le portrait inconscient

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Archives de Tag: vases communicants

Enfance de l’art (Françoise Gérard pour le Vases communicants de décembre 2013)

11 mercredi Avr 2018

Posted by biscarrosse2012 in échanges

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Il y a cinq ans, en décembre, j’eus l’honneur et le plaisir d’échanger avec Françoise Gérard pour un vase communicant sur le thème de l’enfance. Je vous propose aujourd’hui la re-lecture du texte de Françoise, où l’on retrouve, comme dans les textes précédents d’Anna Jouy et de François Bonneau, cette indicible fraîcheur des rapports juste entamés avec la découverte d’affinités réciproques dans le monde alors encore mystérieux de Twitter et des blogs littéraires…

ladri di biciclette - copie

Le Voleur de bicyclette (Ladri di bicyclette), film réalisé par Vittorio De Sica (1948)

Enfance de l’art

Les mots me manquent… Je me sens incapable… Je ne saurai pas… Trop, trop d’émotions, de sentiments confus et contradictoires me submergent soudain en découvrant les simples mais très belles photos que m’a envoyées Giovanni… J’imagine que le sourire confiant, que le visage radieux de cet enfant est le sien… Aux commencements de sa vie… Quand tout n’était encore vraisemblablement que promesses… Quand il n’était possible d’imaginer que bonheurs présents et à venir…

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Au milieu de tous ces enfants, frères, sœurs, ou peut-être cousins cousines, une femme fait converger sur elle leurs regards aimants et heureux. Manifestement, elle les a aidés à grandir en les armant de son amour pour affronter la vie, et les voici, grands, adolescents, jeunes gens, sur cette photo où les visages moins ronds n’ont pas complètement trahi l’enfance, autour de leur mère ou de leur parente dont les cheveux ont commencé de grisonner...

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Trahir, le mot est lâché… Sans doute suis-je déjà en train de trahir Giovanni, aussi bien l’enfant qu’il a été que l’adulte se souvenant de cette enfance qui lui est propre et dont lui seul a la clé!… Mais n’est-ce pas plutôt l’enfant qui abandonne l’adulte à ce qu’il est devenu?… Nostalgie de l’enfance, que cherchons-nous à découvrir ou à déchiffrer sur ces visages qui se sont laissés photographier par les adultes d’alors pour fixer les moments de bonheur et baliser la vie qui passait?… L’enfance est-elle vraiment cet âge d’or qui nous tend le trésor de ses souvenirs? Quelle perception avions-nous de nous-mêmes quand nous n’étions encore que des enfants soucieux de devenir grands et de quitter les enveloppes trop protectrices? La vie ne se montrait-elle pas déjà un peu rude?… La grâce de l’enfance est parfois meurtrie par l’expérience du malheur; et même les enfances heureuses sont blessées par l’apprentissage de la vie qui montre fatalement l’envers du décor… Comment se défendre contre les monstres, réels ou imaginaires?… Les petits d’hommes sont ambivalents comme leurs parents, et balancent entre leurs peurs et leurs joies!…
Dans la famille de Giovanni, les enfants sont heureux et font la fête. Le petit Giovanni est fier de sa cravate qu’il arbore en bombant la poitrine entre son frère et sa sœur.

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« Oui, c’est moi, je suis en train de devenir grand et cette cravate le prouve. Pourquoi me regarder comme un enfant? »… Comme si les adultes eux-mêmes n’étaient que des adultes et n’avaient pas gardé au fond de leur cœur une part d’enfance?… Mais quelle est-elle? Comment la définir?… Le jeu et toute l’inventivité qui lui est associée est sans doute ce qui sépare ou réunit au plus haut point, selon les degrés d’interférence, le monde des adultes et celui des enfants…
Mais voici que je parle de l’enfance en général et que je m’éloigne de l’enfant Giovannino. Quels étaient ses rêves mais aussi ses cauchemars? Quel était l’axe structurant autour duquel l’enfant apprenait à penser sa/la vie? La première photo a été prise à Paris, la seconde à Siena. La France, l’Italie. Ce partage géographique (du côté de… ou de…) a nourri son imaginaire. Quels reliefs particuliers le bilinguisme apportait-il aux histoires lues ou racontées?

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Infans, l’enfant qui ne savait pas encore parler découvre que les émotions qui bouillonnent dans les coeurs correspondent à des mots qu’il est possible de cueillir sur les pages d’un livre. L’adulte aimée est une lectrice, une liseuse qui adorait la France et la peinture de Renoir.

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Giovannino aimera la peinture autant que les mots. Il entame à cette époque, au gré des déplacements de sa famille entre l’Italie et la France, un long voyage intérieur qui n’aura jamais de fin, et qui s’apparente à un exil. Pour rassembler tous les morceaux de sa vie, Giovanni apprend à composer de grands tableaux qui ressemblent à des puzzles. C’est son jeu de prédilection. Il y a toujours deux ou trois pinceaux dans sa trousse de voyage, à côté d’un stylo. Car il s’est mis aussi à raconter de longues histoires foisonnantes qui parviennent à peine à traduire le bouillonnement des sentiments qui mènent la danse tout au fond de son coeur. Il y a tant et tant à explorer! Mais aussi tant de choses essentielles ou inessentielles (comment savoir?) à laisser de côté au moment des départs et à tenter de retrouver pour se ra-ressembler (à) soi-même et se sauver de l’oubli! Tâche épuisante et vouée à l’échec, car les mots sonnent toujours un peu comme le tocsin de la mort… Le geste d’écrire ou de peindre se fond alors en un seul qui s’apparente à celui qui nous vient des profondeurs de l’histoire humaine quand les premiers hommes avaient découvert et mis en oeuvre le pouvoir de laisser des traces sur les parois de leurs cavernes… Que ne connaissaient-ils l’informatique à cette époque! Prescience des chamans qui tentaient d’ouvrir des liens sur les portes de l’au-delà?!… Nous portons tous en nous l’énigme des premiers jours et de la fin du monde…
Mais que serait ce billet sans la personne hors champ qui a pris les photos qui lui ont servi de support? Que conclure sinon que l’invisible permet le visible?… Et que, à l’inverse, le geste de l’inscription dans le monde par les chamans-artistes, en ouvrant-ouvrageant des espaces-temps qui, sinon, resteraient hors de portée, permet la révélation de ce que le réel a d’insoupçonné?… Magie de l’écriture et/ou de la peinture… n’est-ce pas, Giovanni?
Giovanni devenu grand devient un père visible au milieu de ses propres fils… Mais alors, si ce n’est plus le père qui prend les photos, qui donc se dissimule hors champ cette fois ?

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Depuis la nuit des temps, c’est ainsi, les grands transmettent aux petits. Les fils reçoivent donc du père ce qu’il a de meilleur, les mots et les couleurs.

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Paolo le cadet suivra le père à Paris, tandis que l’aîné Raffaele restera à Rome. Ainsi continuera l’histoire d’une famille métronomique…
Les humains ont inventé la photographie automatique. Le regard de Gabriella ne rencontre pas, ici, celui de son père.

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Sans doute a-t-il choisi de s’effacer momentanément pour prendre en artiste cette photo de sa fille… De profil mais en réalité de face, brouillage de la perspective, mise en abyme… Une soeur et deux frères, trente ans auparavant, à Siena… etc, etc…

Texte : Francoise Gérard

Images : Giovanni Merloni

 

Arrêter la machine du temps (François Bonneau pour les Vases communicants de juin 2013)

08 dimanche Avr 2018

Posted by biscarrosse2012 in échanges

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Il y a cinq ans, en juin, j’eus l’honneur et le plaisir d’échanger avec François Bonneau pour un  « vase communicant à l’aveugle mais nourri par des images parlantes » qui devait échouer dans la réciproque connaissance et amitié. Je vous propose aujourd’hui la re-lecture du texte de François, où l’on retrouve, comme dans le texte récemment publié d’Anna Jouy, cette indicible fraîcheur des rapports juste entamés dans le monde alors encore mystérieux de Twitter et des blogs littéraires…

Arrêter la machine du temps

Bonjour Giovanni,
Si j’en crois les clichés véhiculés par bon nombre de mes compatriotes, tu as un prénom qui fleure la gomina, la douce vie en Vespa, le chianti, et je te fais grâce de la pizza ; je ne connais de toi que le portrait inconscient, et ta photo, relayée via la boite mail ; tu m’es familier, inconnu, courtois comme je l’apprécie, et surtout, surtout, tu as ce pouvoir quasi magique de pouvoir laisser trace de tes mouvements sur le papier, et donner à ces traces significations, ce qui fait de toi une sorte de chaman transalpin, et il était donc légitime et dans l’ordre des choses que je m’adresse à toi en une seule et unique phrase, oui c’est bien logique, ce petit défi bien infime face à tes images, dont la première :

001_fermare macchina def_19.05.2013 _740

« arrêter la machine du temps », sur un pont, qui arlequine, oui alors partons, partons des losanges bleus, de ce brin de Matisse, de ce mouvement évidemment, de la trace d’un geste qui reste, et je ne suis pas le premier à le dire mais c’est toujours fascinant, un geste qui me parle du temps comme d’une machine : travail à la chaine – j’ai connu, calendrier – je t’ai en horreur, emploi du temps – tu n’est que stalactites qui m’enserrent ; à moins que le temps perçu ne puisse être apprivoisé, à moins que le temps perçu ne soit qu’espace de vie, ou ce que l’on en ressent, entre deux éternités de mort, et a fortiori d’ennui, « arrêter la machine du temps » c’est ce que je fais ou j’essaye, quand je le peux oui, mais rarement seul, alors c’est ce que je fais avec elle, oui celle-là,

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elle qui aguiche et se prélasse, nous avons droit à la fiction, grâce à ton dessin, nous avons droit à la self-mythologie, alors avec celle qui attire même cet oiseau qui vient la gratifier d’un mouvement, peut-être ce même mouvement, ou peu s’en faut, qui vient gratter le papier, et en même temps ce même mouvement qui vient avec un cache col, un cache misère, un cache-froid mal ajusté, pour que l’on vienne donc le remettre à sa juste place comme elle l’attend, elle qui vient se douter qu’on devine, que cette main près de sa bouche, c’est peut-être pour masquer des babines qu’elle pourlèche, peut-être par timidité, en tous cas c’est sur le sable, maintenant tout de suite, et ça déborde,

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ça déborde comme une toile irréelle, comme une coupe à fruits, comme ces traits qui débordent, qui coulent, qu’est-ce qu’on en fait, on trouvera bien quoi en faire, mais ce regard du peintre qui croise mon regard, moi j’en fais quoi, on a peut-être parfois besoin d’un peu d’intimité, à moins que ce regard du peintre, à moins que ce regard de celui qui a laissé un tel mouvement sur le papier, soit là une complicité exempte de tout voyeurisme, et d’ailleurs, en quoi le papier, les pixels seraient voyeurs, ah mais on ne sait jamais, avec les chamans du pixel, bon écoute, détendons-nous et passons à table,

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et à table, c’est encore un tableau, et peinture ou nourriture, tout cela c’est tout un, ça te remplit de l‘intérieur, oui c’est tout un, sans même parler nature morte car c’en serait presque vulgaire, ça te remplit de l’intérieur et ça remonte à l’occiput, ces mouvements sur toile, mais son assiette, à lui sur la toile, est vide oh ce pauvre bougre, alors en voilà un, de souhait d’avant mariage, si l’on me pardonne la parenthèse autobiographique, un souhait d’avant mariage de ne pas, de ne jamais, faire subir cette cravate-qui-déborde-et-seulement-ça, sur-la-toile-dans-l’occiput, et jamais dans l’assiette, cette cravate que je ne porte quasi-jamais,

sur cette toile,

jamais en guise de plat du soir, bon sang voilà que je dévoile un brin, voilà que Giovanni a mis le doigt là où il fallait, voilà qu’il me pousse à dévoiler quelques abstractions, qui sont signifiantes et que je continue à travailler, que je revendique donc, il n’empêche,

ce vase co, je l’ai rédigé avec l’alliance inofficielle, anneau avant date, au doigt, pour voir ce que ça fait,

et j’ai donc vu.

Texte : François Bonneau

Dessins : Giovanni Merloni

Contributions épistolaires à quelques brisures (Anna Jouy pour les vases communicants d’avril 2013)

05 jeudi Avr 2018

Posted by biscarrosse2012 in échanges

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Il y a cinq ans pile, j’eus l’honneur et le plaisir d’échanger avec Anna Jouy pour un  « vase communicant » que nous avions consacré au thème de la « rupture ». Je vous propose aujourd’hui la re-lecture du texte d’Anna, en espérant qu’elle aussi, le relisant, puisse se réjouir, comme il est arrivé à moi-même, de cette fraîcheur des rapports juste entamés dans ce monde alors inconnu de Twitter et des blogs littéraires…  

Contributions épistolaires à quelques brisures

Giovanni,

Je ne te connais pas. Quelques lignes dans ma boîte de mails, tes belles histoires dans le Portrait inconscient, tes poèmes, tes dessins.

Je ne te connais pas mais j’use de ce tu qui est cher aux écrivains, qui est l’autre désigné proche, désiré, interpellé.

Tu m’as proposé  d’être ta cavalière pour les  Vases communicants et tu en as choisi le thème, la rupture.

Ta vie,- je l’ai compris à quelques  unes de tes lignes – est toujours et encore riche de tes blessures, toujours pleine des échos de ces voix aimées. Tu marches comme un funambule sur ces fils ondulant entre le passé et le présent et personne ne voit ce sortilège et ce prodige.

Lisant ce que tu voulais, j’ai su que tu avais tout compris de moi.

Je t’ai écrit à mon tour t’adressant des lettres qui auraient chacune pu exister entre les mains d’un autre. Tes dessins m’ont été de merveilleuses sources d’inspiration. Tout est pour toi.

Il y a des lettres de rupture qui sont encore des lettres d’amour … Mais je crois que tu le sais.

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Giovanni,

T’écris de ce monde des aragnes, des fils tissés à la salive, de ma toile.

Giovanni, ai trop parlé, croisé, noué ma voix à la tienne d’un coup sec, comme on s’assure d’un tour de corde, une amarre. Ai fait comme ça le piège dans lequel j’allais t’engluer, te retenir, te fixer, mouvant mais prisonnier, comme en équilibre sur des étamines géantes.

Tu sais aussi bien que moi, comme il suffit de quelques mots pour pondre à la rosée des œufs neufs, verts, et carmin  et bleus aussi. Et qui résisterait à ce trésor mettant au soleil le fragile et le lien, la perle et la soif ? Tu regardais ma bouche et ses cravates de poèmes, le flux respirant de l’amour qui jouit et tu attendais patient, sage que mes mains te touchent…

J’étais déjà le prédateur, l’affamée aux longues jambes. Je sentais ton agitation maladroite, ton offrande à la danse mais chacun de tes gestes serrait le piège sans jamais que tu le saches. J’avais faim, Giovanni, bien trop pour ne pas me repaître de ton amour, du soleil entre mes branches, de ce craquement des sèves qui te parcouraient de partout. J’allais bien finir par t’avoir. Je ne lutte que mal contre le poison qui me pulse.

Mais te souviens-tu ? Le vent… Te souviens-tu du balancement furieux des ombrelles où j’avais élu domicile ?

C’est lui, le plus léger que moi, ce bord extrême de la transparence qui a rompu ta prison. Tu es parti. Et j’ai su à cette rupture abrupte défaisant ma maison que jamais tu ne reviendrais.

Prends soin de toi Anna

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Giovanni,

Le temps a brisé le miroir. Je n’ai plus que le souvenir pour me mirer. C’est mieux ainsi car je crois que c’est de là-bas aussi que tu me regardes. Depuis longtemps tu n’accroches plus ta lumière à la mienne. Nous sommes les passagers de l’ombre.

J’essaie avec douleur de glisser ma silhouette  dans la forme ciselée au pochoir qui dort au fond de tes pupilles. Mon corps déborde ton désir jusqu’à « l’étrangement ».

Je n’entre plus dans tes avenirs. Et ton doigt si fin ne caresse plus la marge brûlante d’amour de mon aura. Je ne suis plus qu’une belle image dans le stock des ruptures.

Prends soin de toi

Anna

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Giovanni,

Ta voix…Je ne l’ai sans doute jamais entendue. Tu aimes trop te taire, cultiver des verbes bonzaï dans des jardins intérieurs. Pourtant c’est elle, tout ce qu’il y a de si insaisissable dans le souffle humain qui me fourgue l’effroyable chagrin de t’avoir perdu .

Je prends le combiné. J’aimerais vite en secret recueillir le son râpeux de ta voix…Surtout quand elle me dit ton nom, qu’elle attend ma réponse et qu’elle sait bien sûr que le silence  aujourd’hui, c’est moi.

J’écoute, je t’écoute pour une fois, pour toutes les fois. Amour « a cappella », j’épelle une à une tes syllabes. Cela ne durera pas, je le sais. Ton nom est bien trop court pour ne pas tomber sans bruit dans le puits des oublis..

Alors  le combiné en retombant là-bas fait ici le craquement disséminé de notre rupture.

Prends soin de toi

Anna

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Giovanni,

Ta ville est immense. La vie peut-être plus encore. Je ne songe pourtant qu’à la marche d’un être dans un champ déserté, quelles que soient l’aventure et la suite.

J’ai brisé, chaque jour , un jour, le dernier, celui qui faisait des miettes. J’ai fait ainsi beaucoup de mouron pour les oiseaux, beaucoup de broutilles pour nourrir le quotidien.

J’ai pelé à la gouge mon vieil habit d’amoureuse, gravé en cœur dans l’aubier de mon arbre. Il a fallu me faire des échardes, des coups de burin de travers. Giovanni, tu avais fait grandir mes racines en haut, en bas. Rabattre mon ciel a été féroce.

Le printemps…oui, tu sais comme moi.

La taille a été faite juste. Ces moignons de bras tendus inutiles au dessus de mon cœur ne feront pas de boutures à la misère. Non. Il y a dans le Jardin des Finzi-Contini, une pelouse. Mon ombre t’y attend, toi et tes amours frêles.

Prends soin de toi

Anna

Texte : Anna Jouy

Images : Giovanni Merloni

 

La fleur brisée (une pièce de théâtre d’Ève De Laudec et Giovanni Merloni)

18 jeudi Mai 2017

Posted by biscarrosse2012 in échanges

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vases communicants

En attendant de me décider à entamer une nouvelle série de « courts récits illustrés », je vous propose aujourd’hui un texte qui est passé peut-être inaperçu dans la haute marée des vases communicants de septembre 2014, une époque qui me semble heureuse et pourtant terriblement lointaine, encore en deçà des affreuses tragédies de 2015 et 2016 que nous avons dû endurer avec le brusque changement de nos vies. Il s’agissait, à cette époque, d’une pièce de théâtre passée inaperçue, disais-je, à cause surtout de sa taille excessive vis-à-vis des formats habituels des textes des vases communicants. Et le titre qu’on avait décidé de lui donner – « Hier est un autre demain » – n’était pas non plus un titre deviné… Mais le travail de création et d’échange – par mail et sans se rencontrer – entre Ève De Laudec et moi mérite à mon avis une nouvelle lecture et une réflexion plus sérieuse. Car nous avons écrit ce texte sur un canevas presque inexistant à l’origine, nous soumettant à la contrainte d’un « dialogue à developper » où Ève ne se chargeait que de la voix, des humeurs et des projets de Jeanne Bréhant tandis que moi je me chargeais que des projets, des humeurs et de la voix d’Henri Pylat. La pièce a évolué au fur et à mesure de nos répliques, jusqu’à trouver une forme cohérente ainsi qu’une trame saisissante. Un véritable hasard, ou alors une entente télépathique parfaite, due sans doute à l’amour inconditionnel que chacun de nous porte au théâtre. Je demande pardon à Ève De Laudec si, en qualité de metteur en scène, je me permets, comme l’aurait fait Henri Pylat, de proposer de façon unilaterale un nouveau titre : « La fleur brisée » qui me semble plus poétique et théâtral aussi !

Giovanni Merloni

001_l'actrice 1994 180Giovanni Merloni, L’actrice, 1993

LA FLEUR BRISÉE 
Pièce en 1 acte
D’ Ève De Laudec  et Giovanni Merloni

Avec
Jeanne Bréhant, la comédienne,
Henri  Pylat, le metteur en scène.

Scène 1

Décor : Un théâtre. La scène coté jardin, la salle qu’on suggère coté cour. Sur scène un fauteuil, une chaise devant un bureau. Sur le bureau, une lampe et des feuilles dispersées. Dans un coin une psyché. Les rideaux rouges sont ouverts.

Jeanne est déjà sur scène. Assise dans le fauteuil. Impatiente, elle tape du pied, se lève, rajuste son grand chapeau devant la psyché en faisant des mines, se sourit, se détourne.

JEANNE (soliloque)
– Quelle curieuse sensation que se retrouver sur les planches…Après si longtemps…Des années d’oubli, sans la moindre proposition de rôle…Le public m’a trahie…Et enfin une proposition …J’ai une peur du diable…Ne pas le montrer, surtout… Etre l’autre, celle qui ne doute pas de son talent… Légèreté, légèreté…
Entre Henri, appuyé sur une canne.
Ah mon chou, j’ai failli ne pas t’attendre ! Tu m’avais dit 16h ! Sais-tu que j’ai foule de rendez-vous ? Le temps est si abstrait ! Pour que tu me parles de ton projet de pièce, j’ai réussi à caser une demi-heure, entre mon rendez-vous avec Fanny et la générale de Trahison au Vieux-Colombier. Réjouis-toi mon chou, une demi-heure en ma compagnie pour redorer le blason de ce vieux théâtre dont tu viens d’hériter ! Elle est morte à point nommé, ta vieille maîtresse richissime !
Je te préviens, je décide de mon texte et du rôle masculin pour me donner la réplique afin qu’il ne me fasse pas de l’ombre ! Tiens, Francis Huster par exemple ! Oh, ne me dis pas qu’il est plus jeune que moi, je suis…

HENRI (lui coupant la parole)
– Donnez-moi une minute encore… juste le temps de vous dire bonjour… Même s’il faudrait l’effacer du calendrier, ce jour-ci ! Je suis en retard, ma splendide, parce que… Je ne trouve plus la copie de mon scénario! J’ai dû rentrer à la maison la chercher… Partout ! Volatilisée… Tandis que mon ordinateur est en panne ! Heureusement… Vous avez l’autre copie, n’est-ce pas ? Oui, vous êtes radieuse aujourd’hui et j’en suis tellement ravi… On s’arrangera. Et pourtant, je vous avoue que je me sens fort contrarié. Est-ce que Louise, avant de mourir, a tout organisé ? « Après moi le déluge », disait-elle avec une insistance de plus en plus gênante… C’était banal aussi ! « Je m’appelle Henri, pas Louis comme toi ! » lui répondais-je…

JEANNE
– Henri ! Ai-je donc tant vieilli que tu ne me tutoies plus ? Est-il donc si loin ce temps où l’on m’appelait Mademoiselle ? Ah, le Français, ça avait quand même une autre allure que ton bouiboui ! Mais en souvenir de notre longue amitié, je donnerai le meilleur de moi-même, dans cette pièce que j’ai tout juste parcourue,
(en aparté) en fonction du contrat que l’on signera…
Il faudra d’ailleurs revoir des passages, mon chou, j’ai constaté qu’il y a deux scènes où je ne suis pas ! Rassure-moi ! Tu ne l’as pas mise sur internet, ta pièce, j’espère? On m’a dit que mettre des œuvres sur la touâle s’avérait dangereux, des corsaires peuvent te la voler !
Quant à Louise, c’était une vieille bique, mais je reconnais que son déluge a de la classe !

HENRI
– Sérieusement, je n’ai plus la pièce sur moi. On me l’a peut-être piquée et maintenant elle vole dans le nuage virtuel. Partout et nulle part… Et j’ai peur que le texte que tu as… Oui, bien sûr on se tutoie, je t’en remercie… (Il s’interrompt un instant pour embrasser Jeanne. Le public s’aperçoit tout de suite qu’ils se connaissent depuis longtemps et qu’un élan réciproque est prêt à exploser. Essayant de retrouver le même ton confidentiel qu’avant, Henri reprend) – Je disais que la copie que tu as dans tes mains, ce n’est pas la dernière version de la pièce… Je te propose alors de laisser tomber et de repartir à zéro…

JEANNE
– Repartir à zéro, comme tu y vas ! Je commençais à me projeter dans le texte que j’ai en main. Que les metteurs en scène sont donc inconstants de nos jours! Mais ton idée est séduisante, prenons des risques, partons de rien, créons ensemble, j’aurai ainsi un rôle sur mesure. As-tu l’intention de jouer dans ta pièce ?

HENRI
– Oui, mais ne t’inquiètes pas. Je n’ai aucune intention de prendre le dessus ! Je te parle franchement, au nom de notre… amitié, comme tu dis (Il élargit les bras). Une amitié intacte, tu vois ? D’ailleurs, je serai tellement engagé dans la mise en scène, que mes apparitions seront beaucoup moins importantes que les tiennes. Au contraire, regarde, tu seras toujours sur le plateau. Tu auras en plus le droit… la distinction de t’asseoir sur ce fauteuil, toi seule… Je resterai debout, et peut-être, dans une scène finale, je m’agenouillerai près de toi !…

JEANNE (éclate de rire)
– Si tu me laisses le fauteuil, je crois que je vais me laisser tenter ! Avoir un homme à ses pieds, même au théâtre, cela ne se refuse pas !

HENRI
– Au temps du lycée, te souviens-tu ? Tu étais mon idole… Tu écrivais des petits textes de théâtre, tandis que le professeur de philosophie, qui avait un penchant pour toi, lui aussi…

JEANNE (Elle se tait un instant, songeuse)
Si je me souviens ? Le lycée… Si loin, et pourtant si proche… Comme hier…J’avais de longs cheveux blonds emmêlés que je nattais chaque soir pour que tu les vois onduler le matin… Je faisais exprès de m’assoir au bureau juste devant toi… Et j’imaginais toujours que tu aurais le premier rôle dans mes pièces… Elles n’ont jamais été jouées…
(Elle se reprend) Oh, ce barbon de professeur de philo à l’haleine fétide qui me parlait dans le cou en me citant Platon « Existe-t-il plaisir plus grand ou plus vif que l’amour physique ? Non, pas plus qu’il n’existe plaisir plus déraisonnable » ! Te souviens-tu, mon chou, que tu voulais lui faire mordre la poussière ? Oui, tu jouais déjà la grande scène de jalousie !

HENRI
– En ce temps-là, c’était moi qui avais l’ambition de faire l’acteur, tandis que toi, tu te prenais pour un metteur en scène d’avant-garde, anticonformiste… Tu avais cette blouse blanche, avec au moins dix boutons dans le dos. Un jour, tu me demandas de boutonner ta blouse. J’étais fort maladroit, même si alors je n’avais pas besoin du bâton… Te souviens-tu ? J’étais concentré avec tous ces boutons, et tes cheveux, et ton parfum… lorsque la voix du professeur a brisé l’air poussiéreux à hauteur d’homme : « Py-laaaa-t ! »
Tu vois, je voudrais commencer notre pièce avec cette scène… ensuite nous pourrions reconstruire de quelque façon la fameuse promenade au parc floral…

JEANNE
– Oh quelle horreur cette blouse ! Mais ça aura un petit coté érotique dans la scène, les boutons dans le dos. Bonne idée pour le début de la pièce, tu m’effeuilles, tu m’effleures, dans la cour du lycée, ou plutôt tu déboutonnes ma blouse pour m’emmener au parc floral. (En minaudant) Quoique je ne peux quand même pas jouer mon rôle jeune, je ne passerai pas pour une ingénue, à moins que… avec une blouse … et de dos…Louis Jouvet disait que le théâtre est une de ces ruches où l’on transforme le miel du visible pour en faire de l’invisible. Je serai l’invisible (Elle rit). Tu sais, je vais t’avouer une chose…Au parc floral, j’étais très fière de me promener avec toi, tu étais si beau. Et j’espérais, j’avais une envie folle …que tu me dises…Que tu me dises…
(Elle se détourne)

HENRI
– Voilà. Si tu n’étais pas tombée enceinte juste à la fin du lycée, à dix-huit ans, si je ne me trompe pas… Si tu n’avais pas subi la distraction de ton père ni le désir impérieux de ta mère d’avoir une petite fille à pouponner, tu n’aurais pas épousé ce truand sans art ni part… Excuse ma sincérité, mais je le fais juste maintenant, à une telle distance de temps… pour mieux entrer dans la pièce… Si tu n’avais coupé net cette fleur en train de s’épanouir entre nous, j’en suis sûr, je n’aurais pas fait, à mon tour, à vingt-trois ans, une connerie pareille… Excuse-moi l’expression ! À défaut d’une telle bêtise il n’y aurait pas eu Louise… Elle ne se serait pas installée au milieu de toutes mes ruines, en les empirant…

JEANNE (un peu énervée)
– Les si sont source de regrets. Je n’aime pas les si. J’ai toujours assumé mes décisions, tout autant que l’anticonformisme que tu as évoqué ! Et je ne regrette pas ma fille, qui suit brillamment mes traces. En effet je l’ai eu à dix-huit ans, j’ai été aussi une jeune grand-mère. Mais tu t’es tu, ce jour-là, au parc, et j’ai accepté ce destin de femme d’aventurier de la finance. Bien vite quitté d’ailleurs ! Et sais-tu pourquoi j’ai embrassé la carrière de comédienne ? En dehors du fait que je ne suis bien que sur les planches, j’espérais secrètement qu’un jour, dans les coulisses, je te retrouverais !
(Avec amertume)
J’ai mis mon bonheur de femme dans les bas cotés de ma vie. Pourquoi as-tu laissé la fleur se faner ? Il suffisait de l’arroser, de lui parler pour qu’elle s’ouvre à ton soleil, de lui murmurer ce que seule une fleur sait entendre…Tu me parles de fleur, sais-tu que le Petit Prince et sa fleur m’ont toujours accompagnée ? Est-ce un signe ?
Ta Louise aura au moins eu l’avantage de t’assurer le vivre et le couvert, et même un peu plus puisqu’elle n’a pas emporté son théâtre dans son arche de Noé! Tu es enfin libre ! Moi aussi, d’ailleurs…Sauf que moi je ne porte pas un théâtre, c’est lui qui me porte ! Est-ce un signe ?

HENRI
Maintenant, tu touches un point faible. Car nos vies se rencontrent mais se croisent aussi…

JEANNE
– Que veux-tu dire par là ? Nos vies ? C’est ce travail sur la pièce qui nous réunit aujourd’hui ! Car nos vies ne sont que comédie. Ou tragédie si l’on compte nos cadavres laissés dans le placard ! Penserais-tu que cela va engager nos vies, en dehors du contrat qui va nous lier ?

HENRI
– Tu vois, j’étais venu plein de bonnes intentions, avec mon nouveau canevas dans la tête, prêt à entamer avec toi une discussion acharnée, pour te convaincre… Mais de but en blanc, depuis qu’on a remis en place le « tu » entre nous, je m’aperçois que ma vie a changé. Radicalement. J’avais cru, pendant des décennies, que mon seul désir était de m’emparer de ce caravansérail, de devenir le maître absolu de ce parterre, de ces décors, de ces gens qui l’animent avec leurs vies quotidiennes, beaucoup plus intéressantes, d’ailleurs, que ce qu’on lit et qu’on crie, à partir de ces textes problématiques, de ces histoires décadentes… En te voyant, je me suis rendu compte que j’aspirais à autre chose.

JEANNE (avec emphase)
– Autre chose ? Toi, mon chou, l’homme des pièces engagées, le pourfendeur des causes perdues que tu montais en pièces à succès, toi que j’apercevais entouré de papillons de mains baguées, tu voudrais me faire croire que tes retrouvailles avec la vieille chenille que je suis réveillent enfin ta conscience ? (en aparté) Ou serait-ce ton cœur ?

HENRI
– J’ai toujours bossé, je me suis chargé de devoirs et d’ennuis pour remplir un vide… Il n’y a pas eu que Louise, au cours de mes tournées et de mes festivals. Je me réjouissais, bien sûr, des explosions de plaisir et de la stupeur des visages raisonnants ou idiots, uniques ou banals… Mais, derrière le coin, le vide m’attendait…

JEANNE (très émue)
-Tu vois, Henri, ce que tu me dis maintenant, je l’ai si souvent ressenti… Ce vide…Cette solitude dans la foule, dans le vacarme des corps… des corps étreints, moi éteinte… Alors je jouais des rôles de femme heureuse, épanouie, extravagante, démesurée pour tenter d’y croire, d’être une autre… Je pense à une phrase de François (Mauriac) « Magnifique et dangereux métier de l’acteur qui consiste à se perdre puis à se retrouver ».
Moi je me retrouvais à chaque fois, dans le vide, quand les spectateurs sortaient de la salle. Et là, maintenant, je te trouve dans mon vide.

HENRI
– Te souviens-tu de notre promenade ? (Henri prend la main de Jeanne, en l’invitant à se lever. Ils font deux pas…) Il y avait une fontaine. Tu m’avais parlé de Rome, d’une fontaine baroque placée contre un palais au milieu d’un quartier… (Jeanne  esquisse un geste) Oui, c’était la fontaine de Trevi, et tu me racontais cela comme si tu étais cette femme fatale, blonde, plantureuse, comme si tu incarnais en fait Anita Ekberg qui ne cesse de briser l’écran avec son étrange fierté… Et moi, je « devais » être absolument Marcello Mastroianni. Tu plaisantais, tu étais très bienveillante envers moi mais au fond, comme tu dis, et maintenant je le comprends, tu attendais quelques avances de ma part que je n’osais pas…

JEANNE
– As-tu seulement imaginé à quel point j’étais fébrile, ce jour-là ? Presque contre toi, je humais ton parfum de jeune homme plein de promesses, j’aurais défailli malgré mon éducation de petite bourgeoise, si tu avais osé. Ah, pourquoi ne l’as-tu pas fait ? Pourquoi n’as-tu rien dit ?

HENRI
– Ce jour-là, près de cette fontaine, je t’ai résisté. Je me suis créé un alibi pour renoncer à toi. Maintenant, je m’aperçois qu’en renonçant à toi j’avais renoncé à vivre. Mais, depuis lors, j’ai refoulé toute prise de conscience à ce propos. Je n’ai pas vécu comme le personnage incontournable du livre de Marquez…

JEANNE
– L’amour au temps du choléra… ! Je ne t’ai d’ailleurs jamais rendu ce livre que tu m’avais prêté…(1)

HENRI
– Oui. Ce jeune poète pauvre et maladroit, comme moi, s’appelait Florentino, encore un nom évocateur de l’Italie. Tout au contraire de moi, celui-ci a vécu son « attente inexorable » avec la pleine conscience qu’une seule personne pouvait lui correspondre jusqu’au bout…

JEANNE (rêveuse)
– Firmina Daga…

HENRI
– Firmina, quel nom merveilleux et terrible ! Une femme cohérente jusqu’au sacrifice d’elle-même et pourtant elle aussi consciente de porter en soi un seul amour. Oui, mon amie, j’ai passé la vie à essayer de me convaincre qu’on pouvait se consacrer à plusieurs amours, même deux ou trois à la fois. Mais je sais depuis une demi-heure que ce n’est pas vrai. Il n’y a qu’une possibilité.

JEANNE (à voix basse)
– Oui, une possibilité. Une seule, pour ne pas souffrir.

HENRI
– Quand j’ai renoncé à toi j’ai renoncé aussi, sans le savoir, à être comédien, ce que je désirais. D’ailleurs, je n’aurais pu jouer que sous tes yeux ! Ensuite, pour progresser dans le jeu de l’acteur, j’aurais eu besoin de ton enthousiasme et de ta rigueur ! Parallèlement, privée du piédestal de mon amour, toi aussi tu as renoncé à moi ainsi qu’à ton rêve… En deux, dans le seul instant de l’intrusion entre nous du film de Fellini, nous avons perdu à jamais quatre choses !

JEANNE
– Perd-on vraiment à jamais ? Quelle phrase absurde! On devrait dire qu’on perd à toujours. Et ce que l’on perd n’est jamais pour rien, car rien ne se perd, encore moins les sentiments, on peut les transcender, ils sont sources d’inspiration, d’exaltation, de création. (Elle s’enflamme) L’amour ne meurt pas, ne peut pas mourir, je ne le veux pas ! Laisse le passé au passé, nous sommes le présent maintenant. Il arrive que les feux que l’on croit morts ressurgissent encore plus vigoureux, une simple idée de braise suffit à les ranimer. (Elle s’éloigne d’Henri)

HENRI
– Quand je suis arrivé à ce rendez-vous, je t’ai parlé de la fleur à la jambe cassée. Au cours de notre… entrevue — ne t’en es-tu pas aperçue ? — notre amour a explosé. (Il parcourt nerveusement le plateau en long et en large, en soulignant ses propos avec des gestes exagérés) Je pourrais te faire la chronique comme dans un match de boxe : un, je suis arrivé, premier coup… deux, tu m’as tutoyé, un autre coup déjà lourd… trois, le souvenir de la blouse… quatre, la jalousie rétrospective envers ce professeur dragueur d’élèves… cinq, la fontaine ! Là c’est le K.O. Pas question de compter jusqu’à dix. Le boxeur est fini, l’amour a triomphé !… (Il s’arrête pensif, avant d’assumer un ton plus calme et triste) Ensuite… notre amour a flotté librement, douloureusement ou alors il a glissé invisible entre nos corps et nos âmes perdues…. Oui, perdues, Jeanne ! Il faut le dire, maintenant que l’âge et les chagrins nous donnent la force insouciante de parler même des choses les plus insupportables… Notre amour s’est déjà consommé, brûlé, pulvérisé. Et maintenant il est en train de se volatiliser. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas non plus les raisons d’une telle rapidité. Nous sommes, maintenant, comme deux orphelins. Dans un éclair, chacun a perdu à jamais la personne qu’il cherchait depuis une vie. Mais on peut arranger tout cela…

JEANNE (fait quelques pas vers Henri en levant la tête et les bras au ciel)
– Henri ! Ne vois-tu donc rien ? Ils sont là, les papillons, les débris d’amour, les pulvérisés, ils volent autour de nous, il suffit de les attraper, de les réunir…

HENRI (ne l’entend pas, continue sur sa lancée)
– Voilà ce que je te propose. Je te donne mon théâtre et tout ce que j’avais mis de côté pour le sauver et le nourrir. Toi, tu m’as déjà donné ce que j’attendais, sans le savoir, pendant tout ce temps inutile où nous avons vécu séparés… Un grand cadeau : tu m’as transmis un sentiment de la liberté qu’on ne pourrait plus vif et sincère. Il m’a suffi de te voir pour en être imprégné ! Tout cela a déclenché, en un éclair, un épanouissement de la vérité, violent et doux à la fois… Aujourd’hui, j’ai compris ce que voulait dire pour moi être comédien, ou jongleur, ou funambule. Je ne désirais que vivre sans mère ni père. J’ai besoin à présent d’expériences banales, terre à terre, comme les vivait Florentino Ariza. Et toi, tu as besoin de te voir objectivement, à travers le regard des autres. Tu dois forcément te séparer de toi même… (Henri cherche dans la poche interne de sa veste.) Voilà… je te donne la clé ! C’est une clé électronique universelle qui ouvre toutes les portes et fait déclencher toutes les machines théâtrales…

JEANNE (se plante devant Henri)
– A qui offres-tu ton théâtre ? A Jeanne Bréhant, la comédienne, qui resplendira sur les planches vernies, à celle qui se glisse dans la peau des autres, qui est blanche ou noire pour une symphonie tragique ou une comédie, celle qui ne montre jamais son visage tant il est recouvert des expressions volées aux personnages ? Ce ne serait qu’un partenariat, un contrat de plus, qui nous séparerait à jamais. Cette Jeanne-là accepterait sûrement, tant son ego est surdimensionné. Mais si tu l’offres à Jeanne, l’autre, celle qui avait une blouse blanche, celle qui ne porte plus que du noir, celle qui a des frayeurs, qui doute de tout et plus encore d’elle-même, celle qui espère voir enfin son rêve secret se concrétiser, celle restée fidèle à un amour jamais crié et qui n’attendait qu’un mot de lui… (Sa voix se brise) De toi… Cette Jeanne ne voudra pas d’un théâtre dont elle ne saurait que faire : Elle n’a plus de temps pour écrire des vies inventées, elle veut juste vivre une vraie vie de femme aimée, malgré l’âge et la rouille… Et aussi(elle fait un clin d’œil au public) avoir des petits rôles, de temps en temps, juste pour le plaisir de jouer sans courir après les contrats…Et puis, (elle s’approche d’Henri, lui prend les mains) que tu m’emmènes en voyage, tu sais, là où pousse la fleur, là où il y a une fontaine…

Jeanne s’arrête, fixant la petite lumière rouge d’un réflecteur accroché au balcon le plus proche. Avançant comme une somnambule elle rejoint le fauteuil et, toujours au ralenti, elle s’y assied.

HENRI (En s’agenouillant)
– Je voudrais que tu acceptes mon théâtre justement comme preuve de mon amour, Jeanne ! C’est tout ce que je possède, tout ce qui me lie à cette ville, à ce trottoir, à ce petit monde qui nous entoure. Si je le donne à toi, je sais que ce petit trésor tombera dans de bonnes mains… Après, tu peux en faire ce que tu veux…

JEANNE (essayant de masquer son embarras… hoche la tête pour signifier que c’est trop…)
– Mes bonnes mains… Sont-elles vraiment bonnes ? Savent-elles gérer un théâtre ? Mes mains se tordent de douleur, se tendent vers toi à la recherche des tiennes ! Un amour a-t-il donc besoin de preuve ? Je n’en demande pas ! Est-ce si difficile à donner, l’amour nu ?

HENRI
– Si tu savais combien je désirerais entamer une vraie vie avec toi ! Mais je ne suis plus l’homme beau et… costaud que tu regrettes… Je veux dire intimement… costaud ! Je n’ai plus mes vingt ou trente ou même quarante ans qui m’auraient donné cette assurance indispensable… Je suis un peu vieillot, à présent… On devrait vivre sur le fil du rasoir… aujourd’hui c’est beau, on danse, on part en vacances… Demain il fait gris, l’estomac se bloque, on doit s’arrêter dans l’espoir que ça passe… Je ne peux pas prétendre te demander de partager cela…

JEANNE
– (Après un long silence) J’accepte. Je prendrai ton théâtre. Je l’appellerai « La fleur brisée »…

(Noir.)

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Scène 2

(Sur scène, une grande table vide. Derrière, le fauteuil. Lumière concentrée sur la table)

(Un factotum arrive avec une grande enseigne peinte sur le bois : Théâtre « La fleur brisée ». Très gentiment il serre plusieurs fois la main de Jeanne en signe d’entente, avant de s’asseoir au premier rang pour assister sans transition à l’événement. Tous les gens présents s’aperçoivent que cet homme maladroit déguisé en factotum est en réalité Henri Pylat)

JEANNE (s’assoit derrière la table, chausse de gigantesques lunettes. Elle lit à haute voix un document)
– Chers amis, cher public, merci d’être venus nombreux à cette première. Comme vous le savez, il y a quelques mois je suis devenue propriétaire de ce théâtre, grâce à la générosité de mon cher Henri Pylat (Elle le désigne de la main avec un doux sourire, et s’arrête de lire). J’aurais dû être pleinement heureuse. Mais une petite voix me taraudait à chaque instant, que je tentais de faire taire. En vain. Elle me disait : « Tu te trompes, tu aurais dû suivre ta première impression et refuser ce théâtre. Ce n’est pas ta voie, pas ta vie. Henri l’a voulu ainsi, mais ce n’était pas son désir profond. Il voulait que la décision vienne de toi » Maintenant je sais que le désir d’Henri est le même que le mien…(Elle reprend sa lecture) Je vous annonce donc que je viens de vendre le théâtre. Il gardera le nom de «La fleur brisée» et le nouveau propriétaire s’engage à proposer de temps en temps des pièces d’Henri Pylat… Comme toutes ces pièces à succès que vous avez applaudies ces derniers mois et qui ont permis au théâtre de revivre. Et si bien revivre que nous pouvons enfin partir l’esprit serein… (Elle se lève, pose ses lunettes sur la table et va vers l’avant-scène). Oui, c’est notre rêve à deux… Monter un spectacle de rue près d’une fontaine… Dans toutes les villes du monde !

(Pleine lumière)
(Jeanne descend les trois marches du plateau au parterre. Les journalistes mêlés au public, debouts, sont prêts à applaudir comme si c’était la fin du spectacle. Mais quelqu’un fait signe d’attendre. Henri Pylat se lève. Il a les deux mains occupées. La gauche s’appuie sur sa canne, la droite traîne péniblement une grosse valise sur roues).

HENRI
– Dans toutes les nuits du monde… !

(Dans un vacarme d’applaudissements, Jeanne et Henri traversent solennellement le parterre, passent dans le hall du théâtre avant de disparaître.)

FIN

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(1) « L’amour au temps du choléra » de Gabriel Garcia Marquez : dans une petite ville des Caraïbes, à la fin du XIXe siècle, un jeune télégraphiste, Florentino Ariza, pauvre, maladroit, poète et violoniste, tombe amoureux fou de Fermina Daza, l’écolière la plus ravissante que l’on puisse imaginer. Sous les amandiers d’un parc, il lui jure un amour éternel et elle accepte de l’épouser. Pendant trois ans, ils ne feront que penser l’un à l’autre, vivre l’un pour l’autre, rêver l’un de l’autre, plongés dans l’envoûtement de l’amour…

Voyage à Créteil (vases communicants mars 2017 avec Marie-Noëlle Bertrand)

28 mardi Mar 2017

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Créteil : oubli et sagesse d’une banlieue parisienne

Assis au bout de la rame, je suivais sur la vitre rayée les vagues reflets ensoleillés d’un après-midi d’hiver, tandis que deux questions me tiraillaient :
— En quoi consiste-t-elle l’identité unique de chaque commune de la banlieue francilienne vis-à-vis de Paris ?
— Y a-t-il un rapport possible entre l’expérience qu’un habitant de la banlieue peut se faire de Paris et l’expérience d’un Parisien vis-à-vis d’une commune de la banlieue ?
Pendant le voyage, je me disais d’abord une chose assez banale : même si le trajet est constellé de nombreux arrêts, le fait de se déplacer en métro au lieu qu’en train ou avec le RER, cela crée inévitablement, avec le temps et la familiarité des noms des stations et leur pouvoir d’évocation symbolique, un lien affectif profond entre les communautés de voyageurs et les contextes qu’ils traversent au fur et à mesure. Peut-être, le lien établi par la ligne 8 du métro — entre République, Bastille, Daumesnil, Liberté, Charenton, Maisons-Alfort et Créteil, par exemple — est-il plus fort que le lien, confié à la voiture ou au bus, entre Créteil et Vincennes ou Montreuil…
Puis, j’ai réfléchi à l’âge des voyageurs. Un échange journalier entre la ville de Créteil et Paris ne concerne qu’une partie de la population. Les gens au foyer, les enfants ainsi que les adolescents se rendant à l’école secondaire ou les retraités de mon âge ne se déplacent que très rarement dans les deux sens…
Quelle valeur peut-il y avoir, alors, dans mon témoignage d’un jour ? Pourrait-on y découvrir l’intérêt d’une « découverte » quelconque ?
Je voudrais savoir exprimer ce que cette banlieue me suggère, savoir découvrir en elle ce qui jaillit de l’oubli, volontaire ou pas, de son ancien paysage disparu, savoir expliquer un à un ses actes de sagesse et de réalisme. J’aimerais bien être capable de trouver les mots pour dire ce qu’il faut dire et de même proférer les mots adaptés pour « ne pas » le dire…

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Arrivant à Créteil je me dis que l’idée de Marie-Noëlle, s’inscrivant dans l’esprit des « vases communicants », est déjà une réponse à mes questionnements. Elle a proposé en fait un échange assez simple : je vais me promener dans un endroit tout à fait inconnu pour moi, Créteil, tandis qu’elle choisit la nuit pour traverser le Xe arrondissement de Paris. Si je ne me suis jamais rendu, jusqu’ici, dans cette commune située à la confluence entre Seine et Marne (qui représente aussi la tête de pont du vaste département du val de Marne), il est aussi probable que Marie-Noëlle n’ait jamais flâné dans mon quartier pendant la nuit !
D’ailleurs, sa proposition contient en elle-même une provocation qui m’intrigue : étant presque impossible confronter les existences de ceux qui vivent dans les vingt arrondissements de Paris avec celles des habitants des multiples banlieues, l’expérience des vases communicants affronte, aussi courageusement qu’inconsciemment, le thème de l’incommunicabilité. Une question de plus en plusévidente de nos jours, mais qui n’a pas explosé que dans les dernières années du « boom » informatique.

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Paradoxalement, les « vases communicants » — tout en représentant l’un de plus intelligents escamotages pour briser, au nom de l’échange et de la prise de conscience réciproques, la logique conformiste des réseaux sociaux — peuvent devenir l’occasion pour mettre en valeur, au lieu des choses qui nous rapprochent, les contradictions qui nous font réfléchir. Et l’exercice des vases peut donc convoquer, sans qu’il y ait du scandale, le thème de l’incommunicabilité.
Comme le disait Pangloss — et il a toujours raison —, nous vivons dans le meilleur des mondes possibles. Et nous ne traversons qu’un petit segment de l’histoire de la terre que nous habitons. Ce qui assume aujourd’hui une importance vitale pour chacun de nous changera sans doute avec les systèmes de valeurs qu’on fabriquera autour de cela dans un futur assez prochain.

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Il me semble évident pourtant que cette incommunicabilité dont j’ai entendu parler en premier par Michelangelo Antonioni dans ses films, et notamment dans « L’éclipse » et « Désert rouge », descend directement de ce présumé « boom économique » ayant débarqué en Europe une dizaine d’années après la Seconde Guerre.
L’incommunicabilité entre les personnes jaillit d’abord de la rupture brutale et violente de l’ancien système de cohabitation et de collaboration mutuelle entre la ville et la campagne à travers l’abandon de la hiérarchie, jusque-là équilibrée, entre des villes ayant différent poids et importance et la création, au contraire, d’une hiérarchie indistincte entre centres et périphéries se traduisant, inévitablement, en une perte d’identité qui touche soit les centres que les périphéries mêmes.

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Évidemment, ce « modèle » d’érosion progressive du territoire — basé sur l’hypothèse de l’utilisation massive de l’automobile et des hypermarchés — s’appuyant sur les technologies du béton armé, de l’asphalte et du plastique, a rencontré parfois des résistances ou des solutions de compromis acceptable en France, surtout là où le réseau ferroviaire et métropolitain était intégré depuis longtemps aux centres urbains caractérisés par une identité historique et culturelle plus nette.
Toujours est-il que la banlieue parisienne n’échappe pas à « l’inversion de la modernité » qui touche la plupart des banlieues du XXe siècle en Europe. Tandis que Paris, le Paris du baron Haussmann avec le quartier de deux gares, par exemple, ayant pour axe primordial le boulevard Magenta, demeure, pour moi, la ville d’Europe la plus moderne et clairvoyante.

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En fait, si les Romains du temps de César, tout en ayant en Rome une ville assez chaotique, avaient un formidable talent pour bâtir de merveilleuses « villes nouvelles » (dont Bologne ou Bordeaux, par exemple), tout en profitant d’une ville « à mesure d’homme » les Parisiens n’ont pas su créer, aux environs, des villes également vivantes et confortables.
Certes, la banlieue parisienne se présente bien, beaucoup mieux que celles qui serrent Rome ou Naples dans un étau chaotique. Mais on y perçoit, quand même, l’absence de quelque chose d’essentiel…
Pourquoi, sur la paroi grise-céleste d’un édifice provisoire à côté des rails, à deux pas de la station du métro de Créteil, quelqu’un à écrit en lettres majuscules:

DROIT AU BONHEUR POUR TOUS
LA FRANCE INSOUMISE…. (?)

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Cependant, au bout de ma « promenade communicante », je voudrais abandonner toutes ces « considérations sérieuses », forcément pessimistes, pour exposer mon tout simple « déplacement à la découverte des lieux où habite une chère amie » en me bornant à analyser mon dépaysement vis-à-vis d’un contexte « tout neuf », dont le regard d’un jour ne pouvait pas saisir l’histoire ni la personnalité.
Quand j’y suis venu, j’ai dû d’abord constater ma condition de piéton, désormais irréversible depuis plus que dix ans, qui m’a rendu incapable de m’adapter à un endroit structuré en fonction de la voiture.

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Ensuite, j’ai réfléchi que si je ne partage pas, physiquement, la vie de quelqu’un qui compte pour moi dans le lieu même où il habite, si rien n’arrive d’étonnant au long du parcours suivi, je risquerais de survivre à la petite frustration d’une expérience suspendue…
J’ai alors suivi au hasard un parcours possible, essayant de traverser ou frôler les différents endroits qu’elle m’avait indiqués. Dans ce parcours, l’unique chose qui avait vraiment de l’importance pour moi c’était la rue où elle habite, c’était retrouver une maison qui pouvait être la sienne ; c’était imaginer sa rentrée chez elle le soir, ses rencontres chez elle ou dans la rue ; ses courses ; ses parcours quotidiens vers le bus ou le métro ; l’alternance du beau temps et du temps mauvais, ce qui lui donne l’envie de sortir ou, au contraire, ce qui l’invite à rester chez elle ; ses amis et ses amies, sa vie dans une collectivité engagée, enfin comment vit-elle le rapport entre son lieu de résidence et celui de travail ?

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Des choses qu’on ne peut pas découvrir en un seul jour ! Et pourtant, juste au couchant, un rayon jaune, en guise de flèche, m’a indiqué une grille avec des noms accrochés. Je me suis arrêté pendant un instant et je me suis vu moi-même entrer et sortir de cette porte, emprunter ma voiture garée à côté, partir à la recherche d’une boulangerie ou d’une pharmacie ou, plus loin, des berges de la Marne… Tout cela m’a rapproché davantage d’elle, donnant un sens accompli à ma visite, même si je n’ai rien compris de ce monde assez dur et impénétrable où les trésors sont cachés.

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Giovanni Merloni

François Bon a été à l’origine de ces échanges le premier vendredi de chaque mois, que j’ai découverts alors qu’ils étaient coordonnés par Brigitte Célérier ; Angèle Casanova a pris le relais à partir de novembre 2014. Je remplace Angèle depuis un peu plus d’un an.
Vendredi 3 mars dernier, l’article ci-dessus à été publié sur le blog  La Dilettante de Marie Noëlle Bertrand. C’était la deuxième fois qu’elle me recevait dans le cadre des Vases Communicants, tandis que son texte « En descendant le boulevard Magenta avec la nuit » paraissait sur « Le portrait inconscient ».

En descendant le boulevard Magenta… avec la nuit (Marie-Noëlle Bertrand, vases communicants mars 2017)

03 vendredi Mar 2017

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En descendant…

…le boulevard Magenta
victoire d’un Napoléon
pas le grand, le petit

mânes d’Haussmann omniprésentes
quintessence maléfique
aménagement d’un grand Paris
bannissant misère et plèbe aux confins
élargissant les boulevards
pour la garde et les canons
contre les émeutiers et les barricades

détruire construire

marcher avancer descendre
se projeter et se retourner

001_louxor

Louxor d’abord
c’était au temps du cinéma muet
les bouis-bouis la mal-bouffe
sur le chemin
exotisme de pacotille

des magasins où s’exposent
des tenues pour les mariages
du rêve à bon marché

002_les-deux-gares

destinations plus proches
pas moins pittoresques
vers le Nord et l’Est
deux gares y invitent
des brasseries y encouragent

003_halle-du-marche-180

ici ou là affleure un quotidien possible
grandes enseignes alimentaires
halle du marché au-delà des reflets
discerner étals et foule des grands jours

004_saint-laurent-180

du portail de l’église
la sainte trinité
surveille les passants

veilleurs centenaires des façades
veilleurs quotidiens des halls d’hôtel
celui-là cycliste qui veille sur moi
quand un malappris m’insulte

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au mur s’accroche une cigogne
jamais ne verra Colmar
ni ne survolera l’Ill

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un jardin associatif
Emmaüs y accueille les sans-logis
eux en offrent un aux insectes

007_ombres-et-lumiere

l’ombre et la lumière
jouent des espaces et du temps
dessinent du rêve et de l’évasion

008_republique-180

imaginer une République triomphante
la découvrir aux couleurs
de l’égalité, de la liberté, de la fraternité

…avec la nuit

rejoindre le métro, prendre la ligne 8 et rentrer à Créteil

Texte et Images : Marie Noëlle Bertrand

Pour les vases communicants (*) de mars 2017 Marie-Noëlle Bertrand et moi, nous avons opté pour une flânerie croisée : elle explore ici sur mon blog le quartier de deux gares de Paris (Xe arrondissement) où j’habite, tandis que sur son blog, La Dilettante je me borne à jeter un premier regard sur quelques endroits de la ville de Créteil, où Marie-Noëlle réside. Merci, Marie-Noëlle, pour cette incursion vivante et poétique en bas de chez moi ! 

(*) François Bon a été à l’origine de ces échanges le premier vendredi de chaque mois, que j’ai découverts alors qu’ils étaient coordonnés parBrigitte Célérier et successivement par Angèle Casanova. Marie-Noëlle Bertrand a pris le relais à partir de novembre 2015

S’échapper par la tangente (Vases communicants octobre 2016 avec Hélène Verdier)

18 dimanche Déc 2016

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001_cabanes-1 Cabanes de la Petite Camargue à Maguelone (Montpellier) : photo d’Hélène Verdier

Je publie aujourd’hui sur mon blog le texte que j’avais écrit le ..10 dernier en occasion des « vases communicants » (*) d’octobre 2016 sur « simultanées« , le blog d’Hélène Verdier, qui avait ainsi présenté notre échange : Aujourd’hui, deux textes, sous un même titre choisi par Giovanni Merloni, que j’ai le grand plaisir de recevoir aujourd’hui, tandis qu’il m’accueille sur son blog le portrait inconscient qui brosse, entre autres, un portrait de la société, de l’enseignement, et de l’exercice de la` profession d’architecte en Italie, des années 60 à aujourd’hui. Merci Giovanni.
Merci Hélène Verdier !

« S’échapper par la tangente… »

Chère Hélène,
« S’échapper par la tangente » est une expression typique de 1968, en Italie, mais en France aussi, je crois. « Partire per la tangente » voulait dire de ce temps-là « sortir de la bonne trajectoire », « aller au-delà », abandonner toute logique pour vaguer dans un univers sombre et sans poids, voire se perdre.
J’ai instinctivement songé à cette expression, et à l’idée de transgression qu’elle porte en elle, quand j’ai reçu par mail tes trois images.
D’un côté, je suis resté bouche bée devant le calme olympique des « cabanes » alignées sur la terre ferme de la petite Camargue, un superbe contexte où la Nature est le premier architecte…

002_franck-gehry-arles-0a Vue du chantier de l’atelier SNCF à Arles : photo d’Hélène Verdier

De l’autre côté je suis vraiment touché par ta splendide photo avec la vue du chantier de la Fondation LUMA dans les anciens ateliers SNCF à Arles : rien qu’un cadre percé dans la palissade, mais cela suffit à faire comprendre qu’un « monstre architectural », qui s’annonce fascinant, offrira bientôt à la ville d’Arles un nouveau repère à l’enseigne de la légèreté et de l’anticonformisme !
Avec une cohérence tout à fait étrangère à la monotonie, le grand architecte canadien Franck Gehry nous avait déjà habitués à des architectures qui « surfent » sur la surface terrestre ou aquatique comme autant de navires voilés, s’amusant aux convulsions de la tempête. Ils donnent d’ailleurs l’impression de demeurer tout à fait indifférents si — le calme venu et le vent disparu — ces voiles gonflées ressemblent alors à des déchets ou à des épaves délaissées en désordre dans une immense décharge.
Avec cette œuvre en cours de réalisation auprès de vieux bâtiments de l’atelier SNCF à Arles quelque chose d’inédit semble voir le jour ; des suggestions ultérieures semblent donner lieu à un débat acharné et intéressant, surtout pour ce qui concerne les structures légères qui bordent la « carapace » de cette tour redoutable évoquant les architectures métalliques et psychédéliques de Metropolis, l’incontournable film de Fritz Lang…
Est-ce qu’elles ont une fonction spécifique, allant au-delà de la seule exigence esthétique ?
Je peux bien me renseigner, ma chère Hélène, mais je me soumets à la règle que nous nous sommes donnée, celle de nous exprimer librement à propos de ce que les images nous communiquent, au risque même de dire quelques inexactitudes…

003_franck-gehry-arles-1 Chantier de l’atelier SNCF à Arles (Le Monde)

Depuis plus qu’un mois, sans réfléchir ni à l’auteur ni à l’œuvre, je gardais jalousement cette coupure du Monde ! Car ces structures biaises, ressemblant énormément aux échafaudages de bambou du fameux Chandigarh de Le Corbusier (1966), tout en évoquant l’architecture baroque, de Borromini jusqu’à Gaudì, semblent être parfaitement conscientes que le processus de rupture de tous les conformismes se déroule désormais par lignes intérieures, suivant la géométrie même de chacun des éléments concurrents au « montage » de l’œuvre. Le « geste » final qui en sera la synthèse et l’emblème aura alors été, à mon sentiment, celui de « s’échapper par la tangente » suivant de façon presque fataliste une géométrie prédéterminée.

004_sacripanti-1-copie Maquette de cellule d’habitation modulaire (1966)

Je me découvre d’ailleurs particulièrement passionné à cette architecture, parce que j’y retrouve un parcours que moi-même avais suivi dans une époque assez éloignée et révolue. Bien sûr, ce que je faisais pendant la deuxième année de mes cours d’architecture n’avait rien d’extraordinaire. Il ne s’agissait que d’un premier essai de composition sous la direction du professeur Maurizio Sacripanti et d’un de ses assistants, Roberto Perris, deux figures inoubliables pour leur intelligence et humanité.

005_sacripanti-2-copie Maquette de cellule d’habitation modulaire (1966)

Avec un camarade, nous avions « inventé » cette espèce de « cellule spatiale » ci-dessus, se développant sur la diagonale et en spirale, dont je trouve aujourd’hui une ressemblance avec ce que le grand architecte canadien est en train de réaliser…

006_sacripanti-3-copie-1 Maquette d’un ensemble de cellules d’habitation modulaires (1966)

Chez nous, cette espèce de cruche en colimaçon qui se multipliait « inexorablement » dans toutes les directions, n’avait ni but ni limite. Je me souviens bien de l’image poétique que Roberto Perris, en voyant la maquette où cet échafaudage prenait la forme d’un immense phalanstère, proposa : « immergez donc cette “bidonville” dans un bassin plein d’eau savonnée et soufflez-y dedans. Vous verrez entrer et sortir de vos cellules aux réflexes irisés des hypothèses inattendues ! »
Avant de présenter notre brinquebalante maquette, nous étions convaincus de travailler à une forme d’architecture « organique » et « modulaire », fabriquée de la même façon des voitures ou des chaussures… qu’on aurait pu « accrocher » à des structures architectoniques plus solides et « emblématiques », tels des ponts, des viaducs, des tours…

007b_santivo-cupola-1 Coupole de Sant’Ivo à la Sapienza, Rome

Rebroussant chemin, en discutant entre nous, nous saisîmes, au contraire, que la seule force d’une géométrie non traditionnelle nous avait amenés à une hypothèse baroque de l’architecture ! D’emblée, nous avions retrouvé dans nos petits êtres la même inspiration qui avait poussé le grand Francesco Borromini à réaliser la coupole vertigineuse, tout à fait anticonformiste, de Sant’Ivo à la Sapienza à Rome.

007_santivo-2-copie-1 Église de Sant’Ivo à la Sapienza, Rome

007asantivo-pavimento-1 Église de Sant’Ivo à la Sapienza, Rome

Cela trouvait une emblématique expression dans le pavement à losanges noirs et blancs de la même église… ces losanges qui avaient été, inconsciemment, à l’origine du choix de notre précaire cellule d’habitation… Or, avec tout l’amour que nous pouvions avoir mûri en nous envers l’architecture baroque de Rome, et notamment ses places incontournables (piazza Navona, piazza di Spagna, Fontana di Trevi, et cetera), nous avions bien compris que la « rupture baroque » n’allait pas vraiment à la rencontre des nécessités primaires du peuple et qu’elle avait, au contraire, le but de l’étonner, de l’émerveiller en l’intimidant. Est-ce que les ruptures sont toujours salutaires, alors ? Est-ce que les monstres qui nous font parfois rêver sont vraiment indispensables ?

Version 3 008a_franck-gehry-arles-projet-3 Atelier SNCF à Arles, projet de Franck Gehry : photo d’Hélène Verdier

En revenant à tes photos, ma chère Hélène, dans cette représentation du projet de Franck Gehry tel qu’il est présenté sur le mur des vieux bâtiments de l’atelier SNCF à Arles, je trouve une confirmation de ce que je viens d’observer. Ces structures en colimaçon qui bordent l’édifice, en exaltant sa fuyante verticalité, puisent moins dans les anciens escaliers des tours du Moyen Âge, dont la France est très riche, que dans l’idée de la postRenaissance et de l’art baroque où l’architecture se rebelle violemment aux contraintes statiques de « l’ordre architectural » donnant vie à des œuvres hardies et délibérément dérangeantes.
Toute une civilisation européenne et nord-américaine — avec ses innombrables œuvres exemplaires, basées sur les prodigieuses possibilités offertes par l’utilisation de plus en plus courageuse de l’acier et du béton armé — constitue sans doute un bagage essentiel pour l’auteur du Guggenheim de Bilbao et d’autres incontournables merveilles.
La liberté dont Franck Gehry se sert de technologies de plus en plus performantes est d’ailleurs la démonstration évidente qu’on peut bien « s’échapper par la tangente » et s’échouer, en même temps, sur quelque chose de stable et tout à fait rigoureux.

009_san-biagio-m-9-copie

Église de San Biagio, Montepulciano (Toscane)

Mais, parfois, je regrette, avec Rimbaud, « les anciens parapets de l’Europe » ainsi que les contraintes structurelles qui jadis enlevaient aux constructeurs « maladroits » toute possibilité de nuire aux gens. Il suffit d’ouvrir les yeux sur nos banlieues constellées de monstres mal fichus pour se rendre compte du mal qu’une mauvaise architecture peut causer à tout un chacun, en manque d’urbanisations harmoniques et correctes. Tous les architectes et artistes du monde n’ont pas le génie de Franck Gehry, de Gaudì ou de Le Corbusier. Toutes les villes n’ont pas la sagesse de s’autoriser les « voiles au vent » et, en même temps, une rigoureuse politique de l’environnement humain.

Images : Hélène Verdier et Giovanni Merloni

Texte : Giovanni Merloni

(*) François Bon a été à l’origine de ces échanges le premier vendredi de chaque mois, que j’ai découverts alors qu’ils étaient coordonnés par Brigitte Célérier et successivement par Angèle Casanova. Marie-Noëlle Bertrand a pris le relais à partir de novembre 2015.

S’échapper par la tangente (vases communicants octobre 2016, lettre d’Hélène Verdier)

07 vendredi Oct 2016

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S’échapper par la tangente


Pour les vases communicants (*) du 7 octobre 2016 j’ai le plaisir de publier sur ce blog le texte d’Hélène Verdier, tandis que le mien vient d’être publié en contemporain sur « Simultanées », son blog à elle.
Avant de choisir cette forme et ce titre nous voulions Hélène et moi, écrire d’abord un texte unique, sous forme de « dialogue », à publier en contemporain sur nos deux blogs. Nous avions pour cela imaginé de nous engager dans une « promenade architecturale » auprès de l’un des nombreux exemples d’architectures « modernes » condamnées à l’oubli ou pire, à la destruction sans appel. Hélène avait été la première promotrice d’un choix très intéressant et l’on avait entamé notre dialogue qu’on a décidé de commun accord d’interrompre en vue d’une effective descente sur les lieux et d’une exploitation plus approfondie.
En attendant d’achever cette promenade, que nous partagerons sans doute dans un des prochains vases communicants, nous avons décidé, Hélène et moi, de garder un écho de notre hypothèse initiale. Nous avons échangé entre nous des images qui pouvaient correspondre à cette idée de « l’usure » et de « la perte » qui accompagne trop souvent les belles architectures ainsi que les belles villes de notre mémoire.
Dans cet esprit, avec la conscience du risque toujours présent d’être emportés par l’enthousiasme en dehors des justes limites, nous avons décidé aussi de donner à ces Vases communicants d’octobre un titre commun : « S’échapper par la tangente… »
Giovanni Merloni

001_arcades-de-la-memoire Giovanni Merloni, Portici della memoria, dessin 1992/collage 2012

Cher Giovanni,
nous avions envisagé un dialogue et une promenade. Finalement, ce sera une lettre. Et le croisement des lieux, comme des cartes postales. Pour commencer, et pour mettre un peu de désordre dans le genre épistolaire, je te propose cet exergue de Paul Valéry dont la famille, italienne, a un jour suivi le chemin des migrants transalpins, comme d’autres. Ce fut également le choix de Claude Simon, qui a choisi ces lignes en exergue de son roman « Le vent » (tentative de restitution d’un retable baroque) :

Deux dangers ne cessent de menacer le monde : l’ordre et le désordre
Paul Valéry (La crise de l’esprit)

Giovanni, je savais ton amour du dessin, et j’aime tes dessins. Il n’a donc pas été très facile de choisir. Mais celui-ci te ressemble. J’aime à y reconnaitre le dessin d’architecte, les couleurs, osées — mais n’est-ce pas le propre de la couleur que d’oser signifier l’époque ? — quelques visions op art en déformations géométriques comme le flou d’un rêve, et le titre, arcades de la mémoire.

La main devant la bouche (OUPS ?) le cartable d’étudiant, jaune, livrent quelques pistes d’interprétation, qui restent ton secret. J’y vois aussi une vision onirique qui aurait pu sortir de mes propres rêves.

Des scénarios fantasques, dans un espace-temps en concaténations, des pierres taillées comme les restes diurnes de tous les jours passés, les miens, les nôtres, nous-autres les humains — construisent sans mortier nos univers fragiles. Arcades/arcanes de la mémoire avec en contrepoint la tentation baroque de l’oubli.

Je me suis attardée sur ta ville, en arcades, arcatures et colonnes. Par ces 7 colonnes blanches aux ordres épurés, dépourvus d’ornement comme faisait Corbu avec les pattes d’éléphant de ses cités radieuses, tu sembles bousculer l’ordre de la mémoire, introduire tout à la fois du désordre dans l’ordre, et de l’ordre dans le désordre. En somme, sauver le monde, y mettre un peu d’ordre, parer à tous les dangers. C’est le socle impossible de la sagesse, au-delà du propos de Paul Valéry.

Un jour peut-être, nous irons dans le Havre reconstruit, sous les arcades, voir les cônes inversés des colonnes de Perret ? Et nous tapisserons à grands points une cartographie aléatoire, composite, ouverte, des villes que nous aimons, de Bologne au Havre, en passant par Arles, Bilbao ou Boston. Tangentielles des rêves.

Hélène

Franges du Bray, 6 octobre 2016

Post-scriptum : 7 colonnes, 6 piliers de l’architecture moderne (préceptes)

Version 3 Giovanni Merloni, Periferia dessin 1963/collage 2013

Chère Hélène
« Porta, portico o porticato » : il y a un lien entre « l’idée de la porte » (avec tous les symboles et les hiérarchies qu’on peut associer aux portes de différente taille et importance) et ce terme « portico » ou « porticato » qui ne correspond pas qu’à la seule idée de l’arcade et à la suggestion d’ailleurs très forte de ce mot, « arcade », lié davantage à la forme, à la structure et à l’idée de la continuité du parcours qui s’entame devant nos pas.
Le « portico » héberge, en lui-même, le mystère du passage, du franchissement d’une séquence presque interminable de portes, qui doublent les portes (des maisons, des boutiques, des institutions publiques, des églises) que le portico même côtoie. Marchant dans Bologne, on a chaque jour l’émotion et l’orgueil citoyen de briser une barrière invisible et enfin de participer à la première personne à la rupture de toute séparation entre le public et le privé, le civile et le religieux, le moi et le toi… qui finalement fusionnent ou tout simplement dialoguent intensément entre eux…

Donc « portici della memoria » évoque pour moi quelque chose de différent et probablement d’unique que Bologne seule détient et que d’autres villes, pourvues d’arcades-portici autant splendides possèdent moins ou de façon plus « standardisée », si j’ose le dire.
Par exemple Turin ou Padoue sont deux villes constellées d’arcades, mais ce n’est pas le même rapport entre les arcades et la ville qui s’y installe.
Plein de places européennes sont intégrées par des arcades : de notre incontournable place des Vosges à la piazza de Ascoli Piceno ou à la place du marché d’Uzès…
Mais je ne veux pas trop insister sur l’unicité de Bologne, je ne veux pas donner une trop précisé mesure à la « sage démesure » de mon souvenir qui risquerait sinon de se confondre avec l’oubli, comme le disent si bien tes mots émouvants et sincères.
Merci, Hélène de cet échange si agréable et suggestif, se terminant tout à fait naturellement, comme notre Seine bien aimée, au Havre !
Giovanni

Images : Giovanni Merloni
Texte : Hélène Verdier

(*) François Bon a été à l’origine de ces échanges le premier vendredi de chaque mois, que j’ai découverts alors qu’ils étaient coordonnés par Brigitte Célérier et successivement par Angèle Casanova. Marie-Noëlle Bertrand a pris le relais à partir de novembre 2015

 

« Un cri qui vient de loin » (Vases communicants juillet 2016)

01 vendredi Juil 2016

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Vases Communicants (*) du 1er juillet 2016, invitée : Marie-Noëlle Bertrand : « Un cri qui vient de loin »
Pour ces Vases Communicants de juillet, nous avons choisi, Marie-Noëlle et moi, d’écrire un texte à quatre mains, librement inspiré par la sculpture « Rejection » de Louise Bourgeois dont «[l]es œuvres […] brisent et touchent à la fois ».

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Louise Bourgeois, Rejeton

Marie-Noëlle

Du fond du puits de l’enfance, d’une fissure dans le temps et dans l’espace, me reviennent les cris de ma mère couverts par le silence et le regard gris acier de mon père.

Toujours cette menace qui guette… les cris fracassants de silence ou assourdissants de colère. Ils infestent mon corps et hantent mon cerveau dans l’attente de la libération.

Moi-même comme le cri, se délivrer des angoisses et de la rage dans le silence ou la fureur, imploser ou exploser pour accéder au vivre…

Giovanni

Le cri de la mère, jaillissant du corps creux d’un arbre millénaire, avec sa force ancestrale, menaçante même, cela évoque en moi les voix bruyantes des femmes de la tragédie grecque ou de Sicile…

Je me souviens d’un film au ralenti, « Salvatore Giuliano » de Francesco Rosi (1962), où le chœur assourdissant des femmes en noir hurle devant la flagrance de la mort. Un cri paradoxal et violent, d’autant plus bouleversant que l’on sait que Giuliano est l’un des responsables du massacre du 1er mai 1947 à Portella della Ginestra, une fusillade qui causa onze morts et vingt-cinq blessés, une des premières fractures dans le corps nouveau-né de la République italienne ! Il n’y a rien de plus humain, donc de contradictoire, dans un cri de douleur évoquant dans nos esprits la sensation d’une vaine rébellion, d’un feu qui crépite longuement avant de s’éteindre.

En contrechant, je ressens le silence assourdissant des photos immortelles et des fleurs parcheminées autour du corps du Che… un silence où le cri de chacun est englouti dans un inaccessible trou de lumière, miraculeusement soustrait à la fiction cinématographique.

Et encore le cri de ma mère, un cri retenu, solitaire qui pendant un instant fit sursauter la tête grande ou petite de mon père dignement étendu après avoir subi les coups de la faux assassine frappant rudement contre sa faible porte de papier et d’étoffe.

Marie-Noëlle

Le cri retenu, étouffé finit par déferler, le séisme intérieur déchaîne les mots enfouis au fond du gouffre ; lâcher ce qui est là tapi, laisser jaillir les mots prisonniers dans les abysses de la gorge.

Le silence, comme un chant à naître, résonne dans les profondeurs de la poitrine ; il remonte à la surface, avec le passé. Au commencement, il s’extrait de la voix ; affleurent du néant des murmures éteints, comme asphyxiés. Et soudain, surgit le cri, résonnant dans et du silence ; affluent la rage et la révolte, l’indicible se mue en cri, un cri bouleversant qui déchire le silence dénudant la souffrance enfouie, ouvrant la porte et libérant la menace.

Commençons alors à panser les plaies en laissant la place au Verbe.

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Louise Bourgeois, image empruntée à un tweet de @DidierGolemanas

Giovanni

Ce masque « expressionniste » de Louise Bourgeois fait aussi déclencher, en moi, le souvenir d’une longue rêverie suspendue dans des limbes étranges et secrets qui prend le nom de Luisa S. Oui, une Italienne qui encore vit, heureusement, dans ma Romagne chérie, demeurant à jamais attachée à la rétine agitée de mon corps en forme de cœur. Sans doute, au contraire de Louise B., Luisa S. n’a jamais eu le courage ni l’envie de trop chercher dans les tréfonds de son animalité joyeuse et pourtant maîtrisée. Lors de mon enfance agitée, depuis son vase-cerveau, elle m’a communiqué -comme Louise B.- une lagune de passions et, en même temps, l’écho d’une recherche incessante d’équilibre. Nous vivons dans l’attente d’un cri, de notre cri intime qui sera notre voix.

La voix de contralto de Luisa, l’élégance sobre de ses valises parfumées, la simplicité de ses jupes et de ses chandails, la fumée de la cigarette vaguant autour de sa bouche entrouverte… Par une légère inquiétude, ses gestes charismatiques me laissaient découvrir l’essence du mystère : en chaque homme il y a une femme, tandis qu’en chaque femme il y a un homme !

Ces deux pôles s’enchevêtrent à l’infini, obligés de se contenter de trêves provisoires qui seront bien sûr constellées de haussement d’épaules (en France) et de gestes larges des bras (en Italie). Ou alors des cris silencieux de joie et de chagrin comme celui de Louise B., où un regard qui vient de loin s’ajoute au drame violent et proche de l’animalité qui est en chacun de nous. On ne peut pas tout raconter !

Marie-Noëlle

Pansé à la hâte, le visage aux lèvres grandes ouvertes sur l’intérieur, aveu du silence dans lequel résonne l’angoisse qui colle au ventre et envahit de ses tentacules l’être tout entier.

Dans l’obscurité profonde, se tapit le silence, enchaînement à la douleur ; absence électrisée, présence palpitante.

Sans regard, les yeux arrachés et vides, le corps absent… j’entends le silence qui appelle à être crié, le silence qui crie si fort que subitement j’en suis comme sourde. Mais le vide des yeux contraint le regard à se détourner pour n’être plus qu’à l’écoute du grand cri, du pur cri… Et soudain, une énergie intacte jaillit, le silence se rompt… Le cri ultime, le fracas aveuglant d’un appel : M’entends-tu ? Ouvre, je ne peux pas rester enfermé !

Éjaculation ! Laissez la place au Verbe !

002_louise b_l'araignée

Louise Bourgeois et l’araignée 1995, photo Peter Bellamy, image empruntée à un tweet de Laurence (@f_lebel)

Aujourd’hui, c’est avec un très grand plaisir que je publie ce texte écrit à quatre mains avec Marie-Noëlle Bertrand, « Un cri qui vient de loin », chez Le portrait inconscient.

Je la remercie du coeur de m’avoir proposé cet échange et d’en partager l’aboutissement sur son blog : La dilettante 

Merci, chère Marie-Noëlle,  pour avoir choisi l’art emblématique de Louise Bourgeois pour en saisir librement quelques suggestions. Merci pour tout ce que tu dis dans ton texte, qui a fait déclencher en moi des émotions complémentaires, comme si des yeux et de la bouche de la tête « hurlante » de Louise Bourgeois entraient et sortaient librement, bras dessus bras dessous, nos propres mots sincères.
Tels des cris subliminaux, nos mots s’étaient déjà rencontrés dans les tréfonds d’une rébellion partagée. 
Ils se retrouvent maintenant au-dehors, à la (rare) lumière d’un soleil hardi, sage et combatif à la fois ! 

Giovanni Merloni


(*) François Bon a été à l’origine de ces échanges le premier vendredi de chaque mois, que j’ai découverts alors qu’ils étaient coordonnés par Brigitte Célérier ; Angèle Casanova a pris le relais à partir de novembre 2014. Marie-Noëlle Bertrand remplace Angèle depuis le mois de novembre dernier.

« Gênes pour moi » (reprise des #vases communicants de mars 2015 avec Piero Cohen-Hadria, lecture d’Angèle Casanova)

22 vendredi Mai 2015

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Le 6 mars, 2015, lors des « VASES COMMUNICANTS #56 », Pierre Cohen-Hadria, « detto Piero » avait ainsi présenté l’échange avec moi, au sujet d’une ville italienne – Gênes pour moi, Rome pour lui – évocatrice de sentiments de nostalgie forts et sincères : « C’est avec grand plaisir qu’on reçoit Giovanni Merloni pendant le week-end, pour ces Vases communicants de Mars, tandis qu’avec son extrême gentillesse, il accueille sur son blog, « Le Portrait Inconscient » Piero Cohen-Hadria. Qu’il en soit chaleureusement remercié. »

cohen 3 Gênes 14 « Gênes pour moi »

En accueillant très volontiers la « provocation » de Piero Cohen-Hadria pour ces #vasesco de mars 2015, je suis vraiment heureux de cette occasion de me plonger dans le souvenir de Gênes… cette ville qui secrètement m’appartient, que je ne connaîtrai jamais jusqu’au bout et que j’aime pourtant sans réserve. Je ne pourrai pas en dire tout ce que j’aimerais en expliquer, en décrire, en raconter… Je me bornerai à des images, forcément fragmentaires, comme le sont les belles photos que Piero m’a envoyées… Parfois, nous passons de moments importants de notre vie dans des endroits uniques sans avoir pourtant le temps ni l’envie de fixer leurs merveilles dans des images, physiques ou virtuelles…

En Italie, c’est Gênes la ville qui incarne au plus haut degré mon idée de liberté.
D’abord, la liberté physique, lui venant de la mer. Il suffit de regarder à la volée deux autres villes de bord de mer, comme Venise ou Naples pour voir la différence. Naples et Venise représentent pour moi des endroits à prendre ou à laisser, où l’on te demande de t’y effondrer avec toute la tête, avant d’y vivre sans jamais pouvoir envisager d’en sortir, par une voie de fuite quelconque. Si voir Naples c’est mourir d’un coup pris par un gigantesque filet avec les thons et les mulets dorés, Venise t’emprisonne par mille hameçons formant un diabolique écheveau…
Contrairement à ses rivales, Gênes n’a pas du tout l’intention de tisser des subterfuges pour nous capturer en nous obligeant à descendre de cheval. En passant, nous ne voyons que cette statue de la liberté en guise de Lanterne qui bouge, en éventant son propre étendard rouge et bleu…
Si je pense à Gênes les yeux fermés je vois un tunnel noir qui se fraye un chemin tortueux dans le corps d’une montagne à pic sur la mer. Un parcours assez pénible et même dangereux, marqué par l’alternance frénétique du beau des petits villages de la côte et du laid des géants industriels abandonnés ou des amas de maisons à plusieurs étages les unes sur les autres… Tout en suivant l’aiguille pointue et le fil se faufilant dans cette étoffe — ô combien humaine ! — on a l’impression que la ville de Gênes avec ses rues étroites et ses petits havres de lumière et de paix n’existe pas. Et pourtant elle existe, elle résiste, elle nous apprend toujours quelque chose. Elle a été un jour le plus important port d’Italie, un de plus prestigieux ports de la Méditerranée et elle reste sans doute notre plus belle porte vers l’Europe.
Il m’arrive souvent, dans un flash, de voir l’Italie abandonnée à plat ventre dans la mer… La chaîne des Alpes ressemblant à une chevelure ébouriffée ; la chaîne des Apennins en guise d’épine dorsale ; la Sicile comme un boulet accroché au pied… Dans cette image fuyante, je reconnais un nageur maladroit aux mouvements lents… Au creux de son bras gauche, plié… (c’est justement le bras gauche, parce que le nageur est vu de dos : il a le visage enfoncé dans la vallée du Pô) la ville de Gênes participe activement à cet effort spasmodique de l’Italie de rester en équilibre, à la surface bouillonnante de la Méditerranée…
Je pense souvent à cette image, à ce bras plié… tendu en même temps vers ce côté indispensable de l’Europe que représente la France… Je songe à la ville linéaire et métropolitaine qui fait de Gênes la plus longue ville polycentrique d’Italie et peut-être d’Europe… Et pourtant je dois constater que cette ville sociable et accueillante, ornée de ce nom noble et retentissant… elle restera toujours en retrait, inconnaissable et inconnue.

cohen 4 Gênes 15

« Gênes pour nous » par Paolo Conte est une chanson qui a marqué une époque : un hommage primordial à la glorieuse école buissonnière de la chanson génoise qui dialoguait spontanément et sans complexes avec la chanson française contemporaine. Ici, le grand chansonnier d’Asti se souvient de son arrivée à Gênes depuis la campagne, c’est-à-dire les collines du Piémont dominant la côte. Pour lui aussi, Gênes est une immense, merveilleuse et fatale inconnue.
Et voilà la contradiction poétique que j’aimerais fouiller un jour. Comme le dit le tribut de Paolo Conte, Gênes est tellement encastrée dans la géographie de notre pays que sa voix ne pourra jamais passer inaperçue… Tout le monde l’entendra chanter continûment dans son coeur. En même temps, Gênes pourrait être la championne parmi toutes les villes invisibles de Calvino, la plus recherchée… Celui-ci a d’ailleurs vécu son enfance et sa jeunesse juste à côté, en cette Sanremo des chansons et des fleurs, toujours en train de dialoguer avec son chef-lieu de la même race… Une ville qui écoute, parle et chante, tout en agitant le drapeau d’une Italie qui a existé et qu’on voudrait toujours voir renaître : l’Italie insoumise de Colomb et de Mazzini… Et pourtant, cette ville rieuse et frénétique reste toujours une ville invisible…
Pour ma famille aux origines italiennes multiples, mais coincée depuis un demi-siècle dans l’immobilité de Rome, le déménagement de ma soeur Barbara à Gênes, en 1977, ce fut un nouveau souffle de liberté, s’ajoutant à celui dont j’avais moi-même profité cinq années auparavant, lors de mon installation à Bologne. Même si plus petites et provinciales vis-à-vis de Rome, Bologne et Gênes étaient beaucoup plus civilisées, elles avaient au moins vingt ans d’avance. Si Bologne, sérieuse et fourmillante d’idées, représentait alors une véritable alternative politique et même un mythe, Gênes affichait sans complexes les contradictions d’une réalité « séduite et abandonnée » par une industrialisation trop rapide et tout à fait indifférente à l’environnement… Un passage traumatique qui laisse pourtant des traces importantes. Ici, dans un des trois pôles du « triangle industriel » qui avait produit (avec Milan et Turin) le boum des années 1960, demeurait une classe  ouvrière généreuse et combative avec sa culture orientée vers le progrès et la défense acharnée des droits humains et de la société.

cohen 5 Gênes 5

Mais, il y a aussi d’autres raisons qui sont aussi importantes pour moi. Voulez-vous savoir de quelle façon j’aime Gênes et tous les endroits comme Gênes ?
J’aime les « points limites », les endroits extrêmes où l’on se sépare de quelqu’un toujours très ou trop important pour nous, tellement important que nous avons le sentiment déchirant de nous séparer d’une partie essentielle de nous-mêmes, que celui-ci (ou celle-ci) nous arrache pour l’emmener ailleurs, pour toujours. Gênes est un port, une plage, une ville aristocratique, une ville populaire. Toutes ces réalités et ces âmes cohabitent dialectiquement et parfois dramatiquement. Mais c’est une cohabitation où chacun est nécessaire à l’autre, la plage battue par le vent et le port industriel, tout comme les quartiers différents qui se vissent l’un sur l’autre profitant de la verticalité, du soleil et du vent.
Un port est une gare où ce n’est pas indispensable que quelqu’un siffle au départ.
Une plage est un lieu où l’on fait connaissance et l’on se dit adieu avant de partir.
Une ville à pic sur la mer peut se réduire à une fourmillante coulisse. La coulisse d’un salut extrême, d’un rendez-vous dont notre vie dépend. Dans cette plage cachée par le trait net du viaduc surélevé coupant le regard comme une flèche, pourrait errer maintenant un amoureux malchanceux en train de pointer contre sa tempe un pistolet chargé à salves. Et pourtant Gênes ne me semble pas adaptée à la roulette russe. Au contraire, elle est peut-être l’endroit idéal pour le jeu de la roulette française : noir ou blanc ; pair ou impair ; haut ou bas ; guerre ou paix. D’ailleurs, à Gênes on ne ronfle pas. On ne dort pas. La vie, dure ou molle, est toujours dérangée par un bruit de fond, se mêlant au bruit de la mer et du vent sur la mer…

Giovanni Merloni

P.-S. Si je devais faire un exercice de diction ayant pour sujet la ville métropolitaine de Gênes je m’amuserais à débiter la liste de ses bourgs et faubourgs léchés par la mer qui gicle et menace : Savona, Voltri, Pegli, Sestri, Sampierdarena, Nervi. Recco, Camogli, Rapallo, Portofino, Sestri, Chiavari, Lavagna, Moneglia, Deiva, Levanto, les cinq terres de Monterosso, Menarola, Vernazza… La Spezia, Lerici, Portovenere… Je suis sûr qu’il y a de l’exactitude dans le désordre de cette liste : une séquelle de merveilles qu’il faut découvrir abandonnant la hâte du passant pressé et névrotique. Des trésors que tout le peuple génois aime profondément et défend tout comme sa propre liberté. Je n’oublierai pas que Gênes a été le théâtre de plusieurs drames lors d’attaques plus ou moins évidentes à la démocratie et à la liberté, la dernière en occasion du G8 de 2001. Même dans les situations les plus difficiles, les Génois ont su réagir avec un esprit éveillé, courageux et intransigeant…

Texte : Giovanni Merloni, images : Pierre Cohen-Hadria.

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Et voilà ci-dessous une lecture d’Angèle Casanova de « Gênes pour moi » qui m’a vraiment touché !

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Les autres vases communicants sont ici, recensés par Angèle Casanova : nos remerciements pour tout ce travail (et une pensée vers Brigitte Célérier).

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