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Un havre d’insouciance au Havre

Dimanche 6 août, il y a donc six semaines, j’étais à Honfleur.
J’ai énormément aimé ce village de pêcheurs s’accrochant sur une colline lumineuse. J’ai aimé le voyage hasardeux que j’ai dû faire en venant du Havre…

Hasardeux pourquoi ? direz-vous. Parce que j’ai dû emprunter le pont de Normandie et que, survolant la Seine immense, j’ai eu peur. Oui, je sais bien que ce pont tient debout et qu’il est fait ainsi justement pour se passer des vents et des orages noirs. Pourtant, quand nous frottons les roues de notre utilitaire sur le ciment rugueux, nous ne pouvons pas nous dérober à la conscience de notre petitesse : si le pont résiste aux géants de la Nature, pourrons-nous, nous aussi, leur résister ?
Il s’agit bien sûr d’une peur irrationnelle, à laquelle s’ajoute un sentiment de précarité… lorsqu’on dépose des monnaies dans une espèce d’entonnoir blanc, sans savoir si ce truc métallique sera d’accord, s’il nous laissera continuer le voyage ou pas… Je ne sais vraiment pas dire où je me suis senti le plus égaré et menacé : au péage sans personne ou sur le pont sans poids ?

C’est vrai que ce pont réunit deux parties de Normandie assez différentes, du moins pour ce qui concerne les territoires bordant la Manche, mais ce qui me semblait évident en regardant une carte de la région quant à la distance dérisoire entre Le Havre et Honfleur est nettement contesté par cette expérience du pont. Un pont qui réunit tout en rappelant — à chaque mètre, à chaque hauban — qu’une séparation demeure :

Sous le pont de Normandie coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Même si j’arrive au-delà, la distance demeure...

Voilà pourquoi mon dimanche à Honfleur a été hanté par une étrange inquiétude, par le désir péniblement maîtrisé de revenir en arrière le plus tôt possible, de franchir à nouveau ce pont redoutable, de retrouver enfin mon havre d’insouciance au Havre !

Giovanni Merloni