Étiquettes
J’ai décidé
que je ne ferai rien
pour me souvenir de toi
(car cela est inévitable)
que je ne ferai rien non plus
pour t’oublier
(car cela est impossible).
J’ai décidé
que je fermerai avec soin
la porte définitive
du silence,
laissant au dehors
les bilans inutiles
les vaines élucubrations
à propos
de ce qui nous est arrivé
ou alors
de tout ce qui aurait pu
nous arriver
si nous étions blonds,
comme tu dis,
et plus intelligents,
et pourvus d’un esprit libre,
plus aigu, civilisé.
J’ai décidé
que je serai costaud
que je ne me ferai pas
écraser ni meurtrir
que je lutterai encore
pour être moi même.
Je le ferai pour toi
je le ferai contre toi.
J’ai décidé
que je ne cesserai
de regarder dans ta chambre
au milieu du couloir.
Oui, mon regard sera oblique
et mon cœur éclatera
en te voyant de profil,
intense, prête à exploser,
mais
j’ai décidé
que je ramasserai
quelque part la force
de t’adresser un jour
la parole
laissant mes mots abrupts
se mêler
à tes mots poignants
toutes les fois
que nous aurons envie
de parler de tout ce qui nous reste
en commun
de l’étrange destin de l’amour
de tout ce qui ne cesse de vivre
dans nos corps rejetés.
J’ai décidé
que j’arroserai au jour le jour
le fleur impétueux
de ton absence.
J’ai décidé de t’écrire
télégraphiquement
que je vivrai seul
volontiers
que je ne serai plus pressé
ni précipiteux
ou, comme tu dis,
lourd et maladroit,
que je ne me jetterai pas
à la poubelle
que je ne te maltraiterai
surtout pas.
J’ai décidé
que je ne croirai pas
à tes retours de flamme
ni à ta nostalgie tardive
mais ce sera toujours
trop fort et injuste
pour moi
décider d’un seul trait
d’effacer ton prénom
je ne le ferai jamais
même le jour
fabuleux et lointain
où je t’aurai oubliée.
Giovanni Merloni
Cette poésie est protégée par le ©Copyright, tout comme les autres documents (textes et images) publiés sur ce blog.
TEXTE EN ITALIEN

Belle décision… le portrait à l’œil unique ouvert met du bleu à l’âme.
Certains matins, en lisant le nouveau texte de Giovanni, je sens de l’émotion, parce que j’aurais tant aimé écrire comme lui à certains moments de ma vie! Mais peut-être l’ai-je fait dans une lettre, tout aussi bien envoyée et jamais lue que, plus vraisemblablement, restée sur le bord de la table de la cuisine jusqu’au déménagement suivant.
Si mes souvenirs ravivés par ces textes restent en grande partie flous, l’émotion, elle, revient, claire et lumineuse, comme si quatre décennies n’était qu’une simple porte vers l’été dernier qu’il suffit d’entrouvrir doucement pour en ressentir la chaleur.
Merci Giovanni de m’entrouvrir régulièrement cette porte.
Je suis tout simplement ému, heureux de partager vos souvenirs ! Il y a nombreuses figures disparues (à elles-mêmes aussi !) qui restent immortelles en nous… Merci, Marcel !