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« Pour un seul point l’abbé Martin perdit la chape » (Caramella n. 5)

17 dimanche Jan 2016

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits

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Caramella

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« Pour un seul point l’abbé Martin perdit la chape »

« Pour un seul point, l’abbé Martin perdit la chape »…
Plusieurs fois au cours de ma vie, pour des fautes encore moins graves que celle de l’abbé Martin, j’ai rencontré des difficultés « au risque même de tout perdre ». Je devrais m’être désormais accoutumé à certains « accidents de parcours » qui naissent en moi, presque toujours, de l’enthousiasme et de la hâte, de mauvais conseillers tous les deux. Après des accidents semblables, ce serait mieux pour moi d’avancer le sourire hébété et hagard, hochant les épaules en signe d’indifférence. Mais je n’en suis pas capable… Et alors, Caramella, écoute ! Sois patiente et indulgente avec moi, même si tu connais déjà ce que je dirai… Il est pourtant nécessaire que je range, tout comme le pauvre abbé Martin, que je remette, le plus tôt possible, ce bénit point à sa place… À présent, coincé dans la voiture garée là où le stationnement est interdit, je suis en train de ranger les papiers que d’ici une minute j’amènerai au tribunal qui est en face. …
Ce n’est pas la peine que je te dise combien cette parabole de l’abbé Martin me poursuit depuis mon enfance. Mon père, qui avait un véritable talent musical et jouait du violoncelle, me fredonnait souvent cette histoire, au rythme douloureux de la danse de Shéhérazade ou, parfois, à la cadence solennelle et rêveuse de l’Inachevée de Schubert… Je ne peux pas m’étendre, maintenant, sur ce point du point de Martin dans mon histoire de famille. Je me borne à te dire que mon grand-père maternel vit disparaître presque toutes ses épargnes s’étant obstiné, par d’indicibles sacrifices, à cumuler et garder des titres d’État devenus du jour au lendemain rien que des timbres périmés. Ses connaissances fouillées de mathématiques infinitésimales l’avaient peut-être amené à sous-évaluer l’importance des coefficients, des points et des virgules… tandis que mon grand-père paternel, ayant voulu tenir le point de l’antifascisme, perdit la vie.
Combien de points et de virgules faudrait-il remettre à leurs places pour rendre une justice, même posthume, aux nombreux abbés Martin, vivants, morts ou moribonds, qui se promènent dans la planète, tous ignares de leur destin commun ? Aucune réparation ne pourra jamais rendre ce qu’ils ont perdu : ni la bourse ni la vie !
Il resterait la chape, sur laquelle mon père aimait appuyer, musicalement, une petite touche d’emphase finale. Dans la légende, la chape est justement le manteau perdu ou jamais obtenu de l’abbé Martin pour avoir écrit une phrase ambiguë. Ou, pour mieux le dire, pour avoir commis la faute — dans l’enthousiasme de sa sincère bonté et dans la hâte de recevoir un prix — de mettre un point et peut-être aussi une virgule, là où il ne fallait pas les mettre. Avec le temps, au fur et à mesure que la voix péremptoire et chanteuse de mon père s’éloignait de moi, parfois sans me donner le temps de lui adresser un adieu, la chape est devenue pour moi un objet ou un prix destiné inévitablement à se perdre, parce qu’il est presque impossible de l’obtenir et surtout, de l’entretenir. D’ailleurs, si la chape peut se confondre idéalement avec la gloire ou avec une femme très belle qui de but en blanc décide de partager notre amour, la chape représente aussi, en elle-même, la peur de perdre la chape. Le souple manteau de laine qui pourrait nous couvrir en nous offrant une inoubliable chaleur provisoire se transforme très facilement en une chape… de plomb. Tout d’un coup, l’illusion est remplacée par la moquerie, tandis que la maison magnifique et confortable devient une prison gelée aux murs impénétrables.
Ô combien j’aimerais de passer inaperçu parmi les bancs de l’école… pour aller poser une petite question au professeur d’italien Sténo Vazzana, qui m’aiderait sans doute à m’en sortir… Car il a découvert qu’il y a une vive affinité entre Dante et Lucrezio… et qu’il apprécie l’extraordinaire ouverture d’esprit d’Italo Svevo, « le premier écrivain italien de niveau européen », selon lui… Il suffirait de penser à Zeno Cosini, à son indécision pleine d’humour au sujet de deux sœurs certainement différentes l’une de l’autre, ayant pourtant beaucoup de points en commun : « Comment faire pour distinguer lorsqu’on est distrait et obnubilé par la peur de perdre la chape ? Pourquoi choisir ? » Steno Vazzana dirait ainsi. Je pourrais le rejoindre dans son dernier lycée, le Vivona, dans le quartier de l’EUR où il s’était transféré… Et, certes, j’aurais pu lui demander un rendez-vous, la dernière fois que je le vis, en 2000. Qui sait s’il savait que bientôt, dans un an… Excuse-moi, Caramella, mais si je n’avais pas ce casse-tête du point et de la chape, je parlerais volontiers de cette douleur qui se répète et va se renouveler, hélas, jusqu’au jour de ma mort, de ces remords insupportables pour ne pas avoir accordé le temps que me demandaient des personnes uniques comme notre professeur d’italien, un homme réservé jusqu’à la transparence, avançant en ce début des années 1960 par des pas courts et légers, glissant au milieu de colosses comme Punzi et Pagani ou Manacorda, sans se soucier de ce qui pouvait arriver à son ombre fragile… Ce fut dommage, la dernière fois que je le rencontrai, de n’avoir pas eu la présence d’esprit de lui demander le pourquoi de ma vocation à me faire mal tout seul, comme le dirait Nanni Moretti. En fait, une réponse de sa part m’aurait énormément aidé, ce jour-là plus qu’aujourd’hui. Mais je peux remonter à ses leçons sur Dante ou alors à ce qu’il me dit en 1964, à ma sortie du lycée à propos de la poésie.
En ces jours-ci, Caramella, je me suis demandé avec insistance ce que doit avoir passé Dante à cause de Béatrice. Pauvre Dante ! Un homme qui venait tout directement du « dolce stil nuovo » ; un des fondateurs de cette langue — qu’il appelait « vulgaire » — qui se libérait finalement du latin pour accueillir en elle toutes les vertus et les nuances de la langue parlée. Un créateur tellement « concret » et humain qu’il n’aurait jamais pu « idéaliser » une femme inexistante. Celui qui dit « amor che nullo amato amar perdona » ne pouvait pas s’élever vers le divin sans amener avec lui non seulement son humanité faite de corps et de passion, mais aussi l’humanité de la femme réelle qui vivait au-dedans de Béatrice. Si pour traverser l’Enfer et le Purgatoire Dante peut bien se « contenter » d’être accompagné par le plus grand des poètes latins, Virgile, pour escalader les cieux du Paradis il a besoin d’un être « autre », d’une figure aussi complémentaire que médiatrice entre l’humain et le divin. Et voilà que Béatrice, la femme que Dante appelait « la donna mia » devient « notre avocate », un être par moitié humain par moitié divin comme la Madone selon tous les Évangiles chrétiens.
Certes, nous deux, Caramella, nous naviguons, même rétrospectivement, dans la sacralisation du souvenir d’un passé partagé, dans une dimension beaucoup plus païenne et désenchantée vis-à-vis de celle où vivait Dante de son temps. Nous avons grandi dans un Pays où, grâce aux conquêtes qui se sont vite réalisées, la femme a pu obtenir, d’une façon encore incomplète, une sorte de parité avec l’homme. D’ailleurs, nous vivons, en Europe, dans une société où l’on considère comme escomptée la tutelle du « privé »…
Revenant à Dante et Béatrice, je me demande combien il doit avoir coûté à notre plus grand poète le choix de faire de sa femme aimée un personnage et aussi l’aiguille de la balance de son gigantesque défi humain et littéraire. Par conséquent, je me demande si, de son temps, ce qu’on appelle la « voix du peuple » — au lieu de « suivre la vertu et la connaissance » prêchée par Dante pour s’améliorer et s’aventurer vers des horizons de plus en plus ambitieux — n’a pas essayé, au contraire, de montrer le côté ordinaire et passionnel de l’amour entre Dante et Béatrice comme le seul moteur d’où se déclenche l’immense fresque de la « Divine Comédie »… Tout d’un coup, j’ai vu devant moi un petit groupe de soi-disant « parents de Béatrice » en train d’assiéger la « Maison de Dante », à Trastevere, juste dans le moment où le professeur Vazzana expliquait avec un entrain extraordinaire un des derniers chants du Paradis… Un groupe armé d’innocentes fourches en bois d’avant le déluge, naturellement. Mais j’ai vu Dante, meurtri par ces injustes accusations, protester intérieurement : « et la façon me vexe encore ! »
En relisant l’histoire de Dante et Beatrice avec Steno Vazzana et Italo Svevo, on aurait envie d’envisager l’existence d’une sœur : est-ce que Beatrice en avait une ?
Malheureusement, Caramella, le monde d’aujourd’hui, que nous attendions et espérions meilleur pour nos fils, il semble avancer à reculons. D’un côté, nous assistons à l’intolérance belliqueuse de certaines nations, qui voudraient nous inculquer leur ignorance ne faisant qu’un avec la violence et le mépris de la vie humaine, des femmes en particulier. De l’autre côté, même à l’intérieur de nations très évoluées comme l’Italie ou la France, on voit de larges portions de la population glisser, avec une espèce de complaisance, dans un inquiétant analphabétisme de retour.
Rien n’est escompté. Aucune conquête n’est acquise une fois pour toutes… si seulement nous songeons à ce qu’a souffert, par exemple, D.H. Lawrence pour son « amant de Lady Chatterley » ou Vladimir Nabokov pour « Lolita ».
Le temps leur a donné raison ou, pour mieux dire, quelqu’un quelque part dans le monde civilisé leur a donné un coup de main. En tout cas, personne, aujourd’hui, ne s’inquiète dans le doute si Dante a été ou non amant de Béatrice ou de sa splendide sœur… Si cette dernière avait réellement existé, elle aurait pu très efficacement jouer le rôle de la « femme-écran » dont Dante même nous a parlé pour le premier dans l’histoire de la littérature.
Est-ce que le temps est toujours galant homme, avec tout le monde ? Combien d’abbés Martin, honteusement dégradés et injustement accusés, pourront avoir à nouveau leur chape ?
Tout ce tourbillon de mots pour te dire, Caramella, que moi aussi je pourrais plonger, à cause de mon imprudence, dans de sombres malentendus. Comme il arriva à Béatrice… Parce que cela est sûr et certain, si Dante a pleuré, Beatrice n’a pas ri…
Parfois les mots, où les images font encore plus de dégâts que les faits réels. Pour qu’on réussisse à les faire passer sous silence, une vie de véritable violence ou de grave prévarication peut être oubliée ou, pour ainsi dire, « condonnée ». Tandis que les mots amènent très facilement aux procès sommaires, avec le risque toujours présent de perdre la chape ou la vie.

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Je ne sais pas si nous continuerons, Caramella, notre traversée. J’aurais aimé laisser croire que tu n’étais qu’une seule des nombreuses camarades et des ombres flottantes de notre étrange classe, mais cela ne changerait en rien si dorénavant tu les représentais toutes… Car je sais que tu m’aiderais, par ton regard foudroyant, à poursuivre ma « Jérusalem libérée » sans me faire convaincre à la réécrire à l’infini jusqu’à l’abîmer du tout.

Giovanni Merloni

Cette correspondance est protégée par le ©Copyright 

TEXTE EN ITALIEN

« Celui qui suit… suit ; celui qui ne suit pas, suivra par la suite ! » (Caramella n. 4)

14 jeudi Jan 2016

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits

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Caramella

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« Celui qui suit… suit ; celui qui ne suit pas, suivra par la suite ! »

Caramella,
Avant notre dernière rencontre à Ostia, il me semblait que notre liaison s’accrochait à un fil, comme dans un film d’Indiana Jones. D’ailleurs, tu as été indulgente avec moi : à l’autre bout de la corde en train de se briser, accoudée là-haut, sur le bord du puits gelé, enfin tu m’as sorti dehors. Combien de fois t’es-tu questionnée : « qui m’y oblige ? » Mais, tout de suite après, tu as allongé le bras, empressée de livrer le cap de la corde de façon que je puisse l’attraper des mains. Énergiquement, aidée peut-être par quelques volontaires, tu as fait passer la corde sur la poulie et… hop, tu m’as sauvé.
Pourtant, au lieu de courir pour t’étreindre, je me suis laissé embobiner, comme Ulysse, par les sirènes de Charybde et Scylla. Tu étais une Penelope assiégée qui attendait son vieil ami. Mais cette rencontre était tellement rare et unique, qu’il n’aurait pas fallu tergiverser. Se voir, se regarder jusqu’au bout de nos âmes… cela était plus important que les mots et les soucis encombrant ma tête comme de véritables drogues. En somme, je t’ai déçue.
Tout comme Ulysse, je suis arrivé sous un faux nom, revêtu de haillons et de cicatrices que tu ne me connaissais pas. Je ne t’ai pas donné la chance de me découvrir de ta façon, suivant ton instinct sans faille. Peut-être, si j’avais su me libérer de ma cuirasse de carton-pâte, j’aurais réussi à m’emparer de ton île !
À présent, il ne me reste dans les mains que ce papier chiffonné, où tu avais griffonné une question : « qu’a-t-il à voir Punzi avec Paparozzi ? »
C’est très subtil le fil que tu laisses flotter, suspendu, entre toi et moi. Un long cheveu châtain que depuis l’avion me semblait une tortueuse route blanche qui disparaissait et paraissait de nouveau au passage des nuages avant de se faufiler sous les montagnes, qui pointait après au milieu des marais aux réflexes aveuglants de l’immense embouchure du Rhône… Et remonter ensuite, remonter, en arrivant on ne sait pas comment jusqu’à ma porte cochère.
Oui, vraiment, qu’a-t-il à faire Punzi avec Paparozzi?
Peut-être, ayant été élève de l’un comme de l’autre, quelqu’un qui n’existe pas pourrait m’aider à répondre une fois pour toutes à une telle question primordiale ou, plus probablement me conseillerait-il de laisser tomber : Punzi c’est Punzi et Paparozzi c’est Paparozzi.
Cela dit, pendant cinq ans de suite j’ai été camarade d’école dans la même classe de Paparozzi. J’ai mûri ainsi, au fur et à mesure, une sublime expérience, car j’ai eu affaire à un inguérissable « premier de la classe » qui était aussi, chose rare, en « dehors de la classe ». Dans la plupart des « galères chic », comme j’appelle les écoles, le premier de la classe n’est pas forcément un génie ayant la science infuse. Au contraire, il s’agit de personnes surtout volontaires et méthodiques, poussées par un désir presque religieux d’être premières… En dehors de ce piédestal, ils ne sauraient pas quoi faire.
Dans notre classe, Caramella, si je me souviens bien, il n’y avait pas de premier de la classe ni de génie. On était le miroir de l’Italie au début du Risorgimento, constellée de petites nations en décadence, toutes incapables de s’imposer sur les autres. Dans d’autres classes, comme c’était le cas pour ma sœur et pour mon frère, la règle était respectée, avec des bosseurs qui ne rataient pas le moindre coup et des « éléments » capables d’exploits surprenants, de temps en temps, dans une matière ou l’autre.
Dans la classe d’où je venais, je faisais partie du petit groupe aguerri à la pérenne poursuite du camarade hors classe en fuite. Paparozzi excellait dans les matières littéraires et dans le dessin, mais il s’en sortait aussi bien en mathématiques et géométrie. En raison de cette suprématie, pour que personne ne le copiât, il était relégué au dernier rang pendant les devoirs en classe. Plus tard, parmi les légendes qui serpentaient dans les couloirs fumeux à l’heure des « pizzette » — que les gardiens nous offraient pour cinquante lires après les avoir réchauffées tant bien que mal, empilées sur les grands radiateurs en fonte —, on disait que Musmarra, professeur de latin et grec dans la section D, faisait pour lui une exception, en le défiant avec une version trois fois plus longue, du grec au latin et vice-versa, car en fait la traduction vers l’italien aurait été trop facile et escomptée. Plus tard, quand Paparozzi était désormais une légende parmi ses collègues enseignants au lycée Pasteur. On raconta que Paparozzi, pas content de déchiffrer des textes grecs et latins très difficiles et décolorés, avait entamé une correspondance avec un professeur de l’Université d’Oxford, qui s’amusait à lui envoyer, après les avoir brûlés ici et là, quelques poèmes méconnus. Et Paparozzi répondait : certes, il s’agissait d’une interprétation… mais sa solution était tellement performante qu’on aurait pu jurer là-dessus.
De nos temps communs, Paparozzi était bon, calme, réfléchi, silencieux. Dévoué au stylo « Pelikan », il s’en servait à loisir en classe pour des exercices de calligraphie en style gothique. Nous étions de quelque façon amis, comme on peut l’être quand la supériorité de l’un sur l’autre est fixée une fois pour toutes. Il habitait en haut dans le quartier de Monte Mario, dans un petit appartement situé derrière le cinéma Edelweiss. Enfant aîné et unique, il s’est toujours chargé avec simplicité et dévotion de ses parents qui auront passé leur vie, je crois, à s’interroger au sujet de leur extraordinaire enfant Maurizio.
Depuis la seconde classe moyenne jusqu’à la cinquième j’avais partagé avec Paparozzi la passion pour la langue française et la France. Ce pays à l’avant-garde — au point de vue littéraire, philosophique et scientifique — représentait pour lui, peut-être, une porte et un véhicule pour s’introduire, dans le gigantesque univers de ses libres intérêts et pour avancer le plus vite que possible. Pour moi, le français était la clé pour entrer dans un monde qui ne pouvait et surtout ne devait pas changer, où, surtout, on aurait respiré le parfum unique de la liberté. Dans ces quatre années, nous eûmes la chance d’avoir deux professeurs de français tout à fait extraordinaires… En particulier la deuxième, Ortensia Lami, cette petite dame frileuse aux cheveux blancs disparaissant dans cette espèce d’uniforme de laine noire à la Strehler lui serrant le cou… Tu l’as peut-être croisée dans les couloirs du Mamiani avec sa queue de fidèles porteurs d’indispensables radiateurs électriques. Regrettée par tous les élèves de français de l’école, elle a été un véritable mythe. Comment ne pas l’aimer ? Comment se dérober à l’assimilation enthousiaste de chaque coin de ses précis et inoubliables mots français ? Quand je me suis installé à Paris, j’ai ensuite deviné que si mon enseignante fût restée en France avec sa famille, son prénom et son nom auraient été Hortense Lamy… mais mon initiative s’arrête là. Au contraire de Paparozzi, qui se rendait régulièrement chez la vieille et guillerette maîtresse d’école, je n’y suis jamais allé, sauf une fois… Même si dans le français, vis-à-vis de tant de matières que j’aimais ou haïssais de façon alterne, j’obtenais les meilleurs résultats. Il m’arriva d’ailleurs plus qu’une seule fois, lors d’un devoir en classe de français, d’être moi aussi renvoyé par la Lami au dernier rang, à côté de Paparozzi…
Je t’épargne, Caramella, le souvenir de ces débats étranges et extraordinaires que la Lami savait susciter en parlant du « religieux » chez Rousseau ou de la « vie réelle » écrite et peinte par Prévert, qui furent tous les deux mes premiers maîtres… Il faut dire que cette interminable saison de classes masculines, où s’imposait sans aucune espérance la question amoureuse, fut brusquement interrompue quand mes parents — au lieu de me laisser continuer la fréquentation de la section D avec Paparozzi et le petit groupe d’amis que je m’étais quand même créé — prirent à ma place la décision de me transférer dans la section C.
Parmi nos nouveaux professeurs, il y avait Giuliano Manacorda, une personne noble et charismatique qui, tout le monde le savait, était un intellectuel de gauche… Mais, je ne crois pas que cette motivation était seule dans leurs têtes empressées. Pourquoi m’ont-ils « enlevé » d’une classe où, en fin de compte, je m’en étais sorti plutôt bien ? Mystère. Pourquoi n’avais-je rien objecté ? Parce que peut-être tout m’était indifférent ? Ils doivent avoir pensé que j’étais devenu comme ça à force de demeurer dans l’ombre… Cette ombre risquait peut-être, selon eux, de devenir un alibi pour ne pas m’efforcer d’être premier et, à la limite, pour ne pas étudier.
Certes, la classe avec ce Paparozzi hors classe semblait piégée, en perspective, par un destin implacable. En plus, au passage de la quatrième à la cinquième classe moyenne, j’avais définitivement perdu ce que l’on appelle « la paix des sens », et je ne réussissais plus à étudier la tête légère, comme auparavant. Et Paparozzi, qui demeurait apparemment encore indemne de ces troubles désastreux, ne pouvait plus être pour moi un interlocuteur assez disponible. Cela dit, Caramella, les premiers jours que je me catapultai dans notre classe commune… finalement mixte, sans avoir le souci ni la conscience d’avoir perdu parmi mes anciens camarades quelques amis, je demeurais tout de même dépaysé et confus.

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« Vous êtes quarante ! » hurla Punzi de son inflexion typique d’Avellino qui fut ensuite l’occasion pour une séquelle d’imitations presque infinies. On était le premier jour, en octobre 1961 et, déjà au commencement du lycée on était en surplus. Trois années depuis, à la première rencontre avec les professeurs de la faculté d’Architecture, où s’étaient inscrits aussi, avec moi, cinq de nos camarades, on nous reprocha la faute encore plus grave d’être cinq cent ! Aujourd’hui, on classe sous l’étiquette des « baby-boomers » la génération de ceux qui sont nés tout de suite après la fin de la guerre, la nôtre, où les mâles dépassaient les femmes… La première génération qui a dû de but en blanc se confronter avec ce changement radical et tumultueux de notre monde occidental dont on voit de ces jours-ci une phase encore plus inquiétante et redoutable. Mais Punzi n’était pas méchant. Il était lié à sa terre, authentique, bourru, mais bienfaisant comme le personnage de Goldoni. Toujours accroché à l’idée archaïque, mais solidaire, d’une société qu’il souhaitait saine et juste, où l’on aurait toujours eu la possibilité de donner à César ce qui était à César…
Il ne m’aurait pas réprimandé, comme au contraire faisait Manacorda, pour tous les adverbes — énergiquement, métaphoriquement, objectivement, probablement, forcément, tellement, rapidement, régulièrement, brusquement, définitivement, apparemment, finalement — avec lesquels j’ai assaisonné jusqu’ici le souvenir de mon « douloureux passage », à la veille de notre rencontre. Punzi ne se serait même pas scandalisé si, dans l’embarras de mon ignorance devant une question difficile, je lui disais encore une fois, lors de mes cauchemars récurrents d’examens qui ne finissent jamais, ce mot « pratiquement… », une véritable béquille selon le professeur d’histoire. Pleinement conscient de ses limites, Punzi allait toujours à l’essentiel. Sévère, mais sans aller trop loin. Une espèce de « dictionnaire ambulant pour les nuls »… En définitive, il était un excellent professeur, si l’on considère que toute la classe franchit sans trop de contrecoups l’examen de fin d’études. On croyait, à la veille, jusqu’à la dernière minute, n’en savoir que très peu ou presque rien… Tandis qu’au contraire…
« Anacréon voyagea beaucoup : orient… occident…! » Celle-ci fut une de ses phrases plus célèbres, avec son appel répétitif « Je n’accepte plus ! Je n’accepte plus ! » au moment de la consigne des devoirs en classe. Sa voix, encore plus aiguë dans le souvenir, retentit encore au bout de la classe. Quelques jours après ces épreuves, cet homme à demi chauve aux lunettes épaisses, la figure petite et abondante dans son éternel costume gris, entrait brusquement en classe tout en faisant heurter son cartable avec les devoirs contre la porte et hurlant : « Vous n’y avez rien compris ! »
Dans mon souvenir ces attitudes avaient sur nous l’effet d’une libération, si seulement l’on pense que pendant l’interrègne entre le devoir et le vote Punzi s’adonnait volontiers à des déclarations souvent menaçantes : « je suis en train de corriger vos devoirs avec la balance à bijoux », ou alors « je vais serrer les vis de façon encore plus saignante », ou encore « celui qui suit… suit, celui qui ne suit pas, suivra par la suite »…
Le souvenir de Punzi que nous partageons avec une multitude d’anciens élèves du Mamiani a été traduit en nombreuses « punzeïdes ». Voilà que les performances quotidiennes de cet homme sincère et hostile aux compliments représentaient — avec les amours secrets et peut-être inventés entre Pagani, le célèbre professeur de mathématiques et la Rizzo, qui nous apprenait de façon efficace et juste un peu froide la chimie et la minéralogie — une de rares choses vives et fortes pendant tout le temps qui s’est écoulé sur ces incommodes bancs sans âme.
Heureusement, avec la peur que le mot « pratiquement » nous échappe avec d’autres béquilles verbales, avec la certitude aussi d’être tôt ou tard stigmatisés pour nos graves manques de tout… la « paix des sens » avait été identifiée, par un accord aussi silencieux que plébiscitaire, avec la poussière qu’on trouve partout incrustée dans les livres d’école.
Dans notre première classe C, en dehors de « mademoiselle Di Giulio » et deux ou trois encore, personne ne s’acharnait dans les études. Sous ce point de vue, revenant à rebours avec la machine du temps, je dois donc corriger le jugement que j’avais gardé immuable pendant des années. Cette classe apathique, amorphe, divisée en autant de petits états comme l’Italie au lendemain du congrès de Vienne de 1815 ; cette classe qu’alors Metternich aurait bien sûr considérée comme « pure et simple expression géographique » ; cette classe formée en 1961 qu’on aurait aussi pu assimiler à cette Italie de cent ans auparavant — juste faite au lendemain de l’unité d’Italie de 1861 — où l’on devait encore « faire les Italiens »… elle était en vérité le mieux que j’aurais pu désirer : le miroir de mes brames et des envies de nous tous.
Parce qu’alors, dans une époque où flottait déjà la contestation et l’intolérance envers ce monde « embaumé » des adultes, personne entre nous ne voulait d’un miroir qui lui disait : « tu es le meilleur, tu es le plus beau ! » Parce que nous tous, au contraire, nous désirions, intérieurement, que le miroir nous disait : « ne vois-tu pas que tout coule sans changement ? Ne vois-tu pas que toi, une fois de plus, tu es passé inaperçu ? »
Ne vois-tu pas, Caramella, ce que peut produire la solitude et l’étrange remords pour des fautes que, j’en suis sûr et certain, je n’ai pas commises ? Jusqu’au moment où tu reviendras à la surface en me disant à nouveau bonjour, je ne ferai qu’entrer et sortir de ce miroir-là !

Giovanni Merloni

TEXTE EN ITALIEN

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De quoi parlait-il, le film de ta vie ? (Caramella n. 3)

09 samedi Jan 2016

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits

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Caramella

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De quoi parlait-il, le film de ta vie ?

Caramella,
Nos lettres ont fini pour se perdre. Pardonne-moi cette expression « napolitaine » pour dire que notre correspondance a disparu. Elle est morte ou, pire, elle n’a jamais existé. En fait, s’il est vrai que le disque dur de ton ordinateur ne donne plus de signes de vie, dans mon cas une chose est arrivée encore plus grave et définitive. Naïvement, j’étais convaincu que nos messages auraient été gardés à jamais dans cette espèce de bibliothèque virtuelle où je me rendais pour les chercher. Mais j’avais sous-évalué l’infernal automatisme de la machine : il a suffi de six mois d’inactivité… pour qu’ils effacent tout ! Cela me rappelle la tragique histoire de ma sœur, n’ayant plus que trois examens à passer avant de conclure ses études de droit. Elle avait eu beaucoup de contrariétés, elle était tombée malade aussi… jusqu’au jour où elle reçut une lettre dans laquelle elle apprit sans tournure ni compliment que tous les examens qu’elle avait soutenus n’avaient plus de valeur. Comme si elle n’avait rien fait ! Mais, dans les écrins brisés de notre correspondance, Caramella, combien de larmes ensanglantées avons-nous déversées ?

Je pourrais me décider à partir en avion. Il ne s’agit que de deux heures de vol, en fin de compte. En plus, à Fiumicino, je peux louer une voiture… Si je le leur demandais, ils me donneraient, bien sûr, cette Nouvelle Fiat 500 que jusqu’ici je n’ai vue que de dehors. Puis, depuis l’aéroport, si je me souviens bien, il y a le raccourci… rue de la Scala! Une route longue, assez trafiquée, mais confortable, qui longe d’abord le petit lac hexagonal du port de Traïen, puis l’agglomération de Isola Sacra, pour enjamber enfin le Tibre sur le dernier pont avant l’embouchure…
Caramella, combien d’émois jaillissent en moi à la seule idée de ce voyage reliant un aéroport et un croisement ! D’ailleurs, si ce n’était pour la contrainte de la voiture en location, avec la crainte de l’abîmer contre quelques bornes, je ne résisterais pas à l’appel impérieux d’une visite au Phare le plus désolé qu’on peut imaginer ou d’une brève pause auprès de ces quatre maisonnettes branlantes de la rue du Pas de la Sentinelle… Déjà ces noms, même s’ils m’attirent comme un aimant, ils m’effraient, en ramenant des souvenirs où la petite joie de ressentir la vie en moi se mêle à d’angoissantes sensations de danger. Génie et dérèglement… terreur et attraction, peur subliminaire et courage insensé… Une fois passé le pont, la route devient de plus en plus anonyme. Jusqu’au croisement avec la route Ostiense, qu’on appelle aussi Route de la Mer. Je serais désormais presque arrivé chez toi.

« J’ai eu plusieurs problèmes physiques et j’ai été assez triste. Je n’avais rien à raconter qui pouvait t’intéresser. Je n’avais même plus mon habitat : l’élégant bureau de cristal et bambou… mon fauteuil, d’où je regardais la campagne dehors. J’avais laissé ma villa et je m’étais transférée dans l’appartement où je vis maintenant. Même si très petit, il est très joli, à l’intérieur. Malheureusement, il se trouve coincé dans un immeuble très moche... »

J’arrive, j’arrive… Mais avant, laisse-moi faire une petite déviation… courir à la rue de l’Idroscalo pour une brève visite à Pasolini… Ici, en France, on parle beaucoup de son talent extraordinaire… Si je n’y vais tout de suite, je risque de rater à jamais cet endroit qu’on ne pourrait plus « pasolinien », où le grand réalisateur et philosophe est mort il y a quarante ans. Eh oui, Caramella, il a coulé beaucoup de temps déjà depuis cette nuit de sombres présages qui coupa en deux nos enthousiasmes comme une ombre gelée. Personne n’avait voulu croire ce Tirésias contemporain qui, sur sa propre peau, avait tout compris en avance. Tandis que nous, dans notre inconscience juvénile, ne savions pas combien nous étions présomptueux et abstraits. Nous avons voulu continuer à nous bercer dans l’illusion que notre pays serait tôt ou tard sorti, tout seul, de ses contradictions, en se libérant des pièges innombrables lui imposant une éternelle agonie. Rien n’a changé, je crois, dans cet endroit que j’avais déjà visité un jour : un lieu sans personnalité où l’on a perpétré un horrible délit contre l’humanité, qui demeure impuni. Mais je voudrais y aller quand même, je t’en prie, descendre un instant de la voiture neuve et anachronique et… fermer les yeux, pour entendre les hurlements des mouettes sifflant au-dessus de cette rue abandonnée et écouter de nouveau la voix stridente du poète tandis qu’il déclame une de ses rébellions désespérées…

002_ostia antica 180

Peut-être, dans cet instant irremplaçable, des souvenirs me tomberaient dessus, comme dans un film di Pasolini… les visions fragmentaires de l’ancienne route romaine d’Ostia antica, ainsi que le silence des pins contre le ciel dégagé… et le rythme persuasif d’une autre voix inécoutée, la voix de mon ami Ascani. Plié pendant des heures sur son incroyable collage de photos aériennes en photocopie, Ascani avait reconstruit une à une les traces de l’ancienne ville de Portus, qui était juste là, au-delà du vieux port d’escale pour hydravions, dans un territoire qui n’existe plus, ayant énormément changé, en raison surtout du recul de la ligne de côte. Il y a deux mille ans, entre l’Isola Sacra et la mer existait une immense Rotterdam d’où partaient les redoutables flottes de l’ancienne Rome… Mais personne n’a voulu jamais examiner les découvertes d’Ascani…
Caramella, tu es jalouse peut-être de mon penchant pour les digressions et les tours vicieux d’où je reviendrai anéanti et las. Pourtant ces pensées ont donné un but à la solitude de mes corvées en long et en large dans l’Italie, engendrant en moi ce typique besoin de répondre aux défis les plus difficiles. Avec le temps cette deuxième nature est devenue une compagne de voyage très exigeante, mais toujours prête à pardonner mes fuites… J’espère que tu me pardonneras, toi aussi, quand je frapperai un jour à ta porte…

« Les premiers mois, chaque fois que je parcourais le long couloir qui menait à ma porte et que je le voyais aboutir sur une porte-fenêtre au rideau usé, je pleurais. Dans la vente de la vieille maison, tout comme dans l’achat de l’appartement nouveau j’avais eu beaucoup de problèmes. On rencontre toujours des gens malhonnêtes. Et lorsqu’on fait des changements, on risque d’échouer sur quelqu’un qu’on ne voudrait pas avoir connu, y compris les professionnels qui t’assistent… Et puis, je suis seule. Le changement radical d’un quartier à l’autre m’avait éloigné de mes amis. Ma famille était désormais mise en pièces. En 2011, ma douce petite chienne aussi avait disparu. »

Ces mots, je les avais désormais appris par cœur. J’ai frappé à la porte. Dans le silence prolongé de l’attente, je voyais Pasolini comme un père, assassiné lâchement par une bande d’enfants ingrats, tout comme César… quand ta porte s’est ouverte toute seule, tournant sur la gauche et laissant entrevoir un lumineux carrelage, un grand canapé et, au bout, une porte-fenêtre donnant sur un balcon. Cachée derrière la porte grande ouverte, retenant le souffle, tu attendais que je rentre et que j’approche de la lumière naturelle.
— Assieds-toi.
— Caramella…
— Tu vois ? C’est très petit. Mais je vais m’habituer.
Je me souviens que nous avons parlé des lettres. Tu en avais gardé une que j’avais écrite en février 2011 au sujet de Manacorda, notre aimé professeur d’histoire et philosophie… celui qui nous avait surpris tandis que j’étais en train de boutonner le dos de ta blouse.
— Combien de boutons avais-tu ? dis-je.
— Une véritable torture. Dire que c’était l’époque où Catherine Spaak se promenait en minijupe…
— Caramella, plus que cinquante années se sont écoulées… et tu ne cesses pas de voltiger dans ma tête…
— Seulement dans la tête ?
— Non, partout… Mais les sables d’Ostia sont toujours noirs ?
— Oui, pourquoi t’intéresses-tu aux sables noirs ?
— Je trouve inquiétant ce sable qui se colle aux pieds, aux mains, qui nous trouble la figure !
— Au contraire, tu avais répliqué, ce côté sauvage nous rend plus humbles et concrets. Dans les films de Pasolini que tu aimes autant, tu ne trouveras pas du sable invisible, mais du sable noir comme celui-ci !
— Il est vrai que mon premier souvenir d’Ostia ne peut pas se passer de cette sensation presque scandaleuse du sable noir, lourd et piquant… On était à la fin de l’été 1962, commencé avec notre fameuse promenade sur les prés de Villa Borghese… Revenant de Cesenatico, je ne rentrai pas tout de suite chez moi, mais je rejoignis ma mère et ma sœur à Ostia.
— Ostia ce fut une déception, n’est-ce pas ?
— Quand j’arrivai à Ostia de Cesenatico, j’avais finalement embrassé une femme de mon âge et, pour en garder le souvenir, j’avais arrêté de me raser et de changer de chemise… À la gare de Cesena, mon père m’avait ironiquement réprimandé tandis que ma mère, dès que j’étais arrivé à Ostia, m’avait amené chez le coiffeur.
— Mais tu as rôdé dans ces endroits-ci d’autres fois aussi, espiègle que tu es ! Avec d’autres femmes, je crois, en dehors de ta mère et ta sœur !
— Assez rarement. À la hâte, en voiture, pour m’éloigner un peu de Rome, pour savourer l’ivresse du déracinement…
J’aurais voulu te parler de l’incroyable lenteur de mes progrès. De ma difficile émancipation dans les petits gestes de la vie quotidienne. On était bien avant des gestes « grands » de l’amour… Combien de temps avais-je dû attendre avant de briser les cordons qui me liaient comme des lianes robustes ou des serpents ! J’aurais voulu te raconter ce qui se passait pendant l’heure de gymnastique… Lorsque je me cachais parmi les paletots du vestiaire avec Bodo et Cassetti, notre petite société avait ses rites : Cassetti lustrait ses chaussures avec une écharpe ou un pantalon à l’insu de son propriétaire ; Bodo lisait un livre de Faulkner ou Steinbeck tandis que moi, je glissais hors de la porte postérieure et, tel un conspirateur, je franchissais la grille entrouverte pour sortir carrément de l’école ! Mais je n’osais pas dépasser la barrière de notre bar-kiosque et de la fontaine qui trônait généreusement au pied du platane. Juste une fois, tous les trois, pendant l’heure de gymnastique, nous eûmes la hardiesse d’atteindre le muret qui borde le fleuve, piazza des Cinq Journées !
Ironie du sort… Exactement en ce point-là je t’avais rencontrée, quelques années après la sortie du lycée. Ce jour-là, tu étais avec des amies, engagée en une conversation animée. Néanmoins, avant de te lancer sur le pont en direction du Ministère de la Marine, tu me fis cadeau d’un large sourire qui me fit énormément plaisir. Tu vois, j’avais oublié cette rencontre fuyante ainsi que la bienveillance de ton dernier regard. Oui, Caramella, ce sourire dans le soleil complice de Rome se perd dans la nuit des temps… Maintenant…
Mais, en me coupant la parole, tu m’as dit brusquement : — on était en train de parler d’Ostia…, « une petite colonie dépourvue de volonté propre » comme tu dis… Tu connais cette « colonie » juste de dehors, donc de façon superficielle, comme une carte postale. Dois-je te croire ?
— Oui, j’y suis venu juste pour regarder la mer. Pourtant, si j’y pense mieux… un souvenir affleure, très intense. Au bout d’une promenade sur le bord de la mer d’Ostia – j’étais avec une personne qui te ressemblait – j’insistais pour qu’on aille dans un petit hôtel que j’avais noté. Un endroit très anonyme, rien d’autre qu’une inscription abîmée au néon bleu. Assis dans la voiture, elle me reprocha longuement mon amour absolu, sans borne et empressé, ne lui laissant pas le temps de prendre elle-même une initiative quelconque…
— Pourquoi m’en parles-tu ?
— Parce que, Caramella… même avant, quand je suis arrivé ici, j’aurais voulu t’étreindre comme si j’étais revenu de la guerre. Mais je me suis imposé, comme en cette épisode-là, de me calmer, d’attendre que tu t’accoutumais à cette… surprise.
— Je ne me suis pas accoutumée et ne suis pas du tout tranquille !
— Alors restons encore un peu, assis sur ces deux fauteuils, sans dire un mot. Attendons que l’inquiétude s’apaise avant de nous serrer affectueusement la main !
— Mais ton escapade… comment s’est-elle passée ?
— Cette femme qui m’avait suivi… avait surtout envie de me sermonner : « plus tu insistes, me dit-elle, plus je me renferme dans ma coquille ! » Résigné, j’avais élargi les bras, m’écroulant sur mon siège avant de dire : « D’accord, tu as vaincu ! Allons-nous-en ! »
— Mais, tout de suite après cette renonce héroïque, tu descendis de ta voiture avant de te diriger vers l’inscription au néon bleu !
— Comment le sais-tu ?
— Je sais tout…

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À présent, depuis ce fauteuil solitaire qui me ramène à ma réalité, tandis que j’observe la mer au-dessous de l’aile argentée du Boeing 707, je cherche inutilement de parcourir à rebours les fils et les sons de ce long colloque où, la main dans la main, nous avions réussi à vaincre, toi et moi, la banalité du temps…
Comme deux vieux adolescents, tout en regardant par-delà la fenêtre comme on fait d’habitude lorsqu’on se parle dans une voiture, nous avions laissé enfin glisser de véritables mots avec de véritables larmes de joie. Ainsi nous avons découvert que nos lettres demeuraient indélébiles dans nos cerveaux : une pellicule invisible, sur laquelle dansaient nos mots ressuscités, coulait devant nos yeux, nos bouches et nos mains.
— De quoi parlait-il, le film de ta vie ?

Giovanni Merloni

TEXTE EN ITALIEN

Cette correspondance est protégée par le ©Copyright

Un joli paquet t’attend en haut de l’escalier ! (Caramella n. 2)

06 mercredi Jan 2016

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits

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Caramella

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Caramella,
À présent, j’ai peur de me tromper. Tu m’avais dit : — viens ! Un joli paquet qu’on devrait ouvrir t’attend en haut de l’escalier ! En manque d’autres explications, cette invitation vagabonde dans ma tête agitée comme ces avions de papier qu’on faisait en classe pendant l’heure de religion, que je vois maintenant voltiger sur la mer d’Ostia.
De quel escalier voulais-tu me parler ? Est-ce qu’il s’agit des cent vingt-quatre marches amenant à l’Aracœli ? Là où nous envoya une fois Mme Cellini avec son péremptoire « à reconnaître » ? Est-ce que tu y étais, mêlée à ce troupeau de vandales ? Toutes ces marches en un seul souffle, ce n’est pas évident, mais ça valait le coup. Là-haut, personne entre nous ne s’intéressait au panorama de Rome, personne ne disposait du temps ni surtout de l’envie de briser un peu l’écorce solide de notre ignorance béate jusqu’au point de s’apercevoir de cette monstruosité : une église, cachée derrière une humble façade en briques, qui ressemblait à une belle paysanne prise dans un piège… se trouve encastrée assez brutalement entre les pierres du palais de Michel Ange et les marbres exagérément blancs et faux de l’immense monument au Soldat inconnu. Toi aussi tu appelais « machine à écrire » cet accouchement absurde de l’urbanisme et de l’architecture, et tu riais, la lumière dans les yeux. En cette journée, marquée par l’indécision du soleil ou de la pluie, tu te barricadais dans ton imperméable, comme d’ailleurs les deux ou trois camarades de sexe féminin qui étaient avec toi. Vos rires complices formaient un cercle infranchissable. Et moi, pour le briser, je n’avais même pas l’excuse de la cigarette. Alors, en début mars 1962, debout dans le parvis très exigu de l’église de Sainte-Marie en Aracoeli, vous ne fumiez pas, ça c’est sûr. Sinon, tout comme les mâles, emmitouflées dans vos blouses noires, vous fumiez en cachette dans les w.c. des femmes…
Mais peut-être ce matin-là tu étais absente. Il est d’ailleurs possible que ce soit moi qui veux coûte que coûte t’emprisonner dans un souvenir si net. Il se peut aussi que ce vétuste autel romain hissé au bord du ciel ce fût plutôt un lieu secret de ta jeunesse. Est-ce que tu veux, aujourd’hui, qu’on y aille ensemble ?
Je suis peut-être sur une fausse piste. Mais je me souviens que ton écrivain préféré c’était Elsa Morante et tu as certainement lu son roman « Aracœli », publié vingt ans après notre visite. Je me souviens, pendant une interrogation, tu racontais à M. Vazzana, notre prof d’italien, combien tu avais manifesté ton admiration pour « L’île d’Arturo », le roman situé à Procida, l’île des amours interdites…
Mais je vois bien que tu hoches la tête pour dire « non ». Ni Caramella ni son paquet mystérieux ne m’attendront jamais en face d’une église placée au sommet d’un escalier.
Et pourtant cette attitude de lectrice acharnée m’attire irrésistiblement dans un labyrinthe parallèle… Cela ne m’amènera nulle part, mais je n’y peux rien, je suis là et je te regarde depuis mon quatrième rang… Nous partagions le même couloir entre les bancs et tu es là, assise au troisième rang de la colonne, toute féminine, qui longe le mur où s’ouvre la porte de notre classe….
Tu lisais toujours. Je te voyais bien. Peut-être, comme je le faisais moi aussi, tu te concentrais dans la préparation de la matière de l’heure suivante… ou alors tu regardais tout autour de toi, d’un oeil interrogatif, faisant tourner ton cou de girafe châtaine comme si c’était le périscope d’un sous-marin peint en rose d’Opération jupons, avec Cary Grant et Tony Curtis… J’aimais ton air distrait, cette légère patine de poussière écolière qui protégeait tes éventuelles couleurs ou chaleurs. En cette époque-là, les images de femme nues étaient rares et pourtant j’avais la chance de pouvoir consulter, en cachette, ces deux catalogues que ma mère avait ramenés depuis notre voyage à Paris de 1958 : les nus de Renoir et Degas. Pour moi, Caramella, tu étais une de ces baigneuses de Renoir aux longs cheveux en chignon…

002_aracoeli muratore

Photo emprunté de l’article « 2.000 anni… circa… » publié sur le blog de Giorgio Muratore, da Archiwatch

Parfois, en riant, tu laissais jaillir une sagesse tout à fait singulière…
— Sainte-Sabine… c’est à reconnaître ! Mme Cellini avait tranché cela par une gentille autorité. Au jour suivant, espérant d’en profiter pour une escapade, nous nous étions faufilés dans le Jardin des Oranges, ce rectangle de paix absolue que domine le flanc solennel d’une des plus belles églises au monde. — Sainte-Sabine, sur l’Aventin ! répétait la Cellini, en nous montrant la photo sur le grand livre. Ensuite, elle aurait appuyé la main et même le bras sur la didascalie, avant de prétendre qu’on devine immédiatement le nom de tel palais ou de telle église. Cet usage je le retrouvai ensuite dans le sadisme de Bruno Zevi et Paolo Portoghesi aux examens d’histoire de l’architecture.
Mais si j’y réfléchis… nous nous sommes rendus à Sainte-Sabine tous seuls, sur un tapis volant. La rampe facile et verdoyante je l’ai parcourue plus tard, tout seul, après notre triste adieu. Quant à toi, une vieille tante t’attendait dans son appartement à l’EUR…
Ah oui, on nous nia même ce temps minimum qu’il m’aurait suffi pour te clouer contre un arbre ou prendre juste ta main sur un banc public en forme de triclinium. Mes espoirs aguerris échouèrent contre ton adieu impromptu. Mais avant, comment oublier ces pas invisibles sous les arcades sombres, ce long instant ? Tu t’étais assise à côté de moi, sur une de ces petites chaises en paille qu’on utilise de plus en plus souvent dans nos mariages à l’italienne… Oui c’est aussi à cause du fait que Sainte-Sabine est l’une des églises les plus recherchées pour les mariages que toi, dans le silence lumineux de cette nef blanche, tu as entendu peut-être le battement furieux de mon coeur. Car en fait tu as tourné brusquement ton visage pour me fixer dans les yeux.
C’est étrange… Peut-être, tout cela m’arrive du fait d’un père silencieux et gentil et d’une mère conteuse et, par conséquent, charmeuse… Peut-être, tout, en moi, descend du charme de cette voix qui devait arriver sans prévenir, s’accoudant sur mon lit comme une fée céleste.
En fait, ce jour-là, en cette minute et demie dont tu me fis cadeau au milieu des fleurs blanches d’un mariage qui venait juste d’être célébré, je m’étais déjà accoutumé à vivre le présent de façon fataliste et résignée. Prêt à cueillir les instants de distraction d’un mari ou d’un père, pour jouir jusqu’au bout, si possible, du « beau moment ». D’ailleurs, en cet après-midi à jeun, suspendu entre la cloche de l’école et la rentrée à la maison, ce fut toi qui disais : — dommage, je suis nulle comme photographe… mais celui-ci serait vraiment un moment qu’on devrait arrêter !
J’aurai dû te répondre quelque chose d’intelligent, mais, en ce moment-là, ma tête flottait dans le vide comme celle d’un merle égaré, et je te déçus, peut-être, en disant la première bêtise venue : — avec la photo, la prof d’histoire de l’art ne pourrait pas dire que nous ne sommes pas venus visiter Sainte-Sabine !

Entre-temps, je vivais une parenthèse de joie intense, incommensurable. Si jamais nous étions restés renfermés dans l’église jusqu’au lendemain, nous n’aurions eu peur de rien.

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Voilà que je suis idiot ! Maintenant, je comprends ce que tu voulais me dire au beau milieu de mon rêve de gares parisiennes et d’hélicoptères descendant à pic sur la rotonde d’Ostia : je dois m’attendre à un véritable paquet. Ce dernier se trouve, je le devine, en haut de l’escalier, au milieu du palier du deuxième étage de notre lycée !
Je commence à penser que tu veux me faire une surprise. Ou alors tu me laisses demeurer dans mes illusions, en reportant « sine die » l’amère déception, en me faisant croire que là-dedans il y ait nos lettres… Pourtant je le sais, ma chère Caramella, nos lettres se sont définitivement perdues !

Giovanni Merloni

Cette correspondance est protégée par le ©Copyright 

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Nous devons nous acheminer, avant que la nuit tombe de nouveau ! (Caramella n. 1)

03 dimanche Jan 2016

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits

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Caramella

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Nous devons nous acheminer, avant que la nuit tombe de nouveau !

Caramella,
Pour briser la glace, j’aimerais bien faire une promenade avec toi sur la passerelle au bord de la mer d’Ostia, cette insignifiante frontière entre l’asphalte et les sauvageries des vagues que mon souvenir considère comme unique au monde. En raison, peut-être, d’une beauté invisible, ou perdue dans quelques méandres de films d’amateurs. Un quartier de Rome catapulté jusqu’au poil de l’eau. De façon étrange, dans mon souvenir, la pinède qui voltige au dos de la mer me fait peur : vis-à-vis de ce maquis hirsute au-dessous des ombrelles grises ou vertes, je préfère carrément la paisible désolation que les avions de papier traversent dans un mélange inquiétant de parfums féminins. En fait, pour me promener confortablement j’ai besoin d’un muret, d’un monde de gens qui vont et qui viennent tout autour, de voitures et de scooters filant dans leur esprit d’indifférence et, de l’autre côté, d’un tableau vivant, mais immobile, toujours en train de changer et pourtant doué d’une personnalité inébranlable et dense : le panorama. Ou seulement un coup d’œil vers l’horizon blanc et gris. Me promener avec toi, respirant le vent avec ses odeurs, savourant un sentiment d’égarement provisoire, plongeant par à-coups dans une espèce d’héroïsme… À Ostia il y a tout cela et, peut-être, même plus !
Je devrais me précipiter, emprunter un hélicoptère avant de descendre sur la blanche terrasse ronde que Mussolini plaça emphatiquement au bout de la Cristoforo Colombo. J’aimerais venir à ta rencontre en hurlant ton nom tandis que tu éventes un foulard blanc.
Mais mon tempérament réfléchi, sans les éteindre, essaie toujours de canaliser mes pulsions dans un courant de pensées plus réalistes. Effondré dans le fauteuil Frau revêtu de jaune foncé et protégé par le vieux plaid écossais qui fut de mes parents, tout comme le fauteuil d’ailleurs, je lorgne le parquet à bâtons rompus de ce salon parisien… et, au-delà de mes cinq fenêtres, je passe en revue l’enfilade des immeubles en gris et beige du boulevard que les platanes nus de janvier ne cachent pas. Un bruissement ininterrompu me rassure : l’année nouvelle a commencé, les gens, dans la rue, essaient de faire quelque chose. Certes, il est samedi, demain ce sera à nouveau dimanche, jour porteur de grasses immobilités ainsi que de tours vicieux… Comment fais-je à partir ? Ne pourrais-tu pas briser toute surprise et te catapulter ici, toi-même ?
Je viendrais très facilement te récupérer à la Gare de Lyon, je t’aiderais bien sûr à te débrouiller avec la lourde valise et tes nombreuses bourses. Ensuite, sans plus attendre, je te traînerais dans le métro. Puis, je t’amènerais à ton hôtel. Pour toi, l’idéal ce serait l’hôtel Chopin. Il se trouve au beau milieu du passage Jouffroy, cette splendide galerie aux boutiques sobres et élégantes où le bruit des talons et le couinement de la valise ne seraient pas inaperçus, malgré l’inquiétante proximité avec le musée Grévin, avec ses redoutables gueules de cire. D’ailleurs, Paris n’aime pas vraiment les spectres. Tout est vif, ici. Et les « Grands disparus » flottent joyeusement, au-delà de la mort, à côté des « petits vivants » que sommes nous, dans un échange infini de suggestions et pulsions d’amour réciproque.
Malheureusement, mon réalisme d’aujourd’hui n’arrive pas trop loin avec cette image fragile et boiteuse d’une promenade retardataire comme la nôtre… Une lente, magique et peut-être assez longue promenade. Avec le sentiment qu’on nous a toujours obligés, tous les deux, à freiner nos impulsions les plus dangereuses, en les coinçant dans une espèce de timidité ou de maladresse renonciataire…
Ou alors… qu’en sais-je ? Si les terribles vicissitudes de nos vies nomades nous ont catapultés sur ces deux rives lointaines… ne vois-tu pas qu’elles semblent de but en blanc se rapprocher ? Elles sont tellement voisines qu’elles se touchent, presque…
Nous devons nous acheminer, avant que la nuit tombe de nouveau !

Giovanni Merloni

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