

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Bologne en vers

Giovanni Merloni, Le trapèze, acrylique sur papier 46 x 64 cm, 2015

Une statue

1.
Une statue gesticulante
nous a parlé et même hurlé
avant d’arracher, affolée,
les fils bleus du tramway,
pour se forger, à notre insu,
une cravate tordue
et s’éloigner, tristounette,
parmi des branches violettes
octroyant, juste au bout,
une jolie porte secrète.

Sur mon même sentier, avait-elle marché
cette statue descendue de cheval
orpheline de son piédestal
emboîtant mes pas irréguliers
indifférente aux échos retentissants
de nos corps inexistants.

La fatigue c’était alors mon métier.
Chaque jour j’effondrais dans sa crue
et j’en ressuscitais tout entier
comme en sortant du marbre d’une statue.
Cela m’apprit à me résoudre à la vie
jusqu’à me découvrir gaillard et serein,
ma tête épuisée à même tes seins.

2.
Bien avant, une statue de bois
avait caressé tes cheveux blonds
d’où coulèrent à l’unisson
sur nos bras enchevêtrés
des larmes brûlantes, liquéfiées
libérant enfin nos poitrines boueuses
de toute ombre visqueuse.

Bien avant, une statue de cendre
avait emmené notre amour
dans une grotte de joie
auprès d’un lac de velours
s’évaporant brusquement à rebours
sous des draps de carton.

Bien avant, une statue de cire
s’était dissoute en arpèges
au milieu de nos corps de liège,
nous apportant une rengaine,
ratatinée et étrangère,
envoûtante et grossière
avec l’aubaine inespérée
d’une caresse qui nous réjouit
mes yeux dans les tiens enfouis
lors d’un jour de paix endormie.

Bien avant, une statue d’étoffe
ensevelie par des chiffons de soie
et des foulards de faux coton
ouvrit une brèche dans nos remparts
nous laissant librement arpenter
les labyrinthes sans fin
où se cachait, irrévocable, le destin
de nos vies de pantins.

3.
Il s’agissait
d’une statue de papier,
d’une statue de neige,
d’une statue de feuilles,
d’une statue de mains, de pieds
de sexes entrelacés.

Il s’agissait
d’une statue aux yeux vidés
par des pigeons terrorisés,
d’une statue de granit rose,
d’une statue aux branches soyeuses
où nos blanches chemises accrochées
se rendaient, telles des voiles délabrées
à l’évidence de la chose.

Il s’agissait
d’une statue qui arrêta de chanter,
de rire et nous câliner
reflétant, rien que pour nous
les lumières et les sons inconnus.

Il s’agissait
d’une statue statuée.

Giovanni Merloni

la statua 740

Giorgio De Chirico – sculpture exposée pendant l’été 2004 dans la cour du Palais des Diamants à Ferrare

Il y a 5 ans pile, le 1er juillet de 2013, j’avais publié cette même poésie, « La statue », qui demeura inaperçue, à part le commentaire de Dominique Hasselmann.
Cinq ans après, en entamant cette deuxième publication, je me suis rendu compte que dans le texte français de la première traduction il y avait beaucoup des choses à reprendre.
Il ne s’agissait pas que de la traduction et du choix de mots appropriés et poétiquement efficaces dans la langue de Jean Giono.
Il fallait aussi, pour une meilleure cohérence expressive, revenir à quelques passages du texte italien qui n’étaient déjà pas trop clairs et compréhensibles dans la langue de Umberto Saba.
Au bout de ce travail le nouveau texte vous livre une « chose » tout à fait différente, qui correspond sans doute mieux à mes exigences expressives actuelles ainsi qu’à mes états d’âme de l’époque (années 1976-1977) où la première ébauche italienne a vu le jour.
Tout cela m’a fait bien sûr réfléchir à ces 5 années que j’ai consacrées intensivement à mon blog et à cet étrange échange réel-virtuel avec des lecteurs connus et inconnus. Cinq ans, ce n’est pas une courte quota de mon existence, où j’ai moins profité qu’auparavant du monde physique qui m’entourait et notamment des mille suggestions ou des jardins en grand nombre de Paris…
Il y a eu sans doute des personnes qui ont critiqué plus ou moins ouvertement mon abnégation voire mon acharnement à communiquer avec mes confrères français même si ma langue française n’était pas toujours maîtrisée ni efficace…
Cependant, je crois que cela a été très, très important pour moi, tandis que ce « work in progress » n’ayant pas d’alternative s’est révélé au contraire une formidable façon de croître et d’apprendre le meilleur de la vie.
G.M.

Combien de mots (Bologne en vers n. 16)

23 samedi Juin 2018

Posted by biscarrosse2012 in poèmes

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Bologne en vers

Giovanni Merloni, En contre-couchent, acrylique sur toile, 2018

Combien de mots

Combien de mots
nous héritons
de la peur de la nuit
de la misérable noblesse
de nos jours engourdis.

Combien de mots
en dépit de la fatigue.

Combien de mots
compromis par l’enthousiasme.

Combien de mots
pour nous dire combien
nous nous sommes manqués,
combien de mots
pour te raconter de moi
pour me raconter de toi :
« ô combien hier ce fut triste »
« ô combien ce matin fut lent »
« ô combien cet après-midi
fut furieux ! »

Combien de mots
pour étouffer le scandale
d’avoir emprunté cette retraite
à une déesse distraite.

Combien de mots
pour qu’il devienne enfin juste
ce silence des baisers
cette profondeur de la nuit.

Combien de mots
pour ajouter de la force
au délire de notre abandon.

Combien de mots
tels des funambules
nous avons poursuivis
pour nous dérober
à l’orgueil, à l’embarras
de cette rencontre.

Combien de mots
pour esquiver
le fantôme douceâtre
de la solitude annoncée
du retour chez soi
chez elle, chez lui
chez lui, chez elle.

Combien de mots
pour nous forger des carapaces
de héros solitaires
que bercera gentiment
la musique de la mer.

Combien de mots
pour tout tromper
et tromper nous-mêmes
avant de glisser
dans un nouvel ordre des gestes
qui nous ouvrira à nouveau
la porte invisible
(ô combien légère)
de notre entretien
(ô combien vrai !)
(ô combien chaud !)
(ô combien froid !).

Combien de mots
se perdent au loin
dans un trou noir constellé
de hurlements, de sanglots,
de petits pas brisés.

Combien de mots
voudraient remonter en troupeau
du fond désespéré d’une nuit
qui va se terminer dans un autre lit.

Combien de mots
pour nous plaindre de nos échecs
pour nous reprocher
réciproquement
le train qu’on a raté
où l’on aurait pu se connaître
et se marier aussitôt…

Combien de mots
pour nous autoriser
ce véritable amour qui nous unit
de toute volonté en dépit
par ces instants de crève-cœur
que nous nous arrachons
comme des voleurs.

Combien de mots
entrent et sortent
de nos lèvres ardentes
de nos yeux clos
de nos imprudentes mains
abandonnées dans un beau rêve
d’horizons lointains.

Giovanni Merloni

combien de mots_740

TEXTE ORIGINAL EN ITALIEN

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Une plaie violacée qu’on ne peut pas recoudre (Zazie n. 67)

10 dimanche Juin 2018

Posted by biscarrosse2012 in poèmes

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Zazie

Giovanni Merloni, Via del Pratello, acrylique sur carton 51 x 72 cm,
terminé en 2018

Une plaie violacée qu’on ne peut pas recoudre

Si j’ai cassé les ponts, je me dis,
si j’ai effacé les routes
si je suis en France, désormais,
il y a eu une raison,
un inconvénient sérieux
qui m’a brisé la vie.

Je me dis : c’est étrange
d’être ici, à Paris,
de m’endormir et me réveiller
parmi des gens qui parlent une langue
qui n’était pas la mienne,
loin de Bologne, de Rome, de la mer.

De là-bas, j’ai fui et ne sais plus y revenir.
Ma famille s’aventure désormais en deux mondes parallèles.

Je me dis : combien de morts se cachent
dans le sillage de mon exil doré :
ceux qui savaient que je ne reviendrais plus,
ceux qui ne savaient plus où me chercher,
ceux qui me considéraient comme mort.

Personne ne croyait que je serais vraiment parti.
Il n’y eut que Daisy à exclamer que c’était un adieu.

Je me dis : quelle grande illusion, l’Europe,
les frontières ouvertes, les voyages insouciants,
les échanges, les étreintes, les baisers !

Je me dis : cela n’a jamais été facile
de traverser la barrière invisible séparant
ce que j’étais de ce que je suis devenu.
Derrière nous une porte a claqué,
les voix sont devenues petites,
écrasées par le vent d’un changement ambitieux.

Mais je suis bien heureux, dans cette boîte pétillante
où j’ai pris l’habitude de remémorer et rêver
en portant, bien cachée dans les plis de mon cœur,
une plaie violacée qu’on ne peut pas recoudre.

On ne revient pas en arrière, et c’est embarrassant
devenir une ombre étrangère
pour quelqu’un ou quelqu’une qui disparaît là-bas
à Bologne, à Rome, au bord de la mer
ou alors qui sait où
dans la maison qui fut la nôtre
et ne saurais plus reconnaître
dans la rue familière
où nous apprîmes à aimer…

Giovanni Merloni

Le constat de l’absence (Zazie n. 66)

03 dimanche Juin 2018

Posted by biscarrosse2012 in poèmes

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Zazie

Le constat de l’absence

Si l’on vous aime, vous en êtes forcément conquis et, avec le temps, de ce sourire désintéressé vous ne pouvez pas vous passer… Jusqu’au jour où ce sourire devient distrait, ce regard s’enfuit, cette présence encombrante devient une absence d’abord intermittente, ensuite irrégulière enfin définitive. Et vous devez trouver, vous, la force de couper le cordon ombilical qui vous allie désormais à une ombre, de vous inventer un sourire à vous, adapté à la nouvelle ère qui s’entame, que vous allez emprunter héroïquement, vous accrochant à la conviction que ce manque encombrant vous gâte encore, qu’il ne vous abandonnera jamais.

Giovanni Merloni

Violeta Parra : Gracias à la vida

J’ai relu le palimpseste de mes incapacités (Bologne en vers n. 15)

20 dimanche Mai 2018

Posted by biscarrosse2012 in poèmes

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Bologne en vers

J’ai relu le palimpseste de mes incapacités

1.
Dans ces poésies d’amours révolus,
l’ai relu le râle subtil, les chemins abstrus
s’efforçant durement de comprendre et penser.

j’ai traîné dans ces vers déchirés et déçus,
m’accordant l’insistance et l’abus
d’opiniâtres retours au théâtre
qui voyait nos deux corps se combattre
et sans gloire périr.

Dans ces mots sans honneur
de petites morts je fus collectionneur
tandis que ma petite vie y découvrait
le goût trompeur de l’ennui,
l’élégance gentille d’un corps inutile,
la saveur bien trompeuse
des étreintes empruntées
à l’amour des films d’amour,
l’odeur malicieuse
de l’amour des paroles d’amour
(ces paroles éloignées de la sagesse
exemptées de la force,
dépourvues de courage).

2.
Je collectionnais mes gestes et les tiens
comme autant de coups de sape
impatients de briser la sombre cape
de mon adolescence cruelle
me libérant de l’étreinte mortelle
du placenta rose de mes obsessions
ou sinon de l’inquiétante prison
d’une souriante photo de famille.

J’ai revu ton visage
en pose, ta figure nue
s’apprêter, craintive, aux assauts ;
j’ai touché de la main
(et de mon entière mémoire)
l’odeur de la couverture
le silence de la lumière filtrée
à travers la modeste fenêtre
l’inexplicable bien-être
de nos âmes mouillées.

Je te voulais, je venais
te chercher, je t’aimais,
mais te sous-évaluais
mais te surévaluais.

Dans notre silence tendu,
j’étais aux exordes désespérés
de mon ambition de bonheur
et cela fut un prétexte
pour que mon agressivité
se rue, à l’unisson
avec une imperceptible
pulsion de mort,
contre les murs bien subtiles
de notre foyer sans îles.

3.
J’ai relu mes histoires :
toujours, sur les rails de chaque train
mon veston s’accrochait à la nuit
et j’accrochais mon regard
aux champs aux poteaux aux maisons.
Je devinais par éclairs
que je n’existais pas,
que toi non plus tu n’existais.
Peut-être nous manquait-il le courage
d’accepter humblement le destin
de nos êtres enfantins.

Hier, au tournant d’une autre vie
qui s’affiche indigeste
j’ai relu le palimpseste
de mes incapacités :

je ne m’aimais pas vraiment,
en rien sérieusement
je ne m’engageais
et jamais je n’ai su t’aimer
ma longue, tendre, affectueuse
inexplicable écorce lisse de femme.

una moglie scocciata antique 72

Giovanni Merloni

Nous sommes là, côté cour côté jardin (Zazie n. 65)

11 vendredi Mai 2018

Posted by biscarrosse2012 in poèmes

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Zazie

Giovanni Merloni, Nous sommes là, acrylique sur carton 50 x 65 cm, 2018

Nous sommes là, côté cour côté jardin

Nous sommes là
côté cour côté jardin
un cerf-volant sur l’estomac
une fleur sur la bouche
désireux de complices chansons
de frugales collations
d’innocentes liaisons.

Nous sommes là
toi et moi, rassasiés de lumière
réfugiés dans un coin de poussière
sous les branches d’une chêne
lors d’une journée sereine
côté cour côté jardin.

Nous sommes là
côté cour côté jardin
deux îles qui flottent
de plus en plus provisoires
dans un monde où chuchotent
d’autres humains comme nous
rassasiés de lumière
se perdant avec entrain
dans la même atmosphère
d’opiniâtre beauté.

Nous sommes là
côté cour côté jardin
au bout d’un sentier fleuri
au coin d’une rue bien garnie
de vitrines colorées
par la force vitale
qui remonte au jour le jour
la redoutable descente,
balançoire incertaine d’émois,
qu’on appelle existence.

Nous sommes là
riches ou pauvres
richissimes ou misérables
sur le promontoire extrême
côté cour côté jardin
d’où les vents de la Guerre
nous paraissent souffler
vers des gens malchanceux
et pourtant très honnêtes

qu’on nous dit bien coincés
dans une autre planète.

Nous sommes là
meurtris et moribonds
côté cour côté jardin
rassasiés de colère
et d’horrible impuissance :
« par quels mots d’espérance
réussirons-nous, tous ensemble
à rejeter le monstre débile
qui prétend imposer sans façon
du plus fort la raison ? »

Nous sommes là
côté cour côté jardin
recueillis sous un arbre
gigantesque et fragile
opiniâtrement accrochés
à cette idée de liberté
que nous ont confiée
Rousseau et Franklin
Kafka et Italo Svevo
Freud et Karl Marx
Georges Brassens et Bob Dylan
Courbet et Goya
Tolstoï et Pasternak
Dante et Shakespeare
Sénèque et Homer…

Nous sommes là
les gardiens d’un château détruit
les visiteurs d’un musée sans-abri
les spectateurs d’un théâtre maudit
côté cour côté jardin.

Giovanni Merloni

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