le portrait inconscient

~ portraits de gens et paysages du monde

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Archives de Tag: Bologne en vers

Dans la rue qui mène à la rue où nous étions intègres (Bologne en vers n. 21)

09 jeudi Août 2018

Posted by biscarrosse2012 in poèmes

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Bologne en vers

Dans la rue qui mène à la rue où nous étions intègres

Dans la rue qui mène à la rue
où nous étions intègres
tu demandes à quelqu’un
l’adresse de ces diableries
que le rêve ne veut pas déjouer :
« Car le rêve, tu dis sans bouger,
par son amoncèlement
d’endroits inconnus et d’étranges ravins,
nous fait courir en vain :
il est trop éloigné, rongé par les lapins
notre lit peint en vert,
désormais tout se perd
dans une mer qui n’est plus notre mer ! »

Dans l’escalier qui mène à l’escalier
où naguère demeurâmes volontiers,
un vent de gens musclés
brise et balaie la lumière
qui t’effleure les lèvres.
Il balaie et brise cette fleur
de mots compliqués
qu’épiaient les baisers que t’arrachais,
que tout d’un coup tu m’accordais
par un bond bienfaiteur.

Ton visage réapparaît, à peine courbé
vers le pré où m’amène
un autre pré. Là, se fige une maison
qui ne ressemble pas à la tienne
rue des Orphelines. Au-delà d’une cloison
ton regard retranché et hardi
est en train d’explorer nos ruines :
« Pour le ciel que tu me portes
c’est trop tard, car je suis morte.
Des avalanches assassines
ont trop bien poli ton rêve maudit ! »

Dans le couloir qui mène au couloir
où nous fûmes des guerriers aux membres élancés
je m’accroche à l’ultime porte
tandis que tu jures qu’elle est morte
cette histoire où d’autres histoires me portent
cette joie conquise et ressuscitée
qui explosait dans le bas-ventre
d’une ville dépourvue de centre
dans un pré brûlé
dans un souffle désespéré
qu’à nouveau j’avale
traversant le couloir
me rouant dans l’escalier
où pour la énième fois
tu ne m’attends pas. (1)

Giovanni Merloni

(1)
Tu n’es pas dans la rue,
et je ne trouve pas une rue
où te poursuivre en courant
(du moins quelques instants).
Il n’y a pas non plus un sentier
où me réveiller tout entier…
G.M.

Jamais, ma joie, tu n’aurais quitté mon bras… (Bologne en vers n. 20)

06 lundi Août 2018

Posted by biscarrosse2012 in poèmes

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Bologne en vers

Jamais, ma joie, tu n’aurais quitté mon bras…

De ces temps éloignés et perdus,
rassurés par les mots de nos apôtres
nous marchions, parmi d’autres
à l’assaut de ce monde mal fichu.

Nous courions bras dessus-bras dessous
estompant dans la joie contagieuse
la blessure âpre et douloureuse
de notre escapade interrompue.

Tout d’un coup, t’ayant perdue de vue,
à la première rambarde je m’accrochai
et, parmi mille têtes, je fouillai dans la rue
désespérant que la tienne jaillît du marais.

En plongeant mon regard de fantôme
dans le miroir lugubre de ta soudaine absence
je vis autour de moi se répandre le silence
avalant rudement tes élans, ton arôme.

Ô combien inutile me sembla l’impatience
qui naguère me poussait à t’emboîter le pas !
Si j’avais cru jusqu’au bout à ma chance
jamais, ma joie, tu n’aurais quitté mon bras…

Giovanni Merloni

Subitement, j’ai grandi (Bologne en vers n. 19)

01 mercredi Août 2018

Posted by biscarrosse2012 in poèmes

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Bologne en vers


Subitement, j’ai grandi

Subitement, j’ai grandi
dans ta petite main.
Abruptement, j’ai suivi
la courbe de ton cou châtain.
Et suis précipité, en contre-jour,
à travers les moucherons de la cour
au bout d’un accablant après-midi
où la chaleur paraissait de velours.

En un seul dessin

En une seule tache lumineuse
je voudrais te résumer
ou sinon t’emprisonner
dans une rude toile d’araignée
dans une suffocante nébuleuse,
dans une sculpture figée.

Rien qu’en deux traits de fusain
je voudrais éterniser
ton regard malencontreux
les couleurs juxtaposées
de ta peau, de tes cheveux.

En un seul dessin
je voudrais savoir graver
les pensées où tu te tords
tes fantaisies bien cachées
tes espoirs, tes remords
tes ombres décachetées.

Il s’ouvrirait alors devant moi
des collines de gel ou de feu
un paysage vallonné vert et bleu
où se confondraient sans émoi
nos vêtements brusquement jetés
dans la mer rose et jaune de l’été.

Plus tard, mon croquis flotterait
sur la table mollement dressée
des amants tourmentés
sur leurs tristes fourchettes
sur le festin encore chaud
que voudrait mettre en miettes
le regard indiscret d’un salaud.

Je demeurerais inconscient
face à l’incessant va-et-vient
de silhouettes étrangères
qui sillonnent notre clairière.

Au-dehors des glaces noircies
et des ampoules éteintes
je savourerais, sur la terre avilie
l’odeur vif de notre étreinte
nos soupirs haletants et imberbes
et nos chuchotement silencieux
rebondissant, tels des adieux,
des ruines et des herbes.

Il me faudra, tôt ou tard

Il me faudra, tôt ou tard
arrêter de décrire ce que dit ton regard,
brusquement m’obliger
de ranger ce portrait mensonger
dans une toile d’araignée,
dans une nébuleuse,
dans une sculpture
dans un lit de fumée
dans une journée boueuse
où notre fabuleuse aventure
se termine.

Giovanni Merloni

j'ai grandi def

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Je ramasserai ces haillons et ces mouchoirs sales (Bologne en vers n. 18)

08 dimanche Juil 2018

Posted by biscarrosse2012 in poèmes

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Bologne en vers

Je ramasserai ces haillons et ces mouchoirs sales

Dans le noir, juste avant l’aube,
je ramasserai ces haillons et ces mouchoirs sales.

Dans le désert de mon cœur
je verrouillerai les enseignes éteintes
de ce quartier incolore qui me fut gentil.

Dans un trou de ma poitrine,
je garderai la photo froissée
le sourire surpris, les yeux étincelants
de la seule femme que j’aimai.

Ce sera sans doute un matin froid
où le vent expérimenté
frappera brusquement aux rideaux métalliques.

Dans cet air sombre et hostile
mes pas malhabiles fouleront les trottoirs
en laissant derrière eux le sillage noir
de regards emboués de tristesse.

Dans ce vacarme silencieux
j’emprunterai une gueule quelconque
et, d’un coup, je me déroberai
aux mesquineries bien connues
qui voudraient m’empêcher
de fredonner mon chant faux
parmi les ombres en cohue.

Au petit soleil, le souvenir m’écrasera
des amis riant fort sous l’ampoule
et leur cri déchirant zigzaguera
parmi les poteaux qui s’écoulent.

Y aura-t-il d’autre moyen, à cette heure fatidique
de savoir qu’à jamais je suis seul ?
Que mon destin de partir va s’étendre
tel un triste linceul
sur un mot de fierté maladroite
sur un geste d’orgueil ?

Seul, j’arpenterai des chemins
de terres arides et fleuves. Quand
au sommet des ponts
je croiserai moi-même,
ce que j’étais vraiment,
j’aurai sur-le-champ l’envie
de faire demi-tour.

Vous ne m’entendrez pas
quand je partirai,
ramassant mon corps amoureux
à la hâte, dans le noir,
juste avant l’aube.

Giovanni Merloni

mulino a vento_fardellox poésie

Lien texte italien 

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Une statue (Bologne en vers n. 17)

01 dimanche Juil 2018

Posted by biscarrosse2012 in poèmes

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Bologne en vers

Giovanni Merloni, Le trapèze, acrylique sur papier 46 x 64 cm, 2015

Une statue

1.
Une statue gesticulante
nous a parlé et même hurlé
avant d’arracher, affolée,
les fils bleus du tramway,
pour se forger, à notre insu,
une cravate tordue
et s’éloigner, tristounette,
parmi des branches violettes
octroyant, juste au bout,
une jolie porte secrète.

Sur mon même sentier, avait-elle marché
cette statue descendue de cheval
orpheline de son piédestal
emboîtant mes pas irréguliers
indifférente aux échos retentissants
de nos corps inexistants.

La fatigue c’était alors mon métier.
Chaque jour j’effondrais dans sa crue
et j’en ressuscitais tout entier
comme en sortant du marbre d’une statue.
Cela m’apprit à me résoudre à la vie
jusqu’à me découvrir gaillard et serein,
ma tête épuisée à même tes seins.

2.
Bien avant, une statue de bois
avait caressé tes cheveux blonds
d’où coulèrent à l’unisson
sur nos bras enchevêtrés
des larmes brûlantes, liquéfiées
libérant enfin nos poitrines boueuses
de toute ombre visqueuse.

Bien avant, une statue de cendre
avait emmené notre amour
dans une grotte de joie
auprès d’un lac de velours
s’évaporant brusquement à rebours
sous des draps de carton.

Bien avant, une statue de cire
s’était dissoute en arpèges
au milieu de nos corps de liège,
nous apportant une rengaine,
ratatinée et étrangère,
envoûtante et grossière
avec l’aubaine inespérée
d’une caresse qui nous réjouit
mes yeux dans les tiens enfouis
lors d’un jour de paix endormie.

Bien avant, une statue d’étoffe
ensevelie par des chiffons de soie
et des foulards de faux coton
ouvrit une brèche dans nos remparts
nous laissant librement arpenter
les labyrinthes sans fin
où se cachait, irrévocable, le destin
de nos vies de pantins.

3.
Il s’agissait
d’une statue de papier,
d’une statue de neige,
d’une statue de feuilles,
d’une statue de mains, de pieds
de sexes entrelacés.

Il s’agissait
d’une statue aux yeux vidés
par des pigeons terrorisés,
d’une statue de granit rose,
d’une statue aux branches soyeuses
où nos blanches chemises accrochées
se rendaient, telles des voiles délabrées
à l’évidence de la chose.

Il s’agissait
d’une statue qui arrêta de chanter,
de rire et nous câliner
reflétant, rien que pour nous
les lumières et les sons inconnus.

Il s’agissait
d’une statue statuée.

Giovanni Merloni

la statua 740

Giorgio De Chirico – sculpture exposée pendant l’été 2004 dans la cour du Palais des Diamants à Ferrare

Il y a 5 ans pile, le 1er juillet de 2013, j’avais publié cette même poésie, « La statue », qui demeura inaperçue, à part le commentaire de Dominique Hasselmann.
Cinq ans après, en entamant cette deuxième publication, je me suis rendu compte que dans le texte français de la première traduction il y avait beaucoup des choses à reprendre.
Il ne s’agissait pas que de la traduction et du choix de mots appropriés et poétiquement efficaces dans la langue de Jean Giono.
Il fallait aussi, pour une meilleure cohérence expressive, revenir à quelques passages du texte italien qui n’étaient déjà pas trop clairs et compréhensibles dans la langue de Umberto Saba.
Au bout de ce travail le nouveau texte vous livre une « chose » tout à fait différente, qui correspond sans doute mieux à mes exigences expressives actuelles ainsi qu’à mes états d’âme de l’époque (années 1976-1977) où la première ébauche italienne a vu le jour.
Tout cela m’a fait bien sûr réfléchir à ces 5 années que j’ai consacrées intensivement à mon blog et à cet étrange échange réel-virtuel avec des lecteurs connus et inconnus. Cinq ans, ce n’est pas une courte quota de mon existence, où j’ai moins profité qu’auparavant du monde physique qui m’entourait et notamment des mille suggestions ou des jardins en grand nombre de Paris…
Il y a eu sans doute des personnes qui ont critiqué plus ou moins ouvertement mon abnégation voire mon acharnement à communiquer avec mes confrères français même si ma langue française n’était pas toujours maîtrisée ni efficace…
Cependant, je crois que cela a été très, très important pour moi, tandis que ce « work in progress » n’ayant pas d’alternative s’est révélé au contraire une formidable façon de croître et d’apprendre le meilleur de la vie.
G.M.

Combien de mots (Bologne en vers n. 16)

23 samedi Juin 2018

Posted by biscarrosse2012 in poèmes

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Bologne en vers

Giovanni Merloni, En contre-couchent, acrylique sur toile, 2018

Combien de mots

Combien de mots
nous héritons
de la peur de la nuit
de la misérable noblesse
de nos jours engourdis.

Combien de mots
en dépit de la fatigue.

Combien de mots
compromis par l’enthousiasme.

Combien de mots
pour nous dire combien
nous nous sommes manqués,
combien de mots
pour te raconter de moi
pour me raconter de toi :
« ô combien hier ce fut triste »
« ô combien ce matin fut lent »
« ô combien cet après-midi
fut furieux ! »

Combien de mots
pour étouffer le scandale
d’avoir emprunté cette retraite
à une déesse distraite.

Combien de mots
pour qu’il devienne enfin juste
ce silence des baisers
cette profondeur de la nuit.

Combien de mots
pour ajouter de la force
au délire de notre abandon.

Combien de mots
tels des funambules
nous avons poursuivis
pour nous dérober
à l’orgueil, à l’embarras
de cette rencontre.

Combien de mots
pour esquiver
le fantôme douceâtre
de la solitude annoncée
du retour chez soi
chez elle, chez lui
chez lui, chez elle.

Combien de mots
pour nous forger des carapaces
de héros solitaires
que bercera gentiment
la musique de la mer.

Combien de mots
pour tout tromper
et tromper nous-mêmes
avant de glisser
dans un nouvel ordre des gestes
qui nous ouvrira à nouveau
la porte invisible
(ô combien légère)
de notre entretien
(ô combien vrai !)
(ô combien chaud !)
(ô combien froid !).

Combien de mots
se perdent au loin
dans un trou noir constellé
de hurlements, de sanglots,
de petits pas brisés.

Combien de mots
voudraient remonter en troupeau
du fond désespéré d’une nuit
qui va se terminer dans un autre lit.

Combien de mots
pour nous plaindre de nos échecs
pour nous reprocher
réciproquement
le train qu’on a raté
où l’on aurait pu se connaître
et se marier aussitôt…

Combien de mots
pour nous autoriser
ce véritable amour qui nous unit
de toute volonté en dépit
par ces instants de crève-cœur
que nous nous arrachons
comme des voleurs.

Combien de mots
entrent et sortent
de nos lèvres ardentes
de nos yeux clos
de nos imprudentes mains
abandonnées dans un beau rêve
d’horizons lointains.

Giovanni Merloni

combien de mots_740

TEXTE ORIGINAL EN ITALIEN

Cette poésie est protégée par le ©Copyright, tout comme les autres documents (textes et images) publiés sur ce blog.

J’ai relu le palimpseste de mes incapacités (Bologne en vers n. 15)

20 dimanche Mai 2018

Posted by biscarrosse2012 in poèmes

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Bologne en vers

J’ai relu le palimpseste de mes incapacités

1.
Dans ces poésies d’amours révolus,
l’ai relu le râle subtil, les chemins abstrus
s’efforçant durement de comprendre et penser.

j’ai traîné dans ces vers déchirés et déçus,
m’accordant l’insistance et l’abus
d’opiniâtres retours au théâtre
qui voyait nos deux corps se combattre
et sans gloire périr.

Dans ces mots sans honneur
de petites morts je fus collectionneur
tandis que ma petite vie y découvrait
le goût trompeur de l’ennui,
l’élégance gentille d’un corps inutile,
la saveur bien trompeuse
des étreintes empruntées
à l’amour des films d’amour,
l’odeur malicieuse
de l’amour des paroles d’amour
(ces paroles éloignées de la sagesse
exemptées de la force,
dépourvues de courage).

2.
Je collectionnais mes gestes et les tiens
comme autant de coups de sape
impatients de briser la sombre cape
de mon adolescence cruelle
me libérant de l’étreinte mortelle
du placenta rose de mes obsessions
ou sinon de l’inquiétante prison
d’une souriante photo de famille.

J’ai revu ton visage
en pose, ta figure nue
s’apprêter, craintive, aux assauts ;
j’ai touché de la main
(et de mon entière mémoire)
l’odeur de la couverture
le silence de la lumière filtrée
à travers la modeste fenêtre
l’inexplicable bien-être
de nos âmes mouillées.

Je te voulais, je venais
te chercher, je t’aimais,
mais te sous-évaluais
mais te surévaluais.

Dans notre silence tendu,
j’étais aux exordes désespérés
de mon ambition de bonheur
et cela fut un prétexte
pour que mon agressivité
se rue, à l’unisson
avec une imperceptible
pulsion de mort,
contre les murs bien subtiles
de notre foyer sans îles.

3.
J’ai relu mes histoires :
toujours, sur les rails de chaque train
mon veston s’accrochait à la nuit
et j’accrochais mon regard
aux champs aux poteaux aux maisons.
Je devinais par éclairs
que je n’existais pas,
que toi non plus tu n’existais.
Peut-être nous manquait-il le courage
d’accepter humblement le destin
de nos êtres enfantins.

Hier, au tournant d’une autre vie
qui s’affiche indigeste
j’ai relu le palimpseste
de mes incapacités :

je ne m’aimais pas vraiment,
en rien sérieusement
je ne m’engageais
et jamais je n’ai su t’aimer
ma longue, tendre, affectueuse
inexplicable écorce lisse de femme.

una moglie scocciata antique 72

Giovanni Merloni

Je ne bouge pas (Bologne en vers n. 14)

28 dimanche Jan 2018

Posted by biscarrosse2012 in poèmes

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Bologne en vers

Je ne bouge pas 

Je ne bouge pas.
M’abandonnant à des gestes mécaniques
je retrace les marquises blanches
la mosaïque des visages décolorés
des ruisseaux célestes.

Je ne bouge pas.
Je n’ai plus mes armes de carton
ma carapace de cuir
mon heaume en plastique
mon col de dentelle.

Je ne bouge pas.
Me dérobant aux éblouissantes péripéties
des labyrinthes de l’inconscience,
je m’égare, immobile
sur une plage au crépuscule
où tes yeux surgissent
tels des os blancs
de la mort verte et bleue de la mer.

Je ne bouge pas,
impassible devant les deux cent films
de l’allégorie, du courage
du dénouement, du tête-à-tête
de l’étreinte, de l’adieu.

Je ne bouge pas.
Parmi les frères
je songe à nos corps blancs
confrontés à l’ennui de la fête
à la très agréable angoisse
du vent, des arbres
des fontaines de Rome.

Je ne bouge pas.
L’envie de nouveaux gestes
me conduit par à-coups
à la stupeur du chocolat
à la bagarre excitée des mots.

Je ne bouge pas.
Sans défense, mais encore vivant,
j’accède à nouveau
au monde kitch
des sourires bienveillants
des rites conformistes
au monde gris et jaune
que le va-et-vient du soleil
embellit et oublie.

Découvrant mon futur dans la vie
que je partage avec toi
je ne bouge pas.

Giovanni Merloni

Une poésie pour toi (Bologne en vers n. 13)

16 dimanche Juil 2017

Posted by biscarrosse2012 in poèmes

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Bologne en vers

Une poésie pour toi

Une poésie pour toi
est une émission en mie
de pain, clandestine,
dérangée sans émoi
par des radios ennemies ;

c’est une carte illisible
d’où à peine se déclenchent
les routes serpentines
les villes impassibles
les maisonnettes blanches ;

c’est un cœur de géant
s’invitant dans ta tanière
pour une fête paysanne
et se congèle pourtant
dans une souricière ;

ce sont des cahiers de prison
se gonflant à démesure
à la brise courtisane
tels de radieux torchons
frôlant ta devanture ;

c’est une natte luisante
au clair de la lune
pour notre fuite partisane
scandaleuse et brûlante
dans la nuit inopportune.

Giovanni Merloni

Ma soeur Barbara à Venise (« Bovolo »), 1960

Une poésie pour toi (version précédente)
Une poésie pour toi est un programme sublime, mais clandestin, brouillé par les radios ennemies ; c’est une carte muette où tu devines les villes et les rues ; c’est un cœur immense qui voudrait te chauffer et pourtant se gèle dans un piège à rats ; c’est une lettre de la prison qui se gonfle comme un drap devenant une natte solide et luisante dans la nuit de lune d’une échappée maquisarde.
Giovanni Merloni

TEXTE ORIGINAL EN ITALIEN  

La poésie en italien était plus simple e serrée, mais avec ce même esprit de jeu s’adressant à une amoureuse bienveillante.
G.M.

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On est presque au début de l’été (Bologne en vers n. 12)

11 mardi Juil 2017

Posted by biscarrosse2012 in poèmes

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Bologne en vers

On est presque au début de l’été

Dans l’eau pourrie du canal, en quête
d’un provisoire silence, sans retenue
je laisse flotter mes bras, ma tête
et je creuse des dents, dans le sable,
un tunnel de pensées méconnues
échouant dans le piège inévitable
de visages féminins, de voix
récitantes, d’épaules nues
adossées aux cloisons de bois.

On est presque au début de l’été
ressemblant à une glycine inodore
aux douceurs jaillissant du vase de Pandore
au souvenir soudain d’un vif arôme,
à une vieille dame très distinguée
debout près d’un balcon plongé sur Rome.

On est presque au début de l’été
avec la saveur de paille et la fumée
d’une cigarette, lorsqu’à nouveau
d’entre les lèvres serrées en étau,
jaillit, ruineuse,
l’euphorie d’une transgression vaporeuse
et l’enthousiasme vermeil
d’une promenade fouettée par le soleil.

On est presque au début prometteur
d’un nouveau rythme des corps
d’une habitude inouïe au froid, à la chaleur,
aux rues prenant les noms de nouveaux morts
tandis qu’un ver de doutes, véritable vautour,
ronge l’émail du sourire de l’amour.

Dans un après-midi de nuages noirs
s’évanouissent alors mes espoirs
mes énergies d’ancien athlète
tandis que nos silhouettes inquiètes
gonflées de pure angoisse, s’endorment
dans un grand lit sans forme.

On est déjà soumis à une vie impétueuse
nous amenant en caravane des embarras
des tracas, des hésitations
des labyrinthes de haies boueuses.

Un nouveau tour débute
qui ne sera pas, sans doute
un nouveau cours : on est plus âgés
mais on s’achète des nouveaux dentiers ;
on a durement changé
mais on s’applique des prothèses
pour une nouvelle virginité ;
jamais nous avons combattu
de véritables guerres
mais nous affichons un air mal fichu
un œil de verre
un faux genou
des fesses en caoutchouc.

On est presque au début de l’été.
Nous traverserons son immense fourmilière
avant de nous asseoir sur le parapet de pierre
où nous imiterons le teint bronzé
des autres, leur vague de sourires gâtés.

Là, par de nouveaux casse-têtes
frôlant le bord venteux d’une mer infinie
nous apprendrons à procrastiner nos vies
demeurant libres, indifférents aux enquêtes.


Là, une balançoire d’étoffe
voltigeant au-dessus de l’écume de la nuit
nous amènera les voix d’un jardin luxuriant
où, désespéré et violent,
un autre été luit.

Giovanni Merloni

S’achemine l’été (version précédente)

S’achemine l’été. Sur le canal pourri flottent mes bras, ma tête chevelue ; avec mes dents j’ai creusé dans le sable un tunnel de fantasmes où ma solitude est tombée dans un étau brûlant, obsédant de corps féminins, de cris perçants, de récits farfelus (les épaules appuyées contre un mur de bois).
J’ai suivi la fumée d’une cigarette : la saveur de la paille, la bouche desséchée me rendent l’euphorie d’une douleur fascinante, d’une désolation indolente d’une saison béatement fustigée par le soleil.
L’été s’achemine, tu es dans moi, je t’ai engloutie sans contractions, sans même respirer dans le fond gelé de l’estomac mort. Pourtant j’avance dans la vie minimale, et même ici les éclats de rire, les gestes brusques les cheveux blonds, la violence de voix nouvelles me rendent le drôle bien-être de la patience. D’ailleurs j’ai déjà souffert ainsi, j’ai toujours souffert et aimé et hurlé de joie ainsi.
Un nouveau casse-tête s’achemine avec nous, moi dehors toi dedans (assis contre le vent, face à la mer) pour programmer nos vies douloureuses tout en sachant que plus jamais nous ne nous rencontrerons et que pourtant ce sera une alternance, en sachant qu’on aura toujours envie de se voir mais qu’on décidera à chaque fois que non. Et cette alternance, à vrai dire une balançoire en forme de ruban, s’achemine entre l’écume de la nuit et les voix des amis, des gens connus dans de soudaines vacances dans un complot inattendu qu’on avait songé ensemble.
S’achemine l’été par un nouveau rythme du corps, des gestes, du chaud, du froid : encore une fois le regret, la stérile conscience d’avoir défié l’ambiguïté et le temps ; mes énergies d’ancien athlète, comme des tendons déchirés dans une fin d’après-midi de nuages noirs. Encore une fois je m’accroche au quotidien, repoussant le passé et le futur : cette rupture a été excessive, cette passion trop sanglante, l’interprétation de tes gestes trop au pied de la lettre. S’achemine l’été, tu fais ton balluchon, bon voyage, cette histoire se finit en miettes. Tu m’as connu, consommé, perdu. Chacun revient à sa vitesse, cela ferait d’ailleurs une sagesse d’avoir dit qu’on ne change pas tous les deux en même temps.
S’achemine l’été et nous scrutons, incertains, désolés ce mille neuf cent soixante seize où le ver du doute semble ronger l’émail des sourires de l’amour, faisant chavirer nos yeux nos corps bouffis d’angoisse sur le lit complice que le monde (jusque hier refusé) nous offre. Nous n’avons pas eu le courage de nous tromper, de courir à la rencontre du vent de savourer la fatigue, l’épuisement, les bleus
la saleté du corps, la névrose. Cette liaison est restée là, suspendue à ce mur de glycines, telle une glycine, elle n’a pas eu l’endurance pour devenir une vieille histoire. Il n’y aura rien eu de cela, forcément on oubliera les litiges les gestes gênants, les élans. Ma mémoire et la tienne s’évanouiront comme une nouvelle belle à tout prix, une glace abondante, une vieille dame distinguée devant le panorama de Rome.
Je resterai les mains vides, dans la tête que de mots lourds retentissants dans les tempes, que des souvenirs lassants, des douceurs impitoyables envers nous-mêmes.
S’achemine l’été, un autre été, en deçà de la vie, dans un nouvel embarras, une nouvelle angoisse, un nouveau labyrinthe de haies en feu, un nouveau tour, mais nous ne bougerons d’un millimètre, obligés de ramasser, par un soin stupide, ce que l’euphorie héroïque avait jeté. On est vieux, désormais, mais on s’achète de nouveaux dentiers. On devient de plus en plus stériles, arides, coincés, mais on s’applique des prothèses pour de nouvelles virginités. On n’a jamais combattu en rase campagne, mais on s’invente
une jambe qui boite un œil de verre, des fesses en caoutchouc.
S’achemine l’été et nous traverserons son désert enflammé jusqu’à ce parapet de pierre où nous nous assiérons parmi les autres dont nous imiterons la carnation la vague des cheveux les gestes. L’été s’achemine, tu es dans moi, je t’ai engloutie sans contractions, sans même respirer, dans le fond gelé
de l’estomac mort.
Adieu.

Giovanni Merloni

TEXTE ORIGINAL EN ITALIEN

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