001_scudiero NB 180 Le petit écuyer (1962)

​La belle Angélique toucha d’un doigt son sein, qu’elle perçut dur comme un fruit doux-amer. ​« Ce cœur-ci appartiendra au beau chevalier aux cheveux d’or », se disait-elle, essayant d’imaginer tout le luxe, la beauté et le bonheur qu’il pouvait y avoir dans le monde. ​Elle était en train de penser et repenser à son chevalier doré, quand le petit écuyer passa par là : — ô belle Angélique, lui dit-il, tu ne dois pas penser trop ! À force de penser, tu auras quatre-vingts ans, et tu resteras vieille fille ! Angélique n’avait pas l’air de l’écouter. Tout en caressant doucement ses tresses blondes, elle lui dit : — va-t’en, drôle d’écuyer, tu es trop laid pour mériter mon amour. — Ô belle Angélique, lui dit plusieurs jours depuis une étrange voix. Viens avec moi au château ! — Monsieur, avant, je dois vous voir ! On était au milieu de la nuit. Dans l’obscurité, on distinguait juste une épée et un panache couleur de pervenche. ​Le lendemain, la même voix retourna, au milieu d’une tempête qui obscurcissait le ciel. Angélique était en train d’examiner son corps jeune et frais dans la grande glace. ​— Angélique, belle Angélique, si tu viens avec moi, je te rendrai heureuse ! — Mais avant je veux te voir. (…….)​ — Ne vois-tu pas que je suis là, avec toi, dans ta grande glace ! — Mais, cet homme… là-dedans, il me regarde d’un air sévère. — N’aie pas peur, son cœur est sincère ! La belle Angélique partit, une fleur dans le sein qui lui battait fort. « Qui était-ce cet homme-là ? L’avais-je déjà vu ? Et celui-ci, qui court tout collé au museau du cheval, qui est-il ? » ​Ils furent au-dehors du Royaume, et loin, beaucoup plus loin. ​Jusqu’au moment où le cheval, épuisé, s’arrêta. En soufflant bruyamment, l’animal grattait le terrain avec ses sabots, tandis qu’Angélique dormait, plongée  dans un sourire délicieux. ​— J’ai vaincu la grande bataille pour toi, dit la voix du chevalier. Le roi m’a récompensé avec ce tableau et ce château. Celui-ci est un peu petit, mais nous deux ensemble, nous y serons bien… ​Dans le tableau, Angélique reconnut l’homme de la glace, qui ne cessait d’afficher une expression hautaine, la même que le fils cadet du Roi. Quand le tableau lui glissa des mains, elle vit d’un coup devant elle le regard humble et loyal du petit écuyer sans charme. Elle lui tendit sa main ainsi qu’un joli sourire. Oui, il avait un visage un peu terne… Celui-ci s’allumait pourtant chaque fois que son naturel de fille amoureuse faisait briller en lui un regard sincère. Après cette découverte, elle fut certaine que dorénavant il n’y aurait que le petit écuyer dans son coeur. Les yeux dans les yeux, courbés mollement dans le clair de lune, les deux époux se dirent l’un l’autre qu’autant d’amour n’aurait existé nulle part dans l’immensité du monde.

Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 12 juin 2014 CE BLOG EST SOUS LICENCE CREATIVE COMMONS Ce(tte) œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 3.0 non transposé.