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À la recherche du père perdu (Portrait d’une table n. 8)

08 mardi Jan 2013

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portrait d'une table, portraits d'écrivains

bologna

Chère Catherine,

Nous avons laissé l’histoire de Pascoli dans un endroit incertain, entre la « via Émilia », près de Savignano sur le Rubicone, et l’église de Saint-Laurent, à Paris. D’ailleurs, notre vie même est assez incertaine, toujours partagée entre ce noble élan vers nos hommes meilleurs et cette ignoble pulsion à l’irrévérence, à la dérision, au déguisement trompeur, à l’excès d’informations…

Oui, d’accord, Catherine, j’ai dit « nous » tandis que j’aurais dû dire « je ». Mais, s’il n’y avait pas eu tes lettres, tes suggestions et tes critiques, comment aurais-je pu avancer, dans cette « recherche » ? Tu vois ? Tu es strictement concernée par ces fouilles à ciel ouvert et ces découvertes douteuses. Tu es aussi responsable que moi, de notre digression littéraire. Si, si ! Tu as insisté, tandis que moi, j’aurais volontiers laissé tomber. Et à force de documents, de liens, d’articles et d’essais que tu as voulu ajouter à tout ce que j’avais déjà recueilli, je t’ai obéi. On s’est laissé prendre par la jument désemparée et ce père qui avançait en charrette, les deux poupées dans la main, comme le dormeur du val…

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Par conséquent, la diaspora des fragments et des citations n’a eu qu’une vertu, celle d’immobiliser l’action, de la figer dans un limbe inextricable. Où en sommes-nous alors, comment faire pour relancer l’action, en rattrapant l’intérêt des rares zappeurs fréquentant notre blog ?

Je crois avoir trouvé la façon de répondre à cette question. D’abord, nous avons été tous les deux rassurés à propos de la connaissance de Pascoli en France. Ici, on ne le connait pas trop, mais la plupart des gens sont disponibles à combler cette lacune parce qu’ils ont tout de suite compris la fonction de charnière que ce poète a exercée dans le passage « merveilleux » de la culture classique — ou retourné vers les auteurs classiques — à la culture moderne.

Évidemment, le phénomène Pascoli est difficile à saisir, en Europe, surtout pour les Français, qui ont eu affaire avec un très différent contexte. Vis-à-vis de l’Italie, les écrivains et les poètes français du XIXe siècle et du début du XXe, même dans les moments plus critiques, n’ont pas dû surmonter les mêmes obstacles et les mêmes censures que les écrivains et poètes italiens. Ce sont ces censures et autocensures — qui se jouaient à l’intérieur des confins de ce grand pays en formation et transformation —, la première raison de la connaissance très médiocre, à l’étranger, de la culture italienne de cette époque. Il est d’ailleurs inutile savoir que nous avons eu notre Balzac en Giuseppe Verga et notre Baudelaire en Giacomo Leopardi. C’est vrai qu’en Italie on n’a pas eu que la littérature. De Rossini à Verdi et Puccini nous avons eu dans l’opéra (comédie ou tragédie musicale) l’exploitation d’un univers fantastique déjà précurseur du cinéma, avant son invention. C’est vrai, aussi, qu’à cette époque la forme chantée, c’est-à-dire l’expression lyrique, en Italie, a pris souvent le dessus vis-à-vis du roman et de la poésie, tandis qu’en France il y avait une parfaite cohabitation entre littérature et théâtre.

Or, en Italie on a empêché certains personnages — comme Foscolo, Leopardi ou Manzoni — sinon d’exister, de transformer notre littérature en la sortant de son provincialisme, tandis que Stendhal, Hugo, Baudelaire ou Flaubert, en France et partout dans le monde, ne sont pas seulement des premières hirondelles. Ils sont des phares.

Je me rends compte, Catherine, que ce discours risque de devenir plus long que prévu.

bologna x pascoli bis

Mais, peut-être Pascoli nous a-t-il préparé de ses propres mains un guet-apens… Car effectivement, lorsqu’on aura compris le sens et l’importance de son œuvre, on comprendra aussi ce mouvement souterrain, obscur, pourtant fébrile et passionnant de la littérature italienne en lutte… Oui, en lutte.

Nous avons souvent parlé d’un long sommeil, d’une mystérieuse absence d’un contexte littéraire représentatif du Risorgimento. « On a fait l’Italie, maintenant on doit faire les Italiens », avait dit d’ailleurs Massimo D’Azeglio au lendemain de l’unité nationale de 1861. Cette phrase est restée suspendue comme une épée de Damocle dans le ciel de ce beau pays pendant plus d’un siècle. Toutes les formes d’expression artistique liée à l’expression verbale — de la poésie au théâtre, au cinéma — ont subi cette même destinée. Ensuite, on a dû attendre la Seconde Guerre et la Résistance pour que le roman et le cinéma surtout s’épanouissent vraiment, dans un esprit de liberté et autonomie vis-à-vis du pouvoir. C’est juste en ce moment que les bases se sont posées pour la perfection d’une véritable culture nationale. Ce formidable exploit de la création littéraire en Italie fut d’ailleurs révélateur d’une personnalité collective qui explosait après une longue et douloureuse réclusion (et, par conséquent, exclusion du réseau international).

Revenons donc à la façon de Pascoli de nous attirer dans une espèce de guet-apens… qui ressemble beaucoup à celui que son père Ruggero subit le dix août 1867, un jour pas si lointain. Donc, ma chère Catherine, sommes-nous, tous les Italiens, héritiers d’une sorte de guet-apens originel ?

Oui, c’est possible.

Voilà, Catherine, tu comprends bien les raisons de ma réticence. Je voudrais néanmoins enlever le couvercle de cette marmite bouillonnante et expliquer — pour moi même en premier — les raisons vraisemblables de la mort du père de Pascoli comme point de départ et de déclenchement d’un monde poétique tout à fait particulier et typique aussi de notre histoire collective et individuelle. Car Pascoli nous ressemble. Il ne se présente pas comme un Petit Père, comme Puskin, par exemple. Il doit son génie à sa condition d’orphelin au milieu d’une famille nombreuse. Nous pourrions appeler Pascoli un Petit Oncle, ou l’ami de jeux de notre grand-père. En général, notre littérature est constellée de pères disparus ou alors de pères qui n’ont pas eu le temps nécessaire pour exercer leur rôle. À part la figure majeure d’Alessandro Manzoni, je vois surtout en Foscolo et Leopardi, comme en Verdi et, dans le siècle suivant, Antonio Gramsci, de véritables pères de la patrie qui ont exercé bien sûr une grande autorité culturelle. Mais c’était une autorité de plus en plus niée, contrastée, amoindrie. Entre eux, seulement Giuseppe Verdi a eu l’occasion — et la force — de recouvrir pleinement cette fonction.

carducci_02

Au temps de Pascoli, Giosuè Carducci (ci-dessus « photographié » sur la couverture d’un de nos plus glorieux hebdomadaires) fut bien sûr un grand homme, qui eut un rôle central dans l’évolution de notre langue et littérature, qu’au cours de son existence s’est aussi assez engagé dans cette lutte pour l’indépendance politique des Italiens qui fut une lutte terrible — restée longuement inachevée — pour l’indépendance et l’unité de la culture italienne. Carducci fut aussi un vice-père pour Pascoli. On parlera après, Catherine, de cette fulguration, tout à fait exceptionnelle, qui amena Carducci à se charger de la libération du jeune orphelin de Romagne. J’ai déjà traduit le récit de ce dernier lors de son premier voyage à Bologne, où, sans l’intervention de Carducci, il n’aurait jamais eu la subvention indispensable pour accéder aux études universitaires. Cependant, au-delà de son ambition de se proposer comme « vate » de la nouvelle Italie et de ses mérites indéniables — ce fut Carducci celui qui transmit au monde les lettres et le journal de Leopardi (Zibaldone), dont il cura personnellement l’édition —, il se configure à mon avis, lui aussi, comme un Petit Oncle.

Notre histoire est-elle donc constellée de pères morts de mort violente et de grands-pères écrasés par les injustices ? Je ne veux pas dire ça, mais certes on n’a jamais donné le sceptre à ceux qui ont fait le plus pour mon pays. Je ne veux pas parler de Garibaldi…

Mais voilà, Catherine, laissons aux visiteurs du blog leur curiosité intacte. Peut-être, en naviguant sur internet et, après, en consultant quelques bibliothèques, ils trouveront que j’ai tort, ou bien ils s’enthousiasmeront avec d’intéressantes trouvailles. Je reviens à toi avec ce petit constat : le père de Pascoli n’était pas un personnage mineur ni un homme insignifiant. D’abord, il avait participé, en 1849, à la République Romaine…

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni 1ère mise en ligne 7 janvier 2013 Dernière modification 7 janvier 2013.

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X août 1867 (Portrait d’une table n.7)

28 vendredi Déc 2012

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portrait d'une table

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X Août

Saint-Laurent, je le sais pourquoi tant
d’étoiles dans cet air tranquille
brûlent tombant, pourquoi tant
de larmes au creux du ciel scintillent.
Revenait l’hirondelle très directe :
fut tuée, sur le fer en cognant
elle avait dans son bec un insecte
le dîner de ses petits enfants.

À présent, crucifiée, elle tend
un petit ver vers le ciel si lointain.
son nid est dans l’ombre, qui attend
et piaille de plus en plus en vain.

Aussi l’homme, revenant à son nid,
fut tué : son pardon il rêvait
lui resta dans les yeux fixes un cri
deux poupées pour cadeau il portait.

Or là-bas, près de la tour antique
on l’attend, on l’attend, mais en vain
il ne bouge. Étourdi il indique
ses poupées au ciel lointain.

Et toi Ciel, d’en haut de tes mondes

rassurants, tu n’arrêtes ton bal
par tes larmes d’étoiles tu l’inondes
cet atome opaque du Mal !

Giovanni Pascoli, X Août, Myricæ 1891

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Chère Catherine,
Je laisse glisser cette poésie-clou (ou clé), publiée par Pascoli en 1891, dans laquelle on commence à comprendre le rôle de la mort du père Ruggero dans la vie et l’œuvre du poète. Un « incipit », marqué par une redoutable coïncidence. Le 10 août, en Romagne comme partout dans les zones tempérées de la planète, on profite de soirées assez agréables, où la chaleur cède généralement le pas à une légère brise nocturne et que le ciel, dégagé et immense, devient le théâtre d’une infinité de morts visibles. À chaque étoile qui glisse dans le noir, on exprime un désir, on souhaite quelque chose en secret. Mais on est intimement troublés. Car il n’y a rien de plus redoutable que la mort qui se passe dans le ciel. Une mort plus grande que la nôtre, une mort infinie.
Voilà, juste en ce jour « cardinal » dans le calendrier des cabales, des tarots et aussi du jeu du bouchon, très diffusé en Romagne, le père de Pascoli fut tué par un coup de fusil. Cela arriva le 1O août 1867. Exactement cent ans avant la mort de mon père. (Il n’est pas disparu en été, mais, nous quittant en novembre 1967, il s’est trouvé, lui aussi, victime d’un dessein impénétrable de la destinée ayant pour conséquence la rupture de l’équilibre familial, la brusque interruption des rêves, la disparition des étoiles.)

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Le 10 août est aussi le jour de Saint-Laurent, comme la poésie nous rappelle. Et je ne veux pas croire que ce soit une coïncidence le fait, tout à fait privé pour moi, d’habiter maintenant à côté de Saint-Laurent, ici à Paris, juste au moment où le destin m’amène à m’occuper de Pascoli. D’accord, je m’appelle Giovanni, comme Pascoli et mon grand-père. D’accord, j’ai parcouru moi aussi — en long et en large, plusieurs fois en divers moments de ma vie —, cet axe primordial, cette route appelée via Émilia entre Cesena et la mer qui passe à côté de Savignano, en frôlant le domaine des Torlonia…
Aujourd’hui, je n’ai pas envie de tout expliquer. D’ailleurs, j’ai parfois l’impression que le lecteur voudrait s’aventurer librement dans cette histoire de Pascoli, deviner tout seul les nuances et les contradictions entre ces vers rocambolesques et cette vie, que les tragédies et les chances heureuses ont frappée au hasard, sans aucune logique ou du moins sans une logique apparente.
En plus, je me demande si Pascoli serait content d’un excès de précisions, ou bien s’il ne se retournerait pas dans sa tombe, agacé par notre curiosité tardive. Et mon grand-père aussi. Cependant, je suis resté surpris en traduisant la poésie ci-dessus, où les noms des lieux ou des animaux ou des petites choses résonnent dans la langue de Dante de façon assez différente que dans celle de La Fontaine… Surtout dans Pascoli, où la langue italienne parfois flotte dans un bouillon primordial, se mêlant continûment au latin et au dialecte. Je croyais impossible d’en sortir.
Cela m’a fait penser aux ratures de ma tante Maria — une autre Maria, n’ayant aucune parenté avec la cousine cadette de Zvanì —, que j’avais baptisée « la tante au lit » pour son attitude « horizontale ». Elle n’était pas belle et se jugeait inexistante, peut-être. Elle tremblait de peur. Pourtant un sourire traversait parfois son regard douloureux. Elle cachait au-dessous du matelas un tas de feuilles que ne voulais pas me lire.
Cependant, mon autre tante, Augusta, que j’appelais « la tante à la jambe nerveuse », était bibliothécaire. Elle niait, mais je savais qu’elle gardait tout, même les cafards morts. Lors de sa disparition, puisqu’aucun des représentants de sa génération n’avait survécu, je pris solennellement les clés de sa cave et, aidé par un neveu au physique costaud, je forçai les tiroirs du secrétaire qui avait été l’orgueil de mon grand-père maternel, Alfredo…
Excuse-moi Catherine de cette digression, mais c’est aussi en réponse à ce que tu m’avais dit au téléphone… Tu m’exhortais à exploiter aussi ma mémoire personnelle, pour laisser une trace… Je crois d’ailleurs que je ne serai pas capable d’avancer tout seul dans cette maison sombre des « portraits perdus ». Mais je viens tout de suite au point. Dans le secrétaire Augusta avait tout enfoncé sans aucun soin philologique. J’empruntai quand même ces fameux « papiers de Maria » qui n’étaient à vrai dire ni lettres ni journaux, ni de véritables poésies. Tout semblait interrompu, tout raté de ce temps infini qu’elle avait gagné par son exclusion du monde. Mais… en prenant au hasard d’abord une feuille puis l’autre, malgré cette calligraphie émiettée et ces ratures sauvages, en recopiant… tout était clair, comme une partition de Mozart ressuscitée d’un tremblement de terre…
Cette poésie de Pascoli m’a fait le même effet. On dirait que la traduction, au contraire de ce que j’avais prévu, rend le sens de l’œuvre plus clair…

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Au temps du lycée, dans ma hâte de vivre et me soustraire à la constriction de cette institution usée, de me dérober aux misérables contraintes de l’apprentissage de page à page…
Nous avons à peu près le même âge, Catherine. Donc, lorsque tu étudiais Montaigne et La Fontaine, moi j’entendais parler de l’Arioste et du Tasse et, après, au moment de ton Victor Hugo et de ton Rimbaud… Giovanni Pascoli était pour moi, bien sûr, le nouveau Virgile, le connaisseur de la langue latine comme personne ne l’était de son temps.
Ensuite, je découvris qu’il avait été le premier poète moderne, auquel Eugenio Montale, Italo Svevo et Dino Buzzati entre autres se sont ensuite inspirés. Un grand ennemi de la rhétorique et de la violence, très proche de la sensibilité de Pier Paolo Pasolini. Tout comme ce dernier, Pascoli n’a jamais caché l’évènement qui a fait déclencher sinon exploser son génie en lui donnant une voix merveilleuse.
Le dix août 1867, il n’avait que douze ans, lorsque son père, Ruggero, fut tué par un coup de fusil tandis qu’il rentrait en charrette de Cesena dans la route Émilia, juste à deux kilomètres de la Tour de San Mauro, propriété de la richissime famille romaine des Torlonia, où la famille Pascoli habitait depuis cinq ans.

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« Ô ma jument, jument désemparée, / toi tu portais celui qui ne revient pas… »

Je pourrais très bien te raconter dans les détails cette terrible histoire, dont les contours se sont précisés — au cours des 145 ans qui dès lors jusqu’ici se sont écoulés — grâce à des témoignages et de preuves qu’on a discutées très récemment, dans un procès a posteriori dicté par une sincère soif de justice en plus d’un peu de cynisme culturel.
Pour moi, ce qui est le plus intéressant, ce n’est pas la vérité qu’on connaît maintenant, mais plutôt la vérité qui a servi de douloureuse inspiration pour le premier grand poète de l’Italie réunie. Et voilà, Catherine, ce que raconte Maria, la plus petite des sœurs de Pascoli, qui au moment de la mort du père n’avait que deux ans. Son récit s’appelle « La cavallina storna » comme la fameuse poésie de Pascoli qu’on apprenait par cœur à l’école. En français, j’ose traduire ce titre en

« La jument désemparée ».

« La Tour, écrit Maria, est un vaste domaine avec un Palais princier doué alors d’une grande écurie. Là-bas était aussi la jument désemparée (dont parle mon frère dans la fameuse poésie). Elle était née près de Ravenne, “parmi les pins de cette plage salée” ; elle était fougueuse et à peine amadouée et ne se laissait pas conduire que de notre père. Depuis ce jour fatal, comme si elle était consciente de tout, docilement elle obéissait au fils aîné Giacomo, délicat comme une fille, âgé alors de quinze ans.
Je rapporte ici quelques mots, pour un peu d’histoire, d’un illustre homme de Romagne récemment disparu, Gino Vendemini, que j’extrais d’un cher bouquin “Aegri somnia” édité par l’établissement typographique de Romagne, Forlì 1908.
“En fin d’après-midi du 10 août 1867, tandis que je me promenais au dehors du pays (Savignano) avec monsieur Giuliano Cacciaguerra, mon concitoyen et ami, et qu’on était en face de la Villa Rasponi, nous distinguâmes une voiture venant vers nous du côté du Compito. Elle avançait toute à l’oblique en dessinant une couleuvre, comme si le cheval avait été abandonné et qu’il n’obéissait plus au conducteur. Nous nous écartâmes tout de suite d’un côté. Je notai alors que dans la charrette à la capote levée, il y avait un homme apparemment dans l’attitude d’une personne endormie, à laquelle eussent échappées de main les brides. Je ne vis plus que cela et je ne le reconnus pas : je ne sais pas si mon copain l’avait reconnu ; mais, nous hurlâmes tous les deux de toute notre voix pour que ces gens debout, regroupés à l’embouchure du bourg, arrêtent cet étrange véhicule. Puisque le cheval avait été arrêté, nous revînmes en arrière lorsqu’on avait déjà recouvert le cadavre d’un linceul, grâce à la pitié de quelqu’un, je pense de la famille Bersani. Tout le monde l’avait constaté. Ce cadavre, que j’avais cru celui d’un dormeur, n’était que le pauvre monsieur Ruggero Pascoli, administrateur du domaine ‘La Tour’. On sut depuis que l’assassin, resté inconnu, du moins aux autorités, tapi en chasse dans le fossé près de Gualdo avait attendu sa victime tandis qu’elle rentrait du marché de Cesena, et l’avait prise au vol par une fusillade. Pourquoi tuèrent-ils cet homme qui n’avait fait de mal à personne, en laissant une nichée d’enfants sans guide et sans fortune ?” Notre mère avait son suspect et en interrogeait la jument. “Ai-je besoin” (ainsi l’auteur dans les notes aux Chants de Castelvecchio) “pour certaines poésies” (et il nomme entre elles la “Jument désemparée”) “de répéter à la lectrice et au lecteur qu’il y a des choses qu’on ne peut pas inventer ? En ces souvenirs, comme en d’autres, tout est vrai. Donc, ces poésies ce n’est pas moi qui les ai faites : je n’ai fait (et pas toujours bien) que les vers”.

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Giovanni Pascoli jeune

Après cette lecture, chère Catherine, nous sommes bel et bien introduits dans un monde étrange, où la vie et la mort se côtoient continûment. Tu vois d’une part la lumière devant la tour qui d’un coup ressemble au parvis de l’église de Saint-Laurent le dimanche matin. Les victimes innocentes sont là, autour de la jument qui n’a pas le don de la parole. De l’autre part un homme noir est tapi derrière le buisson noir. C’est un assassin, un chasseur qui ne voit aucune différence entre les espèces animales…
Mais je dois m’interrompre ici. Le récit du X août 1867 va continuer encore, se liant au retour à Sogliano de Pascoli, couronné par l’excellence de ses études de lettres à Bologne, en 1882. Moment crucial de la vie glorieuse et pénible du poète, que je développerai dans le prochain volet, j’espère avant la fin de cette année apocalyptique. Pour le moment, je te laisse avec une drôle devinette que j’ai inventé pour toi :

1855-1867
Romagne ensoleillée
Berceau de bonté.
Une longue famille,
À l’abri d’une coquille.

X Août 1867
Jument, fusil et charrette,
Surprise immonde, aucune enquête.
Étoiles angoissantes,
En août, ô tombantes.
Charrette sans brides,
Cadavre morbide.

1873
Par un babbo-frère
On sort de misère.
Par un Juste Maître
On rentre par la fenêtre.

1875-1879
Loin de la famille
Toute passion fourmille.

1879-1882
Naïf mais déplacé,
Reniement obligé.

1882
Hirondelle meurtrie
Revenante à son nid.

1885-1912
Par médailles et maisons
Se suicide un garçon.

Moi, je ne me suicide pas ! Je t’embrasse avec l’élan typique des gens de Romagne.

Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni 1ère mise en ligne 28 décembre 2012 Dernière modification 15 janvier 2013.

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Ce(tte) œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 3.0 non transposé.

Dolce vita 1912/2 (Portrait d’une table n. 6)

21 vendredi Déc 2012

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portrait d'une table

001_giardinetta cesena

Photo : Collection Frères Merloni. Reproduction interdite

Chère Catherine,

mon père, conduisant de façon magistrale la Fiat giardinetta, nous emmenait à la fin des années cinquante à « connaître la Romagne ». On partait à sept heures du matin et l’on arrivait à Cesena à sept heures du soir, en cette ville qui nous paraissait petite, pourtant insaisissable, pleine de parfums, d’odeurs, de voix chaudes et accueillantes…

Jusqu’ici, Catherine, je ne t’ai parlé que de paysages et de figures de quelque façon exemplaires. De noms et de lieux qui ont résonné depuis toujours dans mon cœur, à commencer par ce grand-père que je n’ai pas connu, car il a disparu neuf ans avant ma naissance. Et de ce qui restait de son monde, aussi : le vieil appartement de sa cousine de Cesena, mélangé toujours dans ma mémoire à leur maison de Sogliano. Et, tu peux bien le comprendre, dans notre affection d’enfants, dans notre désir inconscient de fixer là nos racines, ce choix dépend aussi, peut-être, de cette jeune femme que tu vois ci-dessous, photographiée par mon père, tandis qu’elle est assise sur le bord d’une fontaine de Villa Borghèse, à Rome…

001_teresa di sogliano

Photo : Collection Frères Merloni. Reproduction interdite

Elle s’appelle T… Je ne dirais pas le nom entier. J’imagine qu’elle habite encore, en haut dans le vieux pays de Sogliano, juste à côté du couvent des sœurs Carmélitaines. Je ne la vois plus, pourtant, depuis ma première adolescence. Elle s’occupait de mes deux frères et de moi, par un enthousiasme physique qui nous emportait comme une vague d’amour. D’ailleurs, elle fut une des premières d’une longue liste de vice-mères. C’était elle qui chantait dans la cour noire de charbon de notre ancienne maison à côté de piazza Fiume :

« Ça m’est égal à moi
Si je suis moche
Car mon amour à moi est boulanger
Et qu’il va me façonner
Comme une brioche ! »

Ce fut elle qui me demanda un jour si je préférais Marilyn ou Gina Lollobrigida, avant d’éclater de rire à ma réponse : « Je n’aime que toi et je veux t’épouser ! »

Mais, Catherine, je t’avoue que je n’ai pas le courage de parler davantage de ma mère, d’en faire un portrait fidèle… Pour le moment, j’arrête là. Et je m’excuse avec toi de cette ouverture « enfantine ». Maintenant cela m’arrive comme un réflexe spontané, peut-être à cause de cette promiscuité avec Giovanni Pascoli. D’ailleurs, tu connais bien sa théorie du « fanciullino », le « petit enfant » qui est en nous et hante la poésie jusqu’à la vieillesse : « On ne cherche pas l’enfance, on désire y retourner. Car il est beau d’être jeunes, mais rajeunir, c’est infiniment mieux. »

Oui, Giovanni Pascoli. Tu me demandais, hier, le pourquoi de son introduction arbitraire et forcée dans mon enquête tout à fait particulière. D’accord, je ne sais pas si Pascoli n’a jamais rencontré mon grand-père Zvanì. Pourtant, leurs vies se croisent continûment, du moins dans ma tête. Pas seulement pour le fait d’avoir le même nom et qu’on les appelait tous les deux, dans l’intimité familiale, Zvanì. Si je suivais le conseil de gens grossiers et superficiels, je me passerais de Pascoli et je raconterais à tout le monde qu’il n’y a qu’un seul Zvanì, celui qui trône dans la table qu’on vient de débarrasser. Mais toi, Catherine ! Tu n’accepterais pas qu’on occulte une voix majeure, voltigeant de toute évidence sur les lèvres et les yeux émus de ces commensaux que la photo surprend scandaleusement ! J’en suis sûr. Zvanì vient de réciter avec fougue ces derniers vers :

« … Et toi, ciel ! D’en haut de tes mondes,
Rassurant, tu n’arrêtes ton bal
Par tes larmes d’étoiles, tu inondes
Cet atome opaque du Mal ! »
Giovanni Pascoli, X Août, Myricæ, 1891.

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Photo : Collection Frères Merloni. Reproduction interdite

Donc je le ferai aussi pour toi, Catherine, car j’ai bien compris qu’hier tu désirais surtout que je trouvais une bonne raison pour admettre Pascoli à cette fameuse table… De ton côté, tu avais déjà décidé. Et alors, voyons, comment faire pour les distinguer ? Tu me proposes d’appeler dorénavant Pascoli avec son nom de famille, tout court, et l’autre tout simplement Zvanì. D’ailleurs, il faut choisir entre deux contradictions : Pascoli s’exile volontairement dans le « nid familial » avec ses responsabilités, entretenant ainsi son esprit « enfantin » à l’abri de toutes contaminations, tandis que Zvanì se révèle parfois moins sage, puisqu’au nom de son « nid idéal » il est obligé à gaspiller ses énergies, comme on verra, dans l’action quotidienne et l’art de l’improvisation dont les deux métiers de journaliste et d’homme politique ne peuvent pas se passer.

Alors, je crois que Pascoli est un bon mot-clé pour évoquer en un seul déclic une Romagne poétique douée, au fond, d’une substance paysanne très concrète et ouverte au progrès de l’humanité, et que le tag Zvanì évoque plutôt une Romagne urbaine, plus hardie et confiante dans les prodiges du progrès, qui contient pourtant une âme profondément sensible et poétique.

Voilà. Pascoli et Zvanì avaient tous les deux un amour profond pour ce triangle de Romagne — entre Cesena, Savignano e Sogliano sul Rubicone —, qui était leur patrie.

Certes, entre les deux personnages il y avait la différence d’âge : Pascoli entame ses cours universitaires en 1873, lorsque Zvanì vient juste de naître. Ensuite, lorsqu’en 1879 Pascoli, à Bologne, est arrêté pour avoir critiqué la condamnation à mort — mutée depuis en réclusion à perpétuité — de l’anarchiste Giovanni Passannante, responsable de l’attentat au roi Umberto I, Zvanì n’avait que six ans. C’était dans la phase conclusive des années (entre 1875 et 1879) où Pascoli n’avait pas pu fréquenter l’université pour manque de subventions et qu’il avait traîné en jeune homme fat et désœuvré — comme un « vitellone » à la Fellini, dans ce déracinement typique de beaucoup d’étudiants hors cours — ; des années dans lesquelles les idées d’Andrea Costa, son compagnon d’études, avaient exercé une énorme prise sur lui. Cependant, Pascoli était dévoué aussi, même plus, à son maître et dieu tutélaire, Giosuè Carducci, dont il subissait une triple influence. D’abord l’exemple du professeur émérite ; ensuite l’échange continu avec le poète-clou du deuxième Risorgimento ; enfin le lourd poids de la confrontation avec l’intellectuel engagé — d’une façon semblable à celle de Victor Hugo — en des rangs qu’on considérerait aujourd’hui comme orientés à gauche, avant de s’en éloigner à reculons. L’Histoire nous rapporte bien sûr l’importance objective d’Andrea Costa et de l’anarchisme ouvert vers le socialisme, lors des premières années, très difficiles, de l’unité d’Italie et du déplacement de la capitale à Rome. Pourtant, il n’y avait pas encore, au temps de l’arrestation de Pascoli, en 1879, une gauche organisée dans l’esprit d’une démocratie parlementaire classique.

Quelques ans depuis, en 1892, ce fut Filippo Turati, un socialiste réformiste et modéré, qui eut la force et le mérite de fonder le parti des travailleurs italiens, qui devint ensuite le Parti socialiste italien.

Après, avec les évènements de 1898 — marqués par les répressions du ministre Pelloux, l’incarcération de Filippo Turati et le mouvement de solidarité qui se déclencha autour de lui —, les convictions politiques de Zvanì trouvèrent un contexte pour se structurer solidement. Ce fut en fait en cette année 1898 que Zvanì — âgé alors de vingt-cinq ans —, vivement inspiré aux idéaux d’Andrea Costa et Filippo Turati, fut arrêté à sa fois pour avoir, dans un discours public, provoqué une bagarre entre les socialistes et les anarchistes.

Tu vois, Catherine, les vies des deux Giovanni se rapprochent. On dirait, Pascoli a ralenti son rythme dans les études pour attendre que son cadet le rejoignît ! Mais que faisait-il, Pascoli, tandis que Zvanì était maltraité par les gendarmes qui le poussaient brusquement dans les rues de Savignano, au-dessous des fenêtres de son oncle, les chaînes aux pouls ? Le poète, même s’il venait juste de rentrer dans une perspective de reflux dans le privé et de dévouement absolu à la littérature, garde toujours son irréductible sentiment de pitié pour les gens en détresse, un penchant secret et même inconscient pour son propre socialisme humanitaire des années soixante-dix :

« Elle l’a gardé pour toi, rien
que pour toi, pauvre ange ; et voilà !
Oh larmes !
Le vois-tu ? Un quignon sec.
Sur sa litière, elle mourait ;
toi, bambin, sûr, tu dormais
Que de larmes ! Que de faim !
Et pourtant un quignon dur ça restait… »
Giovanni Pascoli, Le quignon, 1898.

Peut-être, Catherine, Zvanì n’avait qu’un quignon sec et dur à grignoter sur le train de sa fuite à Paris et Londres, qui lui permit de se dérober à la condamnation et à la galère et y attendre l’amnistie…

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Photo : Collection Frères Merloni. Reproduction interdite

Ce sont bien sûr deux vies qui prirent, en deux moments historiques de quelque façon comparables, des voies complètement différentes, Pascoli se consacrant entièrement à la poésie intime, tandis que Zvanì se jetait corps et âme dans la mêlée des luttes politiques et sociales.

Mais, ces deux hommes sensibles et bons eurent surtout en commun l’expérience de la mort précoce du père.

Orphelin à douze ans, Pascoli dut subir une série de disparitions familiales en chaîne — d’abord sa mère Caterina et sa sœur Margherita, ensuite son frère Luigi. Enfin son frère Giacomo, celui qui s’était chargé du rôle de babbo-frère. Le jeune poète, sensible et fort doué, se sauvera grâce a son intelligence et aux succès dans les études, et s’occupera toujours de ses sœurs cadettes Ida et Maria et des frères survécus, Raffaele et Giuseppe.

Ensuite, tout au long de sa vie constellée de morts dans sa famille, il sera toujours partagé entre la non-acceptation de ces pertes et le besoin d’entretenir un dialogue constant avec ces personnages bien aimés, n’ayant eux aussi aucune intention de se séparer de lui. Il conduira enfin une existence contrariée et coupée en deux, en restant un jeune souffrant :

 …Hirondelles tardives, depuis ce nid
Tous, tous émigrâmes un jour de galère
Moi, ma patrie elle est où que je vis
Les autres sont pas loin ; au cimetière…
Giovanni Pascoli, Romagne, Myricæ, 1891.

La même destinée tragique toucha Zvanì. Son père garibaldien, Raffaele, était peut-être moins à l’aise que Ruggero Pascoli. Cependant, très lié à sa femme et ses enfant, il leur offrait quand même de quoi vivre et envisager aussi d’autres possibilités en dehors du travail d’artisan ou ouvrier à la ville ou de paysan à la campagne. Il mourut brusquement, on ne sait pas si de péritonite ou empoisonné, du jour au lendemain, coupant la famille en deux. Je garde ses touchantes lettres à Cleta comme je garderai mon soupir, le plus frais et secret. La mort du père obligea Zvanì à devenir homme à neuf ans. D’ailleurs il était l’unique mâle de la « nichée »  dont faisaient part Bianca, Guerrina et Marcellina.

Ensuite, tout en acceptant, même avec élan et générosité, de se sacrifier pour la famille et, disons, pour les autres, sans renoncer à réaliser son rêve primordial, il accumula, avec le sentiment sombre de la mort, toujours à côté, une angoisse souterraine venant peut-être de la conscience de n’avoir pas la possibilité, dans le temps inévitablement bref de sa vie, d’affirmer franchement, à la lumière du soleil, son esprit authentique et intime.

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Photo : Collection Frères Merloni. Reproduction interdite

C’était donc celui-là, Pascoli, l’argument de la discussion interrompue par le photographe ? Parlaient-ils, les dix commensaux — onze si considérons aussi le cameraman — de la mort du poète, arrivée à Bologne le 6 avril 1912 ? Est-ce que babbo Zvanì était-il en train d’évoquer les veillées qui se déroulaient dans les étables des pauvres maisons de campagne, où plusieurs familles, réchauffées par le bétail, se recueillaient autour d’un conteur, pour parler de mystérieuses histoires d’amour mais aussi, plus souvent, de tueries restées impunies ? Est-ce que je me suis trompé encore une fois, en scrutant la photo, et que la soirée se déroule justement en 1912, de nos mêmes jours de décembre, une semaine avant Noël ? Oui, cela est possible. Cet homme qui vient d’accrocher son chapeau au clou et qui commence à nous habituer à son front nu, à sa tête chauve, Zvanì, il était alors en pleine activité. Suite à son fort engagement politique, on l’avait chargé de voyager en long et en large pour affirmer le droit de vote pour tous. Le suffrage universel ! Partant de cette nouvelle hypothèse, j’ai examiné d’autres photos et ressemblances, et j’ai enfin compris que nous avons affaire avec…

Les premier deux personnages à gauche sont bien sûr respectivement la tante Virginia et l’oncle Luigi (il était né en 1858, donc dans cette photo il avait 54 ans) frère de mon arrière-grand-mère Cleta (née en 1845, âgée alors de 67 ans et apparemment souffrante) tandis que la troisième figure (qui n’est pas ma grand-mère Mimì) est pour sûr la cousine cadette de mon grand-père : Maria !

Mais, de qui parlent-ils, ma chère Catherine ? Est-ce que tu le devines ?

Ciao, je t’embrasse…

Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni 1ère mise en ligne 21 décembre 2012 Dernière modification 21 décemnbre 2012.

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Dolce vita 1912/1 (Portrait d’une table n. 5)

19 mercredi Déc 2012

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits

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portrait d'une table

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Chère Catherine,
Nous sommes à l’époque des « mots de passe » et des « mots-clés », appelés dans le sombre et métallo-pratique langage américain « password » et « tag ». (Entre parenthèses, si je pense qu’en Italie on n’a pas cherché dans notre propre langue des mots pour rendre acceptables de tels phénomènes inquiétants de notre quotidien, je me réjouis de m’être réfugié ici, où…) Je serais curieux de savoir s’il y a enfin une véritable différence entre le « mot de passe » — expression qui me fait tout de suite rêver à un échange de prisonniers sur un pont bourré de fils barbelés, ou bien à cet « ouvre-toi Sésame » du conte de l’enfance —, et le « mot-clé, » qui ressemble beaucoup au « lien » (« link » en anglais), qui me suggère au contraire des visions agréables et rassurantes. Dans mon esprit, le mot de passe n’a qu’une fonction, celle d’ouvrir une porte pour « entrer » (dans un cœur, ou dans un coffre-fort plein de médailles d’or), tandis que le mot-clé ouvre une porte pour sortir et arriver, à la vitesse d’un seul souffle, dans d’autres mondes (villes, campagnes, collines, personnes, histoires). Le mot de passe est donc un robinet, tandis que le mot-clé est une catapulte.
Mais, écoute Catherine, je dois tout de suite m’interrompre et faire attention, évitant de glisser dans une série d’arguments en chaîne qui apporteraient une redoutable digression dans mes propos.
Oui, c’est vrai, on est toujours obligé de rattraper quelque chose qui nous échappe. L’exposition de Raphaël au Louvre, par exemple ; le spectacle de Jean-Gabriel Vidal, cette Médée d’Anouilh qui doit être très intéressante et bien jouée ; la rencontre à la librairie Gallimard avec Michel Butor… Et ce bistrot dont nous a parlé Jean-François Marsat-Subrini, à Montmartre où, tous les premiers jeudis du mois, se rassemblent des poètes pour se lire réciproquement leurs vers ! Je le sais, Catherine, nous ne sommes que des spectateurs, indispensables pour remplir la salle Pleyel ou le bar Miroglio, mais rien que des échos insignifiants vis-à-vis de ce qui se passe devant nous…

Que ferions-nous, d’ailleurs, si on revenait en arrière, au temps des charrettes et des bandits tapis derrière les buissons, prêts à nous empêcher le passage ou la vie ? Je préfère cette anxiété du rattrapage infini… même si je ne sais plus quoi nous devons rattraper. Et j’accepte aussi, stoïquement, ce sentiment de culpabilité qui accompagne toujours les rares moments de béatitude…
Donc, faisons un pacte. On met de côté tous les aspects gênants de la modernité, on décide d’en emprunter que la positivité. Une modernité en rose, voilà. Après, une fois refermé ce chapitre sous une stèle de travertin envahie de fleurs — évitant de se donner une raison précise pour le choix du travertin au lieu de la pierre de Bourgogne —, nous trouverons bien sûr le temps de rattraper l’équilibre perdu…
Revenons alors aux mots clés et aux mots de passe qui peuvent nous aider à entrer et sortir avec un seul déclic de ce monde mort et pourtant vivant, dont on parle depuis quelques jours désormais, qui sont là, dans cette photo et derrière elle…

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Même si personne ne m’oblige de le faire, je veux bien parler de mon grand-père Zvanì, ce monsieur sur le côté droit de la photo dont je connais tout et je ne sais rien, mais aussi de ces gens bien vivants qui l’entourent et de ce monde disparu qu’évoquent ces pauvres meubles et cette lumière à mi-chemin entre le rouge terne et le jaune foncé…
Non, Catherine, je ne veux pas recommencer « da capo », comme aurait fait Louis Buñuel dans « L’Ange exterminateur », où tout s’arrête. Là, les gens ne réussissaient plus à sortir, d’abord d’un grand appartement bourgeois, ensuite d’une église. Ici, ces dix personnages pris au vol dans le flux inconscient de leur rencontre risqueraient de ne plus sortir de cette photo instantanée. Pire que le tombeau. Pire que l’affiche de Che Guevara ou l’icône votive que j’empoche hâtivement lorsque je traverse le parvis de Saint-Laurent. D’ailleurs, je ressentis cette photo comme un tableau vivant et même impatient de dialoguer… Ce n’est donc pas la peine de répéter une sorte de scénario figé dans le temps comme aurait fait Luchino Visconti dans « Le guépard » où même Fellini dans « Amarcord »…
Voilà, j’y suis. J’ai pour toi le premier « mot-clé » qui est aussi un « mot d’ordre ». C’est la « Romagne solatìa », la Romagne ensoleillée.
Cela nous évoque tout de suite, encore une fois, le mot redoutable « tag » (trop ressemblant, hélas, à « goulag ») qui toutefois ouvre aussi la porte au « lien », à la musique d’une image consolatrice :

…Romagne ensoleillée, tendre pays
Où Guidi et Malatesta dominaient
Saisie aussi par le Passeur hardi
Roi de la route, roi de la forêt

(Giovanni Pascoli, Romagna, Myricæ 1891)

Dans le quatrain ci-dessus, à côté de la Romagne « solatìa/ensoleillée », « dolce/tendre », je trouve aussi une autre expression, un peu usée désormais, qui a eu pourtant, pendant plus qu’un siècle, une forte attraction symbolique : c’est le Passator « cortese/courtois » — que j’ai traduit pour exigence de rime « hardi » —, un personnage qui faisait peur dans une période très difficile pour la Romagne, à mi-chemin entre le Sparafucile de Verdi, brigand de route tout à fait isolé et le chef d’une organisation de malfaiteurs à plus vaste rayon. En ajoutant cet adjectif « cortese/courtois/hardi », Pascoli exorcisait les menaces dont le Passatore était porteur, en le peignant comme une espèce de Robin Hood et aussi un masque du folklore local de Romagne.

Cela correspondait aussi à la culture populaire, au « bon sens » paysan, à la « bonhomie » du peuple de cette région toujours destinée à subir des « passages » et des « passeurs ». La boutade, le sobriquet et aussi la cooptation dans la société, au lieu de l’exclusion, ce sont évidemment des formes intelligentes pour récupérer le plus que possible ceux qui traînent dans des situations « borderline » entre le bien et le mal.

De là aussi la grande fortune de Pascoli (comme de Verdi ou Puccini) pour la force symbolique de certaines expressions, devenues d’emblée mots d’ordre aidant à mobiliser une entière société vers un but, un sentiment, une idée partagée.

Peut-être, dans ce pays énormément piégé par la censure, l’obscurantisme et les profondes divisions culturelles et sociales, où jusqu’à la Seconde Guerre les taux d’analphabétisme étaient encore très élevés, la poésie — comme la chanson ou les « arie » de la comédie musicale à l’italienne — avait beaucoup plus de chances que le roman que d’être entendue et propagée à travers des bouches à oreilles tout à fait « unitaires ».

J’approfondirai dans un prochain billet ce thème de l’importance de la poésie dans l’Italie du XIXe et du début de XXe siècle, soit pour comprendre, en ce contexte, la valeur de Pascoli — encore à découvrir et fouiller davantage —, soit pour situer mieux sa poésie dans le panorama européen, en essayant surtout de comprendre les différences et les affinités vis-à-vis de la France.

D’ailleurs, ma chère Catherine, cette Romagne « solatìa/ensoleillée » de Pascoli est le berceau naturel de la « dolce vita » — deuxième mot-clé, qu’on pourrait traduire provisoirement en « tendre vie, fragile et sans souci » — que bien sûr Fellini a fait éclater dans la paresse ministérielle de Rome, mais qui est pourtant une descendante directe de la force évocatrice et symbolique de la plume de ce grand poète :

…si j’étais là-haut garçon
en terre d’autrui, d’un pauvre patron ;
et pourtant je jouissais, au Soleil, à la Lune
de la « tendre vie », dont chacun n’en a qu’une…

(Giovanni Pascoli, Poèmes conviviaux, Les Memnonides, VII, 1904-1905)

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Le troisième mot-clé est « babbo », que dans mon imaginaire je ne pourrai jamais séparer du mot « chapeau », au point que les deux mots, pour moi, partagent le même abri, celui de « babbo au chapeau ».

Je sais que c’est immédiat pour toi, Catherine, de saisir le sens de ces mots. Toi, tu connais l’Italie en profondeur et ne te fais pas embobiner par les infinis clichés qu’on accroche à ce malheureux pays ; des clichés crées par les Italiens en premiers, alimentés aussi avec de trucs et de machins licites ou illicites.

Donc, tu es d’accord, « dolce vita » ne peut pas se traduire « douce vie ». Ce n’est pas exactement le même que « douce France » ! Peut-être, devrait-on essayer avec « moelleuse vie » ou « douillette vie ». Mais, un traducteur honnête en sera toujours insatisfait. Ainsi pour « babbo col cappello », car le mot « babbo » ne ressemble pas trop au mot « papa ». D’ailleurs, même en Italie, une ligne invisible d’incompréhension réciproque sépare ceux qui disent « babbo » (en Émilie-Romagne et en Toscane) de ceux qui disent « papà ».

Je crois qu’en France on a moins de familiarité avec le mot italien « babbo » qu’avec le mot russe « babuska », qui signifie « foulard », mais aussi « vieille paysanne » voire « vieille mère avec le foulard ». Avec tout ce que je viens de dire, cela peut d’ailleurs m’offrir un escamotage : en disant dorénavant « babbo » je pourrai bien évoquer un « papa au chapeau » ainsi qu’en disant tout simplement « Romagne » j’évoquerai une « Romagne toujours ensoleillée ». Quant à la « dolce vita », je garderai dorénavant cette expression, d’ailleurs presque intraduisible, dans sa forme connue et déjà évocatrice de merveilles pour un nombre très élevé de personnes…

Mais, je garde aussi le souffle pour la prochaine lettre !

À très bientôt, mon amie !

Giovanni Merloni

 

La rupture (Portrait d’une table n. 4)

11 mardi Déc 2012

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits

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portrait d'une table

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Rupture. En observant cette nappe jaunie, qui transforme la table de restaurant en catafalque, on pense tout de suite à une rupture. Une sensation d’attente enivre l’air en deçà du parapet orange. Le poteau même de l’illumination urbaine en est concerné, que le peintre pourrait avoir ajouté, dans un souci de modernité, en un remaniement successif à la date de ce « portrait d’une rupture ». On peut aussi imaginer le garçon du bar en train de questionner son patron. Que s’est-il passé ? Pourquoi une seule chaise ? Est-ce qu’il y avait, figée dans l’effort de retenir les larmes, une jolie dame au petit chien ? Maintenant qu’elle a disparu, la mer affiche sa sourde hostilité. À l’en juger du mouvement des petits arbres de l’établissement balnéaire, qui semblent répéter plusieurs fois « non » pour souligner leur irritation, cette rupture touche peut-être des tabous familiaux, des intérêts, des anciennes fêlures qui sont revenues à la surface.

Maintenant que la table est vide, dans l’attente d’un nouveau client, le garçon se demande si c’était le grand poète Giovanni Pascoli l’homme à la silhouette arrondie qui a abandonné brusquement la terrasse.

Nous sommes probablement à Bellaria, une plage proche de San Mauro de Romagna, le pays où Giovanni Pascoli est né en 1855. Le jeune poète, que ses sœurs et les amis de Bologne appellent Zvanì, est en train d’enfoncer ses chaussures noires dans le sable fin tout en essayant d’empêcher le chapeau de s’envoler. Et maintenant, il cause directement avec la mer de Bellaria, qui apparemment, contrariée et nerveuse, ne lui prête pas attention. En même temps, il est occupé par la lecture d’une lettre qu’il vient d’écrire, qu’il livrera ce soir à sa sœur Maria : « Nous sommes tellement lointains ! Et je ne peux donner à mes lettres ni les ailes ni la chaleur de mon affection pour toi, douce sœur. Je ne puis pas attendre non plus, pour celle-ci, l’accueil joyeux que tu auras, magnanime, envers des lettres qui ne viendront pas d’un frère ; pourquoi (laisse moi la chance de faire transparaître un peu de ma douleur au milieu de ta joie), pourquoi, peux-tu m’aimer seulement de la façon dont tu aimes une de tes camarades du collège ? C’est une de mes tristes pensées, durant de jours et de nuits, que ni vos baisers, ni vos paroles ou vos lettres n’ont pas pu détruire en moi ».

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Chère Catherine,

Je suis en train de combattre avec les vers de Giovanni Pascoli, très grand poète italien du XIXe, mort en 1912, justement à la veille du dîner de Sogliano dont je suis en train d’esquisser un portrait qui se révèle moins facile que je ne l’avais pu imaginer au début. Je m’efforce de traduire ce poète dans la langue française, mais cela est très difficile, sinon pratiquement impossible. En fait, je voudrais être capable de traduire pour les Français au moins la vie de cet homme aussi intéressant que compliqué, aimé certes par les spécialistes qui se sont aperçus de son extraordinaire modernité, mais peu connu par le grand public. J’aimerais être capable de promouvoir ce « déménagement » qui pourrait aider aussi à la compréhension d’une époque très peu connue de l’Histoire d’Italie. Pour moi, Pascoli s’est soudain révélé mon unique Virgile possible, mon compagnon de route dans cette descente à l’Enfer de mon arbre généalogique. Et cela pour les multiples suggestions qui me procurent sa vision « universelle » et pas du tout « dialectale » de la Romagne et son incroyable affinité, en termes de sensibilité et de vie, avec mon grand-père.

Cette « histoire de Pascoli » m’intrigue aussi pour une autre raison. Si tu te souviens de la nouvelle « L’avalanche » et de son esprit rebelle, là il y avait un couvent de sœurs catholiques renfermées (suore di clausura en italien). Or, en 1882, Pascoli passa dix jours chez une tante à Sogliano sur le Rubicone où il rencontra, pour la première fois depuis neuf ans, ses deux sœurs Ida et Maria qui, après la mort du père (1867) et la décimation de la famille, avaient passé des années dans le couvent de Sogliano dont une certaine Virginia était l’abbesse.

(Dans le récit de la sœur la plus dévouée de Pascoli, Maria, j’ai trouvé deux passages très intéressants sur leur vie dans le couvent. Le même couvent ou X, un de personnages de l’Avalanche se faufila, une nuit…)

Lorsqu’il arrive à Sogliano, Giovanni Pascoli vient d’achever ses études à l’université de Bologne. Il a vingt-sept ans. Son maître, Giosuè Carducci, poète largement reconnu, l’encourage à continuer… Il continuera, bien sûr.  Cependant, l’obsession du souvenir de la mort de son père e la série de disparitions qui s’étaient suivies dans sa famille l’avaient emmené à une grave décision. D’abord rompre avec la « scapigliatura », l’insouciance et la dérive révolutionnaire qu’allait marquer sa vie de « fugitif célibataire » sous l’influence des amis de Bologne ; ensuite se charger du rôle de père pour ceux qui restaient de la famille émiettée. Cela entraîna évidemment la renonce au mariage avec la « dame au petit chien » et l’éloignement de la « vie des autres ». La famille représenta dorénavant un havre de tranquillité pour son travail et sa gloire, mais aussi le contexte privilégié pour un questionnement continu sur le sens de la vie, condition stable pour une souffrance à fleur de peau que le succès ni la gloire ne pouvaient pas soigner. On ne doit donc s’étonner si cette rupture se traduira en abandon des personnages héroïques du Roland furieux pour se transformer en poésie de petites choses.

Trois ans après, en 1885, il donna suite à cette décision cruciale, en emmenant ses deux sœurs dans sa maison de Massa en Toscane et recréant ainsi « le nid » perdu…

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En faisant mes recherches, pour être sûr des personnages de la photo, j’ai trouvé une lettre datée 1901, envoyée à mon grand-père à la veille de ses noces. La lettre venait de sa cousine aînée, qui était déjà rentrée dans le couvent où elle serait plus tard devenue l’abbesse avec le nom de… Sœur Virginia !

Moi même, dans les années cinquante et début soixante, j’ai visité, plusieurs fois, ledit couvent avec ma famille. Nous étions tous étourdis et même fascinés par ce monde au-delà de la grille de bois et de la roue pour le passage des dons. Un monde qui nous restait quand même assez étranger. Et j’ai un très doux souvenir de cette femme âgée, toute blanche…

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Photo : Collection Frères Merloni. Reproduction interdite

Revenant à la photo, de gauche à droite je crois maintenant qu’il y a : 1) Maria  la cousine cadette de mon grand-père, âgée de 25 ans ; 2) son mari Claudio, notaire, plus âgé qu’elle ; 3) ma grand-mère Filomena, que tout le monde appelait Mimì…

Tu vois, chère Catherine, la raison de mon retard dans la publication… que ce message actuel pourrait rattraper ! Car, enfin, ce que j’ai réussi à faire sortir, grâce à cette communication directe, vainquant enfin la paresse et la peur du passé, pourrait peut-être se révéler suffisant pour introduire le récit du couvent, avant de l’exploiter jusqu’à son achèvement. « Le souvenir est poésie, et la poésie n’est autre que souvenir » comme dit cet incontournable génie de Romagne.

« Mais, quelle souffrance, cette France ! » (Ça, je ne pourrais pas le tweeter ! Les Français, et surtout les Parisiens, se fâcheraient tout de suite !)

Merci de m’avoir « écouté ».

Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni 1ère mise en ligne 11 décembre 2012 Dernière modification 12 décemnbre 2012.

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