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J’ai relu le palimpseste de mes incapacités

1.
Dans ces poésies d’amours révolus,
l’ai relu le râle subtil, les chemins abstrus
s’efforçant durement de comprendre et penser.

j’ai traîné dans ces vers déchirés et déçus,
m’accordant l’insistance et l’abus
d’opiniâtres retours au théâtre
qui voyait nos deux corps se combattre
et sans gloire périr.

Dans ces mots sans honneur
de petites morts je fus collectionneur
tandis que ma petite vie y découvrait
le goût trompeur de l’ennui,
l’élégance gentille d’un corps inutile,
la saveur bien trompeuse
des étreintes empruntées
à l’amour des films d’amour,
l’odeur malicieuse
de l’amour des paroles d’amour
(ces paroles éloignées de la sagesse
exemptées de la force,
dépourvues de courage).

2.
Je collectionnais mes gestes et les tiens
comme autant de coups de sape
impatients de briser la sombre cape
de mon adolescence cruelle
me libérant de l’étreinte mortelle
du placenta rose de mes obsessions
ou sinon de l’inquiétante prison
d’une souriante photo de famille.

J’ai revu ton visage
en pose, ta figure nue
s’apprêter, craintive, aux assauts ;
j’ai touché de la main
(et de mon entière mémoire)
l’odeur de la couverture
le silence de la lumière filtrée
à travers la modeste fenêtre
l’inexplicable bien-être
de nos âmes mouillées.

Je te voulais, je venais
te chercher, je t’aimais,
mais te sous-évaluais
mais te surévaluais.

Dans notre silence tendu,
j’étais aux exordes désespérés
de mon ambition de bonheur
et cela fut un prétexte
pour que mon agressivité
se rue, à l’unisson
avec une imperceptible
pulsion de mort,
contre les murs bien subtiles
de notre foyer sans îles.

3.
J’ai relu mes histoires :
toujours, sur les rails de chaque train
mon veston s’accrochait à la nuit
et j’accrochais mon regard
aux champs aux poteaux aux maisons.
Je devinais par éclairs
que je n’existais pas,
que toi non plus tu n’existais.
Peut-être nous manquait-il le courage
d’accepter humblement le destin
de nos êtres enfantins.

Hier, au tournant d’une autre vie
qui s’affiche indigeste
j’ai relu le palimpseste
de mes incapacités :

je ne m’aimais pas vraiment,
en rien sérieusement
je ne m’engageais
et jamais je n’ai su t’aimer
ma longue, tendre, affectueuse
inexplicable écorce lisse de femme.

una moglie scocciata antique 72

Giovanni Merloni