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Le plus petit de mes cousins, Marco, à Taormina en 1959

Mes chers lecteurs,
Avec cette image légèrement voilée de tristesse, tout en rendant hommage au photographe invisible qui s’y cache derrière, mon père « Lello », le Strapontin prend une pause de quelques jours.
Non, ce n’est pas des vacances (encore !). Au contraire, ce serait le moment d’intensifier les engagements pris, essayant de mener à terme ce petit projet très compliqué ayant l’ambition de raconter les raisons d’un destin personnel et familial tout en brisant l’ordre classique de la narration. Un « chantier » qui voudrait s’affranchir de toute exploitation trop précise, trop exhaustive, trop respectueuse de la chronologie, qui serait d’abord ennuyeuse pour celui qui écrit avant de devenir, tôt ou tard, insupportable pour ceux qui lisent.
En fait, je me suis aperçu que même la narration sautillante et volage du Strapontin — de ce Strapontin qui nous a accompagnés jusqu’ici — peut résulter lourde, parfois. Elle se révèle, par moments, incapable de se soustraire à cette ancestrale façon de débiter les mémoires qui porte avec elle une couche insupportable de pédantisme (et les Italiens, comme le disait très bien Baudelaire, sont de vrais champions de pédantisme).
Ou alors, cet escamotage de bousculer les rôles respectifs de « l’autobiographie » et de la « fiction » nous a obligé, M. Strapontin et moi, à des prouesses de funambules assez dangereuses.
Apparemment, les petits « euphémismes » que j’essaie d’insérer entre les « raisons profondes » et leur exploitation sous forme de texte à lire ne servent pas  à atteindre quelque chose de vraiment abouti. Car un véritable équilibre, même provisoire, entre « l’autobiographie » et la « fiction » est très difficile à obtenir. Sauf dans des cas exceptionnels.
D’ailleurs, comme disait toujours une petite amie de ma lointaine jeunesse, « l’exception confirme toujours la règle ».
Quelle est cette règle ? Qu’est-ce qu’il faut savoir, et savoir accepter lorsqu’on ne fabrique pas une bombe à retardement, mais, au contraire, on est en train de débloquer une bombe à la main qu’on va lancer au-delà du mur ? Qu’est-ce qui marque la différence entre le texte littéraire et le blog ?
Le blog doit nécessairement se soumettre à une sorte de « procès en temps réel », tout comme un journal ou une émission télé. Chaque jour, il est là, dans la cage des accusés. Chaque jour, il a besoin de défenseurs, tandis que n’importe qui peut lever le petit doigt et hurler « J’accuse » sans qu’on puisse se faire des illusions. Dans le « tribunal » des blogs, il y aura difficilement un Émile Zola se chargeant de lever la voix de l’innocence ou de la bonne foi. Car chacun de nous avance seul, sans filet, comme Charlot dans Le cirque. Oui, bien sûr, je le sais, nous pouvons compter sur un petit groupe de personnes qui ont des affinités avec nous et nous suivent volontiers. Pourtant, nous avançons péniblement, assiégés par les singes ou aussi par nos fantômes personnels, tandis que le grand public se tait. Certes, les spectateurs hurlent, dans le cas où l’équilibriste se casse la figure. Mais avant, ils s’amusent. En s’autorisant toujours à abandonner la salle ou à « zapper », si le spectacle ressemble à quelque chose de « déjà vu » ou qu’il est « assez répétitif ».
Je serais habitué à certains genres de « procès », dans ma vie. Je saurais donc très bien comment faire à me battre. Mais c’est différent le procès où l’on défend une idée, un projet collectif, en protestant contre une injustice subie, réelle et tangible. Dans des discussions comme ça, je me verrais bien dans le rôle d’avocat défenseur.
Au contraire, dans le cas où l’une de mes créatures fît l’objet de la condamnation implicite d’un jury silencieux, j’aurais du mal à interrompre le chemin de la justice sommaire en me défendant. Surtout si j’avais moi-même le suspect que cette créature-là eût été conçue dans un moment de distraction ou de hâte.
Donc, voilà, j’espère que le Strapontin m’aidera à trouver vite, en manque de la pierre philosophale, la clé la plus adaptée à la besogne, sans devoir nécessairement fouiller dans le sexe des anges ni dans d’autres complications dont le cerveau humain est toujours prolifique.
Avec une seconde possibilité. Si vous revoyez encore plus tôt le Strapontin ressurgir de ses cendres, ce sera peut-être à cause d’une rencontre fatale avec une nouvelle Mme Finestrino, évidemment sans égale, qui l’en aura obligé.

Giovanni Merloni

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écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 20 mars 2014

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