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Giovanni Merloni, 1979-2013

On pourrait dire (2004)

On pourrait dire
peut-être
que tu es devenue méchante
pour avoir refermé d’un coup
les battants branlants
de  tes ailes de papillon sombre.

On pourrait jurer
peut-être
que tu es devenue aveugle
et avances à tâtons
au milieu de meubles sombres
tandis que moi, resté seul
je me promène bras dessus, bras dessous
avec ton fantôme incandescent
dans la lumière excessive
que cette ville nous accorde.

Tandis que je capture dans une photo
des réflexes
des papiers d’étain luisants
ou des verres poussiéreux,
en y cherchant ta bouche
muette et pourtant divagante
tes yeux tristes et fous,
on pourrait soupçonner
que nous avons insulté la nature
trahissant ses doux rythmes
ses forces paradoxales.

Tandis que je dis adieu à la bigamie
à ses douloureuses transactions
à ses fascinantes incertitudes
et que, sans enthousiasme
essaie d’accepter
le point de vue de ceux
qui par envie jalouse
ont voulu t’amadouer,
on pourrait dire
que tu as déjà renoncé
à la tragique et magique sauvagerie
unissant
nos deux corps.

« Mais, jamais nous n’aurions pu
obtenir le consensus par quiconque
eût de bon sens ».

On pourrait imaginer
par vengeance
que tu es restée prisonnière
bâillonnée, emmurée vivante
par un voile noir et violet
et que, désespérée, tu t’indignes
mords, grinces des dents, rugis
crachant des volcans de douleur
de tes yeux ensanglantés.

Mais ce n’est pas moi qui le dit :
ma bouche se tait
en raison de l’interdiction
de t’envoyer des messages.

(Dès que j’ai arrêté de parler
un léger bruit de fond
un brouhaha rassurant
enveloppe déjà tes oreilles
en éteignant les sons.
Finalement le silence.
Des feuillets insignifiants
sans aucune beauté menaçante
voltigeront insouciants
dans ta chambre de poupée
accoudée sur le pré.)

On pourrait dire, un jour
que ton corps était dans le mien…
Certes, c’était nous deux
cet amas de frissons
caressé par la lumière…
Certes, toi aussi
n’arriveras jamais
à le nier. Au contraire, peut-être
restée seule
avec ce compagnon
même trop attendu
tu lui susurreras toutes
les petites paroles stupides
que tu n’osas jamais m’adresser
et, regardant à travers l’unique trou
creusé dans le mur de ta prison
(dans la rue sans nom)
tu te souviendras de mes paroles :
« Pardon, pardon… »

Mais, ce sera toi qui rouleras, dévouée
au pied de mon souvenir embaumé.
Nous étions nus, pleins de force
debout derrière des haies abandonnées
écrasées par le soleil
ou alors, cachés
dans un paravent en carton
nous demeurions longuement étendus,
enveloppés de journaux
en guise de feuilles mortes.

Tu voulais que le soleil
dure tout au long de la nuit,
moi, je voulais que la nuit
ne se réveille jamais.

On dira
(qui le dira ?)
que nous sommes bêtes
à nous aimer comme ça,
à nous quitter comme ça
à rester liés
enveloppés dans d’absurdes éloignements
comme ça.

Mais, ça va comme ça pour nous
qui ne sommes forts que par moitié
faibles que par moitié
courageux et lâches
que par moitié. Et pourtant
amoureux en entier.

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Je mourrai de confusions excessives
toi de certitudes démesurées,
tandis que les autres
tuteurs hautains de règles et de lits,
d’embauches et licenciements
ils s’amuseront à nous en empêcher
en nous jetant à tort et à travers,
comme des dés truqués
contre le mur ensanglanté
d’une ville qui n’essayera jamais
de nous comprendre.

Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 21  mars 2013

TEXTE ORIGINAL EN ITALIEN : http://wp.me/p343bA-dC

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