Étiquettes
« Comme je te l’ai dit samedi dernier, j’aimerai STP que tu me fasses un poème pour accompagner ma sculpture, qui va t’inspirer, j’espère…
Elle fait un mètre de hauteur, c’est du staff sur une armature en ferraille, la robe est en tissu plâtré patiné… J’ai voulu faire une sculpture « symbolique » : un couple de danseurs de flamenco. Je l’ai appelée « le flamenco envoûtant »…
je vais t’écrire, pèle mêle, mes idées de départ : j’ai fait l’homme (symbolisé par l’arbre), texturé, avec des angles (car l’homme, pour moi, est toujours fort, rigide) ; j’ai fait la femme tout en courbes, comme une liane, car elle veut le séduire par sa danse, l’apprivoiser, l’entourer… J’espère que tu comprendras mon charabia… »
Jacklin Bille
Jacklin Bille, Le flamenco envoûtant, 2015
L’équilibre forcené de l’amour
Merci, chère Jacklin, pour ce flamenco envoûtant, capable de transformer le bronze en arbres et les arbres en êtres humains touchés par la passion et les émotions subtiles de l’amour !
Je ne sais pas si je serai capable de traduire par mots ce que cette œuvre « envoûtante » transmet d’emblée, sans transition. Si jamais j’écrirai quelque chose, elle ne parlera pas vraiment des valeurs universelles que tu y as calées dedans. Elle ne pourra pas parler non plus de ce que tu as éprouvé intimement. Je ne pourrai faire mieux que débiter des sentiments et des pulsions qui se réveillent, des souvenirs qui s’estompent, des larmes de joie et de désespoir qui tombent dans la bouche tandis que…
malheureusement, le sentiment de la joie rarement se sépare de celui de la rupture, de l’abandon. On est tous habitués à considérer comme impossibles une séquelle ininterrompue de moments heureux, une sarabande de danses forcenées, une progression géométrique infinie vers le bonheur…
Ton oeuvre mériterait des mots sublimes, musicaux, ardents et légers à la fois… Moi j’essayerai d’écrire des mots sincères, les mots que dirait cet arbre rigide et même bloqué devant cette sirène insaisissable et pourtant provocatrice…
Jacklin Bille, Le flamenco envoûtant, part. 2015
L’onde noire
Par hasard
au milieu du brouillard
elle a cogné contre lui
cet arbre bâtard
effondré dans l’ennui.
Dans l’élégante tristesse
de son dénûment sans force
elle découvre cette écorce
en y frottant les fesses
tandis que sa robe dorée
coule à terre, ensanglantée
s’enroulant avec paresse.
La voyant spectatrice,
envoûtée jusqu’à mourir
dans la danse tentatrice,
il voudrait bien sortir
de sa carapace humide
élançant sa bouche avide
en dehors de son cou.
Elle a noté ce tronc musclé
cette force lisse
cachant derrière les coulisses
un geste lumineux
et la bouche bée.
Jacklin Bille, Le flamenco envoûtant, part. 2015
Entourés par le bois minéral
par le souffle du mistral
Liane et Olivier
ont consacré leur baiser sidéral
au couchant
s’adonnant aux délires
du bal et du chant printaniers.
Liane à la peau d’ébène
suit des ellipses abruptes
huilées, afro-cubaines,
Olivier à l’écorce dorée
compte de tour en tour
le poids de ses caresses
l’orgueil de ses prouesses.
— Un jour je partirai sans dire Adieu !
— Laisse-moi ta robe
elle me réchauffera les pieds !
— Un jour on nous divisera
brisant la chair de nos corps unis !
— Laisse-moi ton onde noire
et tes reflets jolis !
— Un jour tu n’entendras plus
les va-et-vient
de mon corps sur le tien,
ni le vent qui nous touche…
— Laisse-moi un mot d’amour
que je répète de ma bouche
aux oiseaux tout autour…
Jacklin Bille, Le flamenco envoûtant, 2015
Giovanni Merloni
Cette poésie est protégée par le ©Copyright, tout comme les autres documents (textes et images) publiés sur ce blog.
beau duo que vous faîtes tous les deux
et beau duo flamenco
Dénûment, un dénuement mitigé ou dûment offert ?
Merci à vous.
Un poème peut se sculpter aussi : peut-être seuls les instruments de l’artiste diffèrent-ils ?
La danse des mots autour des formes et on croit entendre la musique flamenco qui les accompagne. Merci pour ce partage !
Pingback: Voyage dans la langue du père, un texte captivant de Barnabé Laye II/II | le portrait inconscient