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Mes chers lecteurs, je suis vraiment heureux de partager avec vous cette très stimulante expérience des « Vases communicants », à laquelle je participe, ce vendredi 3 mai 2013, pour la quatrième fois. Cela est aussi un grand plaisir pour moi, parce j’ai une nouvelle occasion d’échanger avec Anna Jouy. Je suis avec intérêt et admiration le_journal_poétique_jeté_sur_l’aube, son blog très suivi, qu’elle fait vivre avec enthousiasme et continuité.
J’aime ses textes qui flottent au fil de l’eau d’une piscine idéale et réelle à la fois, qu’un corps blanc de femme agite vivement. Ses paroles qui voltigent au-delà de cette surface d’eau, dans l’air liminaire où la bouche essoufflée de la femme s’imagine ou se devine. Ses textes où le délire se marie toujours au bercement consolateur, où les fragments se détachent avec leur beauté évidente sans nécessairement rechercher la fusion avec d’autres fragments, très beaux eux aussi. Ses textes qui font un fleuve doté d’une conscience héroïque.
En quoi consiste le projet de « Vases Communicants », lancé par Le tiers livre (François Bon) et Scriptopolis (Jérôme Denis) ? Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. La liste complète des participants est établie grâce à Brigitte_Célérier, une autre blogueuse.
Dans l’esprit des « Vases », Anna nous a proposé d’écrire « …un texte, un bout de texte, quelque chose que nous avons écrit et qui résonne en nous comme une sorte de preuve que nous faisons bien d’écrire, qui serait pour nous la démonstration de notre obstination et notre durée peut-être… cadeau au fond à l’autre de sa propre démarche d’aller vers, de rentrer en communication, de notre volonté fondamentale de faire circuler la parole et de donner au monde une voix nous aussi. »
Dans cet esprit, chacun de nous a fouillé dans ses manuscrits pour y trouver, sinon une perle, une trace évidente de notre intention primordiale, de notre penchant pour l’écriture même dans des phases reculées ou coincées de notre existence.
Mon billet d’aujourd’hui (« Retiens la nuit, acte I, scène I »), est publié donc sur le_journal_poétique_jeté_sur_l’aube.
Vous pouvez trouver ci-dessous le texte d’Anna Jouy : « Travaux divers », qu’elle propose avec ces simples mots :
« Écrire fait partie de ces tâches qu’il m’est indispensable d’accomplir. Je ne comprends pas pourquoi ça a tellement d’importance et je ne vais quand même jamais le savoir.
« Pour communiquer ai-je pensé un temps, mais dès le lendemain, il m’a semblé que ce n’était pas exactement ça non plus. La question reste suspendue sur ma tête comme un grand mobile, et moi dans le berceau.
« J’ai retrouvé, Giovanni, ces mots dans mes archives, puisque nous voulions toi et moi fouiller un peu dans nos malles pour nous rappeler combien nous tenions depuis longtemps à ce geste et qu’il est là toujours, pareil, plus fort, plus buriné peut-être, mais là. En les relisant, je me suis simplement dit que c’était à peu près ça, mon écriture… »
Jean Tinguely. / Grand’Place/ Fribourg/ photo annaj
Anna Jouy : travaux divers
je verse un petit tas de mots, une coulée d’intense. poésie à l’éponge. j’ai un lavis sous les paupières et les mains ivres. cela fait un rendu fragile, suspendu entre le ciel et l’eau dans lequel se paument des mouches ou des poussières. je verse j’arrose la pousse au cœur des murs. il faut le faire avec méthode, ni trop ni trop peu et chuchoter ensuite un cantique au centre des pistils. attendre que gonflent ensuite ces bois drus de toute cette pisse d’or. à quoi sert-il d’être de l’averse?
j’ai déjà les mains toutes sales d’encre à peine ai-je touché la nuit. mon rêve est au cambouis de toi. j’ai décillé le noir pendant des heures, fallait écarquiller des pans d’obscur, l’équarrissage des corbeaux quoi! je n’ai jamais eu le goût de la chasse, même celle des mauvaises pensées. on a menotté ma sagaie dans le dos.je reviens d’avoir trempé mes taches dans un petit courant d’air. il fait cru ce matin partout.et je porte à mon visage l’étang d’un frimas.
oh! revenir indemne un jour de petite mort…
alors prendre un petit crédit dans le brouillard pour des apparitions, quelques pensées plus claires, un regain de lumières
je râtelle, je carde l’étoupe irrespirable et puis je m’égoutte.
xylophone charnel
j’ai des sonorités de fer blanc probablement ai-je été boîte de conserve dans une autre vie. m’a-t-on mis dans le mobile éclectique parmi des tuyaux, des pelles à air et des écumoires?
Tinguely m’aimait, j’étais son résidu sonore et comme un grincement de sauterelle quand il me soufflait dessus-
prendre un crédit et m’acquitter de l’ombre, du silence, des velcros tristes
sans doute
il y a de la déchirure et des craquements à se délier mais cueillir du vent est un beau projet de vie.
Anna Jouy