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Uzès, la Place aux herbes depuis la tour du Roi
Des vacances «communicantes»
Depuis ma rentrée à Paris, je n’ai pas encore rencontré Dominique Hasselmann, même si je me suis rendu plusieurs fois près du canal Saint-Martin dans l’espoir de l’y croiser. Donc, je n’ai pas eu l’occasion d’échanger avec lui autour de mes récentes impressions de voyage.
Car le hasard a voulu que nous choisissions les mêmes endroits pour y séjourner pendant nos vacances d’été de 2014 et 2015.
En 2014, je me suis rendu à Saint-Malo presque dans la même période où Dominique séjournait à Uzès, tandis qu’en cette année 2015 les rôles se sont inversés : quitte à revenir à Uzès pour un bref « récapitulatif », Dominique est « monté » à Saint-Malo tandis que moi je suis « descendu » à Uzès.
En plusieurs occasions, j’ai déclaré que j’avais choisi Uzès à la suite des suggestions que les articles de Dominique avaient fait déclencher en moi, tandis qu’évidemment il n’avait pas besoin de partager mon enthousiasme vis-à-vis d’une localité comme Saint-Malo, universellement connue pour ses extraordinaires beautés naturelles, historiques et culturelles.
Mais il est quand même évident que cela ne se vérifie pas trop fréquemment, une alternance semblable. Dominique et moi, malgré nos personnalités différentes, nous avons des goûts et des nécessités similaires… et pourtant, lors de nos vacances, nous avons, je crois, le même reflet : rechercher d’endroits où la beauté se conjugue à quelque chose de rare et difficile à expliquer par mots… Quelque chose de plus qu’un endroit « clair, calme avec balcon »…
Peut-être s’agit-il d’une pulsion tout à fait normale, que nous partageons avec une multitude d’autres individus gênés, comme nous, par cette couche de banalité qui rend uniformes et souvent insupportables la plupart des lieux de vacances. À Saint-Malo et à Uzès, nous cherchions tous les deux, pour nos vacances, une localité qui n’était pas seulement — ou pas du tout — une « localité de vacances ».
Saint-Malo, les remparts
Et pourtant Saint-Malo se laisse envahir au jour le jour d’une foule assez vorace tandis qu’Uzès ne manque pas de fêtes votives, de taureaux qui se laissent chevaucher ni de marchés qui n’ont rien à envier aux anciennes kermesses médiévales…
Dominique Hasselmann a beaucoup dit et montré pour faire comprendre l’unicité de ces deux « îles » incontournables où l’esprit civil très évolué se marie à une formidable capacité d’organiser et prévoir jusqu’aux moindres détails. Saint-Malo et Uzès, tout en gardant la conscience de leurs limites, sont de véritables machines urbaines parfaitement huilées et donc en condition d’endiguer les invasions les plus farouches, grâce aussi à leur culture tout à fait particulière. Moi je pourrais ajouter d’autres observations, en concentrant par exemple l’attention sur les extraordinaires remparts de l’une — créant à chaque tournant une diverse dialectique entre la ville et la mer-terre tout autour — ou sur la magnifique place aux herbes de l’autre — établissant un lien diabolique avec le reste de la ville-bonbonnière, notamment avec les boulevards qui l’entourent et l’immense territoire uzétien —, mais cela ne suffirait pas à rendre jusqu’au bout le sentiment qu’on prouve le jour où ces merveilles deviennent, d’un coup, évidentes… et surtout lorsqu’on est en train de les quitter. Laisser Saint-Malo ou Uzès c’est un peu comme laisser Venise, se séparant de vacances qui nous ont touchés profondément sans qu’il n’y eût même pas besoin d’une joie d’amour pour justifier notre chagrin…
Uzès, la Place aux herbes
Quand nous sommes partis à Nîmes pour y reprendre le train pour Paris-Gare de Lyon, nous nous sommes longuement interrogés. Combien d’endroits existe-t-il en France comme Uzès et Saint-Malo qui gardent encore, en 2015, cette joie de vivre simple et cet amour du beau ? Combien de Saint-Malo et d’Uzès existent-elles encore dans le monde ? Les îles grecques ? Les Dolomites ? Quelle région assez reculée, épargnée par la Vague inexorable ? D’ailleurs, est-il vraiment possible de trouver cette joie tranquille et respectueuse dans un endroit reculé ?
Nous n’avons trouvé qu’une réponse, basée sur nos connaissances forcément limitées et sur notre imagination présomptueuse : il existe un autre endroit, en France, qui pourrait se juger à la hauteur de ces deux rivales et de leur force discrète d’attraction pacifique : le canal Saint-Martin de Paris ! Cette ville-ruban coulant au milieu de la grande métropole — reliant l’Arsenal au bassin de la Villette et, plus loin, au canal de l’Ourcq —, garde en elle une beauté exquise où ce peu de nature qu’on a su préserver se lie au jour le jour à la vitalité de ses habitants. Oui, nous pouvons dorénavant fermer les yeux et nous rendre à tâtons dans cette petite Venise et là assis par exemple dans la terrasse de l’Atmosphère, constater que la beauté et la joie de vivre sont là, prêtes à être saisies. Il nous suffit d’être capables de les savoir apprécier !
Paris, le canal Saint-Martin
Giovanni Merloni
« de véritables machines urbaines parfaitement huilées et donc en condition d’endiguer les invasions les plus farouches, grâce aussi à leur culture tout à fait particulière. » je pense que chacun en connais d’autres
les « bastides » du sud-est
les petites villes groupées sur une crête
les ports dessinés selon géographie
les chercher dans son souvenir (certainement beaucoup dans le « nord » mais je connais moins)
beau texte
Il y en a beaucoup en effet, et tout dépend du regard que l’on porte à tous ces lieux….
belle ode à l’Ami aussi
Brigitte a tout dit… peut-être ajouter quelques quartiers de Marseille, dont l’Estaque qui a encore des secrets…
@ Giovanni : Grand merci pour ce beau parallélisme entre Uzès et Saint-Malo – et notre « chassé-croisé » ! – et tes notations finales sur « notre » canal Saint-Martin.
Certes, il existe des milliers d’autres villes ou lieux auxquels on peut s’attacher, tout est question de l’attention que l’on peut leur porter : disons alors que ce sont deux exemples parmi d’autres (un blog ne suffirait pas à cette exhaustivité, c’est pourquoi il faut parfois choisir !).