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J’étais
un caillou roulé sur le goudron,
un épouvantail souillé,
une affiche déchirée,
un album de famille
vidé de sourires,
un estomac dévoré
par des joies féroces,
un corps de carton-pâte ou de cire
écrasé par l’émoi soudain
d’une épreuve précoce.
J’étais
un costume inhabité,
un geste engourdi,
une ombre audacieuse
osant les labyrinthes et les échos,
le hasard emprunté
sur un chemin de cailloux
me précipitant dessus
le silence assourdissant de la mort.
J’étais
un geste héroïque
verrouillé dans un sombre
deux mètres pour deux,
l’odeur sublime
de mes spermatozoïdes
décédés par millions.
J’étais
un mot précurseur
gardé à vue
par des phrases faites,
un geste entre parenthèses
n’ouvrant pas de portes
aux joyeuses hypothèses
ne refermant pas non plus
le cheval fou de la vie.
J’étais
une torture subie,
un indomptable sentiment
de culpabilité et d’espérance,
un alibi rédigé en quatre copies,
un dossier envoyé par la poste
aux parents, aux joues ridées
aux cheveux blancs et gris
aux persiennes cassées
au sommet du lierre.
J’étais
un dessin
aux couleurs effacées
un baiser sans lèvres
une langue renfermée
sous un amas de pierre.
Je suis
les yeux dans l’étang,
la terre coagulant
le sang et la salive
d’une mort bénéfique
qui raidit la mémoire.
Je suis
l’élégie du nécrologe fleuri,
la longue attente de l’amour
enfin explosé
à l’orée de beaux jours
révélateurs de contrariétés.
Je suis
un corps ressuscité
au milieu des décombres,
l’estomac oubliant ses blessures
ses effrayantes douleurs,
les bras s’étirant à mort
pour atteindre ton ombre
lumineuse.
Je suis
le regard imperturbable
devant les dessins
que la destinée trace
sur mon horizon de mouches :
d’abord le brouillard
ensuite le ciel gris
enfin le bleu de la nuit.
Je suis
une aube endolorie
et pourtant sereine
flanquant des coups de pied
de joie et de peine
contre les feuilles mouillées.
Je suis
le rêve mort
qu’à nouveau s’égosille
à chanter sans répit
la litanie de nos corps
de nos pas, de nos ombres,
le drap frais hébergeant
encore une fois la joie indicible
d’être au creux de tes mains
ce que j’étais
ce que je suis.
Giovanni Merloni
Cette poésie est protégée par le ©Copyright, tout comme les autres documents (textes et images) publiés sur ce blog.
Beau poème que je lis à l’instant où résonnent les sirènes du premier mercredi du mois : « tous aux abris ! » et toi dans la lumière… 🙂
Magnifique!
la poésie, son rythme, son chemin;
les illustrations, le dessin maintenant, où l’on reconnaît les contours et les formes des peintures précédentes;
le message, tourné vers une nouvelle lumière.
Merci.
Diamila