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« Papa est mort… »

« Oh ! Non !
C’est trop triste
cette histoire !
Vous faites pleurer
mes petits ! »
dit la femme-colonne
en laissant ses deux singes
libres de chiffonner
sa poitrine.

Elle éteint le sombre son
de la télévision
avant de s’accommoder,
les jambes ratatinées,
sur le fauteuil abîmé.

« Au lit ! Au lit ! maman
doit lire ! »

Sans rien dire,
les enfants ont ouvert
et refermé leurs mains
noircies : « Bonne nuit ».

La chambre fermée,
une question sans réponse
a éclaté :
« Mais papa, est-ce qu’il reviendra ? »

« Papa est mort »
murmure l’aînée
tandis que sa mère,
femme-sainte sans prière,
doit se rendre en volée
ouvrir la porte.

Un homme-ogre est entré
qui tout de suite a payé
et pourtant ne veut pas lui donner
même pas un baiser
sur la bouche « malade ».

Engourdie de malheur,
subjuguée par la peine
d’être une mère éphémère
elle n’a pas envie
d’ajouter du chagrin
ni des litiges :
« Soyez sages mes enfants ! »

(Et pourtant, celui-là
a une allure très violente
car on l’a maltraité
ce jour même, au travail
et qu’il roule dans une pente
dangereuse.)

Cette mère, écrasée
voudrait hurler. Au contraire
elle ne peut pas parler
par ce nœud à la gorge
par ce souffle étranglé.

Petit à petit
de ses gestes meurtris
de femme-honnête
se déclenche une tempête.

Comme une bête, elle anéantit
tout ce qu’elle rencontre.
Elle détruit la scène même
d’où sa vie de carême
essayait de bondir.

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Maintenant,
toute la rue est là-dedans,
l’on allume bien de lampes :
des lumières inconnues
transperçant toute la pièce
brisent l’air poussiéreux
comme des flèches
ou des coups de fusil.

Presqu’aveugle,
étendue dans son sang
elle n’entend rien du tout
désormais.

« Papa est mort »
insiste la grande.
Les enfants étourdis
ont ouvert et refermé
leurs mains noircies.

Giovanni Merloni

TEXTE ORIGINAL EN ITALIEN

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