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Je me suis aligné (1975)

1.
Je me suis aligné
sur des hommes combattifs
pour travailler avec eux,
pour construire ensemble
des alternatives
dans le cycle infini,
dans le conflit pérenne
des choses :

il n’y a pas de travail
sans une lutte acharnée
sans qu’on ne s’arrête
à réfléchir ;

il n’y a pas de véritable liberté
sans qu’elle ne devienne
le patrimoine de tous ;

il n’y a pas de civilisation
ni de culture,
sans une société toujours éveillée.

2.
Je me suis aligné
sur ceux qui croient
dans les hommes
dans les idées.

Je me suis aligné
contre l’ignorance
contre l’arrogance
du pouvoir.

Je me refuse
de me déclarer organique
à une révolution sans les hommes
à un arrangement harmonique
fictif ou libéral
des contradictions.

Je me refuse de parler
juste pour désacraliser
juste pour scandaliser.

Je refuse de me créer une île
pour y être oublié
et assiégé.

3.
Je ne suis pas à l’aise
avec les avant-gardes
provinciales, livresques,
groupusculaires.

J’en écoute pourtant les voix
essayant de courir à rebours
contre les rapides
d’une ruineuse chute de tension
d’un nivèlement médiocre
des comportements.

Je renonce à marcher
en contre-courant
parmi les désespérés
d’une élite sentimentale
filant sur un radeau bien étroit,
volontaire, sans culottes,
me réjouissant d’une voile
anarchiste, désinhibée
(dont se passent très bien
tous ceux qui produisent
tous ceux qui exploitent).

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4.
À la veille de la bataille,
les camarades scrutent le marais.
Le silence est bruyant
parce qu’on est encore
trop peu de monde
l’ayant compris :

LA RÉVOLUTION
N’APPARTIENT PAS
ENCORE
AUX MASSES

Avec nos maisons brûlées
(pour démêler les gaucheries
d’une philosophie précaire),
notre sacrifice serait
une exécution sommaire
dont la télévision ne parlerait jamais.

(On dira que c’est à cause
de l’interruption d’un service
d’une calamité naturelle
d’un manque de réseau
cellulaire)

Personne ne parlera
de celui qui travaille en souffrant
en se blessant les mains
en s’épuisant dans le vin
dans l’incapacité d’aimer
de comprendre les autres
de rayer sa propre
écorce somnolente
ou de faire levier
sur les petits rites de la vie
pour de nouvelles conquêtes
pour de nouvelles forces
pour de nouvelles luttes.

5.
Dans nos débats
combien de fois
nous nous découvrons
inaptes à deviner
une vérité commune ?
incapables d’étudier
ni d’écrire ou de lire
ensemble ?

Nous débarquons alors
sur de vieilles philosophies
ou d’histoires des prophètes,
sur des personnages charismatiques
sur des pèlerinages.

Nous nous arrêtons au vague
d’amitiés méfiantes,
tandis que notre doigt violet
enfoncé dans la digue
arrête juste un instant
la mécanique inéluctable
de l’amour entre les fourmis,
de la guerre entre les fourmis,
du travail riche d’inventions
(mais dépourvu de science)
des fourmis, de la fantaisie
grande comme une fourmilière
des fourmis.

Giovanni Merloni

TEXTE ORIGINAL EN ITALIEN

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