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La cloison et l’infini 4/4

10 dimanche Mar 2013

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits

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La cloison et l'infini

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Petite exploitation du thème de l’infini. La cloison et l’infini (pit n.22)

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23 h 45.
Le silence maintenant s’est installé dans les deux-pièces jumeaux. Si on pouvait arracher, comme la couche supérieure d’un mille-feuille, les deux étages au-dessus d’eux, on verrait, au centre de cette boîte à chaussures, trois têtes presque collées les unes aux autres, tandis que les corps divergent dans une opiniâtre recherche de solitude.
Dans ce « calme après la tempête », Trepaoli a peur de tout changement. Il ne peut plus se lever pour aller jusqu’au fauteuil. Il n’a pas non plus envie d’écouter la musique. Il tâte de la main sur la couverture ondoyante du lit. Il trouve ce qu’il cherche :
— Fut toujours cher à moi ce mont sauvage,
Et cette charmille qui pour bien d’espace
Du dernier horizon la vue m’exclut.
Il lit doucement, d’une voix faible qu’on entend à peine au-delà du mur. Les deux amants peuvent parler, car pour l’instant Trepaoli ne meurt pas et, perdu dans son soliloque, les laisse libres.
— Mais si assis je regarde, d’interminables 
Distances au-delà d’elle et de surhumains
Silences, avec le calme le plus profond
Dans mon esprit se forgent, d’où pour un peu
Mon cœur risque se perdre…

23 juillet, 0 h.
Antonia s’adresse à Jérôme, en parlant tout bas, avec une étrange complicité.
— Il croyait que ce petit bonheur pouvait être durable. Du moins, il l’espérait. D’un coup, moins d’une semaine après cette revanche amoureuse, une sale maladie a explosé, dans un crachat de sang noir. Emmené à l’hôpital Saint-Louis, Trepaoli, entre vie et mort, a été opéré. On lui a enlevé un poumon. Après, il s’est retiré de nouveau dans son minuscule deux-pièces cuisine. Sa femme ne vient plus le voir depuis longtemps.
— C’est sa fille qui vient tous les jours, dit Jérôme. À son arrivée, elle ouvre la fenêtre, et discute bruyamment, toute seule. On dirait qu’elle parle au mur, à cette cloison, car, toi aussi tu l’as constaté, on entend rarement la voix de Trepaoli. Elle cuisine toujours la même sauce à l’ail et au basilic, qui suscite chez les gens de l’immeuble des fantaisies de voyages dans l’Italie du Sud. Enfin, elle s’en va, avec de forts claquements de porte et de vifs frappements des pieds sur les marches de l’escalier…
— Cela me semble un petit scénario de Prévert. On voit que tu le connais bien.
— Quoi ? Prévert ou Trepaoli ?
Je ne veux pas d’une mort en public. Je ne me sens d’ailleurs pas concerné par les pénibles efforts qu’on fait toujours pour allonger la vie des pauvres Christs au bout du rouleau, je hais même les ambulances qui les obligent à abandonner des amas de petites choses dépourvues de sens, toujours les mêmes, qui leur sont pourtant indispensables. Cependant, cette cloison, qui n’est pas du tout le mur épais et terrible des cachots du Château d’If séparant Edmond Dantes de l’abbé Faria, cette barrière qui multiplie les facultés de l’ouïe jusqu’à l’exaltation, a créé, entre ces inconnus et moi, une sorte de promiscuité, embarrassante mais confortable. Il faut entretenir un bruit de fond qui laisse chacun de son côté de cette cloison.
Trepaoli n’est pas croyant. Toutefois, dans son village dans les Marches, enfant de onze ans, on l’avait emmené à la paroisse. De ces messes, des vêtements brodés de petit clerc, il garde l’habitude de lire avec un esprit un peu rhétorique, mais ironique aussi, qui lui donne l’impression de s’aventurer dans un labyrinthe bienveillant :
— Et comme le vent
J’entends bruire parmi ces plantes, moi
Ce silence infini à cette voix
vais comparant : et me souviens de l’éternel
et des saisons mortes, de la présente
bien vive et du son d’elle.
Quelques mots révélateurs suggèrent à Trepaoli que Jérôme, essaye de dessiner un petit portrait d’Antonia :
— Voilà, je te le montre, mais sois indulgente. Je l’ai fait à la plume, avec mille difficultés.
— Elle ne me ressemble pas du tout. Tu as dessiné la dame qui vient visiter Trepaoli en cachette…
— Ainsi, dans telle
Immensité, se noie ce que je pense
Et le naufrage m’est doux dans cette mer.

0 h 15.
— Il a fini de lire, susurre Antonia.
— Un peu lugubre, cet infini qui va et vient à travers les Alpes comme un coureur cycliste…
— Ou bien comme un clandestin que la cloison laisse passer sans aucune difficulté.
— Tu veux dire que Leopardi habite incognito chez Trepaoli ?
— Parlons sérieusement, Jérôme. Tu penses qu’il y a quelqu’un d’autre, une personne en chair et os qui vient voir Trepaoli ?

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0 h 25.
— Je te réponds à contrecœur, Antonia.
— Je sais bien ce qui se passe dans ton esprit bouleversé.
— J’aurais voulu m’asseoir avec toi devant un paysage mystérieux à l’heure du couchant.
— Tu n’as fait rien pour m’y attirer. C’est moi qui t’ai fait aimer Leopardi. D’accord, on peut se consoler avec des vers immortels, comme fait d’ailleurs notre Trepaoli, mais…
Jérôme songe pour un instant à l’école de langues, près du métro Charonne, qui dorénavant ne verra plus arriver cette Italienne enthousiaste.
— Demain, tu ne seras plus là, tu ne répondras plus au téléphone et je serai foutu !
— Exactement. Et moi aussi je serai foutue. Mais je préfère me concentrer sur quelque chose de réel. Nous survivrons à cette déchirure, toi avant moi. Au contraire, ce monsieur…
— D’accord. Puisque tu veux savoir si Trepaoli peut compter ou pas sur l’amour de quelqu’un…, je rencontre sa fille dans l’escalier, de temps en temps, très rarement. Effectivement, elle change tellement d’une fois sur l’autre que je ne réussis pas à fixer son visage dans ma mémoire. Les seules choses dont je me souviens ce sont les sabots un peu usés, et, après, l’odeur des pâtes qui, ayant fait un petit détour par la cour, entrent par cette fenêtre avant de s’installer toujours dans le même coin.
— Mais tu ne penses qu’aux pâtes ! Le monde s’écroule, à part cette cloison, Dieu merci… Tout s’effondre et tu rêves de ces odeurs dégueulasses de pâtes italiennes réchauffées au micro-ondes !
— Et toi, alors ? Dans le moment plus catastrophique de notre vie, tu veux savoir si une autre femme venait voir Abélard, si donc Abélard trompait la pauvre Héloïse ?

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0 h 40
— Tu n’as pas ce problème ? Tu es bien au-delà de cette frontière entre avoir été et ne plus être, tu peux prendre une femme, deux…
Je voudrais m’empêcher d’écouter. Ma tête est redevenue légère, mon front perle de sueur. Je suis tout près de mon abîme annoncé. Mais, un fil rouge me relie encore à cette Ariane. Peut-être, un jour, dans une autre vie, elle pourrait m’entraîner hors du labyrinthe. Si je repense aux premiers temps ! J’étais agacé, sinon gêné, par le bruit qui m’arrivait — tous les mardis et jeudis dans l’après-midi — de cette chambre où personne jusque-là, à ma connaissance, n’avait jamais habité. J’avais même demandé à Marina d’aller protester chez la propriétaire ! Oui, les premiers temps, je considérais les enchevêtrements de ce couple fougueux comme une violence, même délibérée, contre moi. Mais depuis… Je méprise et j’adore en même temps cet homme à la générosité naïve. Volontiers, je le nommerais sur-le-champ « mon enfant ». Quelle belle idée, un frère aîné pour la pauvre Marina ! Cependant, à sa place, je ne laisserais pas cette femme s’évader. Je trouverais bien sûr le moyen de la garder sous clé. En tout cas, maintenant, je n’en ai pas les moyens, et je ne peux pas savoir si, à sa place, je les aurais eus.
Antonia se lève. Jérôme s’aperçoit qu’elle porte le même sac à dos noir que le jour de son inscription à l’école de langues.
Sa voix m’est devenue familière, je la reconnaîtrais partout, donc je peux dire que je la connais, que je la vois !
Je voudrais de toute mon âme me lever, courir à la porte, lui demander de rester un moment sur le palier pour me donner le temps de la regarder. Impossible, je ne peux plus bouger…
— Tu t’en vas ? Vraiment ?
Antonia fait un geste circulaire et s’incline. La même pirouette que D’Artagnan. Sur le pas de la porte, déjà tournée vers l’escalier, elle demande :
— Mais toi, tu n’as jamais vu la gueule de monsieur Trepaoli ?
Jérôme l’avait rencontré assez rarement, car celui-ci peinait beaucoup à monter au deuxième étage. Il lui apparaissait pâle, souffrant, mais aussi souriant, aimable, élégant même, avec son cachemire bleu ciel… Un jour, la seule fois qu’ils s’étaient parlés directement, Trepaoli, appuyé au mur près de la porte de la rue, lui avait confié très sereinement son état de santé :
— Je vis sur le fil d’un couteau ou, si vous voulez, sur une frontière invisible.

1 h 10.
On est déjà au cœur de la nuit. Le dernier métro est parti.

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Jardin de Malagar (Maison-musée de François Mauriac), 2006

Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 7  février 2013

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La cloison et l’infini 3/4

09 samedi Mar 2013

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits

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La cloison et l'infini

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Petite exploitation du thème de l’infini : La cloison et l’infini 3/4 (pit n.21, 2011)
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21 h 42.
Après quelques minutes de silence absolu, au moment précis où le ciel devient noir, Antonia saisit la poignée de la porte, bruyamment.
— Je ne te laisse pas sortir.
— Jérôme, ne fais pas de bêtises…
On entend le bruit d’une lutte rageuse, silencieuse. Ils n’ont même pas le courage de se battre !
— Arrête, Jérôme ! Qui es-tu ? Un inconnu. Oui, tu avais raison, tu es un voyou, un lâche…
Mon Dieu, qu’est-ce qui arrive ? Du vacarme partout, sans règles, constellé de hurlements, de claquement de portes — celles de l’appartement et du cagibi —, de bruits d’objets tombant à terre. Tout le monde peut l’entendre, du palier jusqu’à l’immeuble d’en face. Quelle heure est-il ? Celle de l’effondrement dans l’abîme. J’entends Antonia gémir. Et je commence à trembler. La dissymétrie de ma poitrine s’aggrave.

22 h.
— Mais que faites-vous là ? Savez-vous quelle heure il est ? Voulez-vous que j’appelle la police ?
La gardienne, d’en bas, a lancé un avertissement. J’ai regretté pendant un instant l’absence de téléphone. Mais cela n’ajouterait que de la confusion à mon état déjà critique. Maintenant, je suis sans force, glacé de sueur. Je gagne péniblement le bord du lit, côté fenêtre, puis laisse glisser mon bras vers la moquette. Pourtant, je fais l’effort d’enfoncer ma main dans ce fatras d’objets sans personnalité qui s’entassent au-dessous du lit. La malle, avec son unique trésor, est-elle encore là ? Oui, elle est là, j’ai réussi à l’effleurer de la pointe des doigts. D’ailleurs, jusqu’au moment où je ne serai plus là, personne n’aura envie de l’enlever ou de la jeter à la poubelle.

22 h 15.
Une voix inconnue transperce cette cloison comme le couteau le beurre. Est-ce que je le connais, celui-ci ? Ah, c’est lui !
— Silvia, te souviens-tu encore
Du temps de ta vie mortelle
Quand la beauté luisait
Au fond de tes yeux riants et fugitifs,
Et toi, gaie et pensive, franchissais
le seuil de ta jeunesse ?
— Tu ne sais rien de cet immense poète, lui dit Antonia, agacée.
— Mais je retiendrai toujours ici, dans mon cœur…  tes yeux ridenti et fuggitivi.
— Cependant, de nous deux, ce n’est pas moi la fugitive !
J’entends le grincement du lit — Jérôme doit s’être levé — et, tout de suite après, le bruit particulier de la demie fenêtre, suivi de l’éclat des bruits de la cour. Cette musique ? C’est la petite fille de la gardienne, qui s’exerce sur un piano désaccordé. Même la nuit. Et c’est pour protéger son travail que madame Martins a menacé d’appeler la police ? Jérôme essaye de faire le plus de bruit possible, pour dissimuler son embarras et remonter la pente, tandis qu’Antonia se tait. Je l’imagine en retrait, recroquevillée dans un coin reculé du lit, en train d’examiner ses bleus comme autant de soldats blessés après la bataille.
— J’ai toujours aimé cette balustrade, c’est la seule chose belle, ici. C’est comme la haie de l’infini de Leopardi.
— Mais tu as raté le bon moment. Nous plongeons désormais dans la nuit.
— Tu resteras toujours italienne et moi… parisien ?
— Bien que tes racines soient à Montpellier, tu pourras devenir parisien, un jour. Moi je suis « marchigiana » et telle, peut-être je resterai. D’ailleurs « marchigiana » c’est un mot que tu ne réussiras jamais à prononcer.
— Alors l’infini de Leopardi ce n’est pas le même infini que celui de Baudelaire ?
— « L’imagination est positivement apparentée avec l’infini. » Que je suis studieuse !
C’est une de leurs conversations habituelles qui prend le dessus. Ils se sont connus comme ça, dans une école de langue… C’est banal !
Trepaoli a un sanglot soudain. Les pâtes que Marina lui a préparées lui remontent à la bouche. Il tousse, d’abord en sourdine, ensuite bruyamment.

22 h 40.
De l’autre côté, Jérôme et Antonia se regardent un instant :
— On entend tout ce qui se passe chez Trepaoli, même le bourdonnement d’une mouche. C’est un mur de papier ! dit Jérôme, étonné.
— Donc, il a tout entendu, répond sérieusement Antonia.
— Qui sait, s’il s’est amusé avec cette dispute sur l’infini ?
— L’infini ce n’est rien, il a tout entendu, avant…
— On dirait qu’il se sent mal, à présent. Il n’arrête pas de tousser.
— Et alors, que veux-tu faire ?
Avec effort Trepaoli s’assied sur le lit, se lève et atteint le fauteuil en velours. Avant de s’y enfoncer, il allume le vieux tourne-disques. C’est la seule chose, avec son édition ancienne des œuvres de Leopardi, qu’il a gardé avec lui au moment de se séparer d’Hélène.
Dans la pièce jumelle, lorsque la chanson « Ne me quitte pas, ne me quitte pas » éclate à plein volume, Antonia s’est complètement revêtue. Elle est prête à sortir pour avertir la gardienne. Elle hésite un moment, puis cache ses bleus derrière d’anachroniques lunettes de soleil années 50 qu’elle garde dans son sac.
— Enlève tes lunettes, la nuit avance et tu ne verras rien. Tu entends ? Il a mis Brel pour nous rassurer. Tu peux rester.

23 h.
La musique ne cesse pas. On pourra constater que je suis encore en vie, car je change régulièrement les disques.
— Donc, tu ne regrettes rien ?
— Oui, je regrette, je regretterai toujours, mais je peux survivre, car je n’attends plus rien.
— Tu me fais peur.
— Cependant, Trepaoli nous lance des signaux. C’est la troisième fois qu’il met la même chanson

23 h 10.
—… Il avoue qu’il nous espionne. En tout cas, il ne le cache pas !
En fin de compte, ils savent depuis longtemps que je suis là, que je les écoute. Et ils ont toujours parlé, même à voix haute.
— Il nous aime…
— C’est lui qui ne veut pas être quitté… Mais qu’est-ce qu’il t’arrive, Antonia ? Tu es tellement pâle… Tu penses que Trepaoli va mourir ?
— Je me demande s’il existe quelqu’un qui l’aime vraiment.
— Je ne sais presque rien de lui. Je crois qu’il a des amis, peut-être parmi les gens du bar. Mais je crois qu’il est devenu méfiant, ces derniers temps…
— Quand j’étais là, dans le bar tristounet de la rue Poissonnière, j’ai entendu parler d’une Dame blanche. Peut-être, une religieuse lui rend visite la nuit, quand le métro s’arrête…
—Pourquoi cache-t-il si soigneusement sa vie privée ?
— C’est un homme discret.

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23 h 20.
Du jour au lendemain, j’ai quitté mon appartement du boulevard Voltaire, pour vivre seul ici, rue de la Lune. La première année, j’éprouvai un sentiment d’insouciance, par ce petit élan de confiance qui vient toujours avec l’emménagement dans un immeuble plus ancien, plein de tuyaux cassés et de voix mystérieuses. Hélène et Marina, elles aussi emportées par cette nouveauté, venaient souvent me voir. J’apprenais petit à petit à me préparer des plats. J’avais acheté un congélateur, un four à microondes… Une fois, je les invitai et ce fut très agréable, même si on était tous embarrassés. Les premiers temps, je me promenais beaucoup. Tous les matins, je sortais tôt, sous l’impulsion d’une étrange euphorie, avec un vieux plan de Paris sous le bras. Je dévorais des yeux et des jambes cette ville dont je n’avais pas, jusque-là, soupçonné les trésors. Oui, c’est vrai, dans les années 60 et 70, pour me tenir en forme, je l’avais parcourue en long et en large à vélo. Mais ce n’était pas la même chose. En plus j’avais tout oublié. Je me proposais chaque jour un parcours plus hasardeux, des frontières de plus en plus lointaines. Quand je revenais chez moi, le soir, je m’enfonçais dans mon fauteuil où restais assis pendant des heures, sans manger ni allumer le vieux lustre en laiton verni. Du matin au soir, je n’ouvrais jamais la fenêtre. Dans mon appartement de poupée, je préférais la faible lumière de l’abat-jour décoré de fleurs de lys. Je ne lisais qu’un livre, désormais, et c’étaient les Chants de Leopardi. Ce livre, je ne faisais que le regarder, l’ouvrir et le refermer, comme ferait quelqu’un qui zappe devant sa télévision. Inutile de dire que je n’avais pas voulu de télévision, chez moi. J’étais heureux comme ça. Je me préparais du mieux possible à mourir, à prendre mon envol sans trop de lest à jeter à la dernière minute. Cependant, un jour, quelque chose a changé. En lisant pour la énième fois mon unique texte, ma Bible poétique, j’ai commencé à comprendre… la relativité de l’infini. Je me suis rendu compte du pouvoir immense de la poésie. Elle peut saisir l’infini, rendre acceptable la mort, nous donner les outils pour nous défendre de nous mêmes. Pour la première fois de ma vie, je commençai à fréquenter une bibliothèque. La nuit, je vivais ici, dans cette espèce de retraite… Le jour, mon quartier d’élection était Saint-Médard, une île joyeuse de liberté. Et après, petit à petit…
Il s’arrête pour changer de disque. Dans la faible lumière, il reconnaît infailliblement la couverture des Feuilles Mortes. C’est la voix d’Yves Montand qui remplit le petit espace avant de passer de l’autre côté.
Un hymne à la vie. Qui sait s’ils la passeront ensemble, cette vie qui est toujours le contraire de ce qu’on attend ? Qui sait si encore une fois la mer effacera « sur le sable les pas des amants désunis… » Oui, je l’avoue, j’étais heureux, mais je m’étais comblé d’un bonheur dont j’avais honte. C’est vrai qu’il n’y avait pas de traversée de Paris qui ne m’emmenait rue Daubenton, juste au moment de la pause déjeuner. Mais personne ne pouvait imaginer que, dans mon état, je pouvais aspirer à des joies corporelles. Puisqu’on pouvait me pardonner tout, sauf l’amour. Du reste, n’avais-je pas abandonné mon abri conjugal pour ce douloureux et insupportable manque d’efficacité amoureuse ? Hélène n’y songeait pas. Elle avait respecté, dans un élan de générosité, cet éloignement qui était devenu, avec le temps, une rupture. Elle en avait beaucoup souffert. Mais plus tard, sa tendance à l’oubli, son penchant forcené pour les lectures les plus paresseuses l’avait aidée à tout ensevelir sous la couche arlequin du vieux plaid de nos escapades d’antan. Les premières fois que j’allais dans ce petit bistrot toujours envahi de professeurs et d’étudiants de la faculté de Lettres, j’étais tranquille. Là, je passais des heures, comblé par cette salade maison et ce verre de Bordeaux que je réussissais à faire durer le temps du repas, nourri par l’intérêt tout à fait sincère que Marguerite, la patronne, me consacrait. D’ailleurs, dans mon quartier, personne ne l’avait vue s’approcher du coin de ma rue, sonner à l’interphone ou monter l’escalier. Juste, le garçon du bar avait des soupçons…

Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 7  février 2013

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La cloison et l’infini 2/4

08 vendredi Mar 2013

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits

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La cloison et l'infini

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Petite exploitation du thème de l’infini : La cloison et l’infini 2/4 (pit n.20)
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19 h 45.
— On s’est vraiment aimés, quand même…
Antonia ne répond pas.
— Je suis incapable de te voir sans te sauter dessus !
— Je te propose mon amitié.
— Une amitié amoureuse ?
— Non ! Une amitié tout court.
— Ça, je ne le sens pas !

20 h.
Tandis que le bruit de la pluie a cessé, j’entends des coups. Dans cette bagarre, j’ai l’impression que Jérôme voudrait emprisonner Antonia dans ses bras, sous son poids. Mais elle résiste, claque des mains, se jette hors du lit.
— Alors, nous devons cesser de nous voir. Je le savais. Je retire ma proposition d’amitié.
— Tu as raison. Je suis un voyou. Tu l’as dit l’autre jour.
— Non, je ne crois pas, tu es égoïste…
— Qu’est-ce qu’on fait, alors ?
— Aujourd’hui, je suis venue. Mais c’est la dernière fois. Après tu peux reprendre ta route vers ton cher infini… plein de gens qui n’attendent que toi.
— Sans toi, je n’aurai pas la force.

20 h 20.
Ai-je vraiment eu la force de vivre, sans elle ? Je ne sais plus dans quelle rêverie je flotte, tellement se mêlent les sensations, les souvenirs et les émotions soudaines. J’ai du mal à me souvenir d’Hélène, de son visage, son corps… J’ai laissé toutes mes photos à Marina, en lui disant que je lâchais du lest… Même l’ancienne image d’Hélène étendue sur la plage de Civitanova. Le seul souvenir de cette rencontre — elle n’était alors qu’une étrangère en vacances — avait le pouvoir inattendu de me calmer.
Trepaoli ferme les yeux et les rouvre sur le guidon de son vélo, sur l’asphalte glissant au-dessous de ses jambes lisses… Combien de montagnes a-t-il grimpées ainsi, le nez à deux centimètres du phare ? S’il avait su l’écrire — dans ce français si dur à maîtriser, accidenté comme une route à la chaussée déformée —, s’il avait eu les outils pour l’expliquer ! Quelle idée bizarre de poursuivre le couchant du soleil, cette lutte frénétique pour en arrêter la chute, en courant vers l’ouest, tandis que la terre, en roulant dans un bruit effrayant, s’en éloigne ! Maintenant, dans son poignant souvenir, la route frôle un grand lac suisse, obsédé par des nuages noirs. Le soleil n’est qu’une ligne aveuglante au-dessus de l’horizon. Dans ce miroir crispé, la sombre silhouette d’Hélène disparait sous ses pieds, se confondant avec l’ombre du vélo en mouvement. Je ne faisais aucun effort, une corde robuste m’aimantait vers toi !

20 h 30.
— J’ai décidé de retourner à Macerata. Je retrouverai ma place à la bibliothèque. C’est mon droit.
— Mais tu étais  décidée à t’installer ici ! Tu as bien progressé en français, il ne te reste qu’un très petit accent…
— Tu dis ça parce que tu as déjà oublié combien de fois tu m’as traitée de pauvre idiote !
— Ce n’est pas le professeur de français que tu quittes ?

20 h 40.
Trepaoli attend inutilement une suite à ces derniers mots. Les deux amants se consolent ou, pour mieux dire, se calment un peu, juste le temps d’arrêter le fatras d’émotions violentes et contradictoires qui de but en blanc peuvent les emporter dans l’enthousiasme ou les immobiliser dans le chagrin.
Trepaoli a suivi, depuis le commencement, tous les virages de cette histoire d’amour impossible. C’est pour cela que sa toux s’apaise et que le souffle lui revient lorsque Jérôme, ce professeur aussi obstiné qu’égaré parle, raconte et se perd dans ses rêves. Par contre, une légère agitation s’empare de lui quand la voix rythmée d’Antonia, cette élève à l’âge indiscernable, de plus en plus perturbée, commence à voltiger, avec son accent ineffaçable, au milieu des fumées de leurs cigarettes. Car tous deux fument. Beaucoup. Continument. On le voit très bien lorsqu’ils ouvrent la fenêtre pendant quelques secondes, à la fin de leur rendez-vous.
Un affrontement de langues et de paroles muettes ou plutôt une banale lutte de chats amoureux ? Cela me concerne, étrangement. Si je parcours à rebours ces dernières années, trouverais-je de semblables alternances ? Que m’est-il arrivé, au juste ? C’est vrai, j’avais eu, envers Hélène, un comportement noble et orgueilleux, en prenant acte de cet empêchement à vivre que je n’aurais su longtemps partager avec elle. Mais trois ans plus tard, j’ai connu Marguerite, une jeune veuve, propriétaire d’un café dans le Ve. D’abord, elle n’a pas cherché l’amour, lui préférant une amitié respectueuse. Ensuite, elle a décidé de s’occuper de moi et j’ai accepté ses petits cadeaux, agréablement émerveillé par la vigueur physique que ressuscitait cette liaison. D’un côté, je ne voulais pas qu’elle s’installe chez moi, de l’autre, avec ce second unique amour de ma vie, mes empêchements avaient disparu. Sans avoir jamais été vraiment malade, étais-je guéri ?

002_e.hopper 2 740Edward Hopper (1882-1967) : Chop Suey (1929)

21 h 10.
Une demi-heure s’est écoulée. Dans le silence, Trepaoli oublie peut-être ces deux étrangers plongés dans le sommeil et la paresse de cette grasse soirée qui vient de commencer. Mais il entend approcher de nouvelles menaces…
— C’est trop facile, Jérôme !
— Que dois-je faire, alors ?
— Si vraiment tu me veux, voilà, prends moi. Je suis entière et je te veux entièrement pour moi.
Il hésite. Elle doit être d’une beauté incontournable.
— Je ne veux plus te partager, compris ?
— Mais Antonia…
—Tu as deux enfants, c’est ça ?
Il est bloqué dans le marbre, comme Moïse avant que Michel Ange l’en extrait.
— Que fais-tu ?
— Je m’en vais.
— Tu ne peux pas sortir comme ça, sans jupe ni chemise.
— Ça ne me fait pas peur !
— Tiens, je te rends tes habits, tu es libre !

21 h 30.
Comme chez moi, près du lit, dans un coin de la pièce, il y a un cagibi dans lequel le propriétaire a fait installer une douche. J’entends à peine son bruit particulier qui ne se répétera peut-être jamais. Cette douche, banale pour moi, sonne la rupture. Maintenant, avec cette femme effrontée et courageuse, elle devient le centre de gravité… de ma vie aussi. Parmi les crépitements et tout le silence qui l’entoure, je devine son allure, sa peau mûre, sa chevelure, tandis que tout le reste devient ordure…

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écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 7  février 2013

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La cloison et l’infini 1/4

07 jeudi Mar 2013

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La cloison et l'infini

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La cloison et l’infini 1/4 (2011)
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22 juillet 2011, 17 h 30.
Une banale cloison sépare deux têtes de lit également abîmées, deux chambres à coucher également sordides. D’un côté de ce mur mitoyen, dans la pièce la plus sombre, habite depuis des années un Italien, ancien coureur cycliste souffrant de quelques problèmes de santé. De l’autre côté, dans une pièce qu’un paresseux rayon de soleil examine impitoyablement, se trouve de temps en temps un Français du Sud, d’une quarantaine d’années, professeur de langues. Tous deux sont accablés, écrasés sous le poids de pensées qui les dépassent.
Si le jeune professeur se tourne sur la gauche, au-delà de la petite planche de bois surchargée de pinceaux et de toiles enroulées, il voit sa longue fenêtre fermée, entourée d’un halo jaune ou rose indiquant le petit désespoir d’un soleil qui ne voudrait pas se coucher. Pendant ces longs après-midis silencieux alors qu’il se rend dans cette chambre, il n’est pas sûr d’avoir le temps de jouir un peu, en solitaire, de cet air inconstant qui s’amuse à changer de vitesse, à fouiller dans les endroits les plus reculés pour y saisir les odeurs, bonnes ou mauvaises, et les rares voix. Il aime beaucoup ce balcon en fer forgé qui aurait bien besoin de quelques couches de vernis. Il aime s’y accouder, regarder attentivement les fenêtres de la cour, se perdre enfin dans le petit rectangle où l’enfilade des immeubles se brise et où l’on peut deviner, derrière le grand magnolia, la confusion du boulevard.
Au-delà de la cloison, lorsqu’il se déplace de façon maladroite dans son appartement, son voisin peut entendre distinctement le grincement des tréteaux et le bruit lourd de la barre de fer que le jeune professeur enlève pour débloquer sa demi-porte-fenêtre.
Tout de suite après, l’autre s’élance dans le vide de la cour où sa voix, son avant-bras et son portable restent suspendus.
— Oui, je t’attends depuis trois heures. Je réussis très bien à tuer le temps, mais… pourquoi n’es-tu pas encore là ?
Sous l’emprise d’impulsions aussi prévisibles que soudaines, il tombe dans une légère inquiétude. Rien ne l’empêche de réfléchir de façon convenable et appropriée à tout ce qui se trouve devant lui : à la hiérarchie de corps qui s’effondrent — condamnés par l’ombre ou mis en valeur par le soleil — dans la profondeur du regard. Mais son esprit est ailleurs. Après avoir brusquement refermé la fenêtre, il griffonne ses impressions sur un bout de papier : « Mon père avait raison, je suis un délinquant. »
Dans le silence de cette heure « consacrée au désir et au souvenir de la mer », le vieux cycliste, assis au centre de son lit branlant, doit se tourner sur la droite pour voir sa demie fenêtre. Mais il reste immobile. Il n’est pas pressé, il a tout le temps de réfléchir au firmament de souvenirs et de rêves qui voltigent derrière ses épaules.
Il respire péniblement. Sa fille Marina est montée, a réchauffé au microondes des pâtes italiennes qu’elle avait préparées chez elle, l’obligeant à consommer son repas très tôt, à l’heure du goûter. Resté seul, l’estomac engourdi, il regarde le triangle gris du plafond. Quand l’appartement a été divisé en deux, les moulures ont été refaites et un crochet muni d’un fil électrique a été placé au nouveau centre. Non, il n’a envie ni d’allumer la lampe ni d’ouvrir la fenêtre : Ce n’est pas la peine. Quand on commence à mourir, on a le droit à la paresse et à l’immobilité.

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18 h 30.
Là-bas, dans ces appartements du deuxième étage tournant le dos à la rue de la Lune et se penchant sur la cour, ces fenêtres obstinément fermées étouffent un peu les bruits assez éloignés du boulevard. Mais aujourd’hui, c’est dans un silence spectral que la voix d’une femme traverse sans aucune difficulté le mur auquel la grosse tête de l’homme âgé est lourdement appuyée :
— Voilà, je suis venue… Il va pleuvoir.
— Il était temps ! J’ai la fièvre.
— Pourtant, je dois te parler…
— Attention, dit le jeune professeur, baissant la voix, notre voisin nous écoute.
— Et bien tant mieux ! Cela ne me dérange pas.
— Jusqu’à un certain point.
— De toute façon, il est inoffensif. Il a tellement de problèmes qu’il n’a pas le temps de s’occuper de nous deux.

18 h 45.
Celui qui fut un jour champion n’entend pas la suite. Les deux amants, avec un cri étouffé, sont tombés sur le lit. Il croit entendre des bruits de son enfance, lorsque, dans sa grande maison des Marches, on déplaçait les meubles ou bien quand les gens de la famille rentraient la farine et l’huile pour les ranger dans la cave. Dans cette onde sinueuse, frôlant sa nuque comme une caresse, il n’entend que des petits mots coupés et solitaires qui se perdent dans un invisible nuage de fumée.

19 h 00.
— Tu vois, il pleut ?
— J’ai appris un tas de choses sur ton voisin !
— Quoi ?
— Il a traversé l’Italie et la France en vélo. Par amour !
— Il s’appelle Trepaoli, dit-il gravement. Il y a cinq ans, il s’est arraché à sa famille du jour au lendemain.
— Je ne sais pas pourquoi mais ce Trepaoli m’intéresse.
— Tu veux faire sa connaissance ? Sonne à sa porte. Il t’ouvrira.
— Je suis curieuse de savoir ce qu’il pense de nous. Et je voudrais lui parler de ce que j’ai entendu au bar, juste avant de monter.
— Quelqu’un t’a parlé ?
— Pas directement. Ils étaient dans un coin, quatre, dont une femme. Ils m’avaient bien reconnue. Je buvais mon thé, ne me décidais pas à venir ici…

19 h 15.
Après deux ou trois minutes de silence, j’entends de nouveau la voix du jeune professeur. Il est très agité et ne maîtrise pas l’avalanche de paroles qui lui viennent aux lèvres.
— Donc, tu ne m’aimes pas ? Pourtant tu me fais croire le contraire…
— Pourquoi ramènes-tu toujours l’amour ?
— Je comprends, tu es fâchée contre moi…
— Non, je ne suis pas fâchée, ni vexée. Je n’y tiens plus, non ce la faccio più !
— Et moi, comment faccio ?
— Tu n’es même pas capable de dire fac-cio, fac-cio.
— Tu es belle, Antonia.
— Toi aussi, tu es beau, Jérôme. Mais il ne faut pas y aller par quatre chemins… È finita !
Elle est Italienne… C’est drôle que je ne m’en sois jamais aperçu jusqu’ici… Antonia ! Elle a dit è finita une seule fois. Pourtant, elle n’arrête pas de le dire, même quand elle se tait.
— Tu veux la rupture ? C’est ça ?

19 h 30.
Ce Jérôme est décidemment extraordinaire. Il veut qu’elle lui dise : Oui, je romps ! Je tremble à ce mot que depuis longtemps j’avais enfoui dans mon journal secret. Rupture rime avec aventure, blessure, coupure… Et rien ne me rassure… Ce fut en juillet, ma rupture à moi s’est déroulée de façon tout à fait différente sinon opposée. D’abord, c’était moi qui avais dû couper le cordon ombilical. Dans l’accident qui a marqué ma vie… j’avais perdu certaines facultés vitales dont on n’apprécie jamais assez l’existence. J’ai dû abandonner le vélo… mais petit à petit j’ai récupéré le souffle, puis le plein usage de mes mains et la souplesse de la marche. Cependant, j’avais perdu, avec mes forces, toutes sortes d’appétits comme le désir d’amour… Oui, j’étais devenu une larve. Une larve aimée bien sûr, chérie et respectée aussi, mais tout de même une larve, bel et bien. De temps en temps, j’essayais de m’approcher d’Hélène, mais ce n’était jamais le bon moment… Je commençais à penser que cette faculté-là, vraiment primordiale pour moi, ne referait plus jamais surface. Une dernière fois, j’essayai avec elle, mais ce fut un nouvel échec. Hélène ne s’était montrée ni étonnée ni déçue : j’avais eu un terrible accident, c’était donc normal ! Je protestai que cela n’avait rien de normal. J’avais perdu ma spontanéité naturelle, j’étais comme le pauvre Abélard mais ne pouvais pas mettre sous verrous Hélène dans un couvent. Il n’en existe plus, d’ailleurs ! Ce jour-là, je franchis à jamais la porte de mon appartement du boulevard Voltaire.

Giovanni Merloni

« Qu’est-ce que la vertu sans l’imagination ? » (Baudelaire)

« Bien que très riche, l’artiste vivait simplement, dans une maison avec jardin située dans le quartier de Notting Hill, où il avait installé ses ateliers à l’étage. L’artiste, qui n’appréciait pas les contraintes de la vie de famille, a passé ses dernières années en célibataire, après avoir eu deux épouses puis des compagnes successives, une dizaine d’enfants et des petits-enfants. » (« Le peintre britannique Lucian Freud est mort » Le Monde 22.07.2011)

« Trepaoli aussi n’appréciait pas les contraintes de la vie de famille.»

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 7  février 2013

TEXTE EN ITALIEN : http://wp.me/p343bA-bH

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