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La ballade d’un pendu
Je monte
sur les planches de l’échafaud
au-dessus d’une foule énorme
dont on ne voit que les narines
et le blanc des yeux.
Puisque rien ne va dans le bon sens
même si je suis accusé et condamné
pour GRAPHOMANIE,
je suis libre d’emporter,
pour dernière volonté,
quelques feuilles et un stylo.
Le juge instructeur,
un type laconique,
ne connaît d’autre mot
que Silence !
mais, qui sait combien de livres
écrits par lui
secrètement, dans la nuit
se dérobent impunément
dans son ventre en étui.
Gens honnêtes, les jurés
ont tout lu
de mes contes farfelus :
je les ai entendus
rire par vagues forcenées
pendant le mois interminable
qu’ils ont passé
ces galants hommes
dans la chambre verrouillée.
« Quant à la loi… »
avait-on hurlé au moment du verdict
tandis que les autres jurés
« Ah ! Ah ! Ah ! »
ricanaient.
Elle fut longue et pénible
leur méfiante traversée
parmi les graphismes
de ma poésie blessée,
tandis qu’on confiait
mon esprit triste et voyeur
au salaud fossoyeur
de modeste envergure.
Le soleil est bien haut, maintenant.
Pour faire bref, je résume…
s’il me restait du temps,
je vous aurais conté
les propositions sinistres
du ministre
prétendant me condamner
à l’écriture sempiternelle
sur du papier toilette
juste avant qu’on le jette
dans la cuvette…
Je vous aurais relaté
cette haine sans honte
envers mes habitudes affreuses,
désinvoltes
et bien sûr dangereuses…
moi, être sociable
et même socialiste
équilibriste de renom
je deviens espion !
Et pourtant je retrouve,
ô merveille !
toutes réunies en cette veille
leurs sombres liaisons,
leur gueules vulgaires
(de fauteuil électrique)
que j’avais bien vu danser
devant moi
dans mon texte elliptique…
Je dois vous parler encore
du boycottage, de la corruption ! —
Mais… au secours !
On me ferme la bouche…
j’ai ENCORE UNE MAIN
pour écri…
Giovanni Merloni
(1) Un « tweet » de Noël Bernard à mon intention.
Merci à Noël Bernard, qui a partagé avec élégance et rigueur mon travail de révision de ce texte.
Cette poésie est protégée par le ©Copyright, tout comme toutes les autres poésies publiées sur ce blog.
La photo me renvoie à la poésie de Charles Trenet: « Que reste-t-il de nos amours. Que reste-t-il de ces beaux jours. Une photo, vieille photo de ma jeunesse. Que reste-t-il des billets doux. Des mois d’avril, des rendez-vous. Un souvenir qui me poursuit. Sans cesse ». Et votre poésie qui fait écho a l’actualité, après les censures politiques, économiques, est venu le temps malheureusement de la censure terroriste.
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