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Tes cils clairs font des tours d’une absurde lenteur, sans pouvoir s’élancer dans un geste imprudent. (Il est tard sur les bancs et dans les terrasses.) Et j’observe les contours à tes cheveux de velours, voltigeant sans caresse, telles des ombres, au-dessus de tes dents souriantes, de ta bouche haletante.
(Sur les murs, des signes indéchiffrables, ainsi qu’au long des ombres se hissant vers les toits ; derrière les vitres, si t’arrêtes, tu découvres la lenteur de nos pas ; tu devines une à une les lumières scintillantes par le sang des blessures, ces lumières assombries par la peine ; te souviens du chagrin éparpillé et bizarre touche-à-tout, qui peut-être n’en voulait de personne.)
Le regard sur le trottoir, tu te mêles au bleu du soir, gigantesque miroir pour les yeux gris de cendre de la lune. Il est trop tard sur les clochers, sur le pavé, sur les toits des baraques. Les yeux de la mort s’accoudent, invincibles (d’ailleurs, la guerre est voisine, elle se mêle aux passants.) Une grimace enveloppe les petites ombres. Des chiens hululant en troupeau font la ronde. Tu es là, blonde, ondoyant dans les bras de mon pâle souvenir. (Devant les murs et les vitrines, devant nous, raids vifs regardants, passe la mort comme en rêve, en nous caressant les paumes en soufflant légèrement sur nos fronts détendus.)
Je crois qu’on se quittera ici, au milieu de cette poussière, de cette fumée… Adieu, je sais déjà que c’est cela que je dirai… aucun mot sur mes états, sur cette exaspération me donnant l’envie d’en finir…
J’y ai beaucoup réfléchi, tu comprends ? comme d’autres fois, par cette phrase je réussirai à atteindre ma nausée. Et je gâcherai nos souvenirs, je le sais.
Mais toi, tu ne me manqueras pas. Je te garde à jamais, au fond de l’âme, même si tu t’éloignes de moi tout au long de la vie. Tes cils clairs feront alors des tours et des détours d’une absurde lenteur sans pouvoir s’élancer (même en cas de guerre) dans un geste imprudent.
(Passent à présent la mort et la nuit, sa sœur jumelle, tout en dispersant les cendres et la fumée.)
Giovanni Merloni
écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 22 avril 2014
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Elle a laissé deux de ses cils sur ton dessin…
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