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Archives de Tag: Le Havre

« Le papier me manque pour te dire combien c’est beau » (Débris de mon Atelier de vacances en Normandie)

01 dimanche Oct 2017

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits, portraits inconscients

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Atelier de vacances, La maison de l'Armateur, Le Havre, Le Volcan, Les jartdins suspendus, Normandie, Notre-Dame des Flots, Oskar Niemeyer, Victor Hugo

« Le papier me manque pour te dire combien c’est beau »

« Je me hâte, chère amie, de finir cette lettre. De Dieppe je suis allé au Havre, et du Havre je suis descendu jusqu’à Elbeuf par le bateau à vapeur. C’est un beau couronnement à mon voyage que ces admirables bords de la Seine.
Ce matin à quatre heures le bateau sortait du Havre. La mer était houleuse, il faisait encore nuit ; au point du jour nous atteignions Honfleur et au soleil levant Quilleboeuf. À midi nous étions à Rouen.
Je n’avais encore vu le cours de la Seine que par la route de terre. Le papier me manque pour te dire combien c’est beau, je te le dirai de vive voix à Paris. Par moments il y a des petites falaises qui imitent les grandes et des petites vagues qui copient les grosses. Ils ont aussi, vers Tancarville, des petites tempêtes et des grands naufrages. Pendant des lieues les collines, hautes et escarpées, ont des ondulations gigantesques. On croirait côtoyer des fosses de Titans. »

Victor Hugo

Lettre à Adèle Foucher, 10 septembre 1837. Correspondance. France et Belgique, Alpes et Pyrénées : Voyages et excursions, Oeuvres complètes : En voyage vol. II, Paris, Ollendorff, 1910, p. 141.

Et seule la nuit devint urgente

« C’était une soirée triste, le garçon était seul.
La ville n’avait pas soulevé sa chape.
La place entre le volcan et la bibliothèque dessinait, vue du ciel, un oiseau. Un oiseau de béton, l’idée l’avait amusé.
Alors il était entré dans ce restaurant, là sous l’aile de la colombe. Il espérait un envol, Il a trouvé des boites sur les tables, c’était nouveau.
Mettre des petits plats dans des boites en bois. On les ouvrait et on découvrait.
La jeune patronne à la beauté slave l’avait salué avec enthousiasme à son arrivée.
Un instant il avait cru qu’elle allait l’embrasser mais elle s’était reprise.
En vérité, elle n’était pas physionomiste, alors dans le doute elle accueillait chacun comme un ami.
Le soir descendait, sur la boite qu’on lui présentait maintenant il était écrit « boite de de nuit », il eut comme un étonnement qui se transforma vite en surprise: Aussitôt la boite ouverte, les lieux ont commencé à se transformer, une boule est sortie du plafond, des danseurs ont fait leur apparition, et puis un chanteur. Et puis un orchestre.
A chaque bouchée il se sentait mieux.
Que mettaient-ils dans leurs plats? On s’est mis à lui parler, à l’inviter, il ne comprendra jamais comment il s’était retrouvé dans cette drôle de tenue, à danser tard sur l’estrade.
En regardant l’heure, une inquiétude le traversa à l’idée de tout ce qu’il avait à faire mais il sourit en pensant à l’architecte des lieux (1) qui, à 105 ans, sur son lit d’hôpital, avait dit: Je dois sortir j’ai pris du retard dans mon travail. Et seule la nuit devint urgente. »

Anecdotes en vitrine – Au Restaurant La Colombe 8, place Oskar Niemeyer (sur le thème du Volcan)

(1) Oskar Niemeyer

Le Havre, Vue panoramique depuis la montée à Notre-Dame des Flots

Le Havre, Notre-Dame des Flots

Le Havre, Les Jardins suspendus.

Le Havre, Maison de l’Armateur

Le Havre, Maison de l’Armateur

Le Havre, Vue du Port depuis la Maison de l’Armateur

Giovanni Merloni

Une, dix, cent, mille villes flottantes ! (Atelier de vacances n. 8)

29 vendredi Sep 2017

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits, portraits inconscients

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Atelier de vacances, Gênes, Honfleur, Jules Verne, Le Havre

Une, dix, cent, mille villes flottantes !

Je n’ai pas visité le musée ni les lieux du débarquement en Normandie du 6 juin 1944. Je le ferai sans doute si j’aurai la chance de me rendre encore en cette extraordinaire région, qui cache ou révèle ses trésors au fur et à mesure que l’intérêt à les découvrir se révèle faible ou, au contraire, monte de façon tumultueuse. Pourtant j’avoue en avance mon indomptable tristesse devant le nombre de morts que la Libération de l’Europe a exigé et, en général, une certaine méfiance face à la nostalgie de tout ce qui existait « avant ».
Je suis consterné, comme tout le monde, quand je tombe sur des villes qui avaient été complètement détruites par les bombes — comme Le Havre et Saint-Malo par exemple —, mais j’accepte sans sourciller, en chacun des cas, les différents critères qui en ont guidé la reconstruction. Je ne m’adonne pas très facilement aux courants du regret, car si j’aime évidemment les architectures des villes que je découvre épargnées par les destructions opérées par la Nature ou les hommes — il suffit de penser à Venise ou à Florence pour comprendre la fragilité de tout miracle de beauté —, j’accepte aussi les reconstructions nécessaires.
Devant tous les changements traumatiques dont je prends connaissance la chose plus importante, pour moi, c’est le respecte des morts. Si une église s’écroule en province de Macerata ou de Perugia, je me demande d’abord si quelqu’un est mort sous les débris. Pour les œuvres qui témoignent notre civilisation, il faut bien sûr bosser pour qu’elles survivent nous aidant à espérer en des paysages durables, à croire à des mondes qui résistent à l’effacement et qu’on puisse espérer de transmettre d’une génération à l’autre. Mais il ne faut pas se faire avoir par une espèce de paralysie ! La vie continue et les hommes honnêtes et civilisés, tout en gardant la mémoire de ce qui va se perdre, peuvent bien se charger de quelques transformations indispensables.

Jusqu’ici, à ce que j’avançais dans les précédentes étapes de cette escapade, j’ai ajouté quelques considérations concernant strictement le paysage terrestre, les villes et les campagnes rencontrées pendant ce tour en Normandie qui va maintenant se conclure. Je n’avais pas osé m’aventurer au large de la Manche ni physiquement ni à la poursuite de ma fantaisie effrénée. J’avais, il est vrai, fait le tour des bassins formant le port d’Honfleur avec une joyeuse barque touristique prénommée Calypso. Cependant, je n’en avais pas parlé… tellement avait-elle été modeste cette expérience.

Par contre, le port du Havre existe bien au-delà des sorties régulières des pêcheurs professionnels : il ne cesse pas d’exercer son rôle primordial dans le complexe système des échanges, surtout de marchandises, entre les continents.
On a déjà parlé de la presque disparition des transatlantiques, remplacés à présent en petite mesure par les bateaux qui partent en croisière. Dans la vie à bord des uns et des autres demeure encore une certaine atmosphère d’évasion et de jeu, mais évidemment tout un monde d’inventions spectaculaires s’est désormais volatilisé…

Les mythiques paquebots répondant aux noms de Normandie, Viet Nam, Île-de-France, Georges Philippar, France, Ville d’Alger, Washington, Colombie, Gange, Mariette Pacha — dont j’ai vu très bien décrite l’histoire parfois tragique dans l’exposition « Villes Flottantes » et que j’ai vu glisser sur des rails à peine visibles dans une scénographie nocturne — s’inscrivent dans la mémoire du Havre comme autant de mondes impossibles à reproduire et donc à revivre jusqu’au bout. Si les maquettes, bien que suggestives, ne sont pas suffisantes à atteindre ce but, les anciens films documentaires, avec leur atmosphère renfermée en une époque désormais révolue, ne sont pas en mesure non plus de nous redonner ce que c’était voyager pendant plusieurs jours dans un transatlantique, notamment dans un paquebot faisant la navette entre Le Havre et New York.
Peut-être Fellini a-t-il réussi à s’approcher de cela, avec le charisme de son cinéma où la fantaisie se mêle toujours à la rêverie de la mémoire, dans des films tels « Amarcord » et « Et vogue le navire »… D’autres films, tel « La légende du pianiste sur l’océan » ou le fameux « Titanic », ont donné aussi une image efficace de la vie à bord de ces immenses palais à plusieurs étages (et relatives discriminations sociales) en donnant au passage l’impression d’une vie entre parenthèses où les voyageurs seraient presque obligés à se distraire, voire à se consoler de tout ce qui pouvait menacer leur longue traversée.

Je n’ai jamais eu une expérience semblable, n’ayant pas eu de ma vie l’occasion de partir en croisière, même concentrée en une poignée de jours. J’ai traversé la mer Adriatique et la mer Ionienne pendant la nuit pour me rendre la première fois sur la côte dalmate à Spalato et Dubrovnik et la deuxième fois dans l’île de Paxos en Grèce. J’ai d’ailleurs traversé plusieurs fois la mer Tyrrhénienne pour me rendre en Sardaigne. Toujours, mes voyages n’ont duré qu’une nuit ou au maximum un jour et une nuit seulement. Donc sur les paquebots que j’ai arpentés, très spartiates, il n’y avait rien de ce qu’on trouvait, selon ce que les photos d’archives racontent avec nombre de récits fabuleux, dans les transatlantiques.
Je peux quand même affirmer, sans peur d’être démenti, que je suis monté une fois, à Gênes, sur un bateau assez grand, spécialement armé et équipé pour des croisières confortables aux Caraïbes ou alors au Madagascar.
On était en 1977. J’habitais alors Bologne, je venais de me séparer de ma première femme et j’étais parti avec mes deux enfants à Pegli, une commune intégrée dans la ville métropolitaine de Gênes, pour rendre visite à ma sœur qui venait de s’y marier.
Lino, le frère aîné de mon beau-frère Giovanni, grâce à son talent de dessinateur technique, travaillait avec de plus en plus de reconnaissances auprès de l’entreprise de Costa, un armateur très connu encore aujourd’hui. À Gênes, grâce à Lino, qui nous a guidés, nous avons eu la chance, mes enfants et moi, de découvrir de l’intérieur comment ça fonctionne un navire de croisière. Nous avons appris aussi combien de solutions techniques et de décors doit-on apprêter pour rendre amusant et confortable le long voyage dans la mer. Au luxe des hôtels à cinq étoiles s’ajoutait donc la recherche spasmodique de la surprise sinon du scandale, comme si ces hôtels de luxe flottant sur les océans devaient forcément se transformer en théâtres ou en studios cinématographiques où le mot d’ordre était « gaspiller », c’est-à-dire dépasser toutes les limites de la vie ordinaire.

Lino était très orgueilleux de ses inventions, du choix des matériaux et des solutions techniques les plus appropriées, tandis que moi je me demandais à quoi servait tout ce volume de jeu : à s’affranchir de la sensation d’enfermement ? À détourner habilement l’ennui ? À reléguer quelque part la peur de la mort ?
Il est vrai que le pont d’un bateau est un lieu de liberté par excellence, d’où l’on peut vomir à loisir ou alors danser, les pieds nus, pour fêter ou conjurer la tempête…
Et le port de Gênes, tout comme celui du Havre, ne cesse pas d’exercer sur moi le charme irremplaçable d’un immense travail qui demande du talent, de la ténacité et du sacrifice : ce sont des Génois, par exemple, qui ont réalisé dans les moindres détails, profitant des chantiers de ce port prestigieux, la plateforme centrale du nouveau pont de Bordeaux. Cela m’exalte, imaginer le travail qu’on fait pour construire une pièce unique qui doit ensuite s’adapter à la perfection à ce que d’autres mains fabriquent ailleurs, très loin. Et je suis avec la dévotion rétrospective de l’imagination cette plateforme qui quitte le port de Gênes avant de traverser la Méditerranée, dépasser le détroit de Gibraltar et longer ensuite les côtes portugaises et espagnoles, remontant enfin, à la faveur du courant du Golfe jusqu’à l’embouchure de la Gironde…

Dans la section du Grenier des Docks Vauban qu’on avait consacrée à l’exposition « Les villes flottantes » il y avait beaucoup moins de monde que dans la pénible allée marchande et psychédélique qu’on avait traversé avant. Deux salles en tout, installées à l’étage, avaient été sagement aménagées à l’enseigne de la liberté évoquée par la mer et d’un sincère hommage au travail immense et prodigieux, dont je viens de reconnaître l’importance, qu’une multitude d’hommes de talent a exploitée rien que pour des beautés éphémères, rien que pour un inoubliable voyage…
Il est vrai que quelques-uns de ces transatlantiques ont eu une vie relativement longue, mais combien de transformations, combien de caprices on a dû satisfaire de temps à autre pour donner l’envie à des gens riches ou à des aventuriers d’emprunter la passerelle et partir vers l’inconnu plus ou moins connu ?

«… Les noms de ces paquebots mythiques résonnent dans les mémoires du Havre. Nés dans la lumière et la fierté, ils ont parfois disparu de façon tragique, incendiés, sabordés, coulés… Les navires des compagnies françaises comme la Compagnie Générale Transatlantique ou les Messageries Maritimes ont sillonné les mers et les océans, transportant des millions de femmes et d’hommes de part et d’autre du monde. De ces géants des océans et de leur vie à bord, il reste de multiples traces : photographies, objets, documents, films…, que French Lines rassemble et préserve au Havre. On y décèle les grandes et les petites histoires de ces villes flottantes. »

Les photos bien rangées et sagement étalées et illuminées dans la première salle au-dessous de la charpente confirmaient l’impression un peu embarrassante d’un monde définitivement perdu. Le monde de longs voyages plus ou moins inconfortables, sous la menace d’une mer toujours prête à se rebeller et à tout casser, que les avions à réaction de toutes les tailles et puissances ont survolé, ridiculisé et enfin transformé en quelque chose d’inaccessible et finalement d’inutile.
Dans cette disparition de tous les Titanics d’autrefois je vois aussi la disparition d’un certain monde du travail aussi dur que l’actuel, bien sûr, pour les gens exploités jusqu’à la lie qu’on a toujours traités d’esclaves. Ce monde désormais effacé était quand même moins dur envers toutes ces figures alors nécessaires adaptant leurs mains habiles à n’importe quels métiers ou tâches. Je pense aussi au monde de grands studios cinématographiques… À Cinecittà, par exemple, où Federico Fellini fabriquait au jour le jour ses films en véritable dictateur, se prenant bien sûr tous les mérites, mais profitant aussi — et combien ! — du travail et des idées d’une foule incroyable de personnes indispensables.
À cette époque, où tout était bien sûr soumis au pouvoir de l’argent, le capitalisme n’avait pas encore évolué dans une mondialisation aussi poussée qu’aujourd’hui et dans cette dérégulation comportant entre autres régressions le remplacement des hommes créatifs par des hommes obéissants ou alors par des robots.
Elle survivait encore dans les théâtres, dans les arts visuels, dans le cinéma, dans l’architecture provisoire des évènements et des fêtes tout comme dans la fabrication des décors pour donner de l’éclat aux grands hôtels transatlantiques, une sorte de « capitalisme mineur », ouvert à la fantaisie et à l’initiative d’équipes soudées et généreuses.

Quelqu’un dira que tout cela était décidé en avance, bien avant qu’explose la révolution industrielle à la moitié di XIXe siècle. Quelqu’un dira aussi que le capitalisme qui armait les transatlantiques était le même capitalisme violent et injuste qui fabriquait les armes qui ont servi à tuer et à détruire les villes et les campagnes d’Europe lors de deux guerres mondiales. Il s’agissait, en tout cas, d’une époque où existait encore une classe ouvrière qui se faisait entendre, tandis que les patrons du capitalisme se voyaient obligés à reconnaître l’existence d’interlocuteurs avec qui pactiser… Maintenant, on a affaire à un capitalisme invisible et sans interlocuteurs, parce qu’à travers la mondialisation et les déplacements des usines en fonction des convenances de chaque entreprise (qu’aucun gouvernement ne contrôle ni empêche), la classe ouvrière est en train de disparaître.
Voilà la raison pour laquelle je suis indulgent et même nostalgique envers une époque dans laquelle le travail était quand même plus respecté et protégé qu’à présent. Revenant aux transatlantiques, un courant d’affection sincère me porte donc à regretter la beauté de l’immense travail des hommes et des femmes qui, en véritables artistes, ont donné vie, dans les moindres détails, à des mondes de carton-pâte dont se sont nourries d’entières générations. Des mondes qui vivaient en deçà du plateau théâtral ou d’autres gens devaient jouer, comme autant de marionnettes gâtées. Moi j’aurais sans doute aimé participer à cette formidable fabrique collective, tandis que, sincèrement, je n’ai aucune envie pour ceux ou celles qui « faisaient la croisière » pour vaincre l’ennui, ô combien insupportable, du train train de la vie…

Je me suis enfin glissé dans la salle sombre, où des navires en miniature traversaient un océan où je devenais un géant marchant le corps dans l’eau jusqu’à la taille. Avec ces merveilleuses compagnes de voyage, j’ai quitté Le Havre et sa plage lumineuse. En m’éloignant, je me suis rendu compte que j’avais trop dit sans rien dire de vraiment intéressant, sans surtout répondre à une utilité quelconque. Sans donner finalement tous les renseignements ni les adresses, ou les noms et les titres… En fait, au fur et à mesure que je m’éloigne d’un souvenir, je ressens fort la nécessité de l’ensevelir un peu sous le sable, de ne pas tout dire pour ne pas tout gâcher. Tandis que, comme vous avez pu le voir, des souvenirs antagonistes jaillissent d’époques encore plus éloignées revendiquant la parole : « tu n’as pas parlé de l’époque où tu faisais partie de la Commission chargée des immeubles croulants ! »

Laissez-moi dire adieu à ce coin de Normandie où j’espère de revenir, un jour !

Giovanni Merloni

N’est-il pas, cela, un merveilleux exercice de style ? (Atelier de vacances n. 6)

24 dimanche Sep 2017

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits, portraits inconscients

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Atelier de vacances, Auguste Perret, François Ier, Le Havre

N’est-il pas, cela, un merveilleux exercice de style ?

Au petit matin de mardi 8 août, les hurlements des mouettes ajoutaient quelque chose de sinistre à notre condamnation annoncée. Puisqu’il y aura la pluie et même l’orage s’alternant à de toutes modestes éclaircies, la voiture blanche ne nous sera pas utile, quitte à nous offrir un abri de fortune dans les intervalles des visites plus éloignées.
Le temps mauvais nous obligeait donc à marquer une pause « culturelle », fouillant dans l’histoire des 500 ans de l’une des plus jeunes villes de France… la ville que François Ier avait bâtie en 1517 en fonction du prestigieux port sur la Manche et qu’il avait laissée grandir sans règles jusqu’en 1540… lorsqu’il donna les pleins pouvoirs à un architecte Italien, le Siennois Girolamo Bellarmato (1493-1555) (1), qui ne se borna pas à protéger des inondations (comme il avait vu faire et fait lui-même à Venise), mais donna aussi une forme très rationnelle et des fortifications adéquates à la nouvelle ville et au port…
Je laisse tout de suite cette fascination du temps éloigné de la Renaissance et des suggestions qui venaient sans doute de la toute récente découverte de l’Amérique… J’aurais été capable de m’aventurer dans la vie de ces personnages et de ces mondes révolus qui marquent d’ailleurs très favorablement la figure de François Ier, un roi clairvoyant et illuminé… Mais j’ai préféré, tel un papillon en vacances, flâner d’une étape à l’autre du parcours, très efficace d’ailleurs, que les organisateurs de la célébration des 500 ans d’existence du Havre ont tracé pour moi.

En fait du vieux Havre de Grâce bâti par François Ier et transformé dans les siècles, on a presque tout perdu au-dessous des ruines fumantes des bombardements alliés.
« Cela fait une drôle d’impression, avait dit Raymond Queneau au lendemain de la reconstruction de la ville nouvelle, c’est un curieux spectacle de revoir une ville où l’on retrouve un fantôme de topographie. C’est très beau d’ailleurs cette nouvelle ville. »
La Normandie n’a pas été que la glorieuse plage du débarquement des Anglo-Américains venus au secours de l’Europe continentale occupée par les Allemands d’Hitler. Cette opération qui nous a rendu la liberté a provoqué en septembre 1944 la presque totale destruction de la ville du Havre. C’est un peu le même qui s’était passé à Messine en 1943 et bien sûr dans la plupart des villes allemandes.

Ce constat cruel me reporte à l’été 1957, lors de mon premier voyage à l’étranger. Il y a 60 ans, on était sept personnes sur la Fiat1100 noire que mon père conduisait d’un seul doigt. Puisqu’il n’y avait pas encore cette interdiction, sur le siège avant, à côté du chauffeur, il y avait une cousine de ma mère que nous appelions zia Licia et son mari Mario, un homme aux cheveux blancs, le « Magnante » (qu’en français on appellerait « le Mangeant »). Serrés en quatre avec ma mère dans le siège derrière, nous n’avions pas trop de problèmes en vérité, car ma sœur n’avait que treize ans, j’en avais presque douze tandis que mon frère en avait dix. Et l’on était tous assez maigres…
Je me souviens très bien de l’autoroute allemande en ciment blanc, interrompue par des joints noirs d’asphalte, où notre voiture avançait prudemment. C’était aussi mon premier contact avec cette espèce de piste pour pilotes où les kilomètres coulaient vite l’un après l’autre, tandis que ces enseignes blanches aux inscriptions noires nous anticipaient des noms abstrus ou redoutables…
Chaque fois que nous entrions dans une ville, le Magnante levait la main hors de la vitre et, d’un air assuré, demandait aux passants : « Bitte, Bahnhof ! » « S’il vous plaît, la Gare ! » Ensuite, suivant les indications — « links », « rechts » ou « geradeaus » — on atteignait immanquablement le quartier mieux fourni d’hôtels ou de « zimmer zu vermieten ». Il faut dire que le Magnante était un militaire à la retraite assez silencieux pendant le voyage qui se contentait d’affirmations tout à fait innocentes, telles « Salut à vous, jeunes aux belles espérances » ou « Longue reconnaissance, longue arme ; courte reconnaissance, courte arme »…
Bref, en 1957 l’Europe était encore en train de lécher ses blessures et de compter ses morts. J’imagine à cette époque le quartier de Notre Dame au Havre qui renaissait comme le phénix de ses cendres… tandis que le centre-ville de Munich, Nürnberg, ou Stuttgart paraissait encore en un état de suspension et d’attente. Je me souviens en particulier de Munich, que j’ai successivement revue en 1975, en 1992 et en 2006… Cette première fois, combien d’îlots vides, combien de terrains vagues ressemblants à des mâchoires sans dents ! Seuls le Rathaus et la grande Cathédrale aux tours sombres se détachaient contre les toits survécus !
Plus tard, Munich a trouvé une façon assez intelligente de conjuguer le passé avec le futur… et j’ai pu retrouver, là-dedans, l’unique boutique alors survécue au coin de deux rues, où mon père m’avait acheté un appareil photo adapté à mon âge de débutant.
Au Havre, les pleins pouvoirs qu’on a donnés à Auguste Perret pour la reconstruction de la Mairie et des quartiers centraux du Havre font immédiatement songer à ce qu’a pu faire de son temps le Baron Haussmann à Paris. Ici, le démiurge démocratique du XXe siècle devait réaliser au moins trois rêves : le premier, celui de remettre debout le port d’Europe, ou plus proprement le port d’où les transatlantiques devaient reprendre leurs traversées pour l’Amérique et notamment pour les États Unis ; le deuxième, celui de redonner aux habitants du Havre une maison assez confortable et économique ; le troisième, celui d’abandonner les matériaux traditionnels, dont la pierre de taille et les briques, dans la construction de nouvelles habitations.
Je reviendrai une autre fois sur le premier but, partagé, je crois, par toute la France, que l’évolution soudaine du trafic aérien a assez tôt effacé…
Quant aux deuxième et troisième buts, je dois avouer qu’à la première vue, descendant du tram juste en face de la mairie du Havre, chef d’oeuvre d’Auguste Perret, je n’avais pas aimé la rue de Paris : avec ses arcades maigres de ciment dépouillé de tout ornement, cela me rappelait une ou deux rues de Bologne et de Milan où les arcades avaient été refaites avec tous leurs édifices, à cause des bombardements en proximité des gares. J’arrivais d’ailleurs au Havre en pleine saison estivale, pendant l’horaire de fermeture des magasins et des boutiques. J’étais sans doute gâté par l’horaire continu de Paris et ne me rendais pas compte du rythme d’une ville normale.

La veille, mon amie de Rouen nous avait conseillé de nous rendre à l’office de tourisme où l’on nous aurait donné un rendez-vous pour visiter l’appartement
« témoin ». Cette occasion m’intriguait même plus que celle de flâner dans la bibliothèque au sous-sol du Volcan d’Oskar Niemeyer ou alors de monter jusqu’au dernier étage du curieux édifice en forme de lanterne qu’on appelle « Maison de l’Armateur ».

Dans cette journée pluvieuse et rigide, la visite à l’un des appartements conçus par Auguste Perret et son équipe exceptionnelle a eu deux effets principaux sur moi : j’ai eu le bonheur d’être cordialement accueilli dans une maison du Havre et j’ai beaucoup appris de tout le système d’architecture et d’urbanisme que depuis cette cellule exemplaire se déclenchait. On était une quinzaine de personnes et notre guide précise et gentille avait du mal à nous laisser déambuler sans conséquence parmi les meubles et les portes, mais au bout d’une description fouillée et d’une conversation sympathique, le noyau de cette idée forte de Perret s’est imposé en toute son évidence, sans recourir forcément à des déclarations solennelles des principes d’une nouvelle façon de construire la ville et d’y vivre. Grâce à l’extrême gravité du bombardement subi et à l’importance de la ville du Havre et de son port, Auguste Perret a obtenu ce que tout architecte désire et toute société devrait obtenir : transformer une ville selon un projet unitaire et flexible à la fois.
Si je ferme les yeux et je les rouvre sur Pescara, par exemple, une ville à laquelle la guerre a complètement ôté le centre historique, je ne vois à présent que des immeubles disparates, dont quelques-uns s’efforcent, inutilement, d’exhiber leur modernité, demeurant laids comme la plupart des autres, qu’on a bâtis à la hâte sans autre souci que celui de l’argent facile. Ce qui me réconcilie donc avec les utopies des architectes visionnaires comme Auguste Perret c’est que celui-ci n’a pas eu que la satisfaction de créer un nouveau quartier : il a redonné à chacun des habitants d’une vaste partie du Havre les clés de la ville !
Voilà alors qu’en regardant mieux je découvre que la typologie adoptée pour chacun de nouveaux îlots hérite d’un côté des immeubles haussmanniens avec le long balcon au deuxième étage et cette idée de masse architecturale dialoguant avec les rues de différentes tailles et, de l’autre côté, des palais de la Rue de Rivoli avec leurs arcades correspondant au rez-de-chaussée et au premier étage. Une typologie, cette dernière, qu’on retrouve largement à Turin et dans les quartiers bâtis par les Piémontais à Rome.
Tout comme pour Le Corbusier, le défi esthétique du ciment se traduit dans l’architecture d’Auguste Perret en une véritable partition musicale où l’intérieur se projette à l’extérieur sans qu’il y ait besoin de la transparence des baies vitrées…

Dans le quartier de Notre Dame du Havre, les façades affichent en fait un ciment à la fois résistant et agréable à la vue où l’on a le sentiment de retrouver les traces des pans de bois des maisons à colombages traditionnelles de Normandie, et aussi de la Belgique, d’où Perret était originaire et où son père avait appris l’art de tailler la pierre.
Un colombage réalisé par la juxtaposition de « bâtons » de ciment traités différemment les uns des autres : on dirait un hommage à « l’architecture totale » de Piet Mondrian !

Mais cette partition qui donne lieu à d’infinis « appartements-témoins » différents entre eux, mettant en déroute tout risque d’uniformité contemporaine ; cette contribution équilibrée et généreuse à faveur de « l’aurea mediocritas » (2) dont Horace fut le précurseur, ne sont-ils pas l’hommage dévot et sincère à Raymond Queneau de la part d’Auguste Perret et de chacun de ses habitants ? N’est-il pas cela, un merveilleux exercice de style ?

Giovanni Merloni

(1) héritier de l’oeuvre de Francesco di Giorgio Martini (1439-1502), siennois lui aussi ainsi que de l’exemple du génois Leon Battista Alberti (1404-1472).
(2) apologie de la phisosophie du juste milieu

Un havre d’insouciance au Havre (Atelier de vacances n. 4)

17 dimanche Sep 2017

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits, portraits inconscients

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Atelier de vacances, Honfleur, Le Havre, Pont de Normandie

Un havre d’insouciance au Havre

Dimanche 6 août, il y a donc six semaines, j’étais à Honfleur.
J’ai énormément aimé ce village de pêcheurs s’accrochant sur une colline lumineuse. J’ai aimé le voyage hasardeux que j’ai dû faire en venant du Havre…

Hasardeux pourquoi ? direz-vous. Parce que j’ai dû emprunter le pont de Normandie et que, survolant la Seine immense, j’ai eu peur. Oui, je sais bien que ce pont tient debout et qu’il est fait ainsi justement pour se passer des vents et des orages noirs. Pourtant, quand nous frottons les roues de notre utilitaire sur le ciment rugueux, nous ne pouvons pas nous dérober à la conscience de notre petitesse : si le pont résiste aux géants de la Nature, pourrons-nous, nous aussi, leur résister ?
Il s’agit bien sûr d’une peur irrationnelle, à laquelle s’ajoute un sentiment de précarité… lorsqu’on dépose des monnaies dans une espèce d’entonnoir blanc, sans savoir si ce truc métallique sera d’accord, s’il nous laissera continuer le voyage ou pas… Je ne sais vraiment pas dire où je me suis senti le plus égaré et menacé : au péage sans personne ou sur le pont sans poids ?

C’est vrai que ce pont réunit deux parties de Normandie assez différentes, du moins pour ce qui concerne les territoires bordant la Manche, mais ce qui me semblait évident en regardant une carte de la région quant à la distance dérisoire entre Le Havre et Honfleur est nettement contesté par cette expérience du pont. Un pont qui réunit tout en rappelant — à chaque mètre, à chaque hauban — qu’une séparation demeure :

Sous le pont de Normandie coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Même si j’arrive au-delà, la distance demeure...

Voilà pourquoi mon dimanche à Honfleur a été hanté par une étrange inquiétude, par le désir péniblement maîtrisé de revenir en arrière le plus tôt possible, de franchir à nouveau ce pont redoutable, de retrouver enfin mon havre d’insouciance au Havre !

Giovanni Merloni

« La terre, les plages, les montagnes à tous appartiendront » (Atelier de vacances n. 3)

17 jeudi Août 2017

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits, portraits inconscients

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Étretat, Le Havre, Oskar Niermeyer, Stéphanie Hochet

« La terre, les plages, les montagnes à tous appartiendront » (1)

Au petit matin de samedi 5 août, mon réveil et mes premiers pas hésitants dans la chambre sombre ont été accompagnés par les hurlements des mouettes. Leurs sifflements aigus racontaient abruptement à mes oreilles la solitude de la rue, la présence empressée du vent ainsi que la constante menace d’un changement imminent, voire d’un orage intense et tonitruant. Cela m’a rappelé ainsi que j’étais dans cette espèce de Manhattan du Havre se projetant dans la mer comme la proue d’un transatlantique. De quoi s’étonner alors si les mouettes s’y donnaient rendez-vous au petit matin et au couchant, surtout en été, quand les humains abandonnent la ville ?

Quelqu’un autour de moi disait que ces Oiseaux hurlants évoquaient les cauchemars du film éponyme d’Alfred Hitchcock. Quelqu’un d’autre répliquait que les mouettes ne sont pas méchantes d’autant plus qu’elles n’ont aucune autorité dans les domaines de la météorologie. Nos « vacances volées », arrachées à la routine inexorable de petits devoirs quotidiens, devaient forcément se soumettre à la dictature de la météo :
— Que dit-on pour Le Havre ?
Déjà avant de partir, je savais que le temps demeurerait clément pendant quelques jours, à part la baisse de la température m’obligeant à porter dans mon sac à dos un pull de réserve… Il fallait en tout cas profiter du week-end… jusqu’à lundi, parce que mardi je devais m’attendre à la galère..
.

— Mardi, s’il y a l’orage, on va au cinéma ! disait un de mes copains de voyage.
— Mais non ! nous avons un tas de choses à visiter, ici ! Dans les musées, on sera à l’abri… réagissait l’autre, en me rappelant que nous sommes venus au Havre au moment exact des célébrations de la fondation de la ville.

— Cinq cents ans pile ! C’est vraiment une étrange coïncidence, disais-je intérieurement. En 1517, selon mes calculs, François Ier avait décidé de créer le nouveau port en songeant sans doute à la concurrence des Anglais vis-à-vis de l’Amérique, cette « terre promise » qu’on venait de découvrir juste 25 ans avant.
François Ier avait été un roi bien illuminé, accueillant Léonard auprès de sa cour dans le château d’Amboise…

UN JOUR COMME CETTE EAU
LA TERRE LES PLAGES LES MONTAGNES
À TOUS APPARTIENDRONT
(Oskar Niermeyer)

Pourtant, je devais interrompre mes élucubrations : nous devions profiter de ces deux ou trois jours que la météo nous accordait, nous éloignant du Havre, dont on rattrapera la connaissance pendant les jours mauvais…
Depuis Paris, j’avais loué une petite voiture, que je devais récupérer le plus tôt possible. Au volant de cet outil indispensable, mon horizon aurait sans doute changé…

Le premier nom de ville que je retenais de mes lectures juvéniles c’était celui d’Étretat, célébré avec son incontournable falaise par Guy de Maupassant. Plus récemment, j’avais beaucoup aimé pour la clarté extraordinaire de l’écriture, une histoire redoutable racontée par une jeune écrivaine, se terminant sur les hauts sentiers de ce même endroit fatal (voir notamment le « troisième acte »).. Un faux suicide, ou plutôt un suicide raté, d’où la vie d’un jeune homme allait recommencer sans enthousiasme.
Dans ce texte, l’image de la falaise d’Étretat vue d’en haut du précipice n’avait rien de romantique, parce que l’on comprenait bien que le drame n’allait pas se concrétiser : on avait affaire à la mise en scène effrayante d’une disparition violente qui ajoutait à la sensation d’un vertige irréel, d’une distance inexistante entre l’herbe bordant la haute terrasse et la mer là-bas, indifférente, gâtée par le soleil, le vent et les péripéties des mouettes, librement abandonnées aux courants ascendants.
Je remercie encore Stéphanie Hochet d’avoir choisi cette frontière invisible d’Étretat pour suggérer qu’une réelle distance entre la vie et la mort n’existe pas…

Il fallait donc que j’aille à Étretat pour cette raison « vertigineuse » aussi. Heureusement, la vie est aussi un jeu de circonstances et chaque journée se trouve inévitablement soumise aux humeurs, aux petits soucis, aux états d’âme et aux besoins corporels aussi. Il faut d’ailleurs remercier la clairvoyante Mairie d’Étretat si j’ai affronté la randonnée aux falaises avec un esprit gai et confiant et mes réflexions n’ont pas débordé du sentier indiqué.
Je n’ai eu d’abord aucune difficulté à garer la voiture que je venais juste de retirer dans un endroit ombragé en deçà des premières maisons du village. J’ai été ensuite invité à joindre le centre-ville par une allée verte côtoyant la route, protégée par une grille décadente qui m’a d’un coup plongé dans le souvenir d’autres châteaux et d’inoubliables vacances à la montagne. Enfin, nous libérant de ce reste d’anxiété que tous les promeneurs du monde connaissent, juste à côté de la Mairie, de splendides toilettes publiques toutes propres nous ont accueillis avec une brusque révérence.

En m’aventurant d’un pas assuré vers la plage, je me sentais chez moi, dans un endroit où tout me paraissait simple et possible tandis que personne ne m’obligeait à des prestations ni à des comportements établis. Ici je peux m’étendre sur les petits cailloux sans me soucier de ma mise chaleureuse ou frileuse ; je peux me noyer, échappant à la surveillance des trois types costaud demeurant assis au bord de la plage ; je peux gravir tout doucement, sans hâte, les innombrables marches et le sentier en pente, rencontrant sans doute au cours de mon ascension d’autres personnes vaguement maladroites et mal équipées comme moi ; je peux enfin me lancer dans le vide ou alors demeurer confortablement assis sur le bord de l’abîme…

Au bout de cette journée en plein air, j’avais surtout savouré le plaisir de partager mes sensations d’étonnement et de stupide joie avec d’autres gens… peu importe s’il y en avait quelques-uns à l’air hautain ou antipathique et que ne manquaient pas les fanatiques d’un athlétisme à tout prix… il faut d’ailleurs accepter cet affreux décalage de l’âge qui nous amène de but en blanc au-delà d’une barrière d’où l’on ne peut plus revenir…
En montant vers le sommet de la falaise je fermais de temps en temps les yeux me voyant avancer dans l’un des labyrinthes du métro parisien, là où je rencontre sans faille tous les âges de ma vie, toutes les personnes qui me sont chères, avec quelqu’un ou quelqu’une de spéciale qui suscite ma curiosité et mon imagination…

Giovanni Merloni

(1) Oskar Niemeyer

L’inconscience nécessaire pour mettre en pièces la tentation de tout dire (Atelier de vacances n. 2)

15 mardi Août 2017

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits, portraits inconscients

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Gare Saint-Lazare, Le Havre

L’inconscience nécessaire pour mettre en pièces la tentation de tout dire

Chaque reporteur (ou nouvelliste) a besoin de moments de lucidité pour donner de l’unité et de la cohérence à son récit (de voyage ou de guerre), qu’il doive être au final court ou long, insouciant ou difficile. Cependant, celui-ci a besoin aussi de retrouver en lui-même l’obscurité de la folie, atteignant par elle l’inconscience nécessaire pour mettre en pièces la tentation de tout dire.
Car il doit toujours se rappeler qu’un récit, de même qu’une poésie ou une fresque ce ne sont pas que la liste — il « catalogo » (1) — d’événements frôlés ou de personnages rencontrés, mais la déformation de cette même liste, son adaptation joyeuse à une ritournelle.

Jeudi 3 août, je venais juste de quitter les quartiers de la rive gauche, où je m’étais rendu pour m’acheter quelques trucs indispensables, quand j’ai noté — au beau milieu d’un après-midi fort ensoleillé qu’un vent rafraîchissant fouettait par à-coups — ce monsieur distingué en train d’entamer le portrait de la Sainte-Chapelle. Confortablement assis à son écritoire de rue, il semblait content d’avoir choisi cet endroit, sans doute favorable pour la mise en perspective du monument, mais assez pénible relativement à son espace de travail que menaçait de toute évidence le va-et-vient continu de la foule égoïste et indifférente.
Cette rencontre insolite — à la veille de mon départ pour une escapade d’une semaine dans la Seine maritime — m’avait donné pour l’instant l’envie de renoncer aux vacances en échange d’une halte solitaire, où je me serais très volontiers consacré au portrait d’une colonne ou d’une fenêtre quelconque avec leurs ombres naturelles ou portées… Ensuite, j’ai considéré que j’aurais pu transférer les mêmes attitudes de ce monsieur dans la description de ce que j’allais voir dans ma course au bord de la Manche, auprès de ses ports et falaises, en réalisant un « reportage » où le récit photographique ne ferait qu’un avec une espèce de journal de bord… J’ai alors décidé de faire cela sans aucune contrainte de régularité de contenu ni de forme, ayant pour unique but celui de faire passer, au gré de mes déplacements, ce que provoqueront en moi les petits événements, les découvertes et les rencontres constellant mon voyage. Il s’agira surtout de réflexions, de suggestions acquises qui pourront demeurer même étrangères aux circonstances du voyage ainsi qu’aux noms des églises, des plages, des musées ou des endroits célèbres…

Vendredi 4 août, au départ de la Gare Saint-Lazare, quelques minutes avant une heure de l’après-midi, je n’étais pas du tout dans l’esprit du voyage. J’ ́étais soulagé d’avoir trouvé une place assez confortable dans le premier wagon, ayant le temps de regarder depuis ma fenêtre les partants de la dernière minute glisser avec leur petite valise. Pourtant, ce qui m’attendait ne cessait de m’inquiéter. Je ne connaissais que très peu de cette fabuleuse Normandie. À part Mont-Saint-Michel, où j’avais passé avec mes parents, en 1958, une journée inoubliable qui avait échoué sur la haute marée avec ce spectacle effrayant de la route disparaissant sous l’eau ; exception faite pour une deuxième visite à ce même endroit, plus fouillée, dans les années 90, j’avais frôlé sans la nécessaire attention Rouen, Deauville et Trouville, m’aventurant sans conviction en direction de Cherbourg…
Le souvenir d’une statue de Flaubert assez excentrique n’avait rien changé de cette journée grise, où la couleur de la plage semblait rivaliser avec la pâleur des façades des hôtels et des maisons bien alignées. J’avais alors quitté cet échantillon de Normandie avec le sentiment de culpabilité aigu d’un lecteur passionné de Maupassant et Flaubert, toujours intrigué par la force évocatrice des lieux que les pages de Proust ressuscitent… Sans compter un peintre de l’envergure de Monet, ayant entretenu un rapport intime avec ces mêmes lieux… Comment oublier ses successifs portraits de la Cathédrale de Rouen ou ses images du Port du Havre ?
Il y a quelques années, j’avais subi un charme nouveau par les récits que François Bon avait partagées sur Twitter, lors de ses réguliers déplacements au Havre pour y conduire, si je ne me trompe pas, des ateliers d’écriture en 2012-2013 : derrière ses mots, cette ville forgée par le passage des navires et de grands transatlantiques cachait sans doute de belles architectures imprégnées d’humanité et de vent !
Plus récemment, pour les « vases communicants », Hélène Verdier m’avait proposé le thème d’un immeuble abandonné situé au Havre au bord de la mer… Cela aurait été une splendide occasion pour briser la glace avec cette Grande Inconnue. Entre-temps,  par le biais de ses suggestions de lecture et les images incontournables de ses peintres préférés, Laurence Lebel m’avait transmis quelques échos de sa connaissance profonde d’une autre Normandie de terre et de mer, située entre Honfleur et le Mont-Saint-Michel, ayant pour centres la splendide ville de Caen et la voix unique de Marguerite Duras… Je suis enfin redevable à Josette Hersent pour ses vers clairs et clairvoyants qui m’ont expliqué à leur façon la beauté de cet univers où la nature, partout imprégnée de culture et d’histoire, s’ennoblit au passage d’hommes et femmes de génie.

Qu’est-ce que j’allais donc ajouter, moi, à tout ça ?

Je me demandais cela quand le train a fait sa première halte à la gare sombre et très spartiate de Rouen-Rive Droite… Ensuite, j’avais décidé de m’accrocher au présent, m’intéressant au paysage normand, souvent traversé par les eaux somptueuses de la Seine, quand le train s’est arrêté à Yvetot ! Un nom très charmant pour moi, compte tenu de ma sympathie sans borne pour Emma Bovary. imaginez-vous l’émotion quand j’ai vu des véritables habitants d’Yvetot descendre sur le quai et s’aventurer en bande en direction d’une haie fleurie qui devait leur être très familière. Je me demandais lequel d’entre eux pouvait être le fameux pharmacien, qui était-ce sinon Charles Bovary… quand j’ai vu une jeune femme blonde assez gracieuse s’écarter nettement du petit groupe, se lançant dans la direction opposée..«  Emma ! » me suis-je exclamé intérieurement. Elle était sans doute une Emma heureuse de nos temps… Pourquoi pas ? Est-ce que la vie est plus heureuse qu’auparavant, pour les habitantes d’ Yvetot d’aujourd’hui ?

Quand on arrive dans un lieu qu’on ne connaît pas, ayant à surmonter comme d’habitude les petites incommodités des bagages et des billets, même Venise ou Prague peuvent apparaître gênantes, au commencement. Ici au Havre, la journée grise et le vent du nord me rappelaient aussi que j’avais franchi une barrière climatique encore plus engageante que celle de Paris pour l’homme du sud que je suis… Toujours est-il que mes premières impressions, bien sûr concernant la petite partie de cette ville tout à fait nouvelle pour moi, que j’ai traversée en tram et à pied, n’avaient pas été tout de suite enthousiastes ! Je dois même avouer qu’il m’a fallu du temps pour comprendre au fur et à mesure le « charme discret » et finalement irrésistible de cette ville extraordinaire.
Pour l’instant, une fois descendu du train, j’avais cogné contre un écueil invisible qui m’avait transmis une sensation de vide et de gêne, la même impression que l’on éprouve quand on arrive au rendez-vous et la personne longuement convoitée n’est pas là. Absente non justifié ! Certes, je venais du tourbillonnant Paris et j’avais encore dans les yeux l’immense enchevêtrement d’humains montant et descendant par les escaliers roulants de la Gare Saint-Lazare… Toujours est-il que la Gare du Havre, en ce premier vendredi d’août, était bien tranquille ! Sans attendre, au guichet des informations, une jeune fille qui n’était sans doute pas originaire de la région, m’avait donné de son air distrait des renseignements finalement efficaces : juste en face de la Gare, un tram ayant pour destination LA PLAGE m’emmènerait en deux seuls arrêts devant l’Hôtel de Ville ! Ensuite, par la rue de Paris, je n’avais qu’à dépasser la grande Mediathèque blanche… et avancer jusqu’à la rue Émile Zola où j’aurais atteint mon lit et mes petits déjeuners…

De ce peu qu’on pouvait deviner de la ville du Havre pendant le bref trajet silencieux du tram, le passage de la Seconde Guerre se dévoilait dramatiquement par les espaces dilatés et la présence de quelques immeubles anciens se détachant timidement de la sobre uniformité contemporaine qui les entourait. Au bout de la course, le Palais de la Mairie avait sans doute l’aplomb et l’assurance d’une architecture majeure, à laquelle je n’accordais pourtant pas l’attention due. Cela me rappelait de près d’autres édifices de génie que j’avais vu à Rome, notamment dans le quartier de l’EUR, appartenant justement au style rationaliste des années 40 et 50. Mais j’étais aussi envahi par un inattendu sentiment d’étrangeté qui me traînait vers un Nord encore plus éloigné. En regardant de biais cette tour magnifique et cet édifice léger, donc solennel sans être monumental, je me suis entendu prononcer des mots comme Hilversum, Malmö, Stockholm… Enfin, sous la menace de la pluie, encore stupéfié par l’équilibre des espaces que je trouvais enfin bien maîtrisés, j’ai coupé court avec mes réflexions, traversant à la hâte l’immense parvis de la Mairie, interrompu par les rails du tram ainsi qu’une généreuse fontaine entourée de petits jardins stéréotypés.

Lorsque j’emprunte, finalement, sur la rue de Paris, l’arcade de gauche, constituée d’un haut porche rectangulaire… je crois tout d’un coup de plonger dans un déjà vu : ces arcades dépourvues de personnalité ressemblent énormément à celles de Bologne et Turin… Elles héritent sans doute de la sobre linéarité de la rue de Rivoli ! On est autour de trois heures de l’après-midi, la plupart des magasins sont fermés, très peu de gens s’y promènent… On dirait hâtivement et certes imprudemment que l’on est dans un quartier sans éclat tandis que le centre est ailleurs. Rien de plus faux ! Je découvrirai plus tard que ce quartier à la personnalité discrète a totalement remplacé un vaste morceau de l’ancien Havre bombardé, en devenant le coeur vivant d’une ville qui joue par cela la carte de sa modernité !
À mi-chemin, en face d’un grand bassin amenant la mer au coeur de la ville, mon premier impact visuel avec le fameux « Volcan » — cette masse blanche ressemblant davantage à un nuage qu’à un bateau glissant au milieu des glaces — était plein d’interrogations aussi : j’avais en fait le sentiment, encore une fois, de traverser une ville d’un autre pays qui n’était pas la France, ou alors une ville fantôme, constellée de monuments anachroniques… J’ai bientôt découvert que je me trompais, que tout cela n’était pas le fruit d’un hasard ni de la mégalomanie de quelques architectes exubérants : si quelque chose peut-être manquait là-dedans, il ne s’agissait que de ces quelques décors en plus auxquels la grandeur parfois débordante de Paris m’avait habitué… Et je me suis petit à petit converti à cette invisible « école du vide » dont l’un des maîtres incontournables, notre Michel Ange, ne cessait pas d’affirmer que dans l’accomplissement de toute oeuvre d’art il fallait plutôt « enlever » que « mettre », voire ajouter !

Plus tard, grâce au conseil providentiel de deux femmes élégantes croisées en face des Halles, à quelques mètres de mon hôtel, j’ai pu me régaler d’un excellent repas normand et de cette assiette en papier où j’ai pu tranquillement m’adonner à mes gribouillis sans que personne ne protestât.

L’estomac réconforté, j’ai flâné parmi les ondes lumineuses et multicolores ajoutant du charme à cette immense œuvre d’Oscar Niemeyer que j’allais dorénavant aimer à la folie…

Giovanni Merloni

(1)
Très chère dame, voici la liste
des beautés séduites par mon maître,
Une liste tenue par votre serviteur
Observez, lisez donc avec moi.

En Italie, six cent quarante ;
En Allemagne, deux-cent trente et une ;
cent en France; en Turquie, quatre-vingt onze ;
Mais en Espagne déjà mille et trois.

Parmi elles, des paysannes,
des servantes, des citadines,
des comtesses, des baronnes,
des marquises, des princesses,
des femmes de tous rangs,
toutes sortes, tous âges.

Chez la blonde, il a l’habitude
de louer la gentillesse;
chez la brune, la constance;
chez la blanche, la douceur.

Il lui faut l’hiver la grassouillette.
l’été, la maigrelette.
Il appelle la grande « majesteuse »,
Mais trouve la petite tout aussi « charmante ».

Il séduit les plus âgées
pour le plaisir d’allonger la liste.
Mais sa passion principale
c’est la jeune débutante.

Il se moque qu’elle soit riche,
qu’elle soit laide, qu’elle soit belle ;
Du moment qu’elle porte une jupe,
Vous connaissez son penchant.

Lorenzo Da Ponte et Wolfgang Amadeus Mozart

Un corps aussi séduisant qu’insaisissable (Atelier de vacances n. 1)

13 dimanche Août 2017

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits, portraits inconscients

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Le Havre, Seine Maritime

Le Havre, Les Jardins suspendus : une serre peuplée de plantes tropicales.

Un corps aussi séduisant qu’insaisissable

Le matin après le retour des vacances, surtout s’il s’agissait d’une escapade condensée en une seule semaine assez frénétique, l’envie de raconter ou de fouiller dans nos frais souvenirs cogne souvent contre une étrange paresse, une mélancolie inattendue : « serai-je en mesure d’esquisser, en peu de mots efficaces et sincères, le récit de ces journées, en faisant jaillir mes réflexions et émotions sans que cela devienne  ennuyeux et répétitif ? »
« Serai-je capable de raconter — au milieu de tout ce qui s’est passé devant mes yeux, sous mes pieds, autour de ma tête — ce que j’ai ressenti et j’ai cru comprendre ? Serai-je à la hauteur du décalage entre la réalité et l’apparence,  l’histoire des lieux et le passage des générations, sans que mon témoignage échoue dans une liste d’exclamations ou de points d’interrogations ?
On verra… Il est vrai qu’avant de partir je considérais la Normandie, comme la France en général, un corps aussi séduisant qu’insaisissable, tandis qu’aujourd’hui, en redescendant vers la Gare Saint-Lazare, j’avais la sensation nette d’un changement important dans mon existence. Si j’étais à nouveau et de plus en plus Parisien, la Seine Maritime et Le Havre notamment ne m’étaient pas du tout étrangers !

Toujours est-il que…

Giovanni Merloni

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