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Comme tout être vivant, Fabien Fagot était Fourni d’une Forme et d’une Figure propre. Poussé moins par la Faim que par son indomptable Fringale de tout Fouiller pour atteindre le Fond des choses il se Fêlait entre le besoin d’une Femme (et de Former sa propre Famille Fagot) et le désir de Franchir les Frontières de son esprit Fourvoyé (et du Fagot de son corps Fini) pour se Frayer une voie de Fuite dans le Firmament.
On disait que cet homme Frénétique et bien sûr Farfelu avait été Foudroyé par des curieuses Fantaisies et de Fausses convictions qui l’avaient amené à Frapper aux Fenêtres de tous les Foyers de Fagotier-sur-bois pour leur Fredonner une chansonnette Folle ou alors pour leur transmettre le lourd Fagot de ses Fixations.
On ajoutait d’ailleurs que ce Fameux charlatan et conteur de Fables n’était pas Fiable car il n’avait pas su administrer le Fardeau de Fortune qu’il avait gagné dans Chacun a son Fagot de Fautes.
Ce Fut dans cette Farce qu’il avait joué le rôle du Fugitif, oui justement celui qui avait Fiché le camp après avoir gâté la Fête.
Il n’avait été, peut-être, qu’un des nombreux Figurants, qu’un minuscule Fil du Filet de cette Formidable Fiction, mais il n’avait cessé, depuis, de se prendre pour Ranier Fassbinder ou Federico Fellini sans en avoir ni le Feu ni la Flamme.
Il avait su en Fin de compte se Forger une Figure Familière, capable de rester longuement Figée dans l’imaginaire de son Fan club, c’est-à-dire d’une petite foule ne cessant à chaque Fois de le Flatter.
Ayant Fabriqué sa Fortune de bois sur le Fil d’un rasoir, profitant de Fausses pistes il sut toujours Feindre les multiples Facettes du Fatalisme, quitte à Fondre en larmes quand il dut Faire Fagot avant de Faire Front à sa Fin.

« Devais-je attendre l’arrivée de la lettre F pour m’apercevoir que c’était surtout une question de Format ? Devais-je quasiment Frôler le Fond de cette Fringale alphabétique, pour découvrir qu’une tout petite Feuille de papier peut contenir le Firmament ?

002_cossutta 013 seppia 740 F ou le Format du Firmament

Franco Cossutta vit depuis longtemps en France et tout en gardant son esprit et accent particulier — originaire du Frioul, sa famille s’était installée près de Latina, à sud de Rome, participant avec de milliers d’autres familles des régions pauvres du nord à la transformation en campagne assez riche des marais pontins, un immense territoire marécageux et malsain — il s’exprime de préférence en français, même avec moi.
Autour de lui, on s’est beaucoup interrogés, comme vous pourrez lire ci-dessous. Un livre passionnant de Mahlya de Sant-Ange a raconté ce qu’il a vécu et marque encore son quotidien d’homme et d’artiste. Et aussi le peintre et poète Michel Benard  témoignera en quelques mots de sa valeur unique.
Ce qu’il m’intéresse d’ajouter à propos de Franco Cossutta ce sont ses expressions verbales et ses gestes, toujours en relation avec l’œuvre d’art qu’il vient d’achever ou de celle qu’il est en train de concevoir. Les mêmes phrases, mot par mot, que Mahlya de Sant-Ange a transcrit dans son roman-interview dont vous lirez bientôt un extrait. Quel lien y a-t-il entre ces mots et ces œuvres ? Qu’est-ce que signifie le mot « cosmos » dans le regard et sur la bouche de ce personnage fabuleux et hors du temps habitant dans un légendaire atelier de forgeron près des ruines habitées d’un château disparu de Montmirail ? Quel rapport peut y être entre le firmament réel et ces tableaux lumineux, où la force de l’univers se déclenche et s’apaise en passant sans aucun souci de la forme gazeuse à la forme liquide ou solide ? D’où vient cette lumière ?
Comment cet homme simple, qui ne prêche aucune ruse de style ou d’école ni d’abstraction intellectuelle, a-t-il su trouver la façon d’emprisonner le cosmos dans des rectangles de bois lisse ?
Dans mon précédent conte, sans queue ni tête, au sujet du personnage de Fabien Fagot, j’avais sournoisement essayé d’introduire plusieurs questions terribles, capables de me tuer, si je n’avais pas une bonne dose d’ironie dans mon sang bâtard… interrogations sans réponses sur le destin de l’artiste, ô combien influencé par des règles invisibles, qui sont toujours les mêmes !
Pourtant, au bout du tunnel, j’avais vu une solution : il n’y a qu’une chose à faire, pour rendre moins compliqué le passage voire la perception d’une œuvre, soit elle un texte littéraire ou musical ou pictural…
Oui, un texte pictural ! Pourquoi pas ?
La règle essentielle à respecter c’est la compatibilité des formats : « si tu veux que je te lise, ne sortes pas en pantoufles ; ne prétends pas que je t’attends tandis que tu te rases ou prends ton petit déjeuner… »
J’étais arrivé à cette banale évidence et déjà je m’apprêtais à changer de format, de forme et de contenu — pourquoi pas ? —, lorsque j’ai pensé à Franco, à ses phrases, à ses couleurs merveilleux… La même émotion que j’eus voyant les joyaux de Toutânkhamon, ayant survécu à plusieurs siècles sous les sables, encore neufs…
Est-ce que Franco Cossutta avait dû, en quelque mesure, tenir compte de la contrainte du format ?
Je crois qu’il ne pouvait faire que cela. Le format de ses tableaux n’avait aucune importance, ou bien, était-il dicté directement par ce cosmos auquel nous appartiendrions. Le cosmos qui est aussi, comme nous jure Franco Cossutta d’une voix calme et imperturbable, l’au-delà d’où nous venons. Le non-lieu de l’entre-deux-mondes, l’espace lumineux et même attirant à la frontière qui se creuse entre la vie et la mort.
Moi, j’avais vécu une période inoubliable à Bologne et j’y voulais absolument retourner. Franco ne réussit pas à se séparer d’un souvenir agréable de ce cosmos qui occupe l’antichambre de la mort. On dirait qu’il s’y rend de temps en temps, en fermant un œil ou se bouchant une oreille. Il y va pour en revenir à nouveau foudroyé et riche de visions voire d’émotions calmes et terribles à fixer de façon indélébile sur le rectangle blanc qui l’attend en silence.
Voilà que je suis heureux d’avoir partagé un brin de cette force cosmique, d’avoir nagé avec Franco dans le même liquide amniotique, remontant, pendant un instant à ma propre mort déjà vécue durant ma naissance. Je remonte déjà l’escalier de ma maison paternelle, à deux pas de la brèche de porte Pia…
Mais, quoi faire de ce format qui ne servirait déjà plus à rien ?
Je regarde Franco dans les yeux. Son rapport avec le cosmos est beaucoup plus facile et solide que celui qui s’instaure avec les humains… Avec le firmament ce n’est pas question de dimensions, de contraintes ni de rimes. Ni de mails, de numéros de téléphone ou de rendez-vous ratés. On ne vous demande pas la motivation, le CV, on ne vous reproche pas, sur le ton d’un compliment, votre accent…
Mais, avec les humains ce n’est pas si facile , même pour cette espèce d’Ange Gardien souriant, rassurant et bon.

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Voilà un extrait du Miroir à deux têtes, roman de Mahlya de Sant-Ange consacré à Franco Cossutta et à son esprit poétique, France Europe Éditions, 2007, p. 183-184 :
« — C’est bien Monsieur C., vous avez fait des progrès, vous vous tenez debout (évidemment sans équilibre). Vous parlez comme un enfant qui apprend à lire. Il vous faut maintenant d’autres soins plus appropriés, plus ciblés. Nous allons vous transférer dans un autre hôpital qui possède des moyens thérapeutiques bien plus performants que les nôtres !
— Je… Ne veux.. aller nulle… nulle… part ail… ailleurs.
— Nous ne pouvons malheureusement plus rien pour vous. Il y a d’autres malades plus jeunes encore que vous qui attendent déjà votre chambre !
— Je… ne veux… Ça suffffit…
— On m’a dit que vous aviez des hallucinations, que vous visitiez une (hum) une sorte de pays merveilleux. Avez-vous toujours l’impression de dériver de cette manière ?
— Mais… ce n’est pas une dé… dérive.
— Vous n’êtes pas sans savoir Monsieur C. que vous avez été victime d’une grave atteinte neurologique, que vous êtes au début d’un long processus de réadaptation dans le concret, que les traumatisés crâniens sont des personnes dépendantes. Toute votre vie, vous aurez des séquelles de votre accident. Vous êtes en phase de changements majeurs de la personnalité. Il vous faudra passer par une période de deuil et d’acceptation de vos handicaps. Des année. C’est une dure réalité
Pour exprimer la peine, l’agressivité, la vengeance, la fuite de la réalité, l’idée de l’euthanasie, vous avez besoin de soins intensifs, que nous ne pouvons plus offrir. Les expressions formelles ou informelles de votre souffrance doivent être guidées pour éviter une désorganisation ou le désespoir. Impossible de laisser passer trop de temps. Vos confrontations doivent se faire dans un contexte d’aide appropriée.
— Je ne suis pas fou. Les couleurs que je vois me soignent, me guident, elles existent mais dans un autre monde !
— Monsieur C. vous « paradisez », c’est votre manière de faire face à vos déficits physiques, au piétinement de vos progrès, à votre isolement impitoyable, Je compatis… je compatis.
« Il vous faudra passer par un compromis douloureux où s’accomplira en détail, le commandement de la réalité », ce n’est pas moi qui le dit, mais Freus ! Si vous « paradisez » dans un état constant de subjectivité, vous êtes un impératif humanitaire !
— Je veux ren-trer chez chez… moi !
— C’est impossible dans votre état actuel. À l’extérieur, vous allez montrer très vite des signes intermittents d’appréhension à tout environnement ! Vous êtes encore arelationnel, vos réponses sont fluctuantes, selon le moment de la journée et vous êtes souvent en état pauci-relationnel !
— Stop ! je veux rentrer chez chez moi…
[…]
Quelques jours après, il n’y eut pas d’applaudissements, pas d’encouragements pour accompagner la sortie de Franco… » (Mahlya de Sant-Ange)

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Michel Benard, Mahlya de Saint-Ange et Franco Cossutta

L’accident de moto qui a changé si radicalement la vie du pilote Franco Cossutta en le transformant en peintre visionnaire sans égal s’est passé un 8 avril d’il y a presque 40 ans. Et Franco Cossutta est toujours là, avec ces tableaux imprégnés d’au-delà cosmique qu’il ne cesse de réaliser avec sa bombe à peinture et sa technique aussi simple que mystérieuse.

Giovanni Merloni

F ou Franco Cossutta

Le peintre et poète Michel Benard Lauréat de l’Académie française. Chevalier dans l’Ordre des Arts & des Lettres  suit depuis longtemps l’oeuvre extraordinaire de Franco Cossutta dont il partage la conception picturale dans plusieurs aspects. En fouillant parmi ses commentaires les plus récents, outre à une entrevue très poignante, je considère comme très beau et intéressant ce portrait de l’artiste et de son oeuvre :
« Un artiste authentique, atypique, singulier, naturel, simple, qui étonne, détonne et surprend les amateurs d’art ce qui peut paraître logique, mais également les scientifiques et astrophysiciens du CERN (Genève) qui s’interrogent sur cette transposition spontanée du cosmos, très voisine de la réalité.
Une rupture de vie, la mort ou presque et tout bascule !

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Franco Cossutta après son accident.

A partir de cet instant Franco Cossutta est devenu une sorte de visionnaire en liberté, un électron de l’imaginaire, un pèlerin de l’univers, un pêcheur d’étoiles, un voyant au sens rimbaldien, donc déréglé de tous ses sens.
Ses expériences personnelles et artistiques sont devenues de longs voyages cosmiques en alternance.
Une communion avec l’infiniment grand et l’infiniment petit.

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Franco Cossutta, L’origine, huile sur bois

Ses œuvres intemporelles sont des métaphores de la mémoire des galaxies, de la voute céleste et des symboles étoilés.
Son regard intérieur nous place au seuil de l’innomé, de l’innommable et de l’ineffable.
Par cela son œuvre devient intangible, intemporelle !

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Franco Cossutta, Germination, huile sur bois.

Dans la solitude méditative et le silence de son atelier cet artiste insolite communique avec l’univers, ce fait catalyseur, relai de transmission des lois que le principe universel lui insuffle.

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Franco Cossutta, Magma stellaire, huile sur bois.

Face à une œuvre de Franco Cossutta nous transgressons toutes les notions artistiques habituelles, même les plus minimalistes ou conceptuelles.
Nous sommes confrontés à une sorte poésie galactique accompagnée d’une musique des sphères.

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Franco Cossutta, Fécondation, huile sur bois.

Ce voyage cosmique est peut-être la révélation inconsciente d’une nostalgie de l’ailleurs !
Michel Bénard.

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Franco Cossutta, 2013

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 27 septembre 2013

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