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Le soldat
Il gît à même l’herbe,
encore chuchotant,
ignare de la mort.
Il sourit
au ciel disparu
aux étoiles perdues.
Ses cheveux lui caressent les dents.
Par le tourbillon de la nuit
mille feuilles sont tombées
sur ses yeux écarquillés
imprégnés de poussière et de boue.
Il a juste eu le temps
pour écouter, le soir venu
le bruit sec, impromptu
de fusillades éloignées
se perdant
au milieu de chansons.
Il n’a pas reconnu,
au milieu du silence,
le bruissement soudain
la cruelle embuscade.
Par la mort indolore
il s’est juste affaissé,
encore riant,
encore débitant
le récit insouciant de sa vie.
Il n’a pas eu le temps
d’adresser à tout-venant
le récit de sa mort.
Voyez-vous comme il dort
sur son lit de poussière !
Suivez-la,
l’ avalanche légère
qui roule sans poids
au fond de la vallée,
encore scrutant,
les yeux grands ouverts,
vers la porte fermée.
Voyez-vous,
une seule branche l’arrête.
À présent, il se penche
dans l’oubli,
sur ses lèvres, légère
s’attarde la rosée,
souvenir de l’ardeur
d’un baiser
trace ultime de la fraîcheur
du bon pain.
Et pourtant, dans sa bouche
s’engloutissent
de longs fusils
de rudes cartouches
et ce vent de poussière.
Cesse de regarder, ô soldat,
ces maisons, ces hommes,
ces amas inutiles
qui te survivent,
cette terre
qu’on te jette dessus,
ne juge pas ces êtres maigres
priant sur ta pierre
ni cette guerre
qui t’envole
sans un mot.
Sur le parapet
de ta bouche noircie
une rose s’accoude, souriante.
Giovanni Merloni
Merci à Florence Z., qui a assisté de façon innovative et propositive à mon travail de révision de ce texte.
Cette poésie est protégée par le ©Copyright, tout comme toutes les autres poésies publiées sur ce blog.
dormeur du val en belles et nouvelles versions
aime cette recherche
Belle discussion poétique tout en nuance et en douceur face à cette atrocité de qui, pourquoi, que sont ces vies adolescentes fauchées dans leurs pleines vitalités.
J’aime beaucoup votre expression « fauchées dans leurs pleines vitalités » : c’est exactement ce que ressent un adolescent lorsqu’il doit se confronter avec un mort de son même âge…
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