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Giovanni Merloni, Auprès de ma blonde  
acrylique sur carton 50 x 60  cm, 2018

« Pour qui écrit-on ? » 

Hier, naviguant sur Twitter, je suis resté agréablement touché par une réflexion de mon amie poète Josette Hersent (@josettehersent) :
« En fait, on écrit pour une seule personne, deux au maximum, sans avoir la certitude que le destinataire nous lise un jour. »
Cette déclaration, d’où se déclenche immédiatement la question des questions (« pour qui écrit-on ?), m’a particulièrement frappé, m’invitant sans attendre à m’interroger moi-même sur le sujet.

« Parfois, ai-je alors répondu à Josette, nous avons besoin de savoir à qui adresser nos pensées, souvenirs et fantômes de l’imagination. Pour moi, quand je m’effondre dans l’embarras du choix et que je ne trouve pas un interlocuteur adapté à ce que je veux dire, j’arrête complètement d’écrire… »
En fait, cela arrive surtout lorsque j’envisage de “dire tout” dans un journal que je ne pourrais pas considérer comme secret, même si intime. Moi, je n’écrirais jamais un journal que pour moi-même ! Bien sûr, si je prends des notes, si je cumule des souvenirs comme les reçus de Franprix ou de Picard, cela n’aura aucun besoin d’être partagé. Mais si j’approfondis dans une forme littéraire et communicante mon voyage à rebours dans tout ce qui a marqué ma vie, j’ai besoin de savoir que j’adresse cela à quelqu’un.
Il faut dire qu’à priori un journal n’est pas un roman, mais il peut le devenir si l’on fait recours à la fiction d’un interlocuteur bien réel.
Par conséquent, il m’arrive de reporter dans le temps le moment où je me déciderai à entamer sérieusement ma recherche, puisqu’il m’est extrêmement difficile de trouver la bonne personne (homme ou femme ? Quelqu’un que j’ai connu ou un illustre inconnu ? Un ami ou un ennemi ? Un être vivant ou une personne disparue ?) qui peut tenir ce rôle ingrat de spectateur et partenaire à la fois de mes fouilles aussi longues que douloureuses.

Et voilà ce que Josette m’a répondu :
« C’est que je sais pour ma part pour qui j’écris et c’est pour cela que je ne me considère pas comme écrivain. Seul un roman pourrait me le faire devenir… peut-être. Les poètes sont des hybrides… »

« La poésie c’est le présent, je lui ai enfin proposé, et elle n’a qu’un interlocuteur : notre alter ego qui pardonne et qui juge, ou alors une personne très chère qui assiste, étonnée, à notre métamorphose, à notre épanouissement dans une autre vie… tandis que le roman c’est la recherche acharnée dans notre passé à travers le passé des autres, ou alors nous prêtons notre passé aux autres pour qu’ils le revivent hors du temps et de toute responsabilité. Par ses machineries, le roman se projette toujours dans un horizon parallèle, où des lecteurs inconnus seront peut-être surpris de découvrir leur présent à eux et le sens profond de leur vie… »

« Je pense que c’est propre à chacun, conclut Josette. Je ne suis pas allée chercher si loin… c’était juste un petit défi pour voir si je pouvais écrire autre chose que des poèmes… »

Giovanni Merloni