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Easy rider (1)

Au galop, dans la gorge horizontale
je glisserai parmi des cailloux sombres,
n’ayant sur le dos qu’une chemise pourrie.

À vingt ans, ou treize peut-être
j’avais déjà imaginé tout cela
et comme les employés de banque
ce sont vraiment les plus laids
j’envisageais un vrai braquage
avec une fronde, une grande motocyclette
et deux heures auprès d’une fenêtre
en compagnie des moustiques
me découvrant voyeur
d’un coït de vieillards.

Au galop, sur une trottinette aquatique
par cœur je fredonnerai une chanson :
« Quand on arrivera à Yuma
le ciel sera affreux
rien qu’une rafale d’oiseaux noirs
parmi les arbres
tandis que ma grand-mère
 gravera
le Far West sur ma poitrine… »

Un soir, assis au bureau d’un ministère
je gesticulerai devant une dactylo
racontant au mur derrière elle
les années du lycée
les chandails sans forme
les mouchoirs sales
les camarades fuyantes
les professeures tremblantes
les vacances en vélo
la plage fourmillante,
ma vie en somme
tout ce qu’il m’arrivait auparavant
et que je dilapidais, j’accumulais et copiais
tout en riant, me masturbant, vomissant.

Une nuit, dans un bus qui tourne et virevolte
je marcherai sans cesse dans le noir
avec tes dentelles et tes rubans volés
et commencerai à me taire
à vraiment me taire
à définitivement me taire.

Giovanni Merloni

(1) Cette poésie, écrite à la veille de mon départ pour Bologne (avril 1972), marque de toute évidence un état de suspension et de subtile angoisse que la vie successive, avec le travail, l’amour et l’engagement politique ont apaisée ou transformée en d’autres formes moins déséquilibrées mais également intenses.
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Easy rider (version précédente)

Au galop, dans la gorge horizontale je glisserai parmi des roches sombres, sans plus rien sur le dos sinon la chemise froissée, puante.
À vingt ans, ou treize peut-être j’avais déjà imaginé tout cela et comme les employés de banque sont vraiment les plus laids j’envisageais un vrai braquage avec une fronde, une grande motocyclette et deux heures sous une fenêtre en compagnie des moustiques me découvrant voyeur d’un coït de vieillards.
Au galop, sur une trottinette aquatique je fredonnerai une chanson par cœur : « Quand on arrivera à Yuma
le ciel sera affreux, rien qu’une passoire de coups de feu parmi les arbres, tandis que ma grand-mère m’embellira la chemise en y écrivant Far West ».
Un soir, assis au bureau d’un ministère, je gesticulerai devant une dactylo, raconterai au mur les années du lycée, les chandails informes, les mouchoirs sales, les amis onanistes, les professeures tremblantes, sans omettre les vacances en vélo, la plage de Cesenatico, ma vie en somme, c’est-à-dire ce qu’il m’arrivait auparavant, en dilapidant accumulant, copiant riant masturbant vomissant.
Une nuit, dans un bus qui tourne sans cesse, je marcherai dans le noir avec tes dentelles et tes rubans volés et commencerai à me taire, et commencerai à me taire, et commencerai à me taire.

Giovanni Merloni

TEXTE ORIGINAL EN ITALIEN 

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