le portrait inconscient

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Portrait d’une tablée

16 mardi Mai 2017

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits

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portrait d'un tableau

la tavola grande 740

Giovanni Merloni, La tavola, encres sur papier 70 x 50 cm, 1983

Portrait d’une tablée (1)

J’avais déjà affiché l’image de ce tableau de 1983 dans un de mes premiers billets, ici publié, consacré au « portrait » de la tablée de 1912 à Sogliano sur le Rubicone en Romagne. Là-dedans, cette image n’avait qu’une fonction de décor ou d’évocation de l’idée de la rencontre autour d’une table ouvrant la voie à une série infinie de possibilités d’échange entre les humains. Je l’avais insérée aussi dans l’esprit du décalage et du contre-champ. Car soixante-dix ans après les évènements de cette nuit de Sogliano, pas encore éclaircis, cette table évoque bien sûr une situation tout à fait différente.
Qu’est-ce qu’il arrive ? Où sommes- nous ?
Je crois avoir épousé tout à fait inconsciemmnent cette idée de rassembler des gens autour d’une table. J’avais surtout l’exigence de revenir à la réalité, de donner un poids à mes personnages flottants dans l’asymétrie et l’incertitude.
Après, une espèce de scène de théâtre s’est spontanément mise en place. Quelqu’un a peint les décors, d’autres ont apporté des petites tables de bistrot qu’on a unies avant de les recouvrir avec une nappe bleue céleste….

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Cela me fait souvenir d’un curieux épisode que j’avais vécu juste avant la naissance de ce tableau. Après un long voyage de travail en train de Rome jusqu’en Calabre, je débarquai au cœur de la nuit à la gare de Lametia Terme. À la sortie de la gare, une voiture se confondant avec la nuit m’attendait, dont on ne voyait que cette inscription blanche : COMUNE DI COTRONEI. Je partis sans attendre avec deux personnes plaisantes aux manières paysannes qui ne parlaient pas.
À défaut des localités de la côte ouest, où j’avais passé une ou deux vacances marines — entre Tropea et Cap Vatican —, je ne m’étais jamais aventuré à l’intérieur de cette région assez montagneuse, que j’imaginais abrupte et partout tourmentée par le soleil. Dans cette course dans la profondeur de la nuit que le silence de l’habitacle rendait inquiétante, on ne voyait que la route se déroulant sous l’œil agressif des phares et, de temps en temps, quelques petits animaux qui traversaient la chaussée comme autant de flèches. Lorsqu’on arriva à l’hôtel, on n’en discernait que l’enseigne décolorée. Malgré les onze heures du soir, on nous donna à manger. Cela fut l’occasion pour échanger quelques mots avec mes accompagnateurs, qui se sauvèrent bientôt, en me donnant rendez-vous pour le lendemain. Ils étaient chargés de m’accompagner au petit matin à la Mairie où l’on devait me renseigner autour de la question urbanistique à démêler dans le village touristique de Trepidò qu’on avait laissé pousser en toutes les directions de façon assez chaotique. Resté seul dans ma chambre, je me rendis compte que l’hôtel avait des cloisons en bois de très modeste épaisseur tandis que la nuit s’affichait rigide, même si l’on était en juin.
J’étais le seul client et, le jour suivant, je profitai d’un accueil familial, même plus chaleureux qu’à mon arrivée. Descendu en bas, la patronne, souriante, me demanda si je voulais un café, tout en m’indiquant une chaise près d’une table au dehors. En sortant, je plongeai dans un paysage de montagne. Cela m’étonna. Je ne m’attendais pas du tout à ce bois de sapins de Noël comme je n’en avais vus qu’aux Dolomites… Tout de suite après, en m’asseyant pour ce café qu’on ne pouvait plus napolitain, la vue soudaine du lac bleu ce fut un véritable coup de poing dans l’estomac, une joie sans borne : on n’était pas dans l’extrême sud de l’Italie en train de se désertifier, on était en Suisse ! Je n’eus pas le temps de me reprendre de cette surprise que je vis arriver trois ou quatre voitures, d’où sortirent des hommes souriants sous leurs moustaches, chacun avec un gros classeur sous le bras. Tandis que le maire me serrait la main, ces dix ou douze personnes sortirent du restaurant une dizaine de petites tables avant de les rassembler à la hâte au milieu des arbres. C’était peut-être la première fois de ma vie qu’une réunion de travail se déroulait en plein air, autour d’une table qui ressemblait à un plateau de théâtre.

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Dans toute idée de table il y a toujours quelque chose qui fait déclencher une rencontre. Une montagne de dossiers à examiner dans un village de montagne ou alors un poisson de rivière à manger dans une localité auprès de la mer, ou encore un pique-nique… Chacun apporte quelque chose. L’important c’est qu’il y ait le vin et des choses à se dire.

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Dans la tablée que ce tableau voudrait immortaliser, des personnes venant de différentes époques de ma vie semblent s’être donné rendez-vous. Aux deux bouts de la table sont assis, il me semble, les deux patrons. Comme il arrive souvent, la patronne à la chevelure brune a l’air plus vivante et intelligente que son mari qui semble vouloir se dérober au sujet scabreux de la discussion. Bien sûr, on discute. La jeune femme blonde, qui tourne le dos au spectateur, est en train de tenir une petite conférence. Elle soutient que Venise pue et qu’elle n’y va pas volontiers.
Vous préférez Naples ? Demande la maîtresse de cérémonies, ayant une forte ressemblance avec une de mes anciennes collègues de travail qui, entre parenthèses, est une excellente cuisinière.
La blonde soutient que l’exception confirme la règle. C’est juste à ce moment qu’un quatrième couple sort (ou entre) dans cet espace qui ressemble moins à une terrasse qu’à une cour ou Campo vénitien. Puisqu’on est en démocratie et qu’il n’y a aucune hiérarchie apparente entre les présents, le couple qui apporte les plats intervient dans la discussion. Cela les oblige à rester longuement dans cette position incommode.
Je préfère Bologne ! affirme tout à coup le monsieur aux yeux rêveurs que l’assiette à poisson entoure affectueusement. On est à un passage délicat, parce que la femme à côté du monsieur dans les nuages fais signe qu’elle veut dire quelque chose mais l’homme aux cheveux noirs, en face d’elle, ne la laisse parler. Il explique qu’un endroit comme celui où ils se trouvent réunis est unique au monde. Où sommes- nous ? demandèrent les deux petits enfants qui n’avaient plus envie de se disputer les raisins.
Nous sommes au sommet d’une tour, dit le mari de la collègue, dans un élan de sincérité. N’avez-vous pas vu les nuages effleurant nos tomettes ? N’avez-vous pas reconnu la petite construction d’angle qu’on a bâti dans une seule nuit pour y installer un canon ?

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Giovanni Merloni, La tavola, encres sur papier 70 x 50 cm, 1983, part.

Je réalisai ce tableau soigneusement, essayant de m’éloigner de tout ce que je considérais trop escompté. Peut-être avais-je choisi une voie assez facile pour changer de vitesse. J’étais en fait passé d’une facilité à l’autre.
Car la souffrance ne réside pas dans le dessin ou dans les couleurs ou encore dans le choix d’un prétexte, d’une occasion ou d’un lieu auprès duquel s’inspirer.

La souffrance est cachée sous la table, elle serpente au milieu des pieds et des jambes des chaises. Elle n’a pas de visage ni de voix. Pourtant elle me parle, elle se mêle à ma vie, prétendant me guider, me manipuler, me donner des ordres.

Giovanni Merloni

(1) article publié la première fois le 31 mai 2013

 

L’installation II/II

03 lundi Juin 2013

Posted by biscarrosse2012 in mon travail de peintre

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Jacques Prévert, Jacques Tati, Jean Jacques Rousseau, Pierre Bézoukhov, portrait d'un tableau, Tatiana

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Giovanni Merloni, Portrait de famille, huile sur toile 81 x 65, 2010

Pierre, Jacques, Tati et Tatiana

J’avais beaucoup de choses à dire, même trop, sur le thème de l’installation et tout ce que ce redoutable mot entraîne. Devant la montagne de souvenirs et d’anecdotes, en plus de réflexions profondes et intimes, j’avais fait une espèce de collage que la présence de JJR rendait précieuse et élevée.
Mais, d’un côté c’était trop long, de l’autre… Ce matin, le fait que Dominique Hasselmann dans son ‪Bottom_Sprayer ait cité Jean Doets pour son billet efficace et réussi, a suffi pour déclencher une opportune réflexion.

Personne me garantit, me suis-je dit d’abord, qu’en écrivant sans le souci de se lasser de la beauté des mots, je serai plus sincère. Et j’avais toujours cru, solidement aussi, qu’il faut toujours se donner le temps, qu’il ne faut pas se laisser impressionner par tous ceux qui voudraient nous ralentir ou nous distraire. « Ne parlez pas au conducteur » y avait-t-il écrit dans les bus. « Ne me parle pas dans la main », disait mon grand-père maternel, Alfredo. Il donnait une extrême importance à la main, c’est-à-dire à toute action nécessaire qu’on ait entamée, dont il ne fallait pas se détourner.
Mais, parfois ce sont justement les beaux ou merveilleux exemples qui nous détournent. En particulier, si vraiment j’ai souffert quelque part dans ma vie, si jamais mon déplacement de Rome à Paris peut être regardé comme une sous-espèce d’exil, il n’est pas possible que le sentiment de détresse et d’incompréhension, que j’ai parfois éprouvé vis-à-vis de quelques-uns de mes compatriotes indifférents ou hostiles, soit aucunement comparable à ce que JJR a vécu et souffert.
Donc, grâce aux mots simples et tout à fait partageables de l’éditeur Bernard de Fallois (« La première qualité d’un romancier est de savoir captiver le public. C’est un don rare… le style doit s’effacer derrière l’histoire… dans le roman, le style n’est pas une fin en soi. Ce qu’il faut c’est être vivant. Par le style bien entendu. Mais pas ce qu’on entend par là en général, pas par le côté “bien écrit”) que Jan Doets citait et Dominique Hasselmann aussi considérait comme intéressants, j’ai plongé dans un gouffre où les mots précieux dont j’avais farci mon billet presque achevé retentissaient comme autant de serpents assassins s’élançant l’un contre l’autre.

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J’avais tout de suite après décidé de renoncer à écrire à mes lecteurs : Voyez, il se peut quelques fois que le deuxième volet se soit refermé avant de s’ouvrir !
D’ailleurs, le temps va tellement vite. Une cascade, une avalanche, je suis au fond de l’abîme. Tout abîmé. Et je ne me souviens plus de rien. Je ne serais pas capable de m’en sortir, ni n’aurais non plus la patience de remettre les briques l’une sur l’autre pour en faire un joli mur sincère et sans le moindre souci de préciosité verbale.

Je regardais alors ces initiales même trop connues, JJR, même si elles sont moins connues, aujourd’hui que celles de DSK, par exemple. Je me suis dit que je pouvais les garder pour une revanche personnelle…
Je Jette Rien… Non. Cela ne va pas, il faudrait dire Je ne jette rien et mon association idéale perdrait son sens. Jolie Journée Ruineuse ? C’est peut-être mieux, mais cela ne m’aide pas…
Disons que ce nom Jacques… Je devrais remonter à l’histoire des frères Lumière, que j’avais vu avec mon frère dans un film plein de charme et d’enthousiasme qu’on avait considéré — étant nous aussi presque jumeaux en raison de l’âge et des pulls bleu qu’on nous collait — comme un modèle de créativité heureuse. Dans ce film la symétrie prenait vivement le dessus, donc l’image des deux frères habitant avec leurs jolies femmes paresseuses dans un même immeuble au somptueux escalier central nous avait touchés. Une fois grands, nous aurions bien sûr épousé deux amies-amies, ou deux cousines, sinon deux sœurs…
(En ce temps- là, un film musical américain se chargeait de redonner confiance dans le mariage, valeur évidemment en bas de consensus. Ce film avait pour titre : « Sept épouses pour sept frères »…)

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Photo : Collection Frères Merloni. Reproduction interdite

A l’époque béate de ma première adolescence, où l’on ne songeait qu’au ballon ou au vélo ou alors aux bouchons des bouteilles de Coca-Cola qu’on faisait glisser sur des pistes évocatrices du Giro d’Italie ou du Tour de France, dans notre famille entra un chien.
Ce chien malchanceux et anormalement silencieux fut appelé Pierre. En honneur de la France, bien sûr, mais aussi de cet incontournable vrai protagoniste de Guerre et Paix, incarnant probablement Tolstoï lui-même, qui s’appelait Pierre Bézoukhov. Pierre, qui avait enfin croisé le destin et les joues de pèche de Natasha alias Audrey Hepburn et qui, dans l’esprit souterrain de ma famille et surtout de mon père aurait dû être le partenaire idéal de ma malchanceuse sœur aînée.
Pierre nous accompagna dans de mémorables vacances à Cortina, à Venise, à la mer. Il se logeait au milieu des pieds de mon père. Quand mon père mourut, encore jeune si l’on considère l’âge moyen d’aujourd’hui, Pierre encore vivant avait vieilli et perdu son charme. Nous trois orphelins, déjà sur la vingtaine, l’abandonnâmes presque à son destin en ne nous occupant que très distraitement de lui au milieu de nos sorties et rentrées hâtives.
La mort de mon père avait d’ailleurs accéléré nos vies, dans l’inconscience du bien et dans celle du mal (un bien plein de volonté, un mal assez petit et innocent, du moins dans les intentions). Le vrai commencement de la vie adulte fut marqué par le mariage de deux frères avec deux sœurs. La gentille malédiction des frères Lumière nous était tombée dessus. Après ce fut pour chacun des frères la vie, le partage des émotions ou des douleurs et parfois, au contraire, l’éloignement et la séparation.

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Très tôt, je partis à Bologne et quand je rentrai à Rome j’eus le tort de revenir sur le lieu du délit, ou pour mieux dire d’un bonheur, personnel et familial, qui ne peut plus se produire de la même façon.
Entre-temps, des années plus tard, mon frère avait pris avec sa nouvelle femme un chien, considéré comme un troisième enfant pour lui et un deuxième pour elle.
Ce chien petit et affectueux auquel, comme à Pierre du reste, ne manquait que la parole, fut appelé Jacques. Je n’avais pas trop interrogé mon frère sur les raisons de ce nom. Il avait parlé de Pierre et Jacques, cela sonnait comme Pierre et Jean. Il y avait eu bien sûr une évolution dans notre amour commun pour une certaine littérature et notamment pour la France. C’était un hommage à Flaubert, bien sûr, mais aussi à Jacques Prévert et Jacques Tati, deux personnes-personnages qui avaient fait partie de notre famille, de nos déclamations à haute voix et de nos rires.
Moi, en particulier — en raison d’une évidente maladresse qui se déclenchait en certaines circonstances où la timidité ou l’embarras prenaient le dessus sur ma nature qui était au contraire aussi gaie et insouciante que débordante — j’avais été rebaptisé, par mon père, Jacques Tati. Alors, il se peut que mon frère ait voulu donner ce nom Jacques à ce chien insouciant et bavard parce que sa naïveté — très proche d’une forme de maladresse connue parmi les chiens — lui rappelait la mienne.
L’éventuelle présence, dans ce nom, de la figure encombrante et légère à la fois de « mon » promeneur solitaire reste un mystère. Il est tristement vrai que ce pauvre chien Jacques a été agressé un sombre jour par un chien méchant qui l’a littéralement dévoré sous les yeux impuissants de mon frère. Et cela fait penser au curieux incident arrivé à JJR alors qu’il se promenait en haut de Ménilmontant et qu’il lui tomba dessus un chien gigantesque plus lourd qu’un tramway…
Le jour où nous allâmes voir mon frère et sa femme près de Pérouge, ma troisième était assez petite et le petit Jacques encore jeune. Elle aima tellement ce chien vraiment affectueux et joyeux qu’elle aurait voulu absolument, elle aussi, un chien identique à Jacques.
On l’appellera Tati, dis-je alors, en me bornant au jeu de mots et à l’évocation de la redoutable symétrie des frères Lumière.

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Des années après, on nous proposa de « sauver » une chatte abandonnée. Une bâtarde, bien sûr, elle aussi réduite au silence et aux glissements craintifs le long des murs, comme le pauvre Pierre.
Avec le souvenir, encore vif, de la vie pénible de ce pauvre chien égaré après la mort de son patron, je m’opposai vivement à l’introduction d’une « bête » dans notre famille…
En fait je parle de Tatiana, tout en sachant que ce qui concerne Tatiana ne devrait pas m’appartenir. Car Tatiana — qui d’abord s’appelait Tati, assumant avec emportement et enthousiasme le nom destiné â un hypothétique chien jumeau et symétrique de Jacques, le chien de mon frère — a été la chatte voulue et sans cesse aimée par les deux femmes de ma famille.
Mais, c’est un souvenir que je ne pourrais pas confondre parmi d’autres images qui envahissent par millions mes nuits insomniaques.
J’avoue que j’ai vécu les cent ans de vie de Tatiana en la chérissant que très rarement, presque sans jamais m’occuper d’elle et sans avoir de remords pour cette grave forme d’indifférence. Mais probablement, au-delà de ma préférence pour les humains, qui ne me faisait accepter les animaux, surtout les oiseaux et les serpents, que « dans leur milieu », un attachement inavoué pour Tatiana s’était installé en moi. Surtout quand j’ai été malade, par exemple la fois où j’ai souffert de coliques rénales, heureusement passagères, Tatiana vint me réchauffer les pieds, en signe d’encouragement. Et c’était beaucoup plus confortable que le petit cochon en peluche — Serafina Schifosetti, personnage qui d’ailleurs avait l’habitude de s’animer au cours de longues et répétitives pantomimes nocturnes — que ma fille m’avait confié dans cette même impasse.
Mon souvenir de Tatiana est lié surtout à la maison de Rome, où elle avait donné un sens et même un but à certains petits endroits, à certains meubles et, surtout, au balcon où elle passait la nuit, quelles que fussent les saisons et les degrés au thermomètre… Je me rappelle de son penchant, les matins d’été, pour le frais sur le sol en marbre rouge ou, en hiver, pour le grand tapis rouge et noir hérité de ma mère. A part cela, je ne vois Tatiana qu’en train de dormir, ou plutôt de jouir indéfiniment de cette position horizontale, de l’abandon d’une patte ou de la queue par-dessus le rebord d’une chaise ou d’un fauteuil. Lorsqu’elle était jeune, et ma fille, de son côté, encore une gosse, Tatiana nous étonnait avec ses comportements de chien. Elle courait à la porte à l’arrivée de ma femme en la fêtant avec des bonds acrobatiques et elle mangeait les os de bœuf sans en laisser un seul morceau. Elle avait été bien sûr châtrée, pour lui garantir la paix des sens avec une longue vie. Elle devint grosse, tout en restant agile. Elle était en fait la statue vivante qui mieux que tout autre être vivant pouvait représenter l’écoulement immobile du temps. Le temps duquel on s’éloigne, le temps qu’on retrouve. Le temps et le rythme d’une vie sans chimères, d’une vie régulière, propre, élégante, même parfumée.
En été on partait en vacances. Elle dut s’habituer au jardin pas loin de la mer, aux passages soudains de chats agressifs, à la nuit sourde avec les oiseaux et les insectes, aux voix d’une famille plus nombreuse que d’habitude, à une vie plus spartiate et solitaire. En sortant de cette ambiance rude et privilégiée, en revenant à Rome, Tatiana rattrapait chaque fois une année de vie. C’est peut-être grâce à cela qu’elle avait si bien vieilli, toujours saine et avide, toujours fascinante — même si de plus en plus obèse — avec son poil de velours et son regard hypnotisant.
Jusqu’à notre dernière aventure. En septembre 2006 nous sommes venus — ma fille et moi — à Paris, le reste de la famille restant avec Tatiana-Tati à Rome. Dès lors toutes les habitudes ont été bouleversées, et pour Tatiana aussi, il n’y a plus eu de vacances à la mer et la grosse chatte n’a plus pu y récupérer les années perdues.

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En 2010, Tatiana et moi, tous les deux confortablement installés à Paris, nous avons compris en un éclair combien il est bien triste de disparaître de la face du monde. Elle l’a fait à ma place. Ou bien elle m’a précédé. Elle en a fait en tout cas  l’expérience, dans ces inoubliables jours de juillet de cette année, que je ne saurais pas raconter.
Je me borne au souvenir de cette expédition concernant toute la famille, de ce cortège démarrant du boulevard bruyant, tournant au coin de l’Office-Dépôt avant d’entamer le trottoir de droite en montant vers la Gare de l’Est tout au long de la rue du faubourg Saint-Martin. C’est moi qui « tenais » à la main le truc en plastique qui ressemble moins à un abri de petit mammifère qu’à une cage d’oiseau. Qu’aurait dit Prévert de cette procession ? La journée s’affichait grise et je ne voyais que la couleur luisante d’opaline des poils de Tatiana la belle. On essayait de se convaincre que c’était mieux comme ça. En fait, elle était bien vieille. Moi, par mes soucis de santé personnels, je ne me voyais pas capable de nous adonner à cette espèce d’acharnement thérapeutique qui aurait été inconcevable pour cet animal-humain qui avait toujours été le miroir de la parfaite santé. Nous lançâmes un coup d’œil rapide aux ardoises de Saint-Laurent, au redoutable magasin d’armes (et peut-être aussi d’instruments de torture). Nous fîmes une pause sur le trottoir plus large qui côtoie l’ancien orphelinat des Récollets, hébergeant maintenant le siège de l’Ordre des Architectes, (ayant, quant à moi, une pensée rapide pour l’ordre de Rome ou celui de Bologne). La vue de la Gare de l’Est ne nous donna aucun sursaut de courage, ainsi que notre cheminement vers la rue du Château-Landon et ce quartier méconnu qui se trouve au-delà des rails. On arriva finalement au rendez-vous avec ce vétérinaire qu’on ne pouvait trouver plus humain et gentil.
« Elle est au bout du rouleau », dit ce Monsieur. Tatiana était tranquille, silencieuse, prête à se soumettre à la nuit, à se caler dans ce sommeil où, comme le médecin vétérinaire nous l’a assuré, on ne ressent absolument rien.

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Giovanni Merloni, Train de vie, technique mixte sur carton 65 x 50, 2012

Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 3 juin 2013

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L’installation I/II

02 dimanche Juin 2013

Posted by biscarrosse2012 in mon travail de peintre

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portrait d'un tableau

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Giovanni Merloni, La parisienne, acrylique sur toile 50 x 65 cm, 2009

J’estime à présent que le moment est venu d’ouvrir une petite parenthèse sur le thème de l’installation à Paris, à partir de deux tableaux sur le même sujet (des gens d’origine gitane ou occitane, italienne ou péruvienne, qui débarquent à Paris). Avant d’exploiter ce thème par quelques souvenirs et curiosités qui sont remontés tout à fait spontanément à mon esprit et que j’ai enregistrés sur mon bloc-notes secret, je me dois d’une petite digression poétique.
Avec une chère amie venant d’un lointain village de la Calabre et installée à Paris depuis une dizaine d’années, on avait essayé de réaliser une chanson. Elle me dictait les mots et j’essayais de leur trouver un rythme. Cependant, puisque les mots s’étalaient comme autant d’ombres devant un miroir (chaque installation comportant un effort d’assimilation et d’imitation qui empêche toute originalité) et que moi-même j’étais fort conditionné par les chansons connues et leurs rythmes assez classiques, le résultat ressemble moins à une œuvre poétique qu’à une parodie ou un calque. Mon amie a pourtant insisté pour que je publie ce « rendez-vous avec l’installation » en carte postale et vers injustifiés.

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Eugène Delacroix

Les nouveaux mots que tu m’apprends

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Boulevard Richard-Lenoir, Bastille

En fin de lecture (et des comptes) mon amie avait raison d’insister. Et je me réjouis encore de cette ritournelle aussi amusante que provisoire. D’un coup, lorsque cette jeune femme de Joppolo (un pittoresque village sur la côte ouest de la pointe de la Botte) est partie, je me suis retrouvé dans les mains le reçu du bistrot de l’Atmosphère. Sur le revers elle avait gravé ces vers assez poignants, qui n’étaient bien sûr pas adressés à moi :

Les nouveaux mots que tu m’apprends
je te les rends ;
les mots que pour toi j’oublie
c’étaient ma vie.

Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 2 juin 2013

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Abandonner Rome

01 samedi Juin 2013

Posted by biscarrosse2012 in mon travail de peintre

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portrait d'un tableau

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Giovanni Merloni, Abandonner Rome, huile sur toile 70 x 50 cm, 1992

En printemps 1992 un ami architecte s’était souvenu de moi. Peu d’années plus jeune que moi, il me considérait comme une espèce de vétéran ayant une longue vie mystérieuse à raconter, peut-être à cause de ce roman de la mémoire, du reste assez répétitif, qu’avait été la « parenthèse de Bologne ». Quant à moi, je ne pouvais me passer de voir en lui un éternel adolescent, pourtant assez sérieux et professionnel, qui avait lié son destin et même sa physionomie volontairement figée et presque immuable aux quatre murs gris où trônaient plusieurs tables à dessin et, de temps en temps, la silhouette élastique d’une jeune femme à dessiner.  Je n’oublierai jamais son nom de famille, que quelqu’un des habitués de cette fabrique de cartes et de normes urbanistiques avait emprunté pour en tirer un classement suggestif. Son nom effectif valait mieux qu’un sobriquet auquel il n’aurait jamais su se dérober : il était en fait le chef de file de tous les précieux « jeunes d’atelier » qui à force de se prêter à toutes les exigences de travail possibles et imaginables deviennent en fin de compte tellement indispensables et irremplaçables qu’il leur arrive forcément de s’affectionner définitivement au joug et aux corvées et de rester là, comme le Fantozzi de Paolo_Villaggio, submergés de montagnes et montagnes de dossiers.

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Cet ami donc, petit Fantozzi du travail privé en équipe, avec lequel j’avais partagé en 1978 une insouciante saison dans l’atelier du boulevard Angelico (et aussi, quelques ans après, l’aventure du plan du village de Trepidò — qu’on pourrait traduire Trembla  — près de Cotronei, en Calabre) s’était donc rappelé de moi et de mes peintures. Il s’était récemment marié et habitait dans la commune de Morlupo, au nord de Rome, entre deux anciennes  routes incontournables bâties par les Romains, la Cassia et la Flaminia.

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En cette période un peu coincée et égarée que j’avais essayé de colorer en rose pâle avec une poésie de l’endurance titrée La_nouvelle_vie, j’avais définitivement abandonné la profession libérale — qui risquait de m’obliger à de lourds compromis — et j’étais rentré dans l’administration  publique. Pour rembourser les dettes, je me contraignais à une vie assez spartiate, donc in primis je renonçais à la voiture. Tous les jours je profitais de ce train aux horaires flous qui pourtant existait. J’avais fini par m’attacher au trajet menant au « bureau retrouvé », même s’il y avait plusieurs distances à parcourir à pied. J’avais tellement hâte d’arriver dans le bunker de la rue du Capitaine Bavastro, que j’avais imaginé et projeté dans les détails une trottinette pliable dont personne à Rome n’aurait su quoi faire.

En cette période de préparation de l’exposition de Morlupo, d’épargnes forcés et de pénibles journées remplies des va-et-vient bruyants de géomètres ressemblants à des plombiers des cavernes, je faisais beaucoup de projets. J’envisageais d’abandonner Rome, la ville que j’aimais et qui pourtant m’abandonnait. J’étais resté lié à ce roman de la mémoire de cette région vivante et civilisée voltigeant autour de Bologne, mais je ne pouvais plus y aller fréquemment comme avant… J’avais redécouvert la France, au cours d’une longue vacance pendant l’été 1991…

Mais la trottinette, avec son rêve de légèreté et de béate solitude, me renvoie le souvenir poignant du Ciao. Un souvenir qui se mêle peut-être à un rêve. N’est-ce pas un rêve ou une simple hypothèse, un événement, petit ou grand, duquel on n’a jamais parlé à personne et qui demeure dans un angle gribouillé d’un cahier gardé par erreur ? En quoi consisterait en fin de comptes, cet évènement ? Dans l’incursion soudaine au Colisée, dans la rencontre d’une jeune femme souriante ou dans le fait exceptionnel de me balader, finalement seul et libre sur un Ciao de marque Piaggio de long  en large dans les rues de Rome ? Aurais-je pu avoir les mêmes surprises si au lieu d’un Ciao j’avais eu sous les pieds une trottinette ?

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C’est en tout cas incroyable la coïncidence qui se révèle juste en ce moment où j’écris sur lui maintenant. Un collègue du bunker du Génie Civil de la rue Capitaine Bavastro ne croyait pas à mon attitude tranquille et loyale dans mon hémisphère sentimental. Il essayait continûment de m’attribuer quelques amours que je n’aurais pas eu le moyen ni le temps (ou le courage) d’entamer ou de brûler en un déclic. Un jour il me raconta une escapade à lui, avec une fille rencontrée dans un bar… Le lendemain je lui donnai une poésie que son récit m’avait inspirée.

Dans la matinée déjà usée (1993)

Dans la matinée déjà usée
ma fragile hanche
traîne. Me fortifie
la petite fumée qui boite
jaunissant sur la manche
de l’horizon qui pâlit.

Là, jetée sur un banc
une fille en noir et blanc
me révèle son flanc.

J’ai arrêté le moteur
verrouillant la rousseur
que provoque cette odeur
prometteuse de bonheur.

On ne parle pas d’honneur
ou d’issue à la langueur :
il n’y a que de la stupeur
face à cette splendeur.

Rentre au bout de la vigne
la ferraille indigne
éteignant ses poumons
dans l’odeur des pignons.

La garçonne ferreuse
tout en grinçant des dents
enlève ma main du volant
en se feignant joyeuse.

Silencieuse campagne
doucement accompagne
par rengaines ou aussi barbes
mon inspirée compagne.

Chaude pluie tu me baignes
heureux corps tu me gagnes
par ta danse d’Espagne.

Ce collègue ne fut pas content de mon intrusion dans ses draps et cessa de me provoquer en me suggérant de redoutables conquêtes.

Maintenant, juste au moment où je m’adonne aux voltigements de la trottinette et aux vibrations du Ciao, je comprends que j’avais écrit cette poésie en mémoire de mon petit échec que pourtant je garde dans une poche secrète comme une petite gloire.

Je crois que c’est le mouvement, le fait de sortir dans la rue. Sous la pluie battante…

004_foro romano per blog 740Mes parents avaient beaucoup souffert, donc ils avaient plusieurs raisons pour appréhender et être prudents. Ils n’avaient jamais voulu que mon frère et moi  montions sur une moto à deux roues. Ils supportaient avec méfiance notre penchant pour le vélo et quant aux scooters l’interdiction était absolue.

Ce fut donc en 1969, un ou deux mois après mon premier mariage, déjà deux ans après la mort de mon père que je proposai à mon frère de partager l’achat et l’entretien d’un Ciao. C’était alors le meilleur compromis en termes de prix et de prestations adéquates à nos ambitions. Pour nous le Ciao, véritable héritier du vélo à moteur, était déjà le maximum de ce qu’on pouvait désirer.

Et nous avions tellement désiré ce truc génial où l’on était finalement obligés d’être seuls, que nous allâmes retirer le Ciao nonobstant la pluie. Escortés par ma voiture, que nous conduisions tour à tour, on traîna au pas d’homme cet élégant cheval blanc dont notre mère ne devait pas être informée.

Comme il arrive entre frères, puisque le mien était plus casanier et sérieux que moi, c’était moi qui se servait le plus de ce véhicule diabolique, capable de se faufiler partout. J’habitais avec ma femme dans un quartier assez éloigné de la maison de famille, où mon frère habitait encore. Depuis mon petit appartement au rez-de-chaussée d’un immeuble à côté d’un jardin public, je partais tous les jours pour me rendre à l’atelier d’étudiants de Campo de Fiori, où je faisais une course pour terminer les examens à l’université.

Je devais me dépêcher, car c’était ma mère qui se chargeait de mon entretien. J’avais demandé six mois pour terminer d’abord les examens, ensuite j’aurais bien sûr travaillé.

J’étais parfois heureux, parfois sérieux, tout le temps résigné à mes devoirs, à mes allers – retours.

J’avais eu en général une vie assez prudente, sinon craintive avec des pointes d’hypocondrie sans raison qui bouleversaient ceux qui m’entouraient…

Un jour de soleil j’enfourchai le Ciao et je m’aventurai vers le centre de Rome. Je n’avais jamais fait l’expérience de draguer une femme dans la rue. J’imaginai, l’ayant vu dans des films comme « Pauvres mais beaux » (de Dino Risi), qu’il fallait aller sur la via Appia, ou parmi les ruines du Forum… Là il y a toujours plein de touristes paresseuses qui ne s’attendent que cela.

J’étais gai, j’avançais béat au milieu de ce vent léger se mêlant gracieusement au soleil.

Lorsque je fus sur la grande rue qui mène au Colisée je croisai une femme brune, on aurait dit une américaine du sud. En la frôlant avec le scooter je lui souris. Elle me sourit. J’arrêtai un peu plus avant. C’était alors pratique et sûr d’accrocher la roue de devant du Ciao à quelques grilles noires… Je revins en arrière. Elle me sourit encore.

005_abb_roma disegno 740

« ABANDONNER ROME » : avec ce titre menaçant je montai en octobre 1992 une exposition où ce thème du départ n’était compréhensible que pour moi-même. Dans cette exposition trônait ce tableau même trop explicite.

Fuir est une pulsion, a dit un certain Guillaume Vissac.

Fuir est parfois une raison de vie, un style.

Ciao !

Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 1 juin 2013

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Double couple avec chapeaux

30 jeudi Mai 2013

Posted by biscarrosse2012 in mon travail de peintre

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portrait d'un tableau

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Giovanni Merloni, Les chapeaux, huile sur toile 50 x 70 cm, 1983

Ce tableau — que possèdent des amis connus à Bologne, qui habitent maintenant à Rome — représente une borne milliaire dans mon parcours dans la peinture.

En fait, ce n’est pas chronologiquement ma première toile à l’huile, mais il est sans doute le premier tableau sur toile que je considère comme abouti.

On était en 1983, au printemps, juste deux ou trois mois après mon second mariage, qui s’était déroulé à la Mairie de Rome, près du Capitole et qu’on avait fêté par une réception faussement anticonformiste dans mon studio de la rue de la Camilluccia, soigneusement vidé de tout objet encombrant. (Je réalise maintenant que mon studio n’était pas loin du carrefour où, en 1978, Aldo Moro avait été enlevé après que ses gardes du corps aient été tués.)

À cette époque-là, encore relativement jeune avec mes trente-sept ans et demi, j’étais déjà pas mal surchargé de tâches difficiles à accomplir, souvent accompagnées par des sentiments de culpabilité plus ou moins aigus.

J’avais quitté Bologne depuis plus de cinq ans. J’avais habité pendant ce temps, avec ma future épouse, dans un deux-pièces de taille parisienne à deux pas du Campo de Fiori… Mais, évidemment ce temps était vite passé, car je ne m’étais pas encore vraiment calé dans cette ville nouvelle qui avait été toujours la mienne.

002_biscione seppia 740

En vérité, rentrant de Bologne à Rome je n’étais plus un « ragazzo padre », un garçon père qui avait retrouvé sa famille dans le Palais d’Atlas (de l’Arioste) où demeuraient dans une espèce d’idylle de destinées croisées mes camarades de travail et moi-même. Oui, la région d’Émilie-Romagne était un endroit très sérieux, où le travail occupait les trois premières places dans l’échelle des valeurs primordiales. Mais, après, il y avait aussi d’autres valeurs, d’autres liens se tissaient dans les coulisses, dans les ascenseurs ou aussi en montant et descendant le sobre escalier en ciment. J’avais laissé à Bologne une espèce d’angoisse qui ne faisait qu’une avec l’insouciance et le fatalisme.

Rentré à Rome, j’avais dû assumer le fait que je devais m’occuper de deux familles. C’est à cause de ça que j’avais cherché un deuxième travail en plus de celui de fonctionnaire et qu’au bout d’un an j’avais démissionné de mon poste à la Région du Latium pour entamer carrément la profession libérale. Celle-ci m’avait ramené à Bologne et dans d’autres provinces autour, car j’avais là plus de possibilités de trouver des clients pour ce genre de travail.

C’est peut-être à cause de tous ces engagements (et voyages concernés) que le temps des douces fiançailles dans la « petite Venise » de Rome s’était si vite écoulé et c’est là aussi la raison de la mortification que ma peinture dut subir durant ces années.

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Tandis que j’en ai souvent cherché la raison dans l’absence d’espace, d’un coin même petit où installer une planche en bois… Il est vrai qu’un jour, dans un élan de maladresse, la petite bouteille d’encre rouge magenta avait sauté en l’air avant de heurter le mur blanc et de couler avec une abondance tout à fait inattendue, en souillant gravement un vaste endroit tout autour…

J’avais renfermé dans une petite valise de carton mes pinceaux et mes quantités exiguës de couleurs ayant survécu aux déménagements et au manque de solidité financière. Et j’aurais peut-être attendu indéfiniment, sans aucune initiative, si ma future épouse n’avait pas décidé de vendre le deux pièces du Campo de Fiori, qu’elle venait juste d’acheter, pour se transférer dans un appartement moins central, mais plus confortable.

Je n’avais peut-être pas eu besoin de peindre ni de m’exiler dans des rêves quelconques pendant cette lune de miel et de voyages qui avait duré plus de cinq ans. En fait, tout changea, du moins pour la peinture, dès que nous nous installâmes dans le grand immeuble de la rue Famagosta, dont quelques fenêtres donnaient sur le carrefour où se termine le boulevard des casernes du quartier Prati... (Je repense maintenant qu’on était logés exactement au bout opposé de l’habitation que je fréquentais au temps de mon premier mariage, c’est-à-dire la maison de mes anciens beaux-parents, alors encore vivants, qui demeuraient les grands-parents maternels de mes deux enfants, Raffaele et Paolo).

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Giovanni Merloni, Double couple, encre sur papier 50 x 70 com, 1971

Je reviens au tableau. Cette idée des deux couples n’était pas une nouveauté. Et les chapeaux aussi ont été toujours présents dans mon imaginaire ancestral et généalogique.

Mais, je crois qu’il y a toujours une pulsion. Certains parleraient d’une pulsion de fuite, d’autres jureraient sur une pulsion de suicide ou de roulette russe.

Je ne me rappelle pas ce qui ne s’était passé dans l’après-midi, ni sur le bord de quel gouffre, j’avais dû m’arrêter. Avais-je renoncé à une partie essentielle de moi ou alors, cette partie essentielle avait-elle agi toute seule, se fixant sur elle-même à la recherche d’une faute quelconque, même inexistante, à se faire pardonner ?

Que voulait-il signifier, mon cousin psychanalyste, lorsqu’il disait avec calme et assurance qu’il ne fait pas bon de  « vanter la faute » ?

Je me rappelle que ce jour-là je rentrais chez moi avec un étrange sentiment de culpabilité qui se mêlait à une souterraine angoisse sans nom. On avait finalement trois pièces, en plus d’une petite chambre où je pouvais finalement héberger mes deux enfants, encore petits. Dans la salle, il y avait un chevalet et une toile inachevée que j’avais recouverte par des taches sombres. J’avais une espèce de timidité vis-à-vis de la peinture à l’huile, dans laquelle j’aurais voulu réaliser les mêmes transparences qu’avec l’aquarelle.

Ce jour-là ma belle-mère était en visite et chuchotait déjà depuis longtemps avec ma femme qui, sans interrompre la discussion fondamentale, m’avait passé une enveloppe légère.

— Ne voulais-tu pas savoir le truc pour rendre la couleur de la peau ? Voilà, la boutique des beaux- arts de la rue des Scipioni m’a donné ça…

Avec la laque de garance — nom qui est tout un programme —, il faut ajouter un jaune assez clair, très proche du blanc…

Au bout d’une demie heure, ou un peu plus, dans une impulsion suicide ou homicide j’achevai le tableau.

Deux ans après, dans mon studio de la rue de la Camilluccia, Daniela, une jeune étudiante qui travaillait avec moi, lança l’idée. Pourquoi ne faire pas, nous aussi, un calendrier ?

Dans ce premier calendrier pour 1985, que j’envoyai méticuleusement à presque tous mes clients et amis voisins et lointains, ce tableau dense a été reproduit tant bien que mal…

Oui, je l’appellerais ainsi, sans rien ajouter. Un tableau dense.

Plus tard, fin 1989, à l’occasion de la première exposition que je faisais à Rome (treize ans après la dernière de Bologne), j’eus un grand succès. Quant à ce tableau… Mon ancienne amie de Bologne, Elda, s’était arrêtée au pas de la porte de l’exposition. Elle avait cherché des yeux, sans entrer. Le tableau qu’elle avait aimé déjà dans le calendrier était là, unique. Elle était tellement ravie que je ne dus pas trop souffrir à me séparer de ma créature.

Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 30 mai 2013

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L’œil carré de M. Zucor

29 mercredi Mai 2013

Posted by biscarrosse2012 in mon travail de peintre

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portrait d'un tableau

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Giovanni Merloni, L’occhio, vernis sur papier jaune 100 x 150 cm, 1969

Je ne sais pas si je peux appeler celui-ci un tableau. D’abord parce qu’il jaillit de toute évidence d’une inspiration violente, abrupte et intense, c’est-à-dire concentrée dans un laps de temps bref et concis.

Car on n’y voit pas de reprises ni surtout de corrections. Ce qui est fait est fait, dans la bonne comme dans la mauvaise chance.

Il existe encore. Une grande feuille de papier jaune collée sur une planche de bois, collée à sa fois sur un châssis à jour. Sans verre, sans encadrement. Un dessin plutôt qu’un tableau, ou alors l’équivalent d’un graffiti ou d’une peinture murale.

En fait, ce tableau, sur la valeur duquel je ne saurais m’exprimer, a été très important pour moi. D’abord, ce fut une première « chose » qui dépassait la mesure de cinquante sur soixante-dix centimètres. Mais, cet œil énorme, entouré de corps féminins d’une indéfinissable beauté, ces corps pleins d’énergie…

Je n’ai jamais écrit rien d’organique au sujet de mes cinq années universitaires. À cette période, je n’avais fait que des dessins techniques ou des gribouillis aux bords de mes interminables appels téléphoniques, tandis qu’avant ce long enfermement dans les murs de la fac d’architecture je m’exprimais avec enthousiasme et acharnement.

En fait, quand je me décidai à entamer mes études universitaires, je m’étais imposé une suspension sinon une renonciation à toute carrière artistique. Le talent littéraire, si jamais il existait en moi, devait se mettre au service d’une noble profession tandis que l’habileté manuelle devait se soumettre à la dure discipline de la géométrie descriptive et aux lois de la statique.

Je crois que si j’avais eu dix-neuf ans aujourd’hui et que j’avais choisi de devenir architecte, au-delà des énormes changements intervenus en cinq décennies (qui ont appauvri cette profession) j’aurais probablement insisté dans cette idée difficile sans trop me décourager. Car maintenant, avec les nouvelles générations d’ordinateurs et de logiciels spécifiques, on n’a plus besoin de table à dessin ni, à vrai dire, de dessin. Il faut se caler dans ces programmes et, petit à petit, on peut arriver à tout dessiner, même un gratte-ciel de cinquante étages, sans trop souffrir. Du moins, je pense que j’en serais capable.

J’avais attendu d’accomplir les deux premières années et de surmonter le terrible barrage. Après, on ne pouvait plus revenir en arrière, il fallait avancer. Et j’avais donc besoin d’une vraie table d’architecte avec une vraie machine à dessiner, c’est-à-dire un monumental outil de fer et plastique pour tirer des lignes parallèles et aussi selon n’importe quel angle.

Un beau jour, ma tante paternelle, la tante Lellina, une femme d’ailleurs très généreuse, me donna rendez-vous à Piazza San Silvestro, en plein centre, pour aller acheter la table avec la machine à dessin. Je me rappelle qu’elle n’était pas convaincue. Car peut-être voyait-elle que moi, l’intéressé direct, n’étais pas convaincu. Elle aurait bien sûr préféré se charger de la publication de mon premier recueil de poésies, comme elle avait proposé à mes parents, ou alors elle aurait volontiers acheté un de mes tableaux, pour m’encourager…

Nous montâmes jusqu’à la moitié de la rue Capo le Case où se trouvait un célèbre magasin de papeterie et d’articles pour le dessin. Le Zucor, tel était le nom de la machine à dessin, était énorme. D’ailleurs, il n’y avait que deux tailles. La plus petite me sembla ridicule. Je crois me rappeler que ma tante était plutôt interloquée en voyant ce gigantesque contrepoids de fer.

Après, cette table à dessin a eu une vie assez triste, du moins pendant le temps que nous avons partagé tous deux. Utilisée assez rarement par un futur architecte qui méprisait et craignait le dessin technique comme la peste, cette table eut l’aventure de subir un tourbillon de déménagements presque continus, d’abord dans la ville de Rome et ensuite à Bologne.

J’avais, on a bien compris, un rapport « difficile » avec ce catafalque avec lampe et contrepoids incorporé. À la distance de presque quarante-sept ans, si je devais appeler cette machine infernale par un nom de personne, je l’appellerais Monsieur Zucor.

Or, en regardant ce tableau, que j’ai fait en proie à une véritable folie, je me confirme dans l’idée que Monsieur Zucor avait l’œil carré. Il ne pouvait admettre ni imaginer rien qui ne rentrât rigoureusement dans la forme carrée ou rectangulaire ou triangulaire avec des angles à 45 ou 30 ou 60 degrés.

D’ailleurs, il n’admettait pas de taches d’encre de Chine sur les feuilles translucides.

Le jour fatidique, c’était en 1969, peut-être encore à la veille de mon premier mariage. J’étais exubérant, plein de confiance dans le futur, capable de convaincre même des pierres… Nous avions bien ou mal ou trop ou peu mangé. On avait probablement bu, au cinquième étage d’un appartement donnant sur une vaste caserne dépourvue de décors.

Je ne me rappelle rien de ce qui se passa au cours de ce déjeuner du dimanche chez mes futurs beaux-parents. Il est sûr que normalement, surtout en ces temps-là, je n’aimais pas rester seul.

Donc un petit mystère demeure en moi aussi autour des raisons qui m’ont poussé à monter, seul, au sixième étage. Là, en retrait sur une grande terrasse sans beauté, qui pourtant bénéficiait d’une vue panoramique sur Rome, il y avait un cagibi (à Rome l’usage des chambres des bonnes n’existait pas, ni la structure architectonique des mansardes) plein de malles, vieux vélos, matelas et lits en désordre. Au milieu de ce fatras, mon Zucor trônait avec son papier jaune encore vierge parfaitement tiré. Cela, je l’avais appris. Pas loin de cette table exigeante, mais désormais résignée, il y avait une boîte de vernis acrylique verte destinée probablement à l’entretien des persiennes (ce cagibi avait aussi une fenêtre).

Je ne pouvais pas avoir prémédité ce que je fis. À côté de cette boîte déjà entamée, il y avait un pinceau moyen, qu’on utilise pour passer la couleur sur les surfaces, pas pour peindre des tableaux.

Avec un geste inattendu et bien sûr transgressif, j’ai commencé ma pénible avancée dans ce que j’appelle le tempérament d’artiste. Quelque chose qui est en nous, que nous devrions combattre mais qui satisfait au contraire quelques-uns d’entre nous.

Je voulais briser la monotonie, abattre en un seul coup tout ce que Monsieur Zucor, le manipulateur, avait essayé de m’imposer. Laissant donc mon œil libre de regarder.

provino_antique 740

Monotonie (1971)

Monotonie, je te tiens par la main,
tu es blonde et mince, tes seins sont des poings fermés,
tes lèvres sont des villes brûlées,
tes yeux sont des panoramas de carte postale,
tu as des corps différents pour le même destin,
des faces distinctes pour le même lit
envahi de chiffons et de débris.

Tu as la voix de l’ambulance,
la voix d’une télévision idiote,
la voix d’enfants en prison,
la voix muette du bourreau.
Monotonie, latente inquiétude
d’hommes contraints à se faire du mal entre eux
pour garder intacte la logique inexorable
du pouvoir constitué.

Monotonie, tu vas me bâillonner,
tu vas devenir un vêtement, un masque,
un filtre séparant ce que je pense de ce que je fais.
Jamais je ne veux te perdre,
jamais, jamais, jamais…

003_l'occhio caldo part 2_740 Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 29 mai 2013

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Deux femmes flottantes

28 mardi Mai 2013

Posted by biscarrosse2012 in mon travail de peintre

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portrait d'un tableau

001_le donne galleggianti 740Giovanni Merloni, Deux femmes flottantes, huile sur toile 100 x 150 cm 2004

Sans contraintes, pas de liberté. Sans douleur, pas de créativité. D’ailleurs, il faut garder un quota d’insouciance, d’ironie et de légèreté. Ironie de la contrainte, légèreté de la douleur…

Non, je ne peux pas arriver à concevoir une théorie quelconque à propos d’une liberté qui pourrait être insouciante. Non, non, non.

Lorsque j’entamais ce malchanceux tableau ci-dessus, je ne pouvais pas en appeler à la fatalité ni aux tentations de Saint-Antoine. Ce personnage aux yeux rêveurs qui est au centre, par exemple, aurait bien voulu se dérober à toute responsabilité en protestant qu’il était le patron du manège et que ce n’était qu’un hasard, ce tourbillon ou tourniquet de courbes et contrecourbes qui avaient déclenché cet événement étrange.

Deux femmes restaient suspendues dans l’air. Deux silhouettes pas totalement dépourvues de charme flottaient dans le liquide amniotique de son œil gauche (car le droit était fermé) et elles_ne_pouvaient_plus_en_sortir :

« Chacun de nous dispose de deux vies
opposées, de deux désirs antagonistes
qu’on ne peut pas expliquer : deux femmes
égales qu’on trouve différentes
deux femmes différentes qu’on songe égales. »
Une d’elles lui dit au revoir.
On dirait la mort, mais c’est la vie.
Une autre l’attend. On dirait la vie,
mais c’est la mort.»

L’œil gauche du peintre, qui correspond, comme tout le monde le sait, à l’hémisphère droit du cerveau, véritable surintendant à la manualité artistique, ne pouvait alors prévoir qu’un jour…

002_le donne part 740

Giovanni Merloni, Deux femmes flottantes, huile sur toile 100 x 150 cm 2004, part.

D’abord, il faut enregistrer, dans le livre noir (ou blanc) de l’absence de couleurs, que maintenant ce tableau a disparu. C’était en 2009, après la première phase de mon installation à Paris, j’avais pris des contacts pour une exposition de mes tableaux qui aurait été la première en France. Ma femme devait me rejoindre dans quelques jours. Au-delà des reflets humains et sentimentaux de cette rencontre « au sommet », nous étions en pleine agitation pour ce projet-raison de vie consistant en un déménagement entre Rome et Paris assez incertain et complexe.

Lors d’un de ces voyages, ma femme ne s’était pas seulement chargée d’enlever du châssis la toile d’un mètre sur un mètre et demi et de l’enrouler avec un papier adapté, elle avait aussi décidé de m’apporter le tube, assez léger, quoiqu’encombrant, dans son voyage nocturne dans le Palatino, le glorieux train qui n’existait pas au temps de La modification de Michel Butor, mais qui héberge parfois des passagers qui conservent le même esprit de son inoubliable personnage.

Je ne peux pas continuer le récit dans les détails, car ce n’est jamais beau de faire réchauffer le lait et surtout les larmes qu’on a versées. D’un côté parce que j’ai toujours confiance dans l’abrupte efficacité du « geste » transgressif que cette peinture exprime, un geste emprunté à la vie. Et je compte un peu dans le fait que celui qui l’a trouvée ou s’en est emparé puisse l’apprécier et la faire tôt ou tard circuler au lieu de la détruire. Du moins, « I hope ».

De l’autre côté, parce qu’il est préférable continuer à peindre, à dessiner, à faire d’étranges collages, au lieu de se retourner vainement en arrière.

Mon cousin psychanalyste aurait bien sûr parlé d’un « lapsus » freudien qui se serait déclenché dans l’inconscient de ma femme, qui ne voulait pas, en définitive, m’apporter ces deux femmes voltigeant dans une fantaisie dangereuse.

En fait, ma femme, très inquiète pour ce voyage qui s’inscrivait dans une période de lourdes responsabilités, s’était tellement calée dans une discussion variée et colorée avec le chauffeur du taxi, qu’elle avait complètement oublié le tableau au fond du coffre sombre de la voiture publique.

Après, elle avait risqué rater le train dans la haletante recherche du taxi disparu…

On devrait fouiller dans ces deux êtres lointains, qui ne se parleront jamais. D’un côté celui qui perd une chose très importante et intime, de l’autre celui qui la retrouve.
J’espère au fond de moi-même qu’un sentiment pareil s’est déclenché entre ces deux opposés, comme cela arrive par exemple quand la vie nous sépare d’un être humain auquel nous sommes attachés. Pourquoi ne pas se consoler à idée que cet être important pour nous soit important aussi pour quelqu’un d’autre ?

Pourquoi souhaiter la perte de tout bonheur à celui ou celle qui nous perd ?

Parfois, je songe au moment où ce tableau a été privé de son châssis, c’est-à-dire de ses os et de sa moelle, ou alors, comme pour chacune de ces deux femmes, à l’instant où il (ou elle) s’est retrouvé déshabillé (e) :
« Quelle qu’en fût la raison, ce fut un miraculeux hasard la formidable séparation de ce corps impeccable et de ce papier de bonbon plus court qu’un foulard. »

Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 28 mai 2013

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