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Les Éphémérides de Stéphanie Hochet : une partition théâtrale
Dans mon précédant commentaire (« Les Éphémérides de Stéphanie Hochet : une apocalypse littéraire ») j’ai déjà présenté ce dernier roman que j’ai particulièrement aimé.
En feuilletant plus analytiquement les treize chapitres du roman, on s’aperçoit d’une structure « musicale » du roman qui respecte la suivante partition : 3 — 1 — 1 — 1 — 3 – 1 – 3.
Cette partition est dictée d’abord par les lieux évoqués dans les titres des 13 chapitres. D’un côté, les lieux où le centre drame se déroule (Écosse et Angleterre) ; de l’autre côté un lieu indirectement concerné (Paris) d’où l’on suit le déplacement en Écosse d’Alice et de sa nièce Ludivine.
Cela nous aide à découvrir une « partition théâtrale » du roman, homogène et cohérente avec l’esprit du drame — toujours le même depuis Shakespeare jusqu’à nos jours — qui prévoit 10 scènes et 3 intervalles :
3 (premier acte : Glasgow, Londres, Trossachs) — 1 (intervalle : Paris) — 1 (deuxième acte : Colchester Castle) — 1 (intervalle : Paris) — 3 (troisième acte : Trossachs, Londres, Glasgow) — 1 (intervalle : Paris) — 3 (quatrième acte : Highlands, Trossachs, Highlands).
Le lecteur s’apercevra, en tout cas, de quelques variantes à la logique que je viens de découvrir. Le premier acte, par exemple, très long par rapport aux autres, ne se borne pas à présenter les personnages, mais contient déjà en soi une grande partie de l’intrigue. Les « intervalles » se déroulant à Paris, se révèlent propices à « lancer » sur la scène du drame le personnage de Ludivine, qui, comme le Cherubin « farfallone amoroso » des Noces de Figaro, se mêlant partout, se révèlera aussi nécessaire que dangereux. Le deuxième acte, avec son esprit « on the road » a, lui aussi, une fonction d’intervalle ou de pause. Dans le troisième acte, on assiste au vrai dénouement de la « pièce » : le roman aurait pu bien terminer à la page 194. Les ultérieures quinze pages (intervalle et quatrième acte, où l’on n’entend plus la voix de Ludivine), confiées à la sagesse ironique de Simon Black et d’Ecuador, ont en tout cas la valeur d’un épilogue dramatique.
Premier acte
Le mot « Annonce » entre discrètement dans l’histoire que Tara va nous raconter : « Depuis l’Annonce, on a créé de nouveaux hôpitaux comme ils disent dans les média, des prisons pour aliénés disent les filles. Personne ne veut les soigner, à quoi ça servirait ? On les entasse et on les laisse beugler dans des salles sécurisées, des cellules matelassées fermées à triple tour. Qu’on cesse de les entendre, c’est bien suffisant. »
Petit à petit ce terme vague et solennel prendra corps et le lecteur aura enfin la perception d’une barrière physique. Dans une générale absence de couleurs, l’Annonce s’affiche d’abord sur un fond gris, ressemblant aux murs de l’atelier de Cézanne à Aix-en-Provence. Un fond tout à fait propice aux éclats de couleurs d’objets en mouvement, mais toujours cohérent avec cet hiver nordique qui ne lâche prise. En attendant le final, où l’apocalypse s’épanouit avec les premières fleurs de printemps, lorsque le deuxième protagoniste, Simon Black, sera foudroyé par une explosion de couleurs : « Les premières montagnes apparaissent, d’une beauté aride, partiellement recouvertes de neige. Ils traversent des étendues de bruyère fluorescente et des vallées occupées par des lacs comme des pupilles. L’essence des pins leur donne des hallucinations, jamais leur odeur n’a été si entêtante… Est-ce le printemps ? demande Ecuador. Tout est soudain si verdoyant. Ici, c’est un chêne transplanté du jardin de Sissinghurst Castle, là un prunier des abords de la mer Caspienne en pleine floraison. Simon, qui a connu le désert, sait qu’on peut voir un arbre debout, en pleine santé, au milieu de kilomètres de sable, la conséquence d’une graine que le vent a déplacée sur des distances peu communes. Il faut attendre encore quelques heures avant de voir un pommier en fleur, inspiré dans sa production de blanc et de rose jusqu’à la folie. »
Scène 1 (Glasgow). En dépit de l’Annonce et de ses premiers dégâts, Stéphanie Hochet nous donne des certitudes. Jusqu’à la fin, la vie continue. Tara travaille dans un club très exclusif de Glasgow, une grande ville jadis ouvrière à la même latitude d’Edimbourg, dans le côté ouest de l’Écosse. À nord de Glasgow, en suivant la Clyde, elle rejoint régulièrement une ferme très isolée dans les Highlands, où s’est installée avec son amante Patty, pas seulement pour profiter des beautés extraordinaires et mystérieuses du Loch Lomond et du grand Park National de Trossachs, ou pour rester dans les lieux de son adolescence inquiète. « La ferme était un rêve de gosse, le sommet de quelque chose, la belle entreprise de ma vie devenue concrète avec des murs, un espace clos à moi, et les petites animaux réunis comme dans l’Arche de Noé… Il y faisait glacial la nuit, humide et froid la journée, on chauffait comme on pouvait avec un poêle à charbon. La bonne chaleur qu’on obtient de ces petits morceaux de pierre noire, le chauffage à l’ancienne, comme à l’époque de nos grands-parents. On croit en grandissant qu’on s’éloigne d’eux et c’est tout l’inverse. »
Tara va bientôt nous raconter qu’avec Patty elle s’occupe de l’élevage, même si interdit par l’État, de chiens — qu’elle appelle simplement par le mot anglais « Dogs » — faisant partie de la race particulièrement agressive des Dobermann. Comme on saura plus avant dans la lecture, cet élevage clandestin — dans une région assez reculée, de plus en plus difficile à rejoindre dans un paysage de « fin du monde » où les routes sont cassées ou bloquées — est très dangereux, puisqu’il rentre dans la délicate et inquiétante problématique des transformations génétiques des animaux.
Tara gagne du fric dans son club de Glasgow en jouant le rôle difficile de « prostituée sélective » : « Et elle ? demande le plus jeune en me regardant. Carie se retourne et me regarde. Oh, Tara, dit-elle en baissant la voix, c’est un peu spécial. Je me lève. Salue les messieurs, le plus jeune me suit dans l’escalier et une fois devant la porte de la chambre, j’explique en quoi consiste ma spécialité. »
Tara avoue enfin qu’elle attend Alice, une jeune Française à l’air « angélique » qu’elle avait rencontrée — et aimée — il y a trois ans. Après, elle s’interroge moins sur les prévisibles réactions de sa compagne Patty que sur la nature de ses sentiments envers Alice.
Scène 2 (Londres). À Londres, nous faisons connaissance avec le personnage sans doute le plus « sympathique » que Stéphanie Hochet ait créé jusqu’ici : Simon Black. Il est un artiste « maudit », mais gagnant avec ses « cris ensanglantés » gravés sur la toile de façon douce et violente en même temps. Il a souffert terriblement, pendant ses quarante quatre ans, très durs et intenses, en trouvant dans la peinture — qui rappelle évidemment Francis Bacon et Rembrandt mais aussi Munch — de l’apaisement et du bien être. Malheureusement, juste avant l’Annonce, il a su qu’il a un cancer dont il ne pourra s’échapper. Déjà son caractère sensible l’amènerait au fatalisme, à rater toute tentative de soin. Avec l’Annonce, qui fixe dans le 21 mars la date de la mort généralisée, il comprend qu’il ne mourra pas à cause du cancer, mais dans le même instant que ses concitoyens : « Je débordais de joie. Pour moi qui étais déjà condamné, l’Annonce a rétabli une sorte de justice… Si l’espérance de vie est la même pour tout le monde ici, je ne me sens plus concerné par cette maladie, il m’est permis de l’ignorer, une raison supérieure l’annihile. » Ce constat lui donne l’insouciance nécessaire pour « chercher une compagnie », qu’il trouve aussitôt, de façon aussi banale que miraculeuse : « Le lieu est presque désert. Seule une femme est assise à une table, elle se sert du champagne et boit avec avidité. Ses cheveux ont été attachés en une sorte de chignon africain — je ne saurais dire depuis quand, sans doute plusieurs jours, la coiffure est légèrement défraichie. Un nez un peu fort mais ses traits son beaux, ses sourcils fournis. Le regard ne vous rate pas, il vous traque, vous êtes sa proie. Elle est très maquillée. Je tombe immédiatement amoureux. » La femme s’appelle Ecuador : pour un instant le centre de l’histoire cesse d’être, pour lui, cette Grande Bretagne agitée, verte et grise. Il s’est déplacé au centre même de la planète. D’ailleurs, chaque homme cherche toujours son centre et, dès qu’il le trouve, ne voudrait plus s’en éloigner : « J’ai un haut-le-cœur. Ecuador ne dit plus un mot, elle joue avec ses bagues, les tourne d’avant en arrière sur ses doigts. Reliquats de sa fortune, l’émeraude et la résine ornent ses mains. Au bout d’un certain temps, j’aperçois les vallons, l’herbe grasse, le vert violent de la campagne, parfois un cottage émerge du décor comme un champignon poussé en une nuit ; à cette distance, il ressemble par sa forme et sa taille à une maison de poupée… J’aime qu’elle continue à jouer avec moi. Et si sa légèreté était mon antidote ? »
Scène 3 (Parc de Trossachs). Dans la ferme de Trossachs, Tara ne rencontre aucune difficulté à faire accepter à Alice l’élevage des chiens et imposer à Patty la présence d’Alice. Elle peut rêver de ce qui se passera le jour fatal : « Dehors, les Dogs se sont couchés les uns contre les autres, pelotonnés, museau contre le flanc, grognant dans leur sommeil, ronflant, ils ont rendez-vous avec le dieu des rêves, une créature ailée qui les guide vers un monde où ils entrevoient ce qu’ils seront bientôt : les gardiens d’un univers dont personne ne connaîtra les contours car leur vision n’atteindra pas l’étrange voûte traversée de nuées ardentes et de tourbillons d’oiseaux voltigeant sans espoir, un monde magnétique sans fin ni logique. Un jour, les Dogs plongeront dans la Clyde, à l’heure du crépuscule, instinctivement, ils trouveront leur chemin et ils se réjouiront d’atteindre les berges de ce nouveau territoire, leur terre promise qu’il nous faudra la leur céder, et ceux qui voudront résister seront démembrés, déchiquetés, dévorés. Je serai heureuse, ou plutôt ce qu’il restera de moi sera heureux car ces créatures-là seront celles que j’ai élevées et chéries, elles me devront la vie, je continuerai de les aimer où que je sois, elles seront ma gloire, ma descendance en esprit. Et Patty sera aussi heureuse que moi ».
Intervalle
Ce qui se passe à Paris, loin de l’épicentre de l’apocalypse, n’a pas de conséquences directes sur l’histoire (se déroulant de façon itinérante, comme Roi Lear, entre Angleterre et Écosse). On fait connaissance d’un autre « je ». On comprend tout de suite qu’on a affaire avec une figure mineure, même si nécessaire. Elle est la sœur d’Alice, Sophie. Complètement prise par son enfant unique Ludivine, elle essaie de la protéger, en la dérobant aux possibles contre coups de l’Annonce. Mais… « Ludivine est-elle heureuse ? C’est la question la plus grave, la plus lourde, la plus sensible, la plus forte, la plus incontournable. Je ne peux pas poser directement cette question. Ça ne se fait pas. Je retiens ma respiration. J’avale ma salive. Je continue d’avaler ma salive et l’acte devient un tic, inévitable. Me rend malade. »
Deuxième acte
Scène unique (Colchester Castle, à est de Londres). Simon Black et Ecuador reviennent de Colchester Castle à Londres, à travers un pays sens dessus dessous. C’est une parenthèse en plusieurs sens, qu’au temps de la Révolution Française on aurait appelé « le « marais » : « Greenwich et Newham partent en fumée. Le vent s’est levé et a dispersé les colonnes régulières. Couleurs grises, noires, blanches pour Greenwich, et des morceaux de je ne sais quoi propulsés dans l’air, toutes sortes de matériaux détruits ; nous commençons à sentir l’odeur, une drôle d’odeur, âcre, qui reste dans la gorge et m’évoque un souvenir que je chasse sur-le-champ. » Ensuite Ecuador s’en va : « …elle démarre en trombe, indifférente, n’était ce petit geste de la main… J’ai reçu une lettre. Je reconnais l’écriture de Tara… Elle m’assure qu’elle n’a plus besoin de mon argent, qu’elle se débrouille plutôt bien maintenant, et que si je veux passer la voir à la ferme dans les jours qui viennent ou dans les prochains mois (souligné) autour du 21 mars, ce serait l’occasion, je suis le bienvenu. Je souris. Je n’avais pas la tête à revenir sur la terre de nos ancêtres… » Après il peint, il prend une douche, entend des hurlements. « Un dans mon bâtiment, l’autre dans la rue. Ne l’égorgez pas ! Ne l’égorgez pas ! criait un homme derrière le mur. Quand, dans la rue, un son n’avait plus rien d’humain, j’ai cru qu’on abattait un animal. Ensuite des voix, un fort accent cockney, une bagarre — est-ce une bagarre ? — respirations saccadées et bruits amortis de coups… les sons s’évanouissent en un claquement de doigts, étrange expérience qu’on dirait venir d’un film ou de la lecture d’un scénario… Dix minutes passent. Je reçois un coup de fil. C’est Ecuador. La vie est sublime. Toutes les rigueurs l’embellissent. Elle n’a jamais été ainsi belle. La violence déploie son esthétique grandiose dans la cité, je suis mille fois vivant. »
Intervalle
Exactement au centre du roman un affrontement téléphonique entre Sophie et sa soeur Alice s’achève avec une victoire de cette dernière: Ludivine partira en Écosse où sa tante l’attend. Cette décision, incroyable à peu de temps de la date fixe par l’Annonce — aucune mère se séparerait de son enfant en un cas semblable — suggère au lecteur une certaine méfiance : pourquoi une mère hyper protectrice accepte une chose comme ça ? « Ma chérie, écoute la bonne nouvelle. Tu vas pouvoir rejoindre Alice en Écosse qui va te montrer de jolies choses. Ça te dit, des vacances là-bas ? Tu sais c’est très beau, il y a des montagnes et des grands lacs. Est-ce que tu seras prudente, ma fille ? Tu me promets que tu te nourriras bien et que tu téléphoneras à maman ? Viens dans mes bras. Non, je ne pleure pas, je suis très contente pour toi, tu sais, quand j’étais petite, je n’ai pas eu la chance de voir d’aussi beaux paysages. Tu raconteras ce que tu as vu à maman, pas vrai, ma chérie ? »
Troisième acte
Scène 1 (Trossachs). Ludivine rejoint sa tante Alice, Tara e Patty à Trossachs ; « La fin du monde ! Raconte ! Raconte ! a-t-elle répété frénétiquement… Elle ne tenait pas en place, son petit visage tendu vers nous, elle nous fixait à tour de rôle avec fureur et plaisir… Dis-lui que la fin du monde, ça n’existe pas, a dit Patty. Tu en as de ces formules, toi… Alors, j’ai pris sur moi et je lui ai appris ce qui était censé se passer le 21 mars. La gamine m’a fait répéter la date… Le 21 mars ! s’est exclamée la fillette. Ah non, alors ! C’est le lendemain de mon anniversaire !… Patty a éclaté de rire et je l’ai imitée. La gamine a demandé des détails… Au point on en est… a dit Alice en haussant les épaules. Je n’ai jamais vu une enfant aussi attentive, les yeux fixes, la bouche grande ouverte, elle a immédiatement tout compris. Je pourrais jurer qu’elle n’a pas eu peur une seule seconde. »
Scène 2 (Londres). Simon Black emmène Ecuador dans son atelier de Londres. Là, Ecuador lui confie l’état d’âme qu’elle a finalement conquis : « Notre fin prochaine m’a libérée de cette pathologie. Je dois être une des seules personnes à etre incroyablement soulagée. Débarrassée de toutes ces scories qui pullulaient dans ma tête, mon corps ne me sert plus qu’à jouir…Elle ne sait pas ce que j’ai, ce qu’on m’a annoncé il y a six mois. Pourquoi lui en parler ? Cela n’a plus de sens. Moi non plus, je n’ai plus peur. Il n’y a que les vieillards pour consacrer la fin de leur vie à la plainte, et exhiber les symptômes de leur maladie, c’est un vice du troisième âge, comme la nostalgie ou les troubles de la mémoire, la fragilité osseuse et l’approbation des politiques sécuritaires. Je n’ai aucun besoin, aucune envie d’en parler, je n’ai pas cet âge-là. Je suis d’autant plus jeune que aime Ecuador. J’ai vieillis d’autant moins que je vais mourir dans la fleur de l’âge. Quarante-quatre ans… La rue s’est finalement calmée, le clair-obscur verdâtre envahit la pièce comme une odeur. Je me lève, saisis l’instrument-cri que je jette dans le vide-ordures. De retour sur le canapé, je me sen infiniment mieux. Ecuador s’est allongée, je la rejoins, m’étends près d’elle, et le désir reprend. »
Scène 3 (Glasgow). Tara emmène Ludivine dans son club à Glasgow. Là-bas, la petite apprentie sorcière connaît un des clients de Tara, qui lui donne un produit qu’on ne devrait pas confier à une enfant de neuf ans… qu’après se trouve à l’épicentre de l’apocalypse dans la ferme de Trossachs. « Selon l’Annonce, il ne reste qu’un matin… Tous les Dogs se sont enfouis à l’exception de Nabu. Il est environ dix heures quand je vois la mioche filer en direction des chenils… Doucement l’enfant lui caresse le bout du mufle, et Nabu, qui ne tolère que moi d’habitude, se laisse faire… Le téléphone sonne. C’est la mère de Ludivine, elle est morte d’inquiétude, elle veut qu’Alice la rappelle tout de suite, dit Patty en entrant dans la cuisine. Est-ce que j’ai vu Alice ? Oui, dans la chambre. Merde, s’exclame Patty. Putain, regarde ce que la gamine est en train de faire !… Quelque chose que nous n’avions pas envisagé est en train de se réaliser. »
Intervalle
À Paris on respire une angoisse incontournable. Sophie, restée seule avec son mari Bernard, ne peut pas se résigner à affronter l’évènement annoncé sans Ludivine. « Sophie ! Qu’est-ce que tu sous-entends là, que j’aime moins Ludivine que toi ? Ne joue pas à ce jeu là, on n’en a déjà parlé, on a pris cette décision ensemble, l’envoyer en vacance dans cette belle région avec sa tante qu’elle adore, c’était la bonne idée ! Tu crois que dans ton état tu es capable de t’occuper d’elle sans la rendre malade d’angoisse ? »
Quatrième acte
Scène 1 (Highlands). Simon Black, avec Ecuador, essaie de rejoindre sa cousine Tara et aussi le lieux de sa jeunesse. « La dernière route leur fait longer la Clyde. Simon se souvient du fleuve. Du temps qu’il était gosse, il était fasciné par sa couleur métallique et les histoires mystérieuses qu’il charriait… Il savait que des gens y avaient disparus, certains repêchés, d’autres happés par la grande bouche fluide, emmenés loin, entre deux eaux ; il avait vu les cadavres des chiens, des chats, d’animaux sauvages, et Tara lui avait raconté des histoires de ce genre. Tara était plus jeune que lui mais elle l’impressionnait, elle racontait des histoires terrifiantes qui ne la rendaient pas moins méritante si elle les inventait. »
Scène 2 (Trossachs). Tara, Patty, Alice, Ludivine.
« Les Dogs ont quitté leur chenil. Ils courent. La lande les appelle. Ils sont affamés d’espace, de vitesse, de viande. Ils sont déjà des assassins. Un premier massacre a été commis. Je les ai perdus de vue. C’est fini, à peine eus le temps de leur dire au revoir… »
Scène 3 (Highlands). Simon Black, Ecuador,
« Ils ne sont plus très loin de la ferme de Tara, mais veulent-ils toujours continuer leur chemin ? Ecuador se tourne vers Simon, attrape sa main, et la pose sur son ventre. A-t-il senti ? Simon n’ose rien dire. Ecuador presse la main de son amant sur un début de rondeur. Un flot de sang monte au visage de Simon. Et les palpitations dans sa poitrine… Oui, dit-elle tout bas. Dans la tête de Simon ce oui résonne. Oui, oui, oui. Comme une parole d’amour. Il a compris qu’il serait père, il ne s’y attendait pas. Jamais il ne l’avait envisagé, et là, maintenant, dans ces circonstances, il trouve ça drôle soudain. Drôle, oui, ce bonheur déclenche le rire. Il rit et emporte son amante dans sa joie. »
Avec cette scène on voit que la fin, dans ce roman, est aussi une « naissance ». D’un côté la naissance d’un être dans le ventre d’Ecuador. De l’autre la naissance d’une nouvelle génération de chiens, de quelque façon fils d’une mère manquée, Tara.
Giovanni Merloni
Tu vas devenir le critique le plus au fait de Stéphanie Hochet… avec, en plus, ces graphismes tout en finesse.