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Paris, Saint-Laurent
Les deux lunes
J’ai longuement médité
à califourchon sur mon mur
tandis que toi,
lune de papier,
tu te balançais, transparente,
au-delà des poteaux gris
dans l’harmonie des étoiles.
Je me suis fabriqué une cabane
sans ciment sans ombre,
j’en ai parcouru le long couloir
sans me dérober au regard sombre
que tu répandais sur le soir.
Au-dessous du mur,
parmi les écorces d’oranges
les jeunes gens piétinent
ton reflet qui s’épanche,
lune transparente,
bleue, céleste, blanche
coincée au milieu
de deux maisons noires,
lune tout égarée
dans l’harmonie des étoiles.
Lucques, La tour Guinigi
Tandis que je traînais
à califourchon sur la nuit,
une seconde silhouette
s’est dessinée dans le ciel
— l’autre —
floue, blonde, heureuse,
prête à enlever le mur
de briques, de cendres
et de lierres
depuis longtemps tombé
sur mes paupières closes
alors que toi, apeurée
par cet écroulement,
lune des rêves nocturnes,
tu as disparu d’emblée
en t’éclipsant, crispée
dans l’harmonie des étoiles.
L’autre est ici, sur mon épaule
à califourchon sur mes jambes
larmoyant comme un saule,
se jurant ennemie
de nos ombres chinoises
collées au restes de plâtre
de ciment et d’ennui.
Je ne vois plus, ô lune,
ta plume transparente !
Sans tes mains de velours
et ta mine intransigeante
comment se forgera-t-elle
ma lâche vie mortelle ?
N’étais-tu pas ravie
de ton éternel commerce
d’allumer notre miroir
au milieu des toits noirs
dans l’harmonie des étoiles ?
Giovanni Merloni
Merci à Noëlle Rollet, qui a participé avec discrétion et générosité au travail de révision de ce texte.
Cette poésie est protégée par le ©Copyright, tout comme toutes les autres poésies publiées sur ce blog.
L’histoire de ce superbe tableau est formidable.
Et cette poésie résonne si bien.
Un grand merci, Jocelyne, ce tableau avait marqué un passage important pour moi, soit dans la forme que dans le sujet qui s’y installe. Merci du cœur aussi pour vos autres commentaires que j’ai toujours aimés !
Cher Giovanni,
Quelle entrée en matière, et qui me touche tout comme l’avait fait la confiance que tu m’as accordée en me « livrant » dont ton poème. Ne te sens pas en dette, s’il te plaît, c’est bien plutôt l’inverse. Et puis vraiment, me comparer à la Banque européenne… veux-tu me vexer ?
Mais provocation, oh que non, et exemple, je n’oserais pas. Espièglerie tout au plus, un peu effrontée vis-à-vis de l’auteur, et menée le cœur d’autant plus léger que nos « façons » sont trop différentes pour que j’aie craint un instant que tu ne saches trier le bon grain de l’ivraie.
Mais si tu veux un peu de provocation, en voici : tu l’as bien cherché, à me choisir un poème si bien fait pour plaire que je ne puisse résister à la tentation de m’y glisser en clandestine.
Alors un grand merci pour la joie que tu m’as offerte dans ton atelier !
Un si beau commentaire me fait vraiment plaisir parce que j’y retrouve la vraie saveur de la vie, lorsque les rapports entre les êtres humains coulent comme l’eau d’une source, avec la même force et transparence !
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