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Giovanni Merloni, 1989
Ces gens
Ces gens
qui voltigent
assez confiants au milieu des choses
ne se laissent pas consumer
apparemment
par le ver lucide
de l’arithmétique indétermination,
de l’astronomique angoisse
ni par le sens qu’ont déjà les mots
ou par le sens même de la vie
de l’expérience au milieu des autres.
Ces gens
qui se laissent utiliser
par une quotidienne révolution
par une nouvelle perpétuation
de l’ordre établi
de l’équilibre
entre la naissance et la mort des choses ;
ces gens
à présent luttent pour bâtir
demain pour détruire
pour se bâtir et se détruire
pour se rendre heureux et malheureux.
Ces gens
qui grandissent ou vieillissent déjà
dans une infinité de nouvelles identités
ne semblent pas avoir envie
de commencer à penser
de viser plus haut
en acceptant
de vivre à côté de la mort
de se positionner jusqu’au bout
d’oser la critique
en cultivant
une intelligence
capable de vaincre le inhibitions
les complexes les bégaiements
le silence désespéré.
Ces gens
qui semblent harcelés
par une peine ou un mirage
— après l’étincelant illusoire
accaparement de quelques bribes
d’une compliquée et totalitaire globalité —
ils rentrent pourtant le soir
dans leurs étroits abris de chiens
en acceptant le piège
des petits soulagements
des petites libertés.
Ces gens
qui semblent satisfaits
doux, alignés
au pire conscients
de cette logique désespérée de la consommation
ils ont peut-être renoncé
à toute diversité
au poids des mots
ils deviennent un mur inerte
des masses de manœuvre
les proies privilégiées
de fausses attitudes
bon chic bon genre,
les victimes les plus coopératives
d’un altruisme hypocrite
se bornant
à des buts faciles et tragiques
à des mariages inutiles et névrotiques
à des accords qui coupent les ailes
dressant, au fond
un gigantesque mur de haine.
Ces gens
passent d’une prison à l’autre
tout en couvant de petites envies de revanche
et chaque jour se tuant
petit à petit.
Ces gens
dont je fais partie
qui bougent silencieusement
s’arrêtant devant les vitrines
avec ma même attitude
mon même pas
ces gens dans lesquels je me réfléchis
comme dans une immense glace invisible,
ces gens égarés
exclus, condamnés, programmés
quotidiennement fourvoyés
réussiront-ils à ouvrir les yeux ?
Giovanni Merloni
TEXTE ORIGINAL EN ITALIEN
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