Étiquettes
Nos cliques et nos claques
Dehors il pleut un liquide jaune,
quelque chose meurt
parmi l’ordonné désordre
quelqu’un se noie
le mots s’embouteillent
derrière l’abrupte éloquence
de ces corps ratatinés
comme dans un tombeau étrusque.
Même aujourd’hui,
nous ne prenons pas
nos cliques et nos claques.
La séquence de nos gestes est très lente :
depuis mon regard jusqu’au tien
depuis ton regard jusqu’au mien
erre l’angoissant subtil plaisir
d’un amour proche de la mort
d’un amour ami des nuages,
du calme violet qui se suit à l’orage.
Nous nous hébergeons
dans nos odeurs d’aisselles
dans les maladroites extranéités
de poils et boucles ébouriffés
de baisers lents et chauds
de gémissements silencieux.
Même aujourd’hui,
nous ne finissons pas pour jouer les mariés
dans une étable au-dessus d’une taverne
ou dans un autre quelconque
des fascinants, stéréotypes, drôles et sombres
lieux communs.
Même aujourd’hui,
notre façon de nous emparer du temps
ressemble à la roue de la fortune :
qui sait si demain
nous serons forts contents aguerris,
qui sait si demain
nous tombera dessus l’angoisse
de nous découvrir à l’improviste
seuls.
Giovanni Merloni
TEXTE ORIGINAL EN ITALIEN :
Cette poésie est protégée par le ©Copyright, tout comme les autres documents (textes et images) publiés sur ce blog.
SEULS POUSSANT AVEC CHAR LA ROUE DE FORTUNE
Il faut que les mots nous laissent, nous poussent à pénétrer seuls dans le pays, qu’ils soient pourvus de cet écho antérieur qui fait occuper au poème toute la place sans se soucier de la vie et de la mort du temps, ni de ce réel dont il est la roue, la roue disponible et traversière.
René CHAR (Veira da Silva chère voisine, multiple et une…)
Merci de cette belle et importante citation, qui pourtant, me semble-t-il, passe à côté de l’esprit de ma poésie (ou fragment) d’aujourd’hui, où les mots jaillissent d’un travail, douloureux et heureux en même temps, d’élaboration et de découverte qui ne se sépare jamais d’une nécessité concrète d’expression. En plus, il faudrait considérer que je suis en train d’exploiter une double expérimentation de traduction et de réécriture, quarante ou cinquante ans après, autour des poèmes de mes vingt et trente ans. La nécessité actuelle, dictée par cette nouvelle langue et nouvelle vie qu’on commence à maîtriser, se confronte dialectiquement à la nécessité de ce temps éloigné, révolu, qui pourtant « pousse » avec force.
J’aime l’escalade en couleurs puis en noir et blanc : les mots eux-mêmes empruntent de ces teintes.
Merci. J’espère vraiment qu’entre les deux il y ait quelque cohérence !