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« Nous avons déjà connu l’auteur Nadine Amiel, comme romancière, comme plasticienne, voilà qu’elle nous livre aujourd’hui un aspect plus intime de sa personnalité, « la poésie » confidence princière dans le silence de la nuit. » Michel Bénard, lauréat de l’Académie française ainsi que vice-président de la Société des poètes français, poète et peintre, avait introduit par ces mots affectueux le recueil de poèmes Un amour, un cri de Nadine Amiel, dont j’ai extrait aujourd’hui quelques vers assez représentatifs.
Tout en essayant de ne pas me faire influencer par la sympathie de Nadine et aussi par l’allure apparemment insouciante de ses vers — comme si les mots n’eussent pas le pouvoir d’arriver au cœur des joies et des douleurs de la vie ; comme si en définitive les mots mêmes devaient assumer juste une fonction de trait d’union ou d’accompagnateur dans le voyage vers la vérité — je me suis pourtant aperçu que des fleuves de chagrin et de douleur inexprimable coulent au-dessus de cette surface joyeuse.
Heureusement, la vie n’est pas que douleur. Elle vient nous secourir avec des fantômes souriants ou des anges gardiens qui nous aident à trouver une consolation dans les souvenirs des jours heureux…
Cette recherche de « complices bienveillants » se trouve aussi bien dans les poésies que dans les tableaux de Nadine Amiel, qui apparemment avance à la recherche d’un apaisement intérieur auquel a priori elle ne s’autoriserait pas. Elle a tellement souffert qu’elle semble demander la permission avant de savourer même une miette de bonheur. C’est en raison de cet esprit primordial qu’elle partage sans transition les maux qui touchent aux peuples affligés par la détresse, la violence et les guerres. « Ce cheminement plus intime », écrit justement Michel Bénard, « nous met en présence de deux mondes parallèles, celui où l’amour obtient le dernier mot dans une sorte d’évanescence parfumée et celui d’un constat plus sombre qui mettrait en évidence l’agressivité des peuples qui par leurs croyances mèneraient le monde à annihiler tout espoir de paix. Mais si au-delà de la parole, sorte de chrysalide fragile, naissait l’éclosion d’un espoir tel un miracle possible ! et si par le verbe se manifestait la renaissance ?! ».
En parcourant les vers légers et poignants de Nadine, on découvre qu’à côté de la nostalgie d’un passé familial et amical révolu où trône la figure primordiale de Huguette, sa sœur chérie, s’impose la nostalgie de l’amour dans le plein sens du terme ou, pour mieux dire, la revendication des souvenirs secrets qui restent collés de façon ineffaçable dans le fond de son cœur.
Voilà que l’art plastique et la poésie donnent enfin à Nadine l’outil indispensable pour s’exprimer et se libérer en même temps : « Par ce modeste recueil : Un amour, un cri », conclut Michel Bénard, « l’auteur traduit par la poésie ce que sécrètent son âme et son cœur . »
Je suis très heureux de vous présenter, juste le jour de Pâques, cette artiste et poète dont j’aime la force de vaincre son naturel retrait, ainsi que le poids lourd de la vie quotidienne. Par des gestes joyeux qui savent briser les rideaux de l’humaine indifférence.
Giovanni Merloni
Rire, danser, aimer sur de vieilles ritournelles
avec Nadine Amiel (1)
(« Un amour, un cri », Editions les Poètes Français 2013)
Vous êtes parti en mer mon amour
Pour un voyage au long cours
J’attends déjà votre retour
Je pense à vous tous les jours
Nostalgique je marche à travers champs
Je suis à l’écoute des oiseaux et du vent
Votre image me hante à chaque pas
Votre voix raisonne mais je ne l’entends pas
Sur mon épaule un oiseau ce matin s’est posé
Il m’a parlé de vous avec un air osé
J’ai reconnu là vos propos aimants
Que vous m’offrez si souvent
Ce que j’aime en vous, vous le dirai-je un jour ?
Peut-être quand vous serez de retour
Ce moment hélas est encore loin
L’océan vous y retient à pieds joints
Je vous aime et mon âme inquiète
Rend mes nuits solitaires et muettes
Je rêve du jour où nous serions heureux
Tel est le plus doux de mes vœux
Il fait nuit. Nous descendons sur la plage
Sous la voûte céleste planent de sombres nuages
Plongés dans nos obscures pensées
Pensifs sur l’horizon nos yeux sont rivés
Au loin se détache un somptueux éclair blanc
Une silhouette gracile avance vers nous à pas lents
Son voile léger vole et danse dans le vent
Ses frêles épaules dénudées des perles à son décolleté
Elle s’est assise pieds nus sur le sable mouillé
Et nous dit : Je suis la marchande de rêves…
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Où est le temps où nous étions enfants
Où est ce temps où nous étions heureux
Toi, ma presque jumelle
Toi ma grande de si peu
Te souviens-tu de ces jours heureux
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Il m’arrive de penser à cette île merveilleuse
À ces contes et ces histoires fabuleuses
Que nous contaient nos livres d’enfants
C’était un réel enchantement !
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À l’abri des intrus et des princes abusifs
Nous voguions joyeux dans ce monde fugitif.
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Elle a disparu notre île. Elle se cache quelque part
Elle nous apparaît dans une sorte de brouillard
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Je t’entraînerais vers notre refuge enfoui dans les bois
Nous répèterions notre serment de bon aloi
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Tu verras comme la vie sera belle
Contre moi tu te blottiras la rebelle
Nous chanterions nos amours d’enfants
En nous souvenant de nos rêves charmants
Que faisiez-vous Mademoiselle
Au temps où vous étiez enfant
Jouiez vous à la poupée où à la marelle
Avez votre amie Isabelle
Lisiez vous des contes marrants
Qui mettent en boîte les méchants ?
Dessiniez vous des fleurs au printemps
Comme les enfants de votre âge souvent ?
Du rouge à lèvres en mettiez vous
Et des rubans à vos cheveux roux ?
Vous grimiez vous comme votre maman
Pour ressembler au princesses d’antan ?
À présent vous dansez au son de l’accordéon
Le 14 Juillet place de l’Odéon
Accompagnées de vos princes charmants ?
Que de beaux rêves en attendant !
Qui es-tu, femme de l’Univers ?
Toi qui fascines les hommes
Qui les séduis et les étonnes
Toi qui inspires les poètes
Ces âmes sensibles et secrètes
Nous diras-tu, femme, ton mystère ?
On dit que je suis mystérieuse
On dit aussi que je suis rieuse
Que je rends jaloux les hommes
Que je trouble leur somme
On me dit perverse aimant la vie.
Et parfois on me maudit
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Depuis tous les soirs il lui joue des aubades
Elle, assise au piano, lui répond par des ballades
Leurs cœurs battent à l’unisson. Ils se quittent au petit jour
Quand nous reverrons nous mon troubadour ?
J’attendrai que vous soyez grande ma princesse
Soyez patiente je vous couvrirai alors de caresses
Je vous surprendrai au haut de votre tour
Et vous aimerez tout au long de mes jours.
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Souviens toi nous nous étions aimés
À la campagne un beau matin d’été
Tu m’invitas au manège le soleil était présent
Je m’en souviens encore souvent
Moi timide, toi osant, le lendemain
L’air confiant tu me pris par la main
Vers un tunnel obscure dont j’ignorais l’issu
On dévala les méandres d’une montagne bossue
Après ce slalom saisie par l’ivresse je fus transie
J’eus même un vertige et toi tu as souri
De l’ombre à la lumière mes mains sur mes yeux
Me sentant piégée je t’en voulus un peu
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C’était un soir de la St Valentin
Il m’emmena loin de chez moi
Dans une guinguette de son choix
On se connaissait à peine…
Il m’avait dit que j’étais belle
Que le souvenir serait éternel
C’était… Un soir de la St Valentin
C’est si loin… je m’en souviens à peine
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Nos rêves à peine ébauchés, nous devions nous quitter
Dans le ciel les prémices de l’automne s’annonçaient
Un doux baiser sur la joue, main dans la main, souriants
Nous repartions le cœur plein de cet amour naissant…
Tu es ronde et tu tournes
Depuis la nuit des temps tu tournes
Est-ce là ta seule mission ?
Tu ne t’arrêtes à aucune borne
Ton parcours est immuable et morne
Imperturbable tu tournes !
Tes tremblements, tes orages, ta foudre
Nous paniquent et nous tuent
Toi, terre notre mère
Toi, qu’on dit hospitalière
Peux-tu être insensible à la laideur ?
Pourquoi ces guerres, ces morts, ces leurres ?
Que de rêves au bout de mes doigts
Je regarde, plein d’images au fond de moi,
Mes pinceaux qui sont posés là
Ils m’attendent tels de petits soldats…
Sur le chevalet la toile s’achemine
Mes pinceaux de joie s’illuminent
Ils caressent la toile qui fleurit
Ils sont depuis longtemps mes amis
Ma main les suit, j’apprécie leur magie
Que d’instants sublimes quand tout est réunit
Quand l’esquisse devient lumière et nous sourit
Je pose mes pinceaux la toile est finie !
Nadine Amiel
(1) Cette phrase de Michel Bénard a été empruntée pour le titre de l’article.
écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 19 avril 2014
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