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H sur fontainebleau 480

Io Ho abitato a Roma — J’ai Habité à Rome
Tu Hai una invidiabile abilità manuale — Tu as des enviables Habiletés manuelles
Egli Ha  un certo senso della gerarchia — Il a un certain sens de la Hiérarchie
Horizon
Himalaya
Homère
Horace
Henri IV
Hugo
Hollywood
Hidalgo
Homme
Humanité…

Hélas ! Depuis ce dernier mot, Humanité, je ne réussis plus à avancer… Est-il possible qu’un alphabet puisse gâter l’Humeur ?
Pardonnez-moi, oui ! Même un alphabet renversé peut déclencher un renversement, plus ou moins sensible et grave. D’abord, le choix d’une telle contrainte n’a pas les mêmes conséquences que celui de la rime ou du mètre réglant le flux des vers. Cela ressemble plutôt au choix d’un titre pour un texte quelconque, décidé bien avant d’exploiter le thème évoqué. Parfois, on se borne à formuler des titres splendides, comme il arrivait à Charles Baudelaire, sans jamais trouver le juste élan ou le juste esprit pour les remplir d’images et d’événements également beaux : « Et à quoi bon exécuter des projets, puisque le projet est en lui même une jouissance suffisante ? » (cf. Giovanni Macchia  sur Beaudelaire, dans « Ja suis un esprit à projets« , page 1252 Ritratti, personaggi, Fantasmi, I Meridiani, Mondadori, 1997). Le titre original ou farfelu nous attend au passage, menaçant et terrible, comme cette idée de l’alphabet…
Ensuite, petit à petit, tandis que l’été se brûle et l’automne s’installe, cet alphabet, qui avait tant Héroïquement démarré, s’effiloche comme Les feuilles mortes de Juliette Gréco. Et la contrainte devient diabolique. En principe, on pourrait s’adonner, en toute liberté, à chaque fois, aux suggestions momentanées de la fantaisie et de la mémoire. En réalité, dans cette opportunité alphabétique librement assumée, il peut y avoir une sorte d’inexorabilité.
 Car, en fin de compte, cette idée de l’alphabet renversé — et inconscient — peut se révéler bel et bien comme un escamotage aidant son inventeur à être acquitté ou blanchi par le tribunal du web.
Un tribunal hypothétique, dirait quelqu’un, moins redoutable que celui dont parle Kafka dans Le Procès. Pourtant j’en perçois parfois les échos, comme des chuchotements presque imperceptibles qui frôlent l’écran de mon ordinateur ou voltigent perplexes au-dessus de la corbeille virtuelle. Difficiles à atteindre, comme des ombres ayant des silhouettes quasiment humaines. Ce n’est que mon ombre à moi, diriez vous, que le réflexe de ma voix. En fait c’est justement ma propre voix qui me dérange.
Je pourrais m’écarter de tout cela, me dérober avec un simple déclic, comme j’avais déjà fait, il y a longtemps, en éteignant la télévision. Je pourrais me refuser de continuer à me soumettre au flux inexorable de paroles et d’images dures à maîtriser, s’accumulant l’une sur l’autre comme autant de cadavres ou de gestes intimes ou de rires souvent vulgaires. Mais…
J’arrête ici.
Je ne suis pas le seul à vivre ce défi avec le web, cette inquiétante contiguïté avec les innombrables voix du monde, dans une alternance de confiance et de peur, de délire enthousiaste et de sombre pessimisme.
Donc, je m’arrête à la mauvaise Humeur d’aujourd’hui, à l’état Hargneux dans lequel je frôle pourtant l’envie de me cloîtrer dans un Huis clos, bordé de Haies sombres.
J’arrête parce que je n’aime pas trop me vautrer dans le refus, dans les sentiments contradictoires de l’Honneur perdu ou raté ni surtout de la Honte.
 Honte de quoi, d’ailleurs ? Mon fils Paolo émerveilla un jour tout le monde en nous reprochant de glisser facilement dans un sentiment de culpabilité qui n’était pas catholique ni dicté par une autre religion quelconque. Un sentiment que seulement une religion excessivement rigide ou une fausse superstition aurait dû nous inculquer.
Je suis d’accord, mais au fond, je crois que la religion, dans ses formes extrêmes ou hypocrites d’intolérance et de nivèlement des consciences, ne fait que profiter des maux profonds, ancestraux, qui se déclenchent spontanément depuis toujours entre tout Homme et tout regroupement Humain.
Le réflexe le plus immédiat est celui de fuir (suivant la pulsion même de fuir, comme dirait Guillaume Vissac). 
Sinon on part à l’attaque, Héroïquement, suivant une pulsion opposée, presque amoureuse, celle du combat sans répit, jusqu’à la mort :
Dulce et decorum est pro patria mori
« Il est doux et glorieux de mourir pour sa patrie » (Horace)

002_cavaliere nel fiume Iphoto NB 180 L’Adieu aux Rois de Valère Staraselski

En 1794, lorsqu’on sortit de son tombeau le cadavre d’Henri IV, presque 184 années s’étaient écoulées depuis sa mort violente. Ce fut une page sombre de l’Histoire française et de la Révolution aussi, ce lynchage des corps des Rois morts auquel nombre de Français participèrent avec tous leurs sentiments.
Maintenant, je suis en train de lire L’adieu aux Rois, ce passionnant roman de Valère Staraselski qui — tout en décrivant le lieu, l’incontournable basilique de Saint-Denis, juste en dehors des portes de Paris et les menues circonstances de cette honteuse tuerie des morts — reconstruit fidèlement les derniers six mois de vie de Maximilien Robespierre. Celui-ci fut un personnage unique et sans doute un point d’ancrage primordial pour les chefs de la Révolution.
Comme l’auteur a illustré dans la présentation du livre au café de la Mairie de Saint-Sulpice le dernier 10 septembre, il n’y a pas de rue Robespierre à Paris. Ce pilier de l’Histoire de la France ayant eu de millions d’admirateurs partout dans le monde fut considéré après sa mort comme le principal responsable de la Terreur. Mais, de l’analyse fouillée de tous les documents disponibles, quiconque peut vérifier que Robespierre n’avait jamais partagé l’idée de la Révolution permanente ni surtout l’utilisation de la guillotine pour régler les rapports de force dans le Comité de salut publique.

valère s 180.Quant à moi, je partage absolument deux choses que Staraselski a déclaré ce mardi soir : la première, très importante aujourd’hui, selon laquelle les partis de la gauche ne devraient pas passer à côté des valeurs fondantes de la nation Française. Sans négliger l’importance de l’ouverture européenne et de la possibilité, un jour, d’un monde sans frontières, il ne faut pas oublier l’identité d’une nation, sa spécificité, sa civilisation. En défendant sa propre culture, on rend un service meilleur à la collectivité internationale. La seconde chose est très simple et originale en même temps : dans une société qui connait de moins en moins son Histoire, il fait travailler pour la faire comprendre et partager telle une donnée indispensable du présent. Valère Staraselski, auteur d’importantes études sur Louis Aragon, soutient qu’on peut raconter l’Histoire dans un roman aussi bien et même mieux que dans un essai classique. Je pense tout de suite aux Misérables et à Quatre-vingt-treize et n’hésite pas à lui donner raison.
Ayant appris que Robespierre avait fort condamné cet assaut sauvage aux tombeaux des rois, je me permets d’extraire de l’Humus de ce livre — parfaitement calé dans l’esprit et dans la langue de ce temps évoqué — la description de l’ouverture du premier cercueil royal, celui d’Henri IV :

adieu aux rois 180

« Tout d’abord, on a commencé par tirer le bon roi Henri IV, mort le 14 mai 1610 à l’âge de 57 ans, ainsi que l’annonçait la plaque de cuivre sur son cercueil. La première enveloppe de chêne a été fracassée avec un ciseau et un marteau. L’étrange bruit mat que cela faisait ne m’a pas quitté et résonne dans mon crâne. Le bois écorché, déchiré, éventré… Tout cela a paru aller très vite. On voyait bien à leur mine que le cœur des uns et des autres battait la breloque.
Chacun à sa manière, vivait avec intensité ce moment, empli d’un reste de respect sacré et se demandant forcément en même temps quels avaient été les ravages de la mort pendant les deux siècles qui venaient de s’écouler.
Un des ouvriers, il avait le bras presque nu, a osé. Il a avancé la main et soulevé avec précaution le suaire blanc encore intact. Et le corps du roi est apparu, étonnamment conservé, avec sa barbe presque blanche, les traits de son visage à peine altérés, parfaitement reconnaissable. Il semblait dormir et devoir s’éveiller d’un moment à l’autre. Pour ma part, j’ai cru que mon cœur, à force de cogner, allait éclater. Mon sang s’était glacé. Autour de moi, le trouble, le malaise étaient palpables. Il était impossible de détacher son regard de la figure du roi. »
Valère Staraselski, L’adieu aux rois, Paris, janvier 1794, pages 100-101. Le Cherche midi, roman, 2013

ardoises 180 NB

Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 22 septembre 2013

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