Étiquettes
Au petit matin, quand je me réveille, il m’arrive souvent de voir tout clair. Une pensée après l’autre, je comprends ce qui s’est passé, ce qui va venir. Je serais presque prêt à rédiger un pamphlet pour mettre mes inquiétudes et mon indignation au service d’un but commun que je considère comme irremplaçable : la liberté, c’est-à-dire la possibilité de vivre dans un monde juste, les uns à côté des autres, dans une société solidaire et humaine…
Je serais prêt, disais-je… Mais je ne peux pas, parce que j’ai peur de dire des choses trop logiques, trop sensées.
Je me bornerai à dire publiquement mon sentiment en ce nouvel « entre-deux » qui sépare les élections présidentielles des législatives. Et je m’adresse notamment aux hommes et aux femmes qui ont à coeur la démocratie.
Tout ce qui s’est passé a été plutôt choquant. D’abord avec la renonce forcée du Président sortant à se battre pour un deuxième mandat. Ensuite, les élections primaires dans le Parti socialiste ont acclamé en Benoît Hamon un candidat tout à fait honnête, sans doute capable de faire front aux changements que la société française demandait. Cependant, ces primaires n’ont pas été respectées si le Président sortant et le premier ministre Valls ont appuyé publiquement le candidat du centre, Emmanuel Macron.
Étant tout à fait vaines, suite au refus de Mélenchon, les tentatives de Hamon de se présenter à la tête d’une gauche unie, on a assisté à un premier tour qui a éliminé les candidats des deux partis plus représentés au Parlement ainsi que la gauche insoumise de Mélenchon.
Mais ce qu’il est arrivé par la suite a été encore plus inquiétant : la gauche qui n’avait pas su trouver l’unité pour se battre devant Emmanuel Macron ne l’a pas trouvée non plus quand il fallait faire barrage au fascisme populiste de Marine Le Pen.
Au lieu de travailler pour l’indispensable unité entre les socialistes affranchis, les communistes et la gauche « insoumise », M. Mélenchon a creusé davantage le gouffre, laissant aux autres la tâche de faire barrage contre le FN.
Malheureusement, à droite, les électeurs de François Fillon n’ont pas tous suivi les indications de vote de celui-ci et, au deuxième tour, le FN a gagné trois millions de voix en plus.
Heureusement, à gauche, avec tous ceux qui avaient voté Hamon au premier tour, il y a eu des hommes et des femmes de bonne volonté qui n’ont pas obéi à M. Mélenchon, permettant à Emmanuel Macron d’éviter, pour l’instant, le risque fasciste.
Toujours est-il que l’abstentionnisme et le vote blanc ou nul ont eu l’effet, désormais, de dédouaner les fascistes du FN : « si Mélenchon n’a pas fait barrage contre Marine Le Pen cela veut dire qu’il ne la considérait pas comme la pire des catastrophes, mais comme n’importe quel phénomène de nos temps ».
Il ne faudrait pas aller aux Législatives avec cette équivoque. Tout cela je l’ai déjà vu en Italie : dès que ces gens-là s’installent, la démocratie commence sérieusement à régresser tandis que la République se voit menacée.
Je ne voudrais surtout pas que cette beauté typiquement française du mot juste, du dialogue basé sur le respect réciproque finît pour être écrasée par des voix malhonnêtes et brutales.
Giovanni Merloni
Dans une « chanson engagée » de 1958 (mise en musique en 1959 par Sergio Liberovici) Italo Calvino nous fait bien comprendre ce que ça veut dire être antifasciste et lutter pour la liberté de tous.
Par-delà le pont (1)
Jolie fille aux joues de pêche,
Jolie fille aux joues d’aurore,
Je réussirai, j’espère, à te raconter
Ma vie quand j’avais le même âge que toi.
Couvre-feu : la troupe allemande
Dominait sur la ville. On est prêt.
Si tu ne veux pas baisser la tête
Emprunte avec nous la route des monts.
RITOURNELLE…
Nous avions vingt ans et par-delà le pont
Par-delà le pont que tient une main ennemie
Nous voyons l’autre rive, la vie
Tout le bien du monde par-delà le pont.
Tout le mal nous avions au-devant,
Tout le bien nous avions dans le coeur,
À vingt ans la vie est par-delà le pont,
Par-delà le feu ça commence l’amour.
Silencieux sur les aiguilles de pin,
Sur d’épineux bogues de châtaigne,
Une troupe dans le sombre matin
Descendait l’obscure montagne.
L’espérance était notre compagne
À l’assaut des positions ennemies
En nous conquérant les armes en bataille
Nu-pieds, en lambeaux, et pourtant ravis.
RITOURNELLE…
Ce n’est pas dit que nous fûmes des saints,
L’héroïsme n’est pas surhumain,
Cours, baisse-toi, allez, bondis avant
Chaque pas que tu fais ce n’est pas vain.
Nous voyons à portée de main,
Par-delà le tronc, le buisson, la cannaie,
L’avenir d’un monde plus humain
Et plus juste, plus libre et gai.
RITOURNELLE…
Chacun désormais a une famille, a des fils,
qui ne savent pas l’histoire d’hier.
Je suis seul et me promène dans les tilleuls
Avec toi, ma chère, qui n’étais pas là alors.
Je voudrais que nos pensées
Et nos espoirs d’alors,
Revivaient en ce que tu espères,
Jolie fille couleur de l’aurore.
Italo Calvino
(traduction de Giovanni Merloni)
(1)
Oltre il ponte
O ragazza dalle guance di pesca,
O ragazza dalle guance d’aurora,
Io spero che a narrarti riesca
La mia vita all’età che tu hai ora.
Coprifuoco: la truppa tedesca
La città dominava. Siam pronti.
Chi non vuole chinare la testa
Con noi prenda la strada dei monti.
RIT: Avevamo vent’anni e oltre il ponte
Oltre il ponte che è in mano nemica
Vedevam l’altra riva, la vita,
Tutto il bene del mondo oltre il ponte.
Tutto il male avevamo di fronte,
Tutto il bene avevamo nel cuore,
A vent’anni la vita è oltre il ponte,
Oltre il fuoco comincia l’amore.
Silenziosi sugli aghi di pino,
Su spinosi ricci di castagna,
Una squadra nel buio mattino
Discendeva l’oscura montagna.
La speranza era nostra compagna
Ad assaltar caposaldi nemici
Conquistandoci l’armi in battaglia
Scalzi e laceri eppure felici.
RIT…
Non è detto che fossimo santi,
L’eroismo non è sovrumano,
Corri, abbassati, dài, balza avanti,
Ogni passo che fai non è vano.
Vedevamo a portata di mano,
Dietro il tronco, il cespuglio, il canneto,
L’avvenire d’un mondo più umano
E più giusto, più libero e lieto.
RIT…
Ormai tutti han famiglia, hanno figli,
Che non sanno la storia di ieri.
Io son solo e passeggio tra i tigli
Con te, cara, che allora non c’eri.
E vorrei che quei nostri pensieri,
Quelle nostre speranze d’allora,
vivessero in quel che tu speri,
O ragazza color dell’aurora.
Italo Calvino
merci ! mais comment faire entendre cela au milieu des voix tonitruantes des supporters soumis à leur leader
Giovanni bonjour ! Vous enjolivez un rien Hamon, Mais bon, ne soyons pas sectaires n’est-ce pas,
Merci pour Calvino,
Tout à fait d’accord avec ton analyse, cher Giovanni.
Et merci pour ce beau poème d’Italo Calvino.
Le fascisme (et le populisme) ne passeront pas !
Dominique
Merci de rappeler où les insoumis ont failli et ce qu’est le fascisme par les mots de I.Calvino.
Et j’aime vraiment beaucoup vos dessins.
Je suis désolée de te le dire, cher Giovanni, mais je pense que ton analyse est simpliste, inexacte, injuste et dangereuse. Le score de MLP au premier tour aurait été plus élevé sans la France Insoumise. A force de taper sur JLM, qui répète souvent que l’important ce n’est pas sa personne mais le programme (mais l’avez-vous lu?) du mouvement dont il est le porte-parole, vous contribuez malheureusement à la montée en puissance de la vague brune.
Ce que je considère comme le plus important, ma chère Françoise, ce n’est pas seulement constater que JLM a obtenu avec le Front de gauche des voix qui risquaient d’être des voix d’extrême droite. C’est justement voir que celui-ci n’a pas eu le courage ni la sensibilité de se déclarer « avant tout » antifasciste ! Il aurait perdu quelques soutiens, mais il aurait ajouté à l’unité de la gauche le poids de ses idées, que j’ai trouvées pour la plupart positives, en dehors de sa vision trop pessimiste sur l’Europe.
Je ne crois pas d’être simpliste, hélas. Je suis d’autant plus inquiet car je vois que l’on commence à s’accuser réciproquement, dans la gauche, de favorir la croissance de l’ennemi commun.
Nous sommes maintenant à la veille des Législatives et le problème se pose à nouveau : pourquoi Mélenchon préfère-t-il le « mouvement » à la lutte démocratique partagée avec les autres partis de la gauche, ce qu’on ne cesse pas de lui proposer ? Est-ce qu’il est la seule voix de la gauche restée crédible ? Je ne crois pas.
En effet, nous n’avons pas du tout la même vision. Reste à ne pas confondre adversaire politique et ennemi commun?
Je croyais que c’était évident : pour moï l’ennemi commun c’est l’FN. Et bien sûr Emmanuel Macron c’est un adversaire politique. C’est exactement ce qu’ont bien compris tous ceux qui ont voté Macron rien que pour faire barrage à Marine Le Pen.
Non, cela n’a rien d’évident, car les propos que je lis au sujet de la France Insoumise sont systématiquement à charge.
Tu as aussi « oublié » d’indiquer dans ton article de blog que les voix gagnées par MLP au second tour viennent pour l’essentiel de l’électorat de droite.
Tu as raison, mon texte était incomplet et je m’en excuse. Je viens de le corriger, selon le ressenti de mon œil extérieur d’Italien et de citoyen de Paris n’ayant pas l’accès au vote. Nous ne sommes peut-être pas d’accord, chère Françoise, mais je te prie de croire à la sincérité de mes sentiments, que je partage d’ailleurs avec beaucoup d’autres.
Voilà le texte corrigé : « …M. Mélenchon a creusé davantage le gouffre, laissant aux autres la tâche de faire barrage contre le FN. Malheureusement, à droite, les électeurs de François Fillon n’ont pas tous suivi les indications de vote de celui-ci et, au deuxième tour, le FN a gagné trois millions de voix en plus. »
Et bien, cher Giovanni, je mesure l’ampleur de notre divergence ! Dire que la France Insoumise a creusé le gouffre est à mes yeux une très grave erreur d’analyse. Une majorité de l’électorat de JLM a voté pour EM. Quant aux votes blancs ou à l’abstention de l’autre partie de cet électorat, il n’a pas nui à EM mais à MLP. A l’inverse, une majorité de l’électorat de François Fillon a reporté ses voix sur MLP : c’est cela que tu appelles « contenir » le FN ?