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S’il restait du temps (1991)

S’il restait du temps
avant d’accueillir la mort
avant de m’étendre résigné
me confiant au terrible dialogue
pour me consoler ou me tromper.

Ce temps-là n’existera jamais.
Et j’aurai été un artiste raté
un orateur ému, un journaliste éclectique
un poète inconnu.

La vie m’a déporté
dans des endroits reculés, étroits, enfumés
où je m’acharnais
en perfectionnismes rituels.
C’était la vie d’un isolé
qui revenait toujours, infatigable
au même artificiel congrès idéal.

Depuis toujours inscrit pour prendre la parole
j’observais effrayé une tribune
où m’attendait ma catharsis quotidienne.
J’étais un fabriquant de propositions
obstinées, orgueilleuses
fantasmagoriques et vaines
un vétéran d’art provisoire.

Je n’ai jamais parlé, depuis cette tribune.
Au contraire, je me suis verrouillé
au petit fauteuil tournant
à l’inexorable  routine
de prouesses invisibles.
Et mes fragments
confiés au hasard
destructeur ou philologue
n’étaient que de petits fœtus
(le projet formidable
n’a pas vu le jour).

S’il restait du temps
avant de me plier dans la mort indolore
et de m’abandonner confiant
à son récit aveugle
sourd et muet
avant de plonger dans le terrible dialogue
pour me consoler ou me tromper.

Giovanni Merloni

De « Il treno della mente » (« Le train de l’esprit »), Edizioni dell’Oleandro, Rome 2000 —  ISBN 88-86600-77-1

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 4  mars 2013

TEXTE ORIGINAL EN ITALIEN : http://wp.me/p343bA-bb

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