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Voilà ce qui nous a changés

Nous ne sommes pas seuls :
j’ai des échos
qui escortent ma voix,
tu as les mains occupées
et les poches profondes ;
moi j’arpente la nuit
tandis que toi tu profites du jour
des courses, des promenades 
et, si je poursuis les ombres,
tu respires la mer.

Voilà ce qui change toujours
si l’on vit dans deux tours
séparés :

on se marie au jour
on se fait câliner par la nuit
on se passionne à des histoires
qui flottent devant nous
où d’autres mines et silhouettes
jouent les héros que nous fûmes
les marionnettes que nous serons.

Voilà ce qui change
si je tombe de ta poche,
si tu pars dans le vent
sur un train bleu :
parmi de milliers de mains tendues
nous descendrons deux versants opposés
de la même montagne,
avant de nous effondrer ailleurs,
dans le puits de deux têtes
opiniâtres, de deux cœurs
vaincus, de deux langues
différentes.

Nous n’avons pas eu la chance
ni l’inconscience
d’aller jusqu’au bout
de nos tendres révérences
ressemblant à l’amour.

Nous vivons à présent
éloignés l’un de l’autre
dans nos coins, prisonniers
de ce que nous n’avons su dire
de ce que nous ne devions pas supporter
de ce que nous ne devions pas désirer.
Voilà ce qui nous a changés.

Giovanni Merloni