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Argenteuil 7-19 décembre 2018 : ce fut une réussite !

07 lundi Jan 2019

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Argenteuil, Isabelle Tournoud, Louis Touboul

Argenteuil 7-19 décembre 2018 : ce fut une réussite !

Il y a juste un mois, le 7 décembre 2018, Monsieur Louis Touboul, acuponcteur, a invité ses amis thérapeutes, quelques-uns de ses patients les plus affectionnés et moi-même auprès de son cabinet de soins médicaux d’Argenteuil. Cette rencontre-vernissage conviviale, à l’enseigne de l’amitié et de l’échange, a occasionné l’exposition d’une quinzaine de mes tableaux les plus récents qui sont restés accrochés aux murs de la vaste salle d’attente jusqu’au 19 décembre dernier.

Puisqu’il exerce aussi à Paris, deux jours par semaine, dans le cadre de la Fondation hospitalière Sainte-Marie, Hôpital Saint-Joseph, je connais Monsieur Touboul depuis l’automne 2010. Ses soins m’avaient d’abord aidé à sortir d’une défaillance de la main et du bras gauche intervenue « par hasard » lors d’une opération en tout autre endroit. Ensuite, il m’a soigné physiquement et psychologiquement pour m’affranchir d’une série de soucis en chaîne jusqu’au moment où nos rencontres régulières (tous les mois) sont devenues surtout l’occasion pour des visites de contrôle fort ressemblantes aux consultations de bons médecins d’antan : pour moi, c’est le docteur Touboul qui fait périodiquement le diagnostic de mes hauts et de mes bas, par la grâce : de la grande sagesse et clairvoyance apprise auprès des Chinois ; de son impressionnante sensibilité qui lui donne la faculté de « voir » et de « cibler » les zones mal au point à partir de l’auscultation du pouls ; mais aussi, surtout, de sa façon « socratique », très humaine et discrète, de dialoguer avec ses patients par l’écoute et le conseil.

Pendant ces années, j’avais rarement parlé à cet ami thérapeute de mon travail de peintre. Très récemment, en attendant ma séance d’acuponcture, j’étais en train d’esquisser l’un de mes dessins en noir et blanc, et Monsieur Touboul en avait été surpris. Je lui avais alors promis de lui montrer, un jour, quelques photos de mes tableaux.
L’année dernière, encouragé et même sollicité par Isabelle Tournoud, mon amie sculpteur, j’avais repris à me consacrer de façon intense à la peinture, en réorganisant mon atelier chez moi. À septembre, Isabelle est venue à Paris avec sa fille Camille et a attentivement examiné mes derniers tableaux et dessins, avant de me conseiller de faire « au plus vite » un « book », comme on dit. En octobre, j’ai commencé à montrer mon « book 2018 » à plusieurs personnes, dont Monsieur Touboul. En lui montrant ces quelques photos je n’imaginais pas qu’il avait le même jour envisagé d’inviter un artiste pour faire déclencher une discussion avec ses collègues thérapeutes sur le rôle éventuel de l’art dans le soin de certaines maladies ou dans la récupération de sujets traumatisés.

Giovanni Merloni et Louis Touboul à Argenteuil le 7 décembre 2018

L’organisation de cette exposition a été très simple et économique. Monsieur Touboul m’a aussi aidé à résoudre la question du transport aller-retour des quinze tableaux de Paris à Argenteuil. Je suis arrivé à l’instant de l’inauguration juste un peu crevé… Mais cela dépend de mon âge et d’un certain « analphabétisme pratique » qui se sont affichés ce soir-là en toute leur évidence, après des années consacrées à l’écriture et à la vie sédentaire. Par conséquent, pendant au moins une demi-heure après l’ouverture des danses, personne ne s’est approché de moi pour me demander quoi que ce soit. Jusqu’au moment où l’on a découvert que c’était moi l’auteur des œuvres accrochées aux murs. Et lorsqu’on m’a dit qu’on croyait que le peintre de ces tableaux était jeune, j’ai répondu, bien réconforté : « Oui, en dépit de ma carcasse, je demeure jeune, avec tous mes esprits ! »

Giovanni Merloni

Retour à l’essentiel (La pointe de l’iceberg n. 5)

01 lundi Oct 2018

Posted by biscarrosse2012 in mon travail de peintre

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La. pointe de l'iceberg

Giovanni Merloni, Doppia coppia, aquarelle sur papier, 1970

Retour à l’essentiel

À la veille de ma première exposition (Forlì, 7-17 avril 1973) — quand je ne connaissais que le papier, le stylo à l’encre de Chine, les pastels et les encres aquarelles (les « ecoline » Talens) des dessins d’urbanisme —, j’avais rédigé la suivante autoprésentation : « Romain, 27 ans, architecte, Giovanni Merloni n’est pas un peintre traditionnel, il n’appartient à aucune école. Il ne se déclare pas non plus d’avant-garde : autodidacte, cette forme d’expression devient prétexte pour révéler à lui-même et aux autres un monde complexe et difficile, informel et en même temps laborieusement dessiné. Ainsi ces peintures semblent nées du hasard, comme par hasard naît un homme, un fleuve, une couleur, un contraste, un traumatisme adolescent, une introversion fantastique. Un dessin squelettique et redondant à la fois découvre tout ensemble l’anxiété de l’approche et de la conquête. Ces peintures ne représentent pas une autobiographie, mais un rêve où s’invitent les vacances libératrices d’un univers introverti, sombre et délirant. Ces peintures sont le fruit de contrastes plutôt que de passions, d’angoisses et non de mythes, de ressemblances et non d’identités. »

Giovanni Merloni, Il mazzo di fiori, aquarelle sur papier, 1971

45 ans après, mon parcours artistique s’affiche, somme tout, cohérent à cette première révélation, fidèle au but primordial de retrouver « notre temps perdu » pour le fixer brusquement et nonchalamment dans la dimension sans temps de la peinture et du dessin…

Au début des années 1970, à Rome, j’ètais surtout influencé par des peintres italiens, tels Sironi, Maccari, Vespignani et Ennio Calabria, tandis que dans les années de Bologne (1972-1978), se déclencha en moi une véritable explosion expressionniste : ma peinture « émotionnelle » et mon dessin « ironique » étaient désormais influencés par l’expressionnisme allemand de Munch à Grosz. Je fus marqué ensuite par la recherche graphique très poussée que demandait l’illustration du Roland furieux de l’Ariocste — où je commençai à manifester un style plus personnel — et, à côté, par une activité, non moins importante, de créateur de collages et d’affiches.

J’ai dû attendre quelques années depuis ma rentrée à Rome, en 1983, pour entamer finalement — à côté des aquarelles et des dessins que je réalisais au jour le jour — la saison décisive de la peinture à l’huile sur toile, suivant librement mes propres thèmes privilégiés (la femme, le couple, le théâtre, le cirque ou les vicissitudes abruptes de la vie), ou alors commentant librement des œuvres littéraires ou musicales majeures. Cependant, ces textes et prétextes ne sont pas les seuls responsables de mon parcours expressif, qui ressent de la suggestion subliminale de plusieurs maîtres — de Paul Klee à Chagall ou alors de l’extraordinaire fusion de l’abstrait et du figuratif dans l’œuvre des futuristes russes tels Michel Larionov et Nathalie Gontcharova —, de différentes techniques expérimentées et finalement de l’affrontement sans exclusion de coups entre le dessin et les couleurs.

Giovanni Merloni, Angelina, dessin numérique, 2003

Au passage de l’année 2000, la découverte de la peinture acrylique et l’évolution foudroyante des outils pour la création d’images numériques ont déclenché en moi une longue période d’expérimentation, qui a continué pendant les premières années de mon installation à Paris.
Ici, après deux expositions d’essai (2010 et 2012) j’ai beaucoup profité de mon site-blog « le portrait inconscient » ainsi que de ma présence sur Twitter pour montrer au fur et à mesure ma dernière production, où les collages numériques s’ajoutent sans complexes aux acryliques et aux autres formes traditionnelles d’expressions.
Sans trahir mon inspiration de fond, mon but primordial est dorénavant celui d’un « retour à l’essentiel », à une peinture de plus en plus épurée, où nos semblables cessent d’être les personnages d’une tragédie kafkaïenne ou d’un cirque cher à Fellini, pour devenir les modèles vivants d’un monde qui défie les contraintes et les difficultés quotidiennes pour aller dignement à la rencontre de son propre destin.

Giovanni Merloni

Une étrange vision d’ensemble (La pointe de l’iceberg n. 4)

02 dimanche Sep 2018

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits, mon travail de peintre, portraits inconscients

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La. pointe de l'iceberg

Une étrange vision d’ensemble

Si mon père aimait Doris Day, ma mère avait une véritable passion pour Gérard Philipe, comme le témoigne une coupure de journal qu’elle gardait au milieu de nombreuses photos de famille assez disparates..
Récemment, suite à un hasard dont je ne suis pas capable de me donner une explication, depuis mon ordinateur avait jailli une espèce de film par images superposées qu’un logiciel ou algorithme très compliqué avait crée tout seul, empruntant depuis mon disque dur, sans façon ni ordre, des images disparates de mon travail de peintre et de ma vie privée, suivant pourtant une logique surprenante, qu’accompagnait une musique aussi silencieuse que touchante, où le vacarme des tambours et des trombes s’alternait à un glissement imperceptible de feuilles de papier et de coulisses de théâtre, avec le résultat de dévoiler à moi-même des choses que je n’aurais jamais crues possibles…

Après une longue hésitation, j’ai décidé qu’il n’y avait rien di vulgaire ni de scandaleux dans un tel étalage automatique et inconscient d’une partie cachée de ma vie passée et finalement avec mon iPad, juste à la veille de sa brusque disparition, j’ai enregistré tout cela dans une vidéo très artisanale : chacun de nous peut subir, sans le savoir, le regard indiscret et parfois inexorable d’un œil extérieur… Mais rarement cet être diabolique et à la limite monstrueux a la générosité de nous dévoiler ses surprenantes découvertes !

Giovanni Merloni

Si vous voulez écouter la musique que j’aurais aimé ajouter à cette séquelle d’images « randon », en cliquant ci-dessous vous entendrez deux morceaux célèbres de « Pat Garret and Billy the Kid » de Bob Dylan.
G.M.

https://leportraitinconscient.files.wordpress.com/2018/09/pat-garret-et-billy-the-kid-2.m4a

Pour un Premier mai sans gens en fuite !

01 mardi Mai 2018

Posted by biscarrosse2012 in mon travail de peintre, portraits inconscients

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Premier mai

Pour un Premier mai sans gens en fuite !

Tous les peintres n’aiment pas parler de leurs tableaux, raconter par quel étrange enchaînement de pulsions et de réflexions subliminales ils ont atteint tel résultat, telle image parfois inattendue et choquante… en raison de l’hypothétique sujet évoqué ou représenté, ou alors en conséquence d’une rupture apparente vis-à-vis de leur style bien connu et souvent unique…
Tous les peintres n’aiment pas parler ou écrire…

En fait, il vaut toujours mieux que l’observateur même exprime librement son ressenti en termes d’acceptation admirative ou de révolte.
Je ferais le même si je devais montrer mes tableaux dans une véritable exposition publique, c’est-à-dire dans un espace physique adapté.
Avec le blog, et sa façon tout à fait particulière de faire vivre les choses, la perspective change. Je peux en effet établir une distance ou même une dissociation (qui n’enlève pas mes responsabilités) entre l’auteur et son œuvre, de façon que celle-ci accepte de se laisser regarder et analyser comme un texte anonyme ou alors comme un texte collectif auquel tout le monde a participé…

Après ce long préambule, j’avoue sereinement que je demeure étonné devant cette scène assez dramatique et comme suspendue où ma peinture — jusqu’ici rayonnante et constellée de nuances portées à l’obsession — semble vouloir disparaître pour céder le pas à une forme tout à fait inattendue de Pop Art ou de Bande dessinée ! Je ne me surprendrais donc pas si quelqu’un qui connaît mes dessins ou tableaux précédents se déclarait scandalisé ou déçu pour l’abrupt « retour à l’essentiel » que ce tableau laisse soupçonner.

J’ai dû faire cela, parce que mes rêves, tout comme les rêves des Parisiens et de la plupart des habitants de l’Europe, ne peuvent pas se passer d’un sentiment de tragédie collective qui hante désormais notre quotidien et nos nuits insomniaques.
Certes, la partie n’est pas encore complètement jouée entre le Bien et le Mal dans les différents pays de la planète. Cependant, on est de plus en plus conscient de devoir subir une barbarie qui trouve la façon de contourner la démocratie et les primordiales attentes des peuples.
Sur une péniche joyeusement ancrée auprès du bassin de la Villette, il y avait une simple inscription, ô combien juste :

LA LIBRE CONCURRENCE TUE LA CULTURE !

La libre concurrence (qui d’ailleurs n’est pas libre du tout) tue, avec la culture, les civilisations, la solidarité sociale et le bonheur de l’amitié voire de l’échange désintéressé entre les humains.
Nous sommes tous responsables de cette dérive aussi violente qu’autodestructrice, parce que nous sommes tous faibles, victimes des chimères du progrès et du bien-être personnel et familial dont nous connaissons parfaitement le redoutable revers de la médaille.
Nous continuons à poursuivre le mythe américain, même si nous voyons bien ce que cela signifie. Le pays qui aurait sauvé l’Europe à la fin de la Seconde Guerre est maintenant le principal armateur de la violence dans le monde.
En insistant avec ses logiques impitoyables basées sur le pouvoir absolu de l’argent, nos bien-aimés États-Unis finiront pour nous entraîner dans un cauchemar irréversible qu’ils auront sans doute prévu dans l’un de leurs diaboliques films catastrophiques.

Voilà dans quel état d’âme j’ai imaginé de me réveiller dans une rue de Chicago ou de Dallas touchée par la peur. J’y ai rencontré des gens en fuite. Peut-être s’agissait-il d’une famille, ou alors d’un père avec sa fille, accompagnés par deux voisines de son immeuble. Apparemment, rien ne s’était passé. En train de s’éloigner de quelque chose de menaçant, ils étaient descendus dans la rue… Cependant, leurs visages n’étaient pas figés par la peur, ils affichaient au contraire une expression courageuse et confiante…

Aux « copains d’abord » d’Amérique ainsi qu’à vous tous je souhaite, le muguet à la main, un Premier mai de résistance et de lutte pacifique au nom de l’Amour et du Bien que les humains peuvent se faire réciproquement pendant longtemps encore !

Giovanni Merloni

Le cheval de Troie était blanc (et riait)

22 jeudi Mar 2018

Posted by biscarrosse2012 in mon travail de peintre, portraits inconscients

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Troie, Virgile

Giovanni Merloni, L’incendie, acrylique sur toile 65 x 81 cm,
terminé en 2018

Le cheval de Troie était blanc (et riait)

Comme la plupart des lecteurs du « Portrait inconscient » l’auront sans doute imaginé, je traverse une période de suspension ou de trêve où, tout en m’interrogeant sur le sens de la vie des humains et notamment des artistes, je ne cesse pourtant de m’accorder des illusions.
Puisque j’en ai encore les forces et, par intervalles, la lucidité, j’essaie de me consacrer davantage au dessin et à la peinture qui avaient été pendant les dernières années un peu sacrifiés à l’effort linguistique que demandaient mon installation en France et mon tempérament communicant.
Même si je n’ai pas encore atteint le but d’une véritable intégration dans la francophonie, à présent je suis en train de réorganiser mon atelier pour y accueillir à nouveau les « grands tableaux », dont un polyptyque de deux mètres soixante de long sera consacré à La Traviata de Giuseppe Verdi. Je vis par conséquent une période un peu étrange et tiraillée où la création de nouveaux tableaux s’accompagne à la remise en cause de quelques-uns parmi les anciens.

Ce qui est arrivé à mon « cheval de Troie », qui gisait depuis des années en haut d’une étagère comme une réprimande… un tableau auquel j’avais consacré un temps exagéré, essayant à plusieurs reprises de lui donner une touche finale valide, mais inutilement… Mon cheval de Troie rouge foncé s’effondrait dramatiquement dans l’obscurité des ruines brûlantes et des personnages terrorisés qui l’entouraient… jusqu’au moment où, après une journée sans éclats, je suis rentré, crevé, de ma séance périodique d’acuponcture et me suis endormi dans mon fauteuil.
Dans le sommeil, je traînais mélancoliquement parmi les ruines ensoleillées d’une ville grecque… Il s’agissait sans doute de l’Acropole de Lindos dans l’île de Rhodes, où j’ai passé d’inoubliables vacances en 2005 (les ultimes vacances de mer au chaud, avant d’entreprendre le virage à Nord-Nord-Ouest, jusqu’ici le dernier de ma vie). J’étais donc au beau milieu de stèles et colonnes, une paille enfoncée sur la tête, quand j’entendis une voix connue prononcer des mots en latin :
« Timeo Danaos et dona ferentes ! » (1)
C’était Giuseppe Punzi, mon ancien professeur de latin et grec au lycée qui venait de s’asseoir à mon côté.
Il s’ensuivit une longue conversation, au bout de laquelle, exalté, cet homme brusque et gentil à la fois affirma de façon solennelle :
— Le cheval de Troie était blanc !
— En êtes-vous sûr ? lui demandai-je, agité. Le blanc, c’est la couleur de la pureté la plus absolue, donc de la tromperie la plus insupportable !
— Absolument. Et les Grecs portaient de blancs manteaux !
— Et la lumière jaillissant de ma tablette électronique est blanche aussi, n’est-ce pas ?
En 2005 je n’avais pas de tablette et, si je ne me trompe pas, les smartphones ne circulaient pas encore, du moins de la manière massive d’aujourd’hui, tandis que le pauvre professeur Punzi avait quitté ce monde bien avant de connaître ce qui peut jaillir de la ruse des êtres humains. Cependant, dans les rêves, tout est permis :
— As-tu vu les gens dans les transports communs ? s’exclama le vieux professeur. Tout un chacun regarde dans un petit rectangle de lumière blanche comme s’il s’agissait d’un oracle !
— C’est un don des Américains !
— Timeo Danaos, dit le professeur hochant la tête.
— Cela va amener un incendie ? C’est ça que vous voulez dire ?
— Oui, ça va brûler une à une nos têtes. À leur place…
— À leur place ?
— Nous entendrons un petit carillon, qui nous apprendra une jolie rengaine consolatrice : « T’en fais pas, t’en fais pas ! C’est la loi de tous les manèges ! L’instant précis où nous aurons l’impression de tout connaître et que nous serons au sommet de notre délire d’omnipotence… Nous, les grands photographes, nous les grands experts de véritables raisons faisant vivre ou mourir les innombrables contextes où se nichent des hommes comme nous, nous découvrirons que nous n’en savons rien du tout et que nous avons tout perdu. Même ce peu de vers en latin que nous imaginions avoir bien gardés dans la poche ! »

Le matin suivant — ah ! à propos, c’était hier ! —, j’ai descendu le tableau et me suis mis à l’œuvre.
Au soir, profitant de ma diabolique tablette qui peut tout faire, j’ai photographié le tableau et j’en ai envoyé par mail une image époustouflante à un vieux camarade d’école…
— Heureusement, tu n’as pas obéi en tout à notre drôle de professeur ! a-t-il répondu. Tu t’es passé de blancs manteaux, mais tu as saisi l’essentiel… ce cheval se détache maintenant de son sombre paysage de mort. Mais, ne vois-tu pas qu’il sourit, savourant déjà son triomphe ?

Giovanni Merloni

(1) « De toute façon, je crains les Danaens, même s’ils sont porteurs d’offrandes » (Laocoon dans l’Énéide de Virgile, livre II)

La banalité du bien ou « Sans doute il est déjà trop tard »

12 jeudi Oct 2017

Posted by biscarrosse2012 in mon travail de peintre, portraits inconscients

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Ambra Patti Feula, Corinne, Espace Mompezat, James Stewart, Jean-Jacques Travers, La vie est belle

La banalité du bien ou « Sans doute il est déjà trop tard »

Très récemment, le diabolique Facebook (que j’avais fréquenté assez régulièrement pendant les années de ma première installation en France) m’a proposé de relancer le souvenir d’un événement qui s’était déroulé à Paris il y a cinq ans pile. Il s’agissait en fait de ma deuxième exposition en France (la dernière pour le moment) qui eut lieu dans l’Espace Mompezat, un endroit que j’ai plusieurs fois évoqué par la suite sur ce blog.

Revoyant les photos soigneusement gardées par FB, je n’ai pas du tout revécu l’enthousiasme de ces jours, dont j’ai pourtant un souvenir très agréable, physique et sentimental à la fois.
Cela dépend sans doute du fait qu’après cette exposition ne se sont pas enchaînées d’autres initiatives similaires, mais aussi de ce que ces images ressuscitent.

D’abord, les visages et les silhouettes des uns et des autres qui ont changé avec le temps (un peu, assez, beaucoup, énormément), ou alors ont disparu. Ensuite une sorte de radiographie du souvenir lui enlevant les sourires, la circulation vertigineuse des regards que les tableaux capturaient, les éclats des voix sans doute sincères qui rendaient aux tableaux une certaine sonorité sinon l’épaisseur d’une véritable affabulation, fredonnée discrètement…

Non, décidément le souvenir façonné par FB ne correspond pas à ce qui reste dans mon esprit et dans mon cœur. Le souvenir, par exemple, des après-midi que je passais les jours suivant le vernissage en compagnie de deux personnes qui me sont restées chères, toutes les deux membres de l’Association des Poètes français, propriétaire des murs blancs auxquels j’avais accroché ma vie.
La première, se prénommant Corinne (je ne me souviens pas de son nom de famille), habitait dans une péniche sur la Seine. Elle partageait vivement mon naïf désir de reconnaissance à l’étranger et, je crois, mon fatalisme d’homme de l’Europe du sud.
La deuxième, ce fut aussi une apparition magique que je n’oublierai jamais de ma vie. Il s’agissait d’un être bon, ressemblant de façon impressionnant à Clarence, l’ange gardien qui sauve la vie et l’âme de James Stewart dans « La vie est belle ». Un grand poète, un vrai poète, qui m’accueillit, la première fois, en un début d’après-midi, avec une phrase qui évoquait le grand mystère de la fraternité humaine : « Voilà, dit-il à peu près, c’est le Destin qui a décidé que nous devions nous rencontrer ! » Je ne sais pas si Jean-Jacques Travers aimait mes tableaux. Je sais qu’il était très aimable et que nous avons passé ensemble des heures sereines à l’Espace Mompezat, en discutant librement et sans aucune arrière-pensée de poésies mortelles et de poètes immortels.
J’aurais voulu par la suite faire trésor de ces deux amitiés-coups-de-cœur… mais, au lendemain de la fermeture de l’expo, Corinne a déménagé qui sait où, tandis que Jean-Jacques est bientôt tombé malade et quelques ans après il est mort, sans savoir combien cela m’avait attristé…

Lors de cette exposition, j’ai vendu quelques-uns des tableaux exposés et j’en ai donné des autres en cadeau, pour m’acquitter de la bienveillance de ceux qui m’avaient aidé à différents titres…
Je ne regrette pas, en général, les tableaux qui sont partis ailleurs, trouvant un nouveau mur où s’accrocher, ou alors un tiroir ou une cave humide où s’ensevelir. Mais chaque fois que j’y pense, cela fait déclencher en moi une sorte de mélancolie rétrospective dont je me sauve toujours assez péniblement.
Je me demande souvent, par exemple, combien de tableaux, pour la plupart aboutis et pleins d’énergie — qui font presque un tiers de mon travail total —, ont été détruits ou alors gisent, horriblement abîmés, dans des endroits inaccessibles…

Où est-il, par exemple, « L’incendie », que je n’avais même pas eu le temps de photographier avant de le vendre à Parme à un tel Antonio B. (dont je n’ai trouvé aucune trace ni à Parme, ni en Emilia-Romagna ou dans le reste d’Italie) ?

Où est-elle « L’étreinte » que j’avais donné à mon amie Ambra F. ? Où est-elle ? (1)

Y a-t-il quelqu’un qui a eu le sain réflexe de conserver mes quatre ou cinq dessins sur le thème du Roland furieux qui avaient trôné pendant longtemps dans la salle de réunion d’une industrie pharmaceutique de Pomezia, au sud de Rome ?

Et cætera. Voilà une pensée douloureuse, effrayante même, que l’un des infinis réseaux sociaux a déclenché en moi au nom de cette insupportable « banalité du bien » : une véritable avalanche de pacotille à la saveur de miel qui nous envahit au jour le jour.
Sans doute, c’est de ma faute si une partie considérable de mon « patrimoine » flotte dans le terrain vague où tout se perd et tout meurt. Il y aura toujours quelqu’un qui m’accusera de légèreté et sans doute de manque de lucidité. Toujours est-il que mes œuvres perdues, petites ou grandes qu’elles fussent, avaient en elles une indiscutable cohérence, une force !
D’ailleurs, tout autour de nous se métamorphose ou disparaît, sans laisser d’adresse. Il ne reste peut-être que le vent.

Giovanni Merloni

(1) La dernière trace que j’ai trouvée de mon amie peintre, une excellente aquarelliste, c’est un article de 2012 d’une blogueuse passionnée d’art qui, visitant la fameuse exposition annuelle des 100 Peintres de via Margutta, avait repéré dans un coin les tableaux d’Ambra, avec une phrase on ne pourrait plus inquiétante : FORSE È GIÀ TROPPO TARDI (Sans doute, il est déjà trop tard).

Depuis combien de temps ne te confesses-tu pas ?

08 dimanche Oct 2017

Posted by biscarrosse2012 in mon travail de peintre, portraits inconscients

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Bande Dessinée

Il y a bien d’années, le 29 juillet 1969, sur une revue bien éphémère qui se voulait engagée (Platea), j’avais publié quelques dessins sous forme d’embryonnaire bande dessinée, que j’avais esquissés juste à la veille de mon premier mariage. Puisqu’il s’agissait d’un véritable plongeon dans le vide, j’avais adopté le pseudonyme de Row (Ligne ou Rame). Avant de publier cela sur ce blog, j’ai longuement hésité. Jusqu’au moment où j’ai compris que c’était mieux de dire tout aux impôts et à la police avant qu’ils ne découvrent nos secrets tous seuls.

— Depuis combien de temps ne te confesses-tu pas ?
— Dimanche dernier, PÈRE…

— Où amènes-tu ton chien ?
— Ville Borghèse.
— Et ta femme ?
— Des fois au cinéma, des fois au lit, des fois avec les amis…
— Et tes enfants ?
— Au Zoo ! Quand ils seront grands, je les emmènerai en voyage.
— Quand tu es seul, que fais-tu ?
— Rester seul ? Je n’y avais pas pensé. Pourquoi seul ? Seul… Seul ? Bof !

Mes gentils amis, Vous voici à nouveau à la rencontre « Hommage à la Culture »
À l’honneur de DANTE, MANZONI, FOSCOLO, LEOPARDI…
Et tous les Chantres… AMEN
Votre bienveillance envers notre Culture Millénaire a été IMPRESSIONNANTE !

On n’est plus à ces beaux films des « Peaux Rouges équarrisseurs »…
Le SEXE s’impose…
Cela ne pouvait être plus évidente, aujourd’hui, la nécessité primordiale de la REPRÉSENTATION SACRÉE !

Giovanni Merloni

Entretien de Giovanni Merloni avec Isabelle Tournoud (Mon travail de peintre n. 1 : 1961-1982)

27 mercredi Avr 2016

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Interview sur ma peinture, Isabelle Tournoud

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Rome, via Calabria, début des années 50

Entretien de Giovanni Merloni avec Isabelle Tournoud (août 2010)

ISABELLE – Voici un an que je n’étais pas venue dans l’atelier de Giovanni Merloni J’avoue que j’avais oublié beaucoup de choses que je trouve aujourd’hui, comme ces deux mains en bois ou cette collection de disques 33 tours. La première fois j’avais eu l’ impression d’un grand espace vide.

MERLONI – C’était en juin, il faisait beau. C’était plein soleil. Tandis qu’aujourd’hui, à deux jours de la mi-aout, le ciel est typiquement parisien.

ISABELLE – Depuis combien de temps habitez-vous ici ?

MERLONI – Cela fait juste quatre ans.

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Isabelle Tournoud

ISABELLE – C’est déjà quelque chose. Vous en avez terminé avec l’installation, je crois. (Elle interrompt de parler pour filmer le petit espace, enregistrant un petit commentaire sonore) : — C’est un joli coin. Nous sommes pas loin du canal Saint Martin, on voit d’ici le pont à côté de l’écluse, une lumière presque aveuglante après la pluie. C’est très différent de vos paysages italiens, n’est-ce pas ?

MERLONI – Oui, c’est une scène nordique qui me fait penser aux Flandres, à Amsterdam, Copenhague plutôt qu’à Paris. Du moins au Paris que je connaissais avant de m’y installer.

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Carol Caracciolo, 1961

1961-1971

ISABELLE – C’est curieux le rapport entre votre peinture et les paysages… Rarement on y reconnaît des lieux, des maisons. Et vous ne faites jamais de portraits…

MERLONI – Si, j’essayais de faire des portraits. Mais surtout de petits coins de mon horrible quartier petit-bourgeois de Rome. Pendant une des premières visites à Paris avec mes parents, je faisais de dessins selon la manière d’Utrillo…

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Nonno col cappello (Grand-père au chapeau), 1964

ISABELLE – Vous ne m’avez rien montré de vos premiers dessins…

MERLONI – J’ai presque tout détruit, de mes premières ébauches. En fait la découverte de la peinture marqua pour moi le passage de l’adolescence à l’âge de raison.

ISABELLE – Vous écriviez aussi des contes, des poèmes…

MERLONI – Je garde le manuscrit de mon « Journal intime »… mais je ne sais pas ce que ça vaut.

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Volti al buio (Des gueule dans le noir), 1961

ISABELLE – Dans tout ce que vous m’avez montré de cette période, on a l’impression d’une souffrance souterraine, sinon d’une véritable angoisse. Surtout dans les nombreux « visages » au pastel et à la cire…

MERLONI – En 1964, revenant d’un deuxième voyage à Paris et en Belgique, j’ai pris ma décision. Je ne me sentais pas à la hauteur de devenir un homme de lettres et je n’avais pas le courage de prendre tout de suite la route de l’artiste. Mes parents m’auraient de toute façon empêché de le faire. J’ai opté finalement pour les cours d’architecture, probablement pour me punir, sans imaginer que ce choix m’amenerait dans une démarche humaniste et altruiste. L’architecture a été aussi pour moi une grande source d’inspiration.

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Periferia (Banlieue), 1963

ISABELLE – Vos dessins et vos tableaux sont un hommage continu à cette architecture… Mais vous l’avez exercé, après, ce métier d’architecte ?

MERLONI – Je me suis occupé surtout d’urbanisme, d’environnement et de problèmes du territoire. On n’arrive presque jamais à dessiner exactement des lieux ou des espaces pour y vivre… mais on peut essayer de les rendre plus beaux. En plus, il y a un côté avocat et engagement politique qui est incorporé dans l’urbanisme qui me plait. J’ai hérité ça de mon père.

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Teatrino (Théâtre des marionnettes) 1963

ISABELLE – Vous êtes né au lendemain de la libération, en 1945…

MERLONI – Oui, mon père, socialiste, et mon oncle de part de ma mère, communiste, avaient été partisans. Tous les deux ont consacré leur vie à la politique, sans pourtant renoncer à une primordiale idée de liberté, même s’ils étaient des militants de la gauche.

ISABELLE – Je me demande ce qu’ils ont dit le jour de l’invasion de la Hongrie.

MERLONI – Ils ont violemment discuté entre eux. Mon père était dur et intransigeant, mon oncle défendait le choix des Russes. Moi j’écoutais, plein d’angoisse, leur voix dans un couloir sombre. J’avais onze ans. Après je crois que mon oncle a beaucoup réfléchi, jusqu’à prendre par la suite des positions très proches de celles de mon père.

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Coppia rossa e nera (Couple rouge et noir), aquarelle
sur papier 70 x 40, 1970

ISABELLE — Vous avez grandi pendant la guerre froide. Vous avez donc respiré cette confrontation idéale continue entre deux visions opposées de la vie et de l’histoire…

MERLONI — Je pense que chaque artiste ne doit pas oublier certains passages dont il a été témoin. En 1963, avec Jean XXIII, le pape ouvert à la gauche et le premier gouvernement de centre gauche, il y eut en Italie un moment d’espoir. Ce fut aussi l’année où l’on a risqué la troisième guerre mondiale à cause de Cuba, et aussi l’année où j’essayai de m’engager politiquement, en signant mon adhésion à la Jeunesse communiste. Mais j’étais encore très timide et j’avais une forte empreinte libertaire. Je pensais avec ma tête et je ne supportais pas ce climat un peu lugubre qu’on respirait dans les séances de la section.

ISABELLE – Nous sommes arrivés en 1964, l’année de votre retour de France et de vos choix de vie : l’université d’abord mais aussi l’art et votre engagement politique.

MERLONI – Juste en rentrant en Italie, nous sûmes que Togliatti, l’ancien chef du parti communiste, venait de mourir. J’eus la chance d’être présent aux gigantesques funérailles .Renato Guttuso les a d’ailleurs peintes de façon admirable. C’était le jour du « mémoire d’Yalta ». Je sympathisais avec cette idée du « socialisme au visage humain » qui faisait rêver.

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Arlecchino e sua moglie (Arlequin et sa femme), aquarelle
sur papier 70 x 50, 1970

ISABELLE – Vous êtes un artiste, un homme libre, très prudent face aux exagérations des autres, mais vous pouvez devenir parfois très engagé ou rebelle.
Mais revenons à la peinture. À dix-neuf ans, vous aviez déjà appris beaucoup de choses. Vous aviez suivi des cours de peinture ?

MERLONI – Jamais. On peut dire que je suis autodidacte, surtout pour ce qui concerne les techniques et les couleurs. C’est vrai que pendant ma formation d’architecte je préférais le dessin à main levée plutôt que le dessin à la machine… Peut-être ai–je appris beaucoup de choses utiles pour la peinture en devenant architecte, même si mes études n’ont pas été très approfondies… Ce furent quand même cinq ans très engageants, pendant lesquels j’ai écrit des rapports, des textes politiques, des thèses mais j’ai peu dessiné ou peint des sujets à moi.

ISABELLE – Vous avez tout jeté ?

MERLONI – Non… mais la période entre ’64 et ’69 a été compliquée pour moi. La mort de mon père a été très douloureuse à vivre. Ensuite il a fallu que je m’adapte à ce monde faux, flou et « terroriste » des architectes — professeurs, assistants et camarades plus vieux que moi. Enfin affectivement je me cherchais.

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Coniugi rosa (Epoux en rose) aquarelle sur papier 70 x 50, 1970

ISABELLE – Entre le 1964 et le 1969 il faut se souvenir de 1968, si je ne me trompe pas… Est-ce que cette année terrible et même trop célébrée a eu un rôle important aussi pour vous ?

MERLONI – Oui. Le premier mars 1968, j’étais à la fameuse « bataille » de Valle Giulia, avec mon frère, étudiant de droit. Nous étions surtout des spectateurs, même si nous étions mêlés parmi la foule qui pour la première fois osait se révolter contre la police…

ISABELLE – Donc, après cette journée, votre parcours artistique aussi a subi des déviations…

MERLONI – Je ne sais pas. Je vous ai dit qu’alors je ne peignais pas. Ma vie était entre parenthèses. Mon père était mort et je devais conclure mes études, d’une façon ou de l’autre. C’est vrai qu’après la révolte et tout ce qui s’est passé en Italie, en France et en Europe, tous mes critères et repères ont changé. J’ai dû abandonner mon apprentissage individuel et partager les chances et les risques d’un apprentissage collectif, par groupes.

ISABELLE – Qu’auriez-vous voulu faire ?

MERLONI – Je prêchais une action d’arrière-garde, qui devait s’occuper de la substance de nos études et de notre travail futur. Mais j’ai été emporté par la même vague que tous les autres…

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Ciclista (Cycliste) aquarelle sur papier 50 x 35, 1970

ISABELLE – Et voilà l’année 1970, une période très prolifique pour votre peinture. Que s’est-il passé cette année là ?

MERLONI – Je me suis marié, je suis devenu père, j’en ai fini avec l’université et j’ai commencé à travailler comme professeur de dessin et histoire de l’art dans un lycée de Rome.

ISABELLE – Étiez-vous heureux ? Ces aquarelles donnent une impression d’angoisse et de peur. Tous ces couples aux yeux fixés dans le vide, ces hommes avec le Borsalino sur le nez, ces femmes affligées…

MERLONI – En réalité, même si mes devoirs précoces m’oppressaient, j’avais trouvé – ou retrouvé – dans la peinture une façon de donner de la liberté à mes cauchemars.

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Folla con palloncini (Foule et ballons) aquarelle sur papier 50 x 70, 1971

ISABELLE – Ce fut une surprise pour votre entourage ? Quelle fut la réaction à tout cela ?

MERLONI – Les amis appréciaient et aussi ma famille me soutenait. Mais c’était évident que je ne pouvais pas élever un enfant et devenir peintre. Ma mère m’emmena voir quelques galeristes. Une marchande de tableaux [Adele Amaduzzi] vendit à Paris trois ou quatre de mes aquarelles… mais était-ce suffisant pour prétendre à une carrière d’artiste ?

ISABELLE – Je trouve dans votre travail de cette période un peu tout le mouvement de l’art figuratif des années ’40 et ’50…

MERLONI – On disait que j’avais quelque chose de Sironi. Mais, à cette époque, j’étais très ignorant. A part Le Corbusier, Mondrian, les grands du passé et les peintres que j’avais vus quelque part à Rome : Ennio Calabria, Maccari, Vespignani, Guttuso je ne connaissais que peu l’histoire de l’art du XXe siècle.

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Operaio (Ouvrier) aquarelle sur papier 70 x 35, 1970

ISABELLE – Vous étiez, je crois, en quête d’une issue : d’un côté il y avait la recherche d’un travail, les responsabilités familiales et de l’autre une sorte de lyrisme primitif, une ironie naïve…

MERLONI – Ce fut une période encore plus difficile que celle que j’avais vécue pendant mes études à l’université. Les occasions de travail à Rome étaient très modestes pour moi. J’avais été chassé de l’enseignement à cause de mon indulgence envers les étudiants en révolte. J’ai quand même trouvé un petit boulot chez un architecte. Fasciné et convaincu par la figure exemplaire d’Enrico Berlinguer, qui était vraiment « un socialiste au visage humain », j’ai adhéré au parti communiste de mon quartier. Cela m’a donné l’occasion de faire mes premières affiches et de réaliser un documentaire-pamphlet contre la spéculation immobilière à Rome. Un film malheureusement perdu qui avait été apprécié pour sa façon originale de traiter ce sujet compliqué.

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Sogno con albero e palloncini (Rêve avec un arbre et des ballons)
aquarelle sur papier 50 x 70, 1973

1972-1982

ISABELLE – C’est en mai 1972 que vous avez laissé Rome pour Bologne.

MERLONI – S’il n’y avait pas eu le trait d’union de la peinture, je dirais maintenant qu’en mai 1972 ma vie adulte a commencé avec une véritable rupture avec le passé. C’est vrai que j’ai gardé un certain nombre d’amis à Rome et que je n’ai jamais coupé mes liens avec mes frères et cousins, auxquels je suis resté toujours dévoué. Mais Bologne c’était le travail choisi et surtout la ville d’élection.

ISABELLE – Vous aviez finalement trouvé un bon travail…

MERLONI – Dès les premiers jours, je me suis trouvé à Bologne dans un contexte idéal. La région Émilie-Romagne, qui venait d’être constituée depuis deux ans, représentait le point plus avancé dans le nouveau système des autonomies. On attendait qu’elle montre la voix d’un changement économique, social et culturel pour toute l’Italie. Bologne c’était le phare à la hauteur de ces espoirs. Un grand nombre d’intellectuels et de professionnels reconnus étaient là, tout engagés vers le même but. Moi aussi j’étais là : un jeune encore inexpert en urbanisme et aménagement du territoire, mais désireux de faire de mon mieux.

ISABELLE – Cela vous a donc distrait de vos aspirations artistiques…

MERLONI – Oui, évidemment. Je me suis plongé dans cette fascinante matière qu’est l’urbanisme sans avoir de temps pour pouvoir peindre. Mais je dessinais toujours, même dans les réunions les plus sérieuses, et je profitais de toute pause pour reprendre mes pinceaux.

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L’aquilone (Le cerf-volant) aquarelle sur papier 50 x 70, 1973

ISABELLE – Et voilà votre première exposition, à Forlì, en avril 1973.

MERLONI – Suivie par une exposition collective à Cesena et une deuxième personnelle à Castrocaro. Je n’ai pas encore mentionné, après le travail et la peinture, un troisième aspect aussi important sinon décisif de cette période inoubliable. Loin de Rome, j’étais plus tranquille grâce à la certitude du travail fixe. Ma crise conjugale, jusque-là cachée, explosa. À cette époque, j’étais devenu un personnage peu recommandable qui tombait facilement amoureux. Je retrouvais une jeunesse sacrifiée. Un curieux équilibre se réalisait entre les diverses pulsions qui me traversaient.

ISABELLE – Cependant, les tableaux de cette période sont encore tristes et angoissés…

MERLONI – Oui, mais après l’exposition de Forlì, Cesena et Castrocaro quelque chose de nouveau arriva. J’ai commencé à être reconnu. J’ai aussi rencontré le peintre Alieto Ragazzini qui m’a donné de précieux conseils. Ma petite renommée m’offrit aussi des occasions dans le milieu de travail. On me chargea de la réalisation de plusieurs affiches, ce qui me donna une nouvelle confiance dans la technique du collage.

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Orlando furioso I (Roland furieux), encre de chine sur papier 70 x 50, 1974

ISABELLE – Je trouve très intéressant ce travail à l’encre de Chine, en noir et blanc…

MERLONI – Ce sont de grands dessins que j’ai faits entre ’73 et ’74 et que j’ai exposés après à Ferrare, près du Centre des Activités visuelles du « Palazzo dei Diamanti ». J’y ai illustré des chants et des personnages du « Roland furieux » de l’Arioste.

ISABELLE – Comment cela est-il arrivé ?

MERLONI – Un ami à moi [Franco Cazzola] suivait avec indulgence mes exploits de peintre. Un jour, il m’emmena chez le maître Franco Farina. C’était un homme extraordinaire, qui dirigeait de façon très intelligente et ouverte la Galérie d’Art moderne de Ferrare, un centre d’exposition de première importance. Je fis voir mes aquarelles que Farina examina très attentivement avec une grosse loupe… « Vous êtes très sensible aux vicissitudes humaines », me dit-il. Ensuite, il me proposa d’illustrer tous les chants et tous les personnages du « Roland furieux ». En sortant de son bureau, j’étais déçu. Mon ami me fit comprendre que Farina ne s’était pas moqué de moi… Six mois plus tard, juste après la naissance de mon deuxième fils, je lui avais livré mon travail. Fin juin il m’appela. Pendant trois mois – du 30 juin au 30 septembre —, j’ai eu la chance d’exposer à côté du Palazzo des Diamanti, dans une grande salle à l’étage. Au rez-de-chaussée, il y avait une importante exposition de Fabrizio Clerici.

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Orlando furioso II (Roland furieux), encre de chine sur papier 70 x 50, 1974

ISABELLE – Vous avez dû profiter de cette occasion unique !

MERLONI – En réalité, je me trouvais dans une situation tout à fait particulière. L’ année ’74 marqua un moment unique dans l’histoire de L’Italie. Ce pays fortement catholique dit NON au référendum qui voulait abolir le divorce.

ISABELLE – Vous avez dû travailler sur ce projet professionnel, mais avez-vous pu vous rendre à votre exposition à Ferrare ?

MERLONI – Pendant trois mois, je ne me suis rendu que trois fois dans les locaux de l’exposition. Peut-être avais-je peur d’un succès que je n’avais pas envisagé ? Je ne sais pas… ou peut être pas le temps !

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Orlando furioso III (Roland furieux), encre de chine sur papier 50 x 35, 1974

ISABELLE – Pour en revenir à votre travail vous avez trouvé une façon originale de raconter l’œuvre d’Arioste, cette « histoire de geste » tout à fait labyrinthique et très difficile à placer dans l’espace. Comment cela a-t-il été possible ? Je vois un style nouveau qui se détache beaucoup vis-à-vis des aquarelles exposées en Romagne l’année précédente.

MERLONI – Jusqu’à cette exposition, on peut dire que je dessinais en cachette, à côté du travail de peinture. J’avais pris cette habitude de dessiner à l’encre de chine des visages, des personnages dans un paysage architectural très vague et approximatif. Je pense que mon acquis d’architecte se montrait encore timidement, à la recherche d’un rôle spécifique. J’utilisais aussi beaucoup ma plume et l’encre de Chine pour travailler les tableaux mais le résultat n’était, à mon avis, pas concluant.

ISABELLE – Il y a un sentiment de culpabilité dans votre récit. On a l’impression d’une expérimentation qui n’est pas totalement consciente de sa valeur et de sa force.

MERLONI – Je crois que chaque artiste est toujours en lutte avec soi-même. Moi j’étais très exigeant et peut-être exagérément inquiet de mes limites techniques. Et je ne savais pas jouer la provocation. Du moins pas jusqu’au bout.

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Gulliver, encre de chine sur papier 35 x 50, 1976

ISABELLE – Vous aviez réussi un grand exploit avec le « Roland furieux », mais les aquarelles des années précédentes n’étaient pas moins bien.

MERLONI – Voilà un point sur lequel je n’avais pas réfléchi. C’est vrai qu’en cette période j’écrivais des phrases, des vers venant de mes poésies. C’était vraiment une nouvelle façon de m’exprimer, je faisais en même temps de la peinture et de la poésie.

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La primavera è la tua mano (Le printemps est ta main) technique mixte
sur papier 50 x 70, 1976

ISABELLE — Pendant le reste des années soixante-dix, jusqu’au 1983, on observe une sorte d’hésitation… tandis que les tableaux exposés à Bologne en ’76 étaient formidables.

MERLONI – Certaines critiques que j’ai reçues pendant cette exposition sur mes derniers travaux m’ont conduit à beaucoup douter. Après, j’ai pensé que je ne devais plus faire de dessins en noir et blanc sur le modèle du « Roland furieux » et surtout que je ne devais plus « écrire » quoi que ce soit sur les tableaux.

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Tierra prometida, technique mixte sur papier 50 x 70, 1977

ISABELLE – C’est dommage, parce que c’était votre façon spécifique de vous exprimer, je crois. J’ai l’impression que certains de vos poèmes pourraient s’inscrire merveilleusement dans vos dessins.

MERLONI – Je vous remercie pour cette reconnaissance. En fait, pendant des années je ne me suis pas seulement obligé à renoncer à l’intégration poétique. J’ai tenu le dessin d’un côté et la peinture de l’autre. Je me disais que mon dessin était ironique sinon caustique et que ma peinture était lyrique sinon dramatique.

ISABELLE – Donc, vous avez choisi un parcours plus traditionnel, du moins au point de vue technique. C’est ça ?

MERLONI – Oui, de quelques façons. J’avais besoin de toucher un niveau technique plus solide. J’ai dû attendre de conditions favorables pour rapprocher entre eux le dessin et la peinture. Il suffit de regarder les premiers tableaux que j’ai faits en 1983, quand finalement j’ai eu l’espace pour peindre en liberté.

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Giovanni Merloni au travail, 1973

(continue ci-dessous dans un nouvel article)

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Entretien de Giovanni Merloni avec Isabelle Tournoud (Mon travail de peintre n. 2 : 1983-1994)

27 mercredi Avr 2016

Posted by biscarrosse2012 in mon travail de peintre

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Interview sur ma peinture, Isabelle Tournoud

 

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1983-1990

ISABELLE – En 1983, vous êtes à Rome, rentré de Bologne depuis cinq ans. Vous habitez avec votre nouvelle épouse…

MERLONI – Je ne rentrerai pas dans tous les détails, mais en novembre 1977 je suis revenu dans ma ville natale. J’avais divorcé et m’étais remarié. Je devais assumer mes deux fils. Je devais gagner plus d’argent. J’ai donc renoncé au poste fixe à Bologne et me suis installé en profession libérale. Un cycle très favorable de ma vie se terminait… J’ai travaillé sans relâche pendant 5 ans avant de retrouver les forces et l’esprit pour recommencer à peindre.

021_arlecchino 180 Arlecchino (Arlequin) aquarelle sur papier 50 x 35, 1983

022_equilibrista 83 180 Equilibrista (Équilibriste) aquarelle sur papier 50 x 35, 1983

023_i cappelli 83 180 I cappelli (Les chapeaux) huile sur toile 50 x 70, 1983

ISABELLE – C’est étonnant de voir que vous avez repris votre peinture là où vous l’aviez laissée. En très peu de temps, vous avez fait des pas de géant. Cet « Arlequin », cet « Équilibriste », ces « Chapeaux » — votre première huile — font écho aux premiers tableaux de 1970. Il y a la même force mais le long travail invisible du dessin y est mieux maîtrisé.

MERLONI – Merci.

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Il giardino (Le jardin) huile sur toile 100 x 150, 1984

ISABELLE — En 1983, nous remarquons donc un nouveau commencement, après celui de 1970. On observe beaucoup d’éléments nouveaux, soit sur le plan technique soit sur celui des sujets : vous vous êtes confronté à la peinture à l’huile et en même temps vous ne vous êtes plus borné seulement aux thèmes du couple… Je vous vois aussi affranchi du complexe du « Roland furieux »…

MERLONI – C’est rare de rencontrer un artiste qui n’a pas un travail alimentaire à côté de son travail artistique pour assumer, entre autre, ses engagements familiaux. Je pensais qu’un travail fixe, même modeste, donne plus de liberté pour créer. Mais quand on a l’assurance d’un poste , on est gâté , on gaspille son temps. En 1983, je me consacrais à ma profession libérale, je ne prenais pas le temps de respirer… et pourtant j’ai quand même trouvé l’énergie pour travailler de façon continue, beaucoup mieux qu’auparavant.

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Autoritratto (Autoportrait) huile sur toile 80 x 60, 1984

ISABELLE – Tous les artistes dignes de ce nom sont des contestataires. Quand on a le temps de vivre, on a le temps de peindre. Comment avez-vous retrouvé cette énergie pour vous remettre à peindre ?

MERLONI – À la reprise du 1983, j’avais besoin de vider ma boîte de Pandore. J’avais aussi de nouvelles idées, qui venaient d’une longue phase de calme et de réflexion. Je voyageais beaucoup entre Rome et Bologne, Rome et Parme – en voiture ou en train —, je lisais beaucoup, et surtout j’écoutais de la musique. J’étais devenu, à ce moment-là, un mélomane très expert des pièces de Mozart, Rossini et Verdi. Je connaissais par cœur toutes ces intrigues, ces personnages… Dans mon esprit, les héros de l’Arioste étaient des figures sans poids, toujours démesurées, toujours en train de se déplacer — sur des chevaux ailés ou sur des chars du Soleil – d’un quartier à l’autre d’une ville invisible. Je les voyais dans des nuages et mes nuages se transformaient sans effort en immenses lits fabriqués pour l’amour…

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Pittura o architettura? (Peinture ou architecture ?)
huile sur toile 100 x 150, 1986

ISABELLE – Les personnages qui accompagnent votre « rentrée » restent quand même encore un peu dans les limbes. Comme s’ils avaient des empêchements à s’appuyer sur terre…

MERLONI – Entre 1983 et 1989, je voulais m’éloigner de cette galaxie sans forme que j’avais recherchée dans mes œuvres précédentes. Je voulais m’affranchir de la parole. Donc, j’ai davantage peint que dessiné. Mes dessins de cette période sont plutôt des fragments, des notes. Je faisais des croquis pour placer l’essentiel de mes futurs tableaux. Après je peignais, soigneusement, à la recherche d’un résultat évident.

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La città (La ville) huile sur toile 100 x 150, 1985

ISABELLE – Cependant, si l’on regarde bien vos premiers grands tableaux (« Le jardin », « La ville », « Le rêve de don Juan »), au-delà de cette joie des couleurs et de cette étrange façon de peindre à l’huile comme si c’était de l’aquarelle , vous êtes pas loin de votre traduction de l’Arioste et du monde « émotionnel » des premiers tableaux du 1970.

MERLONI – Oui, merci de me le dire, je n’y avais pas beaucoup réfléchi. J’en suis très content, maintenant. Alors, je pensais surtout que je n’étais pas un illustrateur, que je ne pouvais jamais m’exprimer à travers des bandes dessinées. Mais c’est vrai que je suis un narrateur. J’avais raconté le « Roland furieux » à ma façon, d’abord le traduisant et le réécrivant avec mes mots et mon esprit. J’ai raconté de la même façon « Les Noces de Figaro » et « Così fan tutte ». J’ai mis debout mon monde à moi.

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Sogno di Don Giovanni (Rêve de Don Giovanni) huile sur
toile 100 x 150, 1986

ISABELLE – C’est une espèce d’expressionnisme de l’esprit, une nécessité de la pensée « fabricante » de sortir des contraintes de la vie, des bornes que vous-même placez sur votre route. En même temps, il me semble que vos tableaux sont eux-mêmes des personnages, avec qui vous dialoguez.

MERLONI – À la veille de la mort de ma mère, j’étais en train de corriger pour la énième fois la figure féminine à droite du « Rêve de don Juan ». Sur sa tête il y a une coupole rouge. Je pensais à Florence, à nos voyages familiaux dans lesquels ma mère nous racontait magiquement l’histoire des statues que nous allions bientôt voir. En ce moment là, j’écoutai une voix sereine et solide lire le chapitre de la mort de don Quichotte. C’était un des plus vieux amis de ma mère, fameux acteur et metteur en scène du théâtre italien…

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Equilibrista (Équilibriste) huile sur toile 80 x 60, 1989

ISABELLE – Dans votre peinture, on a toujours le sentiment d’une menace, d’une douleur dont les personnages peints ont conscience. Mais il y a aussi quelque chose qui nous aide à relativiser cette douleur, à ne pas y croire totalement…

MERLONI – Il y a des équilibristes partout, dans mes tableaux, et même des acrobates et des mangeurs de feu. Encore le spectacle dans la rue, encore la rue qui devient théâtre.

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Coppia verde rosa e celeste (Couple vert rose et céleste) aquarelle sur papier 35 x 50, 1983

ISABELLE – Finalement, en 1989-90, vous avez sorti de chez vous les tableaux que vous aviez travaillés pendant des années. Vous avez eu encore un succès.

MERLONI – Fin 1989 un collègue architecte m’invita à exposer dans son studio pendant une fin de semaine. Ce fut peut-être le fait de rapprocher ces deux mondes – l’art et la profession libérale —, jusque-là séparés, qui me poussa à exposer mes œuvres. A cette occasion, je m’aperçus que j’avais un public et des collectionneurs qui aimaient mes tableaux.

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Le nozze di Figaro (Les Noces de Figaro) huile sur toile 70 x 100, 1983

ISABELLE – Si vous me permettez de le dire, j’ai l’impression d’un certain hasard dans vos décisions de sortir de la solitude de l’atelier pour vous exhiber devant le public. Je vois qu’après cette occasion de 1989 vous avez fait une exposition importante en 1990. Quelqu’un vous en a donné la chance ?

MERLONI – Pendant un mariage, j’avais rencontré mon cousin Paolo Perrotti, de dix-neuf ans plus âgé que moi que je ne voyais plus depuis longtemps. Il était le chef d’un groupe de psychanalystes très actifs et engagés qui avait beaucoup travaillé dans le sens d’une psychanalyse sociale, populaire . Il s’occupait aussi de gens faibles et marginaux. En même temps, au cours de séminaires qu’il tenait toutes les semaines près du « Spazio psicoanalitico » — « Espace psychanalytique » de rue de la Luce —, mon cousin lançait des thèmes parallèles – littéraires, artistiques, théâtrales, cinématographiques ou politiques – très intéressants et stimulants pour moi.

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La tavola (La table) aquarelle sur papier 70 x 50, 1983

ISABELLE – Et vous avez participé à ces séminaires ?

MERLONI – D’abord, Perrotti est venu chez moi voir mes tableaux avec le groupe nombreux des thérapeutes qui travaillaient avec lui. Ce fut comme un rêve : cette communauté très vivante et sympathique montra tout de suite de l’intérêt pour ce que je faisais.

ISABELLE – Vous aviez trouvé en même temps des mécénats et des amis. qui vous ont aidé à vérifier que votre peinture avait atteint un certain stade de maturité.

MERLONI – Mon activité artistique a toujours été beaucoup plus solitaire que mon travail d’architecte-urbaniste… Mais c’est vrai que pour la deuxième fois quelques « divinités » ont voulu s’occuper de moi…

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Viaggio in Italia (Voyage en Italie) aquarelle sur papier 50 x 70, 1983

ISABELLE – La première c’était cet homme bienveillant de Ferrare, n’est-ce pas ?

MERLONI — Oui, Franco Farina, directeur d’un musée très connu et estimé dans le monde. Il travaillait avec l’esprit et aussi les méthodes d’un artiste. Le deuxième a été mon cousin. Il m’a invité à exposer mes tableaux dans un nouveau laboratoire de Psychanalyse, qu’on était en train d’aménager dans le quartier de San Lorenzo. Les salles étaient vides et je pouvais y pendre tout ce que je voulais.

ISABELLE – Vous avez publié en cette occasion un très beau catalogue. Il vous a permis de réfléchir sur votre travail, n’est-ce pas ?

MERLONI – Oui, bien sûr. J’ai pu réaliser, avec la collaboration généreuse du groupe des psychanalystes, ma première exposition « anthologique », dont le catalogue a été l’efficace représentation.

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Oblio e saggezza, trittico (Oubli et sagesse, triptyque)
huile sur toile 100 x 210, 1990

ISABELLE – La psychanalyse vous a inspiré ?

MERLONI – Oui. Un soir, après un séminaire très fascinant sur la « pensée mobile », pendant un souper collectif, Perrotti me parla de son projet de tableau. Un grand triptyque sur le thème un peu mystérieux de « l’oubli et la sagesse ». Chacun de nous peut se trouver piégé dans l’oubli ou délivré par la sagesse. Il me proposait trois personnages très célèbres : Torquato Tasso, un poète connu en France, celui de « Jerusalem liberé », Robinson Crusoe de Daniel Defoe et Gulliver de Jonathan Swift ! Un « trio » sans tête ni queue.

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Gulliver (part.) huile sur toile 100 x 70, 1990

ISABELLE –Il a apprécié le résultat ?

MERLONI – Perrotti et ses collèges aimaient mes grands formats. Ils y reconnaissaient sans doute le même penchant pour les « vicissitudes » devinées par Franco Farina en 1973. Ils avaient bien compris aussi que j’étais suffisamment inconscient pour me lancer dans une aventure semblable. J’y réussis. Et ce triptyque ne fut que le premier d’une série.

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Don Giovanni et le donne-albero (Don Giovanni et les femmes-arbres), part.
huile sur toile 100 x 80, 1990

ISABELLE – Oui, vous m’avez montré le polyptyque consacré au premier acte du « Don Giovanni » de Mozart. Je vois deux résultats différents. Dans « Oubli et sagesse », votre voix intérieure se manifeste, tandis que dans la scène lyrique la musique et le jeu prennent un peu le dessus.

MERLONI – Peut-être ai-je eu hâte de réaliser cette deuxième œuvre dont personne ne m’avait chargé. J’y vois moi-même des vides et des idées inachevées. Mais ce tableau a été le père d’une production suivante qui correspond bien à ma vision de la peinture.

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L’abbraccio (L’étreinte) aquarelle sur papier 35 x 50, 1992

ISABELLE – Antonello Trombadori, dans votre catalogue, soutient que vous avez retenu, plus ou moins consciemment, la leçon de Chagall et des futuristes Russes… Il parle de Larionov et de Madame Gonciarova, deux artistes qui ont vécu et travaillé à Paris jusqu’à la mort.

MERLONI – D’abord, je me sens débiteur surtout envers les expressionnistes, de Klimt et Munch au « Blaue Reiter » — le « Cavalier bleu » —, jusqu’à Grosz et Kandinsky. Je considère encore inachevé le passage de l’expressionnisme à l’art abstrait. À part cela, quand je peins je pense à Goya, Rubens et Renoir.

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Rigoletto, aquarelle sur papier 40 x 160, 1991

ISABELLE – C’est banal, mais je vous le dis : « j’ai l’impression que vous cherchez toujours la femme dans vos dessins comme dans vos peintures»

MERLONI – La femme, l’amour et son illusion tragi-comique, la confrontation continue avec la mort – qu’on retrouve autant dans le Roland furieux que dans les chefs-d’œuvre de Mozart — me donnent la force d’agir et de peindre. C’est là peut-être mon côté naïf, ingénu à vrai dire.

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Rigoletto part. II aquarelle sur papier 40 x 80, 1991

ISABELLE – Vous n’êtes donc pas vous-même un personnage pathétique, comme vous disiez l’autre fois ?

MERLONI – Non, absolument, je ne crois pas. Je cite parfois, pour me moquer de moi, une phrase d’un film de Ken Russel où Tchaikovskji est appelé ainsi. Il peut d’ailleurs arriver à chaque artiste d’être pathétique, en certains moments de sa vie. C’est la dynamique de la souffrance. Ce sont mes personnages qui ont souvent un côté pathétique. Il y a toujours du ridicule dans la vie ! Et moi je rentre parfois dans les personnages de mes tableaux. Là, je suis moi aussi pathétique, comme les autres.

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Riflessioni e carrozze (Réflexions et carrosses) aquarelle
sur papier 50 x 70, 1991

1991-1994

ISABELLE – En 1991, une phase nouvelle se déclenche, je crois. Vous commencez à dessiner de façon systématique, tous les jours, toujours à l’encre de Chine. Des dessins élégants et inquiétants, qui font la base pour des aquarelles ou des huiles. Quelle fut la raison de cette reprise ?

MERLONI – Ce fut le carnet aux pages blanches qu’on me donna en juin 1990 au séminaire de psychanalyse sur le thème de « L’oubli et la sagesse ». En général on y écrit des notes ou l’on y fait des gribouillis. Moi j’y avais fait des dessins au crayon qui servaient de notes sur ce que les orateurs avaient dit. En janvier 1991 j’eus un moment très critique dans mon travail d’architecte. Tout était arrêté, peut-être à cause de la guerre du Golfe. Je passais donc beaucoup de temps devant la télévision qui nous flanquait à la tête cette guerre terrible. Alors, je dessinais, continument. À partir de ces jours, mon journal dessiné commença.

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La ragnatela di parole (La toile d’araignée de mots) encre de chine sur papier 15 x 10 cm, 1991

ISABELLE – Mais je ne vois pas encore un rapport serré entre les dessins et les tableaux.

MERLONI – En juin 1991, j’ai eu une deuxième invitation, deux nouveaux carnets et, là aussi, des pages blanches à remplir. Là j’avais ma plume à l’encre de chine et je fis un travail plus efficace. J’avais si bien « noté » ce qu’on avait dit qu’on me chargea de faire des tableaux partant des dessins de ce jour-là.

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Il volo dell’alpino (Le vol de l’alpin) aquarelle sur papier 50 x 70, 1993

ISABELLE – De ces dessins « inconscients », vous avez tiré des aquarelles assez divinatoires et après des peintures très intenses. On les retrouve dans les expositions de Parme (1991) et de Pescara (1992).

MERLONI – Le dessin original était très simple. Cela a donné aux aquarelles une légèreté particulière. Tous les tableaux de cette série ont été vendus.

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Il guado (Le gué) aquarelle sur papier 70 x 50, 1992

ISABELLE – En octobre 1992, à Morlupo (Rome), on observe encore un changement. On voit réapparaître certaines expressions dramatiques des tableaux de ’70 et de ’73. Qu’est-ce qui s’est passé ?

MERLONI – Suite à la grave crise de ma profession libérale en février 1992, j’ai eu la possibilité d’être embauché à nouveau dans l’administration publique, le Génie civil. Pour épargner de l’argent, je me déplaçais avec le petit train qui reliait mon quartier périphérique à la gare « Ostiense » et je faisais de longs parcours à pied. J’avais le sentiment de commencer une vie nouvelle : j’écrivis une poésie que j’eus l’occasion de lire à Pescara le jour du séminaire psychanalytique sur « Les enfants du NON » et de l’exposition de mes tableaux dont le sujet était tiré des dessins faits en 1991.

ISABELLE – Cette lecture au séminaire et le petit train de votre « nouvelle vie » ont-ils quelque chose à voir avec l’exposition de Morlupo, titrée « Abandonner Rome » ?

MERLONI – Bien sûr. Dans mon parcours, les jours et les mois ont un poids considérable. Lorsque j’exerçais ma profession libérale, je n’avais presque pas conscience de vivre à Rome, j’ y habitais mais je voyageais et travaillais en plusieurs endroits différents. Dans les bureaux du Génie civil, ce n’était pas exactement le travail auquel j’aurais pu prétendre selon mes caractéristiques professionnelles, je commençais à haïr ma bien-aimée Rome, la ville où je suis né. Je préférais Bologne. En juin j’ai lu ma poésie sur le petit train et en octobre je désirais déjà m’en fuir de Rome. À Morlupo j’ai accroché aux murs de la galerie communale dix poésies, dont les vers que j’avais lus à Pescara, sous le titre de « Abandonner Rome ».

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Sott’acqua (Au-dessous de l’eau) aquarelle sur papier 50 x 35, 1993

ISABELLE — Par contre, ces deux ans et demi que vous avez passés dans le Génie civil de Rome vous ont donné une condition idéale pour la peinture. Vous avez travaillé beaucoup, vous avez pu faire des expositions et même obtenir des reconnaissances et des critiques favorables.

MERLONI — C’est vrai. Je n’aimais pas beaucoup mon travail, je le faisais diligemment et rapidement. Beaucoup de temps me restait donc et j’en profitai.

ISABELLE – En avril 1993, vous vous êtes engagé dans un parcours plus spécifique, où le dessin commence à devenir la base indispensable pour chaque tableau. On dirait une dépendance, parfois excessive, qui nous donne souvent, après le dessin, soit une plus grande aquarelle soit un encore plus grand tableau à l’huile.

MERLONI – D’un côté, il y avait sans doute une incertitude, face à la nécessité d’une production plus régulière et homogène. Un choix prudent. De l’autre côté, cela est arrivé avec mes spectacles avec le maestro Alvaro Vatri.

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Il deserto metropolitano (Le désert métropolitain) huile
sur toile 70 x 50, 1993

ISABELLE – C’est votre passion pour l’opéra lyrique qui vous a poussé à chercher cette rencontre ?

MERLONI – Je connaissais Vatri depuis mon arrivée à Rome, en 1977. En 1992 j’avais exposé mon triptyque « La Flute enchantée » pendant un de ses concerts à Rome. Mais cela avait été seulement un essai sans importance. En 1993, Vatri me proposa de faire des dessins sur le thème de la montagne. Il dirigeait le chœur du CAI (Club Alpin italien) et l’idée c’était de mêler l’art et la musique. En travaillant ensemble, nous avons eu l’idée de préparer un petit scénario, qui devait commenter d’une façon ludique et à peine sérieuse mes dessins et tableaux sur les randonnées à la montagne et des excursions plus audacieuses.

ISABELLE – De la poésie au scénario : il me semble que la parole, abandonnée après le « Roland furieux » de ’74 et les « tableaux écrits » de ’76, revient avec toute sa force en ’92 et ’93.

MERLONI — Avec le « retour de la parole » il y a eu, il faut l’avouer, une longue phase dans laquelle le dessin, souvent très fragmenté et obsessionnel, a pris le dessus sur la couleur. Cela a donné des résultats intéressants surtout dans les aquarelles. Pour ce qui concerne l’huile…

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Rigoletto part. I huile sur toile 70 x 100, 1991

ISABELLE — Vous donnez au côté technique un rôle décisif. Mais je pense qu’en cette période c’est plutôt le motif, l’inspiration qui vient du théâtre musical qui vous a traîné…

MERLONI – En octobre 1993, j’ai eu un certain succès avec mon exposition à la Salle Gatti de Viterbe, installée avec un très valide sculpteur italien, Angelo Gioia. Nous avions à disposition un grand espace public à deux niveaux dont nous avons très bien profité, nombre de visiteurs sont venus, des articles ont parlé de nous. En plus, nous avons fait avec le maestro Vatri — deux fois pendant les jours d’exposition — un deuxième spectacle, titré « Amour et bonheur ».

ISABELLE – Cependant, vous avez poussé encore l’accélérateur. Le spectacle se constitue, à part la merveilleuse musique du chœur et des solos, d’une double anthologie : une sélection de vos peintures qui faisait le film visuel ; une sélection de vos poèmes qui faisait le film sonore. Cela est un peu narcissique !

MERLONI – Oui, peut-être. En réalité, cela a été réalisé de façon très spontanée par le maestro Vatri et moi. Après la première, Vatri a plusieurs fois proposé ce spectacle, sans que ce fût nécessaire de m’inviter avec mes peintures et poèmes.

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Rigoletto part. II huile sur toile 70 x 100, 1991

ISABELLE – Après Viterbe, vous avez connu finalement une période positive. En février 1994 un magazine d’art (« Quadri & Sculture », « Tableaux et Sculptures ») vous a primé comme « artiste du mois ». Tout de suite, vous êtes entré dans l’association « Logogramma » (« Logogramme ») dirigée par Ignazio Frascarelli, qui regroupait entre autres des artistes comme Gianfranco Galante, Virgilio Mori, Ernesto Lombardo et Sirio Alessandri.

MERLONI — Ce fut le moment, unique dans ma vie, où je me suis trouvé dans un contexte réel de peintres et d’amants de l’art. Cela n’a pas duré beaucoup, malheureusement, mais j’en garde un très beau souvenir.

ISABELLE – C’est avec Frascarelli et les peintres mentionnés que vous avez eu l’idée d’une exposition sur le thème de la musique, n’est-ce pas ?

MERLONI — Oui. On avait tous travaillé sur cela. Galante avait des tableaux « nostalgiques » et très élégants sur des chanteuses d’opéra et sur l’orchestre au travail. Moi j’avais mes deux triptyques – à l’aquarelle et à l’huile — sur le « Barbiere de Siviglia ». Les autres peintres et sculpteurs avaient travaillé surtout sur les sensations provoquées par la musique. D’un jour à l’autre, j’écrivis un scénario, titré « Musique dans l’atelier » qui offrait la possibilité d’inventer une histoire, donnant du sens aux tableaux de chaque artiste et du sens aussi à la musique, invité d’honneur et personnage principal.

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Barbiere di Siviglia (Le Barbier de Séville) part. I aquarelle sur papier 50 x 100, 1993

ISABELLE – Le maestro Vatri fit le reste… Et vous avez reçu le très positif commentaire de Renato Civello sur cette soirée qui devait rester unique.

MERLONI – Avec ce spectacle une première phase de ma collaboration avec Vatri s’achevait. Bientôt, des problèmes qui arrivent souvent dans ce genre d’entreprise ont obligé Frascarelli à abandonner les locaux du « Logogramme » et le groupe d’amis a commencé lentement à se disperser.

ISABELLE – Vous aussi, à ce que je lis dans votre CV, ne restez jamais tranquille. En octobre 1994, il y a eu un nouveau changement dans le travail qui vous procurait votre salaire tous les mois : vous abandonnez le Génie civil pour revenir à votre ancien amour, l’urbanisme. Vous saviez déjà que vous auriez beaucoup moins de temps à consacrer à la peinture, mais vous avez quand même conduit les choses jusqu’à obtenir ce énième poste.

MERLONI – Cela fait partie de mon personnage. Pendant les onze années de ma profession libérale, que j’avais consacrées surtout aux administrations publiques d’Émilie-Romagne et aux sociétés d’ingénieurs qui s’occupaient de transports et d’environnement, j’avais fait aussi des recherches pour la ville et la province de Rome, en me chargeant de façon spécifique des projets pour Rome capitale qu’on venait de financer. Quand on s’aperçut que j’étais rentré comme dirigeant dans le public, on décida peut-être que j’avais passé assez de temps dans le Génie civil et l’on m’embaucha de nouveau dans les bureaux qui s’occupaient de l’approbation des plans d’aménagements des communes de la région. On me nomma dirigeant du bureau qui s’occupait de Rome.

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Isabelle Tournoud

« Je cherche dans mon travail à donner à voir une trace sensible du passage de la vie, a dit Isabelle Tournoud dans un entretien en novembre 2007. Je travaille sur la mémoire. Mémoire de corps qui ont été et qui ne sont plus. Peut-être ont-ils grandi ou sont-ils ailleurs ? Ou bien sont-ils morts ? Il s’agit pour moi de donner à voir l’absence. » Isabelle Tournoud, née en 1969 à Angers, est une artiste renommée qui expose depuis quatorze ans dans le monde de l’art contemporain en France et à l’étranger. Citée dans nombreuses publications, Isabelle Tournoud a exposé dans différentes manifestations culturelles, dans des centres d’art, des centres culturels, des galeries, mais aussi des festivals, des expositions collectives et de nombreuses Biennales.
Giovanni Merloni

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L’installation II/II

03 lundi Juin 2013

Posted by biscarrosse2012 in mon travail de peintre

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Jacques Prévert, Jacques Tati, Jean Jacques Rousseau, Pierre Bézoukhov, portrait d'un tableau, Tatiana

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Giovanni Merloni, Portrait de famille, huile sur toile 81 x 65, 2010

Pierre, Jacques, Tati et Tatiana

J’avais beaucoup de choses à dire, même trop, sur le thème de l’installation et tout ce que ce redoutable mot entraîne. Devant la montagne de souvenirs et d’anecdotes, en plus de réflexions profondes et intimes, j’avais fait une espèce de collage que la présence de JJR rendait précieuse et élevée.
Mais, d’un côté c’était trop long, de l’autre… Ce matin, le fait que Dominique Hasselmann dans son ‪Bottom_Sprayer ait cité Jean Doets pour son billet efficace et réussi, a suffi pour déclencher une opportune réflexion.

Personne me garantit, me suis-je dit d’abord, qu’en écrivant sans le souci de se lasser de la beauté des mots, je serai plus sincère. Et j’avais toujours cru, solidement aussi, qu’il faut toujours se donner le temps, qu’il ne faut pas se laisser impressionner par tous ceux qui voudraient nous ralentir ou nous distraire. « Ne parlez pas au conducteur » y avait-t-il écrit dans les bus. « Ne me parle pas dans la main », disait mon grand-père maternel, Alfredo. Il donnait une extrême importance à la main, c’est-à-dire à toute action nécessaire qu’on ait entamée, dont il ne fallait pas se détourner.
Mais, parfois ce sont justement les beaux ou merveilleux exemples qui nous détournent. En particulier, si vraiment j’ai souffert quelque part dans ma vie, si jamais mon déplacement de Rome à Paris peut être regardé comme une sous-espèce d’exil, il n’est pas possible que le sentiment de détresse et d’incompréhension, que j’ai parfois éprouvé vis-à-vis de quelques-uns de mes compatriotes indifférents ou hostiles, soit aucunement comparable à ce que JJR a vécu et souffert.
Donc, grâce aux mots simples et tout à fait partageables de l’éditeur Bernard de Fallois (« La première qualité d’un romancier est de savoir captiver le public. C’est un don rare… le style doit s’effacer derrière l’histoire… dans le roman, le style n’est pas une fin en soi. Ce qu’il faut c’est être vivant. Par le style bien entendu. Mais pas ce qu’on entend par là en général, pas par le côté “bien écrit”) que Jan Doets citait et Dominique Hasselmann aussi considérait comme intéressants, j’ai plongé dans un gouffre où les mots précieux dont j’avais farci mon billet presque achevé retentissaient comme autant de serpents assassins s’élançant l’un contre l’autre.

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J’avais tout de suite après décidé de renoncer à écrire à mes lecteurs : Voyez, il se peut quelques fois que le deuxième volet se soit refermé avant de s’ouvrir !
D’ailleurs, le temps va tellement vite. Une cascade, une avalanche, je suis au fond de l’abîme. Tout abîmé. Et je ne me souviens plus de rien. Je ne serais pas capable de m’en sortir, ni n’aurais non plus la patience de remettre les briques l’une sur l’autre pour en faire un joli mur sincère et sans le moindre souci de préciosité verbale.

Je regardais alors ces initiales même trop connues, JJR, même si elles sont moins connues, aujourd’hui que celles de DSK, par exemple. Je me suis dit que je pouvais les garder pour une revanche personnelle…
Je Jette Rien… Non. Cela ne va pas, il faudrait dire Je ne jette rien et mon association idéale perdrait son sens. Jolie Journée Ruineuse ? C’est peut-être mieux, mais cela ne m’aide pas…
Disons que ce nom Jacques… Je devrais remonter à l’histoire des frères Lumière, que j’avais vu avec mon frère dans un film plein de charme et d’enthousiasme qu’on avait considéré — étant nous aussi presque jumeaux en raison de l’âge et des pulls bleu qu’on nous collait — comme un modèle de créativité heureuse. Dans ce film la symétrie prenait vivement le dessus, donc l’image des deux frères habitant avec leurs jolies femmes paresseuses dans un même immeuble au somptueux escalier central nous avait touchés. Une fois grands, nous aurions bien sûr épousé deux amies-amies, ou deux cousines, sinon deux sœurs…
(En ce temps- là, un film musical américain se chargeait de redonner confiance dans le mariage, valeur évidemment en bas de consensus. Ce film avait pour titre : « Sept épouses pour sept frères »…)

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Photo : Collection Frères Merloni. Reproduction interdite

A l’époque béate de ma première adolescence, où l’on ne songeait qu’au ballon ou au vélo ou alors aux bouchons des bouteilles de Coca-Cola qu’on faisait glisser sur des pistes évocatrices du Giro d’Italie ou du Tour de France, dans notre famille entra un chien.
Ce chien malchanceux et anormalement silencieux fut appelé Pierre. En honneur de la France, bien sûr, mais aussi de cet incontournable vrai protagoniste de Guerre et Paix, incarnant probablement Tolstoï lui-même, qui s’appelait Pierre Bézoukhov. Pierre, qui avait enfin croisé le destin et les joues de pèche de Natasha alias Audrey Hepburn et qui, dans l’esprit souterrain de ma famille et surtout de mon père aurait dû être le partenaire idéal de ma malchanceuse sœur aînée.
Pierre nous accompagna dans de mémorables vacances à Cortina, à Venise, à la mer. Il se logeait au milieu des pieds de mon père. Quand mon père mourut, encore jeune si l’on considère l’âge moyen d’aujourd’hui, Pierre encore vivant avait vieilli et perdu son charme. Nous trois orphelins, déjà sur la vingtaine, l’abandonnâmes presque à son destin en ne nous occupant que très distraitement de lui au milieu de nos sorties et rentrées hâtives.
La mort de mon père avait d’ailleurs accéléré nos vies, dans l’inconscience du bien et dans celle du mal (un bien plein de volonté, un mal assez petit et innocent, du moins dans les intentions). Le vrai commencement de la vie adulte fut marqué par le mariage de deux frères avec deux sœurs. La gentille malédiction des frères Lumière nous était tombée dessus. Après ce fut pour chacun des frères la vie, le partage des émotions ou des douleurs et parfois, au contraire, l’éloignement et la séparation.

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Très tôt, je partis à Bologne et quand je rentrai à Rome j’eus le tort de revenir sur le lieu du délit, ou pour mieux dire d’un bonheur, personnel et familial, qui ne peut plus se produire de la même façon.
Entre-temps, des années plus tard, mon frère avait pris avec sa nouvelle femme un chien, considéré comme un troisième enfant pour lui et un deuxième pour elle.
Ce chien petit et affectueux auquel, comme à Pierre du reste, ne manquait que la parole, fut appelé Jacques. Je n’avais pas trop interrogé mon frère sur les raisons de ce nom. Il avait parlé de Pierre et Jacques, cela sonnait comme Pierre et Jean. Il y avait eu bien sûr une évolution dans notre amour commun pour une certaine littérature et notamment pour la France. C’était un hommage à Flaubert, bien sûr, mais aussi à Jacques Prévert et Jacques Tati, deux personnes-personnages qui avaient fait partie de notre famille, de nos déclamations à haute voix et de nos rires.
Moi, en particulier — en raison d’une évidente maladresse qui se déclenchait en certaines circonstances où la timidité ou l’embarras prenaient le dessus sur ma nature qui était au contraire aussi gaie et insouciante que débordante — j’avais été rebaptisé, par mon père, Jacques Tati. Alors, il se peut que mon frère ait voulu donner ce nom Jacques à ce chien insouciant et bavard parce que sa naïveté — très proche d’une forme de maladresse connue parmi les chiens — lui rappelait la mienne.
L’éventuelle présence, dans ce nom, de la figure encombrante et légère à la fois de « mon » promeneur solitaire reste un mystère. Il est tristement vrai que ce pauvre chien Jacques a été agressé un sombre jour par un chien méchant qui l’a littéralement dévoré sous les yeux impuissants de mon frère. Et cela fait penser au curieux incident arrivé à JJR alors qu’il se promenait en haut de Ménilmontant et qu’il lui tomba dessus un chien gigantesque plus lourd qu’un tramway…
Le jour où nous allâmes voir mon frère et sa femme près de Pérouge, ma troisième était assez petite et le petit Jacques encore jeune. Elle aima tellement ce chien vraiment affectueux et joyeux qu’elle aurait voulu absolument, elle aussi, un chien identique à Jacques.
On l’appellera Tati, dis-je alors, en me bornant au jeu de mots et à l’évocation de la redoutable symétrie des frères Lumière.

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Des années après, on nous proposa de « sauver » une chatte abandonnée. Une bâtarde, bien sûr, elle aussi réduite au silence et aux glissements craintifs le long des murs, comme le pauvre Pierre.
Avec le souvenir, encore vif, de la vie pénible de ce pauvre chien égaré après la mort de son patron, je m’opposai vivement à l’introduction d’une « bête » dans notre famille…
En fait je parle de Tatiana, tout en sachant que ce qui concerne Tatiana ne devrait pas m’appartenir. Car Tatiana — qui d’abord s’appelait Tati, assumant avec emportement et enthousiasme le nom destiné â un hypothétique chien jumeau et symétrique de Jacques, le chien de mon frère — a été la chatte voulue et sans cesse aimée par les deux femmes de ma famille.
Mais, c’est un souvenir que je ne pourrais pas confondre parmi d’autres images qui envahissent par millions mes nuits insomniaques.
J’avoue que j’ai vécu les cent ans de vie de Tatiana en la chérissant que très rarement, presque sans jamais m’occuper d’elle et sans avoir de remords pour cette grave forme d’indifférence. Mais probablement, au-delà de ma préférence pour les humains, qui ne me faisait accepter les animaux, surtout les oiseaux et les serpents, que « dans leur milieu », un attachement inavoué pour Tatiana s’était installé en moi. Surtout quand j’ai été malade, par exemple la fois où j’ai souffert de coliques rénales, heureusement passagères, Tatiana vint me réchauffer les pieds, en signe d’encouragement. Et c’était beaucoup plus confortable que le petit cochon en peluche — Serafina Schifosetti, personnage qui d’ailleurs avait l’habitude de s’animer au cours de longues et répétitives pantomimes nocturnes — que ma fille m’avait confié dans cette même impasse.
Mon souvenir de Tatiana est lié surtout à la maison de Rome, où elle avait donné un sens et même un but à certains petits endroits, à certains meubles et, surtout, au balcon où elle passait la nuit, quelles que fussent les saisons et les degrés au thermomètre… Je me rappelle de son penchant, les matins d’été, pour le frais sur le sol en marbre rouge ou, en hiver, pour le grand tapis rouge et noir hérité de ma mère. A part cela, je ne vois Tatiana qu’en train de dormir, ou plutôt de jouir indéfiniment de cette position horizontale, de l’abandon d’une patte ou de la queue par-dessus le rebord d’une chaise ou d’un fauteuil. Lorsqu’elle était jeune, et ma fille, de son côté, encore une gosse, Tatiana nous étonnait avec ses comportements de chien. Elle courait à la porte à l’arrivée de ma femme en la fêtant avec des bonds acrobatiques et elle mangeait les os de bœuf sans en laisser un seul morceau. Elle avait été bien sûr châtrée, pour lui garantir la paix des sens avec une longue vie. Elle devint grosse, tout en restant agile. Elle était en fait la statue vivante qui mieux que tout autre être vivant pouvait représenter l’écoulement immobile du temps. Le temps duquel on s’éloigne, le temps qu’on retrouve. Le temps et le rythme d’une vie sans chimères, d’une vie régulière, propre, élégante, même parfumée.
En été on partait en vacances. Elle dut s’habituer au jardin pas loin de la mer, aux passages soudains de chats agressifs, à la nuit sourde avec les oiseaux et les insectes, aux voix d’une famille plus nombreuse que d’habitude, à une vie plus spartiate et solitaire. En sortant de cette ambiance rude et privilégiée, en revenant à Rome, Tatiana rattrapait chaque fois une année de vie. C’est peut-être grâce à cela qu’elle avait si bien vieilli, toujours saine et avide, toujours fascinante — même si de plus en plus obèse — avec son poil de velours et son regard hypnotisant.
Jusqu’à notre dernière aventure. En septembre 2006 nous sommes venus — ma fille et moi — à Paris, le reste de la famille restant avec Tatiana-Tati à Rome. Dès lors toutes les habitudes ont été bouleversées, et pour Tatiana aussi, il n’y a plus eu de vacances à la mer et la grosse chatte n’a plus pu y récupérer les années perdues.

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En 2010, Tatiana et moi, tous les deux confortablement installés à Paris, nous avons compris en un éclair combien il est bien triste de disparaître de la face du monde. Elle l’a fait à ma place. Ou bien elle m’a précédé. Elle en a fait en tout cas  l’expérience, dans ces inoubliables jours de juillet de cette année, que je ne saurais pas raconter.
Je me borne au souvenir de cette expédition concernant toute la famille, de ce cortège démarrant du boulevard bruyant, tournant au coin de l’Office-Dépôt avant d’entamer le trottoir de droite en montant vers la Gare de l’Est tout au long de la rue du faubourg Saint-Martin. C’est moi qui « tenais » à la main le truc en plastique qui ressemble moins à un abri de petit mammifère qu’à une cage d’oiseau. Qu’aurait dit Prévert de cette procession ? La journée s’affichait grise et je ne voyais que la couleur luisante d’opaline des poils de Tatiana la belle. On essayait de se convaincre que c’était mieux comme ça. En fait, elle était bien vieille. Moi, par mes soucis de santé personnels, je ne me voyais pas capable de nous adonner à cette espèce d’acharnement thérapeutique qui aurait été inconcevable pour cet animal-humain qui avait toujours été le miroir de la parfaite santé. Nous lançâmes un coup d’œil rapide aux ardoises de Saint-Laurent, au redoutable magasin d’armes (et peut-être aussi d’instruments de torture). Nous fîmes une pause sur le trottoir plus large qui côtoie l’ancien orphelinat des Récollets, hébergeant maintenant le siège de l’Ordre des Architectes, (ayant, quant à moi, une pensée rapide pour l’ordre de Rome ou celui de Bologne). La vue de la Gare de l’Est ne nous donna aucun sursaut de courage, ainsi que notre cheminement vers la rue du Château-Landon et ce quartier méconnu qui se trouve au-delà des rails. On arriva finalement au rendez-vous avec ce vétérinaire qu’on ne pouvait trouver plus humain et gentil.
« Elle est au bout du rouleau », dit ce Monsieur. Tatiana était tranquille, silencieuse, prête à se soumettre à la nuit, à se caler dans ce sommeil où, comme le médecin vétérinaire nous l’a assuré, on ne ressent absolument rien.

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Giovanni Merloni, Train de vie, technique mixte sur carton 65 x 50, 2012

Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 3 juin 2013

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