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Giovanni Merloni, Tityre à chapeau sous l’arbre tutélaire
Ma famille est un archipel (1978)
Ma famille est un archipel.
Mon père s’appelait Jaufré,
sa femme arborait des yeux noirs,
tristes et gais. Sa maison, bien
riante, se comblait d’amitié.
Parmi les pierres d’en dehors
le soleil s’endormait
laissant libre le vent
de valser longuement
avec l’herbe.
Jaufré, mon grand-père,
était frêle et bon, toujours
prêt à jeter les mots avec
fougue. Sur les trains
de l’exil, il avait brisé
les lacs et les bois
de tristes filles brunes.
Adversaire à jamais des patrons,
il arborait une mine sévère,
attentive. Entre les lunettes
et le chapeau mou, la mer
imperceptiblement soufflait.
Légendaire, son île de cyprès
accueillait au couchant
près d’un sombre embarcadère
les barques silencieuses
d’hommes tristes
enveloppés dans leurs écharpes.
Ce fut toujours
ce même destin de fuir,
poursuivant
l’obsession de la vie
et son centre.
Avec ce penchant
pour les rêves de paix
et d’îles immobiles
se forgea le destin
de nous tous,
dans notre famille.
Même le petit enfant
filant en strapontin
dans son voyage de naissance
entre Rome et Turin
Il s’appellera Jaufré.
Déjà je lui adresse
une gauche ritournelle
essayant de lui cacher
mon esprit perturbé.
Tu vivras seul sur terre.
dans une île de pierres
écaillées de sel
t’arrangeant mal au vent,
au soleil obstiné
aux ombres du passé.
Heureusement
tu connaîtras bien la peur,
confusément
tu aimeras bien de femmes.
D’abord, tu deviendras
l’ombre de ta mère.
Tu la poursuivras partout
cette sorcière bronzée
aux jambes sèches
(ta première porte
vers le matin).
Ensuite, mon petit ruban d’air
(qui n’existes pas vraiment)
au bout d’un instant
ton ile se couvrira de barbe
rousse. Abrupt et piquant
comme un petit géant
tu seras nu, farouche
intolérant.
Très vite, la mer
se changera en étang
noir de boue. Autour de toi
une enceinte de visages
t’examinera.
(La plupart des gamins
mon cher Jaufré
apprennent vite la règle
du jeu.
Ce n’est pas, à dire vrai
une loi si terrible).
Mais, toi, nouveau né
pas encore né
(je le sais déjà)
tu t’en iras. Sans argent
et sans larmes
au milieu d’un vacarme
qui bientôt t’oubliera.
Tu auras même la force
d’avancer nonchalant,
cachant le petit sourire
d’être sûr, jusqu’au bout
que tu ne seras jamais
mesquin ni prêt à tout.
Finalement, la belle Hodierne
un jour d’été
te fera trébucher
dans sa tresse blonde
à la taille moderne.
Entouré des soupirs
d’énormes coquillages
heureux et confus, ô Jaufré
(en lui promettant un anneau
doré)
tu retiendras la nuit
et tes mains plongeront
comme de molles racines
au-dessous de sa jupe légère,
au milieu de ses cuisses
humides.
Et pourtant, effrayé
par le sombre souvenir
de ton ancestral destin
(arrivant au rendez-vous
dans cet instant précis)
tu reculeras sans préavis
loin de cet amour de loin
envisageant dans cette bûche
(capable de brûler ses jambes
et ta main)
le bruit sombre d’un foyer
éventé par la main égale
(fermée à clé)
d’une Vestale.
Je devine enfin le propre
de ta peur,
la raison que tu hérites
te rendant fugitif
pourtant prêt
à t’exiler en vain
dans des nouvels enclos
de plus en plus lointains.
Giovanni Merloni, Tityre à chapeau sous l’arbre tutélaire (publié déjà dans les vases communicants d’octobre 2013 – avec Danielle Carlès)
Mon destin à moi,
c’est l’attente d’un nom
différent
Et pourtant mon train train
m’emmènera toujours
à fuir loin de moi-même
en cherchant l’âme sœur
(et le véritable amour )
n’importe où.
Giovanni Merloni
De « Il treno della mente » (« Le train de l’esprit »), Edizioni dell’Oleandro, Rome, 2000 2000 — ISBN 88-86600-77-1
1960-1962 avant l’amour 1960-1965 ambra 1966-1971 nuvola 1972-1974 stella 1975-1976 ossidiana 1977-1991 luna 1992-2005 roma2006-2013 paris
écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 1 janvier 2014
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je triple l’étoile
C’est un Brownie Kodak que tu portes ?
En réalité c’est une banale Ferrania à feu fixe pour des photos 4×4 cm. Mais, à ce temps là, j’en étais très orgueilleux.