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« Très cher Giorgio,

Je voudrais partager avec vous ce que je considère comme une petite perle qui m’a fait beaucoup sourire.
Comme tu le sais, je suis en train de chercher dans les endroits les plus disparates des informations et des images concernant notre passé récent et juste aujourd’hui on m’a livré un paquet avec un opuscule publicitaire en allemand à propos de la Romagne de 1939, contenant de splendides images des localités les plus connues de notre région.
En l’effeuillant, mon regard tombe sur l’image que je te joins, dont la didascalie me fait forcément sourire : Die “arzdora” (Bäuerin) der Romagna.
La traduction de Arzdora n’est pas très correcte, parce qu’elle ne désigne pas, proprement, une “paysanne”, même s’il s’agit d’une figure qui rentre pleinement dans la “civilisation paysanne”.
Dans la tradition de Romagne, l’Arzdora (o Azdora) assume une signification plus ample parce qu’elle s’attache à un rôle bien codifié que tenait une des femmes de la famille, notamment la femme de l’Azdor ou la grand-mère. Au pied de la lettre, le mot Arzdora signifie “reggitrice”, “celle qui préside aux soins de la maison”, donc en chaque famille il n’y avait qu’une Arzdora ayant la tâche de faire la cuisine, de s’occuper des poules et des porcs ainsi que de coudre et ranger la maison.

D’habitude excellente et savante cuisinière, elle ne devait parler que très peu et c’était elle qui se chargeait de donner une direction à l’éducation des enfants tout en gardant un jugement éveillé sur la progression de chacun des membres de la famille. Elle partageait ses points de vue avec l’Azdor (ou Arzdor) qui prenait, s’il le jugeait nécessaire, les dispositions opportunes. Avec son tablier immanquable, qu’elle repliait sur la taille, par un mouvement furtif, quand il fallait de but en blanc créer un récipient pour semer du maïs à terre dans la cour. Je me souviens du geste de l’azdora, le même que celui des semailles, par lequel elle rassasiait la volaille.
Des dictons célèbres, servant de leçons pour tout le monde, demeurent encore vivants dans la mémoire des gens âgés de Romagne :

Cvand che l’azdora la va in campagna
lè piò quel ch’la perd ch’ n’ e’ quel ch’ la qvadagna

“Quand la ménagère part au travail dans la campagne
c’est davantage ce qu’elle perd que ce qu’elle gagne”
(car cela ce serait un dommage pour la maison)

S’ t’ vu vde una bona azdora,
fala scorar intant ch’ la lavora

“Si tu veux découvrir la bonne ‘reggitrice’,
essaie de la faire parler tandis qu’elle travaille”
(c’est-à-dire : moins qu’elle parle, plus qu’elle est bonne)

L’homme qui “régissait”, l’Azdor, avait surtout la tâche de travailler dans les champs et de suivre les affaires de famille en plus d’autres activités sociales.

Les deux mots sont restés et dans les campagnes on les utilise encore pour indiquer des personnes au tempérament énergique ayant des attitudes d’évaluation et de jugement fermes et lucides.

Un cher salut à Vous tous de la part de nous tous, »

Carlo

P.-S. C’était l’Arzdora qui faisait les « crescioni » et les fromages, tandis que l’Ardor faisait de ses mains le Pagadebit (un vin blanc de table) et le salami.

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J’adore l’Arzdora …