le portrait inconscient

~ portraits de gens et paysages du monde

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Archives de Tag: vases communicants

Ce n’est que la lumière. Si Paris est dite de cette qualité, c’est Rome qui la diffuse. (Piero Cohen-Hadria, #vasesco mars 2015)

06 vendredi Mar 2015

Posted by biscarrosse2012 in les échanges

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vases communicants

Aujourd’hui, dans l’esprit et dans le style des vases communicants, j’ai le plaisir de publier sur le portrait inconscient un texte de Piero Cohen-Hadria, tandis qu’il accueille le mien sur son blog pendant le week-end
Le tiers livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de « vases communicants » : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement. Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
La liste des participants est établie par Angèle Casanova, à laquelle Brigitte Célérier a passé le relais (voir son anthologie).

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Rome, Campo de’ Fiori, 1978

Ce n’est que la lumière. Si Paris est dite de cette qualité, c’est Rome qui la diffuse.

Il faisait froid, c’était Noël, fin des années soixante dix, nous avions loué une chambre au dessus de la place d’Espagne, via Sistina je crois me souvenir, on montait les escaliers le soir, on riait Rome, Rome c’est cette lumière-là, de ce Noël-là, le début de l’âge adulte quand on commence à entreprendre seul les voyages, qu’on laisse derrière soi sa famille, ma grand-mère qui derrière nous jette  un verre d’eau dans lequel elle a mis une pièce de cinq francs, pour qu’on revienne, si Paris alors avait sa lumière dans la cour de la rue Fabert, chez ma mère, Rome avait aussi la sienne quand une de mes tantes descendait en se dandinant un peu via di Ripetta, prenait-elle via del Fiume, rejoignait-elle le Tibre qui à une coudée de là passe et serpente et va à la mer ?

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Rome, lungotevere près du Ponte Sisto, 2005

Je ne sais pas, elle s’appelait ou du moins nous l’appelions Mimi et cet hiver-là, elle vivait encore à Latina, dans ses environs au moins, avec un mari vigneron, viticulteur plutôt –aujourd’hui, on dirait œnologue – je me souviens de ses effets d’or, de sa brillantine sans doute, des poissons qu’on mangeait au bord de l’eau, à Nettuno, c’est à l’été, n’importe ces villes, loin dans l’espace et le temps, la lumière dont on parle, la lumière même en hiver sur la piazza Farnese, les petites boutiques comme un marché, des colifichets qu’on rapportera, j’ai tant aimé Rome, et ses ocres à l’automne

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Rome, lungotevere Ripa

et une autre fois en été, plein été, le bus vingt trois qu’on prend à Pyramide pour aller au lido d’Ostia mité de plages privées parasols et transat serviettes éponge et crème odorante, corps bronzés, nager et au loin, un yacht blanc qui croise doucement le souvenir d’Antonioni, celui d’Amarcord (même si c’est du côté du mollet), non l’Italie, tu te souviens ce petit restaurant menu unique près du Corso Vittorio Emmanuele II c’était il y a quelques années, largo del Pallaro, la dernière fois à Rome, les hommes qui fument dehors, lisent étalé sur les capots, sur les voitures garées là le journal sports football politiques ou culture, on ne sort qu’à la nuit, ils sont là, cette fierté idiote de vivre dans une capitale qui n’est pas au sud, voir Naples et mourir, qui n’est pas au nord Milan Turin et cette Venise, cette merveille, non, l’Italie je te jure, une deuxième patrie ou seulement la seule, on aimerait y mourir, on aimerait y vivre, il y a le chaud de la couleur des pâtes à la sauce tomate, celles qu’on fait toujours un peu de sucre un peu de thym de l’ail et du basilic, tu attends, rajoutes de l’eau, laisses cuire doucement, les oignons qui s’effilochent, laisses reposer, encore un peu d’eau, le sel dans celle des pâtes, le gros, l’olive et les câpres et les anchois, la viande coupée si fin qu’au travers on y voit l’assiette, les « contorni » de da Bruno, Trastevere, en face de la pension plus ou moins (plutôt plus) catholique, l’église Sainte Cécile (Santa Cecilia), non loin

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Rome, église de Santa Cecilia, 2005

la cour, les chèvrefeuilles peut-être, les parasols les tabourets au pied des immeubles, tout est vrai dans les souvenirs, toujours, tout, et c’est ce qui fait leur force, on les convoque et ils viennent, une autre fois pour ma mère aller clôturer un compte je ne sais plus, aller voir un notaire, un avocat, on appelle ça des affaires, j’avais regardé vaguement la carte, je m’étais dit que j’irais à pied, c’est le matin tôt j’aime la lumière du matin, tôt, je n’avais pas vu qu’il s’agissait de gravir l’Aventino, l’une de ses sept collines, la banque était garée à l’arrière, mais non, ce n’était que l’adresse d’une succursale, emprunter pour contourner cette montée fatigante le chemin de retour qui tourne au forum, les termes de Caracalla, sauter dans un bus mars, c’était en mars au soleil, boire un peu d’eau tranquillement à l’ombre, les gens qui courent, les femmes qui passent, les couleurs les lunettes de soleil, les fleurs les marchands de fruits les odeurs qui rappellent un peu la rue Rambuteau d’il y a trente ans, revenir à Paris, Orly, le bus, oui un appel téléphonique « je suis rentré oui » je suis de retour, le sac les lires le livre ou les magazines le journal, le dialecte les « ahò » les « vaffanculo », les rires les chants, cette ville ouverte Anna Magnani (un billet de Rome sans elle n’est pas un billet, serait-il vase, serait-il communicant) et son « Francesco » déchirant avant qu’elle ne meure en hiver, le soleil, la lumière, la chaleur de la vie et l’amour d’elle, des fleurs et des rires, les larmes de ma mère, le vent qui souffle, le Tibre chancelant, le vieux morceau de pont comme à Avignon, et ne rien dire du Pape et de ses bulles, non, laisser le lien ouvert, les rues qui au loin rejoignent la place du Peuple, les chemises rouges de Garibaldi, le Guépard et Burt Lancaster qui dit sortant de son bain « allons mon père.. !! », Tancrède/Alain Delon qui sourit, borgne, comment, ça l’Italie ? La lumière n’est pas éteinte, on aura beau faire, la via del Tritone ou celle dédiée à Cavour, non, ça ne s’effacera pas, juste là, villa Borghèse ou villa Ada, sous les pins

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Rome, Villa Ada, 2005

ou en haut le Quirinale la découverte, le profond ciel bleu et au fond loin si loin qu’on ne la voit pas dans sa lumière, à l’est loin, au loin la mer…

Texte : Piero Cohen-Hadria

Photos : Giovanni Merloni

(Toutes les photos peuvent être agrandies en cliquant sur les images)

Une Liberté… de plus en plus chérie (Zazie n. 26)

08 dimanche Fév 2015

Posted by biscarrosse2012 in les échanges, mes poèmes

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vases communicants, Zazie

Pour les vases communicants (*) de décembre 2014 (voir liste complète des participants), Dominique Hasselmann et moi nous avions exploité notre échange selon le critère suivant : 1) s’inspirer à une image que chacun de nous a proposée à l’autre ; 2) commenter cette image avec un texte de 20 lignes au maximum. Comme vous pouvez bien deviner, l’image proposée par Dominique représente la terrasse des Halles de Paris dans cette période d’intenses travaux de réaménagement du glorieux complexe commercial et pour les expositions. Comme tout le monde sait, ces travaux s’achèveront avec la réalisation d’une immense couverture qui pourrait être une énième merveille à découvrir ou…
Stimulé par cette photo mystérieuse, j’avais écrit un petit commentaire en vers, que je propose à nouveau deux mois après. Mais je dois le dire : à la lumière de ce qui est arrivé à Paris, il y a juste un mois, cette image et ce texte aussi me font une étrange impression. Il semble s’être écoulé une éternité ! Certes, beaucoup plus que deux mois. On ne ressent seulement pas l’impression d’une barbarie absurde qui menace la paix en France et en Europe, mais aussi le poids d’une volonté sourde d’arrêter le temps et de faire régresser tout ce qu’on essaie de faire de positif et de constructif, même dans le quotidien. Doit-on continuer à croire dans le présent et dans la force d’un progrès civilisateur ? Je crois que oui. Il faut se battre, défendre la liberté d’expression ainsi que la beauté, l’intelligence, le travail assidu pour améliorer au fur et à mesure les structures pour la culture, les bibliothèques, les théâtres, les lieux de rencontre. La « liberté » est  « chérie », par nous tous, encore plus qu’avant. Cela n’empêche que Paris, cette ville merveilleuse où j’ai la chance de vivre, cet endroit unique où tous les habitants de la planète ont la chance de venir passer des journées inoubliables, ce n’est plus le même !

Giovanni Merloni

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Paris, Les Halles, 2014. Photo de Dominique Hasselmann (Cliquez pour agrandir)

LIBERTÉ CHÉRIE 

Parterre ou terrasse du théâtre de la vie ?
Aveugle, j’en avais effacé la photographie.
Remémorant, ensuite je retrace la lugubre
Illusion d’un espace infini de poubelles.
Seront-ils en mesure d’y bâtir des merveilles ?

Prison pour mes yeux enfantins ou méfiants,
Au-delà de ces barres tournantes,
Roulerais-je insouciant ? succomberais-je pourtant ?
Immobile la tour aux ampoules roulantes
Sinistre, elle m’évoque la cadence des pas…

Policiers ? ou les pas d’innocents ouvriers ?
Architectes arpentant des chimères ?
Revenants dans un rêve de sons et lumières ?
Images faussées par d’habiles sorcières ?
Sur la grue le démiurge nous étale une promesse :

Promenades insouciantes sur le toit jardinier
Ascenseurs transparents de palier en palier
Renouveau des boutiques dans l’esprit des bobos
Inutile de dire qu’il y aura des bistrots…
Spectacles pour le peuple, ô LIBERTÉ CHÉRIE !

Texte : Giovanni Merloni
Photo : Dominique Hasselmann

(*) Rappelons que le projet de « Vases Communicants », lancé par Le tiers livre et Scriptopolis consiste à écrire, chaque premier vendredi du mois, sur le blog d’un autre, chacun devant s’occuper des échanges et invitations, avec pour seule consigne de « ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre ». La liste complète des participants est établie grâce à Angèle Casanova. Le 5 décembre 2014, dans l’esprit et dans le style des vases communicants, j’avais publié sur le portrait inconscient un texte de Dominique Hasselmann, tandis qu’il avait accueilli le mien sur son blog Métronomiques. 

Cette poésie est protégée par le ©Copyright, tout comme les autres documents (textes et images) publiés sur ce blog. 

Comme une bombe à retardement (#vasescommunicants décembre 2014)

05 vendredi Déc 2014

Posted by biscarrosse2012 in les échanges

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vases communicants

Aujourd’hui, dans l’esprit et dans le style des vases communicants, j’ai le plaisir de publier une nouvelle fois sur le portrait inconscient un texte de Dominique Hasselmann, tandis qu’il accueille le mien sur son blog Métronomiques. 
Le tiers livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de « vases communicants » : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement. Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
La liste des participants est établie par Angèle Casanova, à laquelle Brigitte Célérier a désormais passé le flambeau (voir sa précieuse anthologie).

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Ta bouche est un losange style « Libération »

elle n’est ni de papier ni numérique

je la goûte et la chiffonne

je lis sur tes lèvres purpurines des mystères à la page

tandis que tes yeux m’interrogent

avec leurs sourcils et soucis parallèles

les murs verts scandent l’unisson de leur rayon

une sorte de corne d’abondance t’entoure le visage

un joueur trimégiste t’aura sans doute fait un cadeau

en mon absence car je voyage beaucoup

des figures géométriques pointent vers tes seins

il suffirait de suivre la flèche

l’architecture se marie avec la peinture

le cubisme est triangulé tel le GPS des beaux-arts

le pinceau se règle comme une bombe à retardement

l’idée devient matière sauf qu’il est interdit de toucher

les pâtes (italiennes) se dégustent moderato cantabile

l’ail de tes dents appelle un nouveau coup de langue

mais ton créateur m’a dérobé de manière sadique

la suite de ton corps céleste et inaccessible

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Giovanni Merloni, Une Jeanne M. italienne, 2008

Texte : Dominique Hasselmann

Tableau : Giovanni Merloni

 

« Seule la musique est à la hauteur de la mer »

28 vendredi Nov 2014

Posted by biscarrosse2012 in les échanges, mes contes et récits

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Mes chers lecteurs, amis et suiveurs, je vous propose, ce vendredi, la lecture (ou relecture) du texte que j’avais publié le 7 novembre dernier dans l’irrégulier, blog de François Bonneau, dans l’esprit et dans la praxis désormais consolidée des « vases communicants ». Je sais bien que cela peut intéresser juste une petite partie de vous, n’ayant pas eu le temps ni l’occasion de vous rendre dans le blog hôte pour y chercher mon texte. Je fais cela (comme dans les précédents « vases » auxquels j’avais participé) pour souligner aussi mon soutien indéfectible à cette initiative.
Au-delà, peut-être, d’un petit esprit concurrentiel qui anime parfois les participants aux « vases », en dehors d’une compétition implicite, qu’on pourrait imaginer assujettie au jugement plus ou moins bienveillant de quelques invisibles jurys, je vois toujours une grande valeur dans l’échange qu’exploitent les deux (ou parfois trois) blogueurs concernés par chaque « vase ».
Un échange assez démocratique, qui oblige chacun à « sortir de son cocon » et « parler » à l’autre, donc indirectement à tous les autres suiveurs des deux blogs « jumelés ».
Dans cet échange des « vases », je vois moins un étalage de bravoure qu’un effort de sincérité et disponibilité à faire circuler le travail de chacun dans un esprit de « culture partagée ».
Un objectif semblable est bien sûr très difficile à atteindre dans une condition « vague » et tout à fait spontanée comme c’est le cas des blogs littéraires francophones de l’actuelle génération.
D’ailleurs, on ne doit pas s’attendre à des appels à la « volonté ». Dans ce contexte objectivement nébuleux, on ne trouverait pas de points d’appui pour une éventuelle idéologie du « partage littéraire » qui devrait aller à contre-courant vis-à-vis du cloisonnement élitaire des différentes formes d’art et d’expression — que le système dominant de nos jours a imposés désormais comme unique solution à la marginalisation ainsi qu’à la pulvérisation des apports individuels.
Je ne veux pas non plus m’occuper de la recherche de la lumière ou du besoin de reconnaissance d’un écrivain ou d’un poète ou d’un artiste.
Je me borne à parler des blogs, de cette « area » qui héberge une pluralité très stimulante de propositions et personnalités même si elles sont parfois divergentes et contradictoires. Je parle d’un phénomène en soi, qui ne doit pas forcément se soumettre aux mêmes règles sélectives en vigueur dans les contextes artistiques et culturels traditionnels.
Dans ce territoire nouveau, qui est objectivement destiné, dans le temps, à exercer un rôle important dans la circulation des informations et des idées, tout comme dans l’expérimentation de nouvelles formes d’expression littéraire et artistique, je crois que le mot clé soit la « sincérité ».
Un terme, hélas, qui ne fait plus partie de notre quotidien. On nous éduque à apprécier tellement l’efficacité d’une image ou d’une pensée, qu’on peut arriver à préférer, à la limite, un mensonge bien structuré vis-à-vis d’une précaire vérité.
Et pourtant la sincérité est un ingrédient dont on ne peut pas se passer quand on parle de poésie ou d’œuvre d’art.
Vous me diriez : est-il indispensable qu’un blog — le mien, le tien, le sien — ait pour but l’art ? La poésie ? N’est-il pas déjà suffisant d’avoir la chance de pouvoir s’y exprimer ?
Je ne dis pas que le but de chaque blog doive être coûte que coûte l’art, la création de quelque chose d’extraordinaire et unique. Cependant, il n’y a pas d’art sans qu’il y ait de la sincérité dans l’expression d’un propos quelconque.
Je découvre, dans la participation à l’échange des « vases », une disponibilité à franchir et parfois effacer les barrières entre les mondes dont chacun est porteur, une attitude à laisser dégager cette sincérité qui seule peut faire déclencher une véritable expression poétique ou artistique ainsi qu’une communication humaine plus directe et ouverte.
Je soutiens donc cette initiative, même si je n’ai pas l’occasion d’y participer tous les mois. Je regretterais vivement qu’elle fût abandonnée, comme une mode obsolète. Comme j’ai pu voir au fil de nombreux échanges, les « vases communicants » ont souvent provoqué dans les blogueurs participants une réflexion sur leurs blogs et parfois une positive crise de croissance se traduisant tout de suite après dans la recherche de nouvelles formes d’expression et de communication.
Vous avez bien compris que je n’aime pas les blogs ou les sites qui se prétendent « maîtres de vie », de culture ou de savoir, tout comme je me méfie des vitrines exposant des objets trop chers ou inaccessibles. Je n’ai rien contre les belles couvertures et le papier parfumé, mais je cherche toujours, pour ma santé et mon plaisir, des livres sincères où je puisse rencontrer des gens imparfaits et problématiques ayant l’humilité de se confronter avec les autres et surtout le courage de « parler » aux autres.

Pour les vases communicants (*) de novembre 2014 (voir liste complète des participants), François Bonneau et moi nous avions décidé d’exploiter notre échange autour d’un thème unique : deux photos (réalisées par François Bonneau même) accompagnées par une phrase assez emblématique « Seule la musique est à la hauteur de la mer » (que nous avions empruntée à Albert Camus). À partir de ces traces aussi suggestives que vagues (comme les ondes de la mer), chacun de nous avait exploité tout à fait librement un petit conte ou récit imaginaire. Dans cet esprit ce blog-ci avait hébergé François Bonneau et ses réflexions poétiques et philosophiques, tandis que je m’étais invité, pour y déposer un conte assez farfelu, dans L’irrégulier, le blog de Francois, que je trouve très intéressant, sensible et anticonformiste, inspiré d’ailleurs à l’idée de l’échange, de la réflexion et du partage.

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Giovanni Merloni : « Seule la musique est à la hauteur de la mer »

(Quelques jours après le publication des vases communicants de novembre, Angèle Casanova a fait cadeau à tous les participants, d’une très belle lecture de chacun des textes au rendez-vous des vases. Vous trouverez ici celui de François Bonneau et le mien aussi. Un grand merci à Angèle Casanova et Brigitte Célérier pour leur travail génial !).

J’ai l’obsession de la boîte. Au jour le jour, je sors d’une boîte pour entrer quelques minutes après dans une autre. Ma liberté consiste en ce déplacement, dans l’insouciance de mes pas qui laissent sortir les pensées sombres pour accueillir à leur place les idées lumineuses. Dans le trajet d’une boîte à l’autre je deviens grand et même démesuré… insensible aux klaxons ainsi qu’au bruit de fond des moteurs. Mes jambes encore robustes, ne faisant qu’un avec mes pieds encore élastiques, me donnent une bizarre envie de courir, de briser à grande vitesse ce mur d’air gris et de gueules agitées pour me rendre le plus tôt que possible dans la boîte qui m’attend, inexorable.
Parfois, dans cet itinéraire répétitif, qui m’oblige à noter les moindres variations climatiques et sonores, il m’arrive de me souvenir d’une chanson assez mélancolique que ma grand-mère maternelle me chantait dans mon enfance : « Dans la mer luit l’astre d’argent/la vague est tiède, propice le vent/venez à la mienne barquette agile/Sainte-Lucie, Sainte-Lucie ! » (1)
Tout le monde se déplace d’une boîte à l’autre. Aux deux extrêmes, il y a les sans-abris qui chaque nuit se recroquevillent dans l’étau d’une boîte d’air gelé ; ou alors les galériens, qui ont juste la chance de sortir un quart d’heure dans une cour sordide avant de rentrer dans le même cachot.
D’ailleurs, la couveuse est une boîte comme la bière. On y est emprisonnés avant et après cette existence constellée de boîtes de toutes sortes. Les ascenseurs sont de redoutables boîtes, parfois en forme de bière verticale. Les cellules spatiales en voyage pour la Lune sont de boîtes encore plus redoutables… Ah, oui, je l’avoue, ma pensée la plus effrayante est celle de survivre à ma mort… de me découvrir vivant dans une bière scellée et clouée…

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Je supporte à peine l’idée d’un cagibi qu’un accident transforme en prison. Je peux m’imaginer résigné à y survivre avec ma provision de viande ou de sardines en boîte, à condition qu’il y ait une fenêtre voilée et que je puisse profiter de quelques traces de la vie réelle, même de la vie de mes ancêtres morts depuis longtemps. À chaque réveil, de mes yeux devenus presque aveugles, je pourrais regarder au-delà de cette dentelle abîmée et de ces excréments d’oiseaux ou de cafards… Je verrais ma fenêtre à pic sur les rochers, la mer qui va et vient léchant les pieds de mon pénitentiaire. J’entendrais la musique des vagues de la marée basse, au petit matin. Je regarderais confiant la petite île d’en face, inondée de lumière et de merveilleuse normalité. Une boîte heureuse, apparemment.
Ou alors, un jour, on m’ouvrira cette porte triplement verrouillée. On me dira : « Va-t’en ! » Je serai maigre, mes jambes et mes pieds auront perdu toute expérience. Je n’aurai que mes bras et mes mains, qui m’ont si bien servi dans cet exercice pénible à me hisser au niveau des toiles d’araignée pour voir un peu mieux au milieu de cette opaline aux reflets verts et célestes. Je roulerai mon corps jusqu’à la rive. Je me calerai dans la mer et je m’aventurerai au milieu des petites ondes grisâtres. La musique de la mer s’occupera de moi, bien sûr en orchestrant des courants bénéfiques. Je sais que là-bas, au-delà de ce bras de mer, Lucie, la veuve du geôlier — ayant pris l’habitude de m’amener sans critères des boîtes de miel ou de thon, de sauce béarnaise ou de haricots —, m’attend avec sa barquette. Elle viendra à ma rencontre pour me sauver : « Dans la mer luit l’astre d’argent/la vague est tiède, propice le vent/venez à la mienne barquette agile/Sainte-Lucie, Sainte-Lucie ! »

Texte et dessin : Giovanni Merloni

Photos : François Bonneau

« Seule la musique est à la hauteur de la mer » (François Bonneau, #vasesco novembre 2014)

07 vendredi Nov 2014

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François Bonneau, vases communicants

Pour les vases communicants (*) de novembre 2014 (voir liste complète des participants), François Bonneau et moi nous avons décidé d’exploiter notre échange autour d’un thème unique : deux photos (réalisées par François Bonneau même) accompagnées par une phrase assez emblématique « Seule la musique est à la hauteur de la mer » (que nous avons empruntée à Albert Camus). À partir de ces traces aussi suggestives que vagues (comme les ondes de la mer), chacun de nous a exploité tout à fait librement un petit conte ou récit imaginaire. Dans cet esprit ce blog-ci héberge François Bonneau et ses réflexions poétiques et philosophiques, tandis que je me suis invité, pour y déposer un conte assez farfelu, dans L’irrégulier, le blog de Francois, que je trouve très intéressant, sensible et anticonformiste, inspiré d’ailleurs à l’idée de l’échange, de la réflexion et du partage.

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« Seule la musique est à la hauteur de la mer »

La nappe est étalée dans son château intérieur,

Surface sans vraie limite, étendue faite de plis,

De vagues de lumière de replis de reflets.

Les distances s’abolissent dans son château intérieur,

Il pourrait naviguer sur l’étendue lancée, filer loin

Sans jamais rencontrer le moindre obstacle.

Il a préféré, en guise de donjon, bâtir un phare

Bien incongru au milieu d’un château. De cette vigie,

Aucun son extérieur ne lui parvient, il tourne,

Préfère ne pas s’approcher des fenêtres,

Ses rames, dans un coin, sont des supports aux trapèzes d’araignées.

Il ne les regarde plus. Son château intérieur s’appelle « Si seulement ».

Si seulement il trouvait la porte de son phare.

Si seulement il la franchissait.

Si seulement il pouvait écouter le rythme des vagues, au moment de sauter

Le plus loin possible, en lui-même.

Il dort, très certainement, et je décode, à grande peine,

Ses expirations fluides qui semblent affirmer

Comme un bourdonnement lointain,

Que seule la musique est à la hauteur de la mer.

 Texte et photos : François Bonneau

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(*) Rappelons que le projet de « Vases Communicants », lancé par Le tiers livre et Scriptopolis consiste à écrire, chaque premier vendredi du mois, sur le blog d’un autre, chacun devant s’occuper des échanges et invitations, avec pour seule consigne de « ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre ». La liste complète des participants est établie grâce à Angèle Casanova.

Hier est un autre demain (#vases communicants septembre 2014)

05 vendredi Sep 2014

Posted by biscarrosse2012 in les échanges, mes contes et récits

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vases communicants

Pour nos vases communicants (1) de la rentrée littéraire, nous avons voulu mêler nos mots en une pièce de théâtre. Aussi vous pourrez pareillement lire nos répliques ici et sur l’emplume et l’écrié.
Nous demandons humblement à notre public des vases de nous pardonner la longueur du texte, mais notre plaisir nous empêchait de quitter la scène !
Théâtralement vôtres,
Ève De Laudec et Giovanni Merloni.

001_l'actrice 1994 180Giovanni Merloni, L’actrice, 1993

HIER EST UN AUTRE DEMAIN
Pièce en 1 acte
D’ Ève De Laudec  et Giovanni Merloni

Avec
Jeanne Bréhant, la comédienne,
Henri  Pylat, le metteur en scène.

Scène 1

Décor : Un théâtre. La scène coté jardin, la salle qu’on suggère coté cour. Sur scène un fauteuil, une chaise devant un bureau. Sur le bureau, une lampe et des feuilles dispersées. Dans un coin une psyché. Les rideaux rouges sont ouverts.

Jeanne est déjà sur scène. Assise dans le fauteuil. Impatiente, elle tape du pied, se lève, rajuste son grand chapeau devant la psyché en faisant des mines, se sourit, se détourne.

JEANNE (soliloque)
– Quelle curieuse sensation que se retrouver sur les planches…Après si longtemps…Des années d’oubli, sans la moindre proposition de rôle…Le public m’a trahie…Et enfin une proposition …J’ai une peur du diable…Ne pas le montrer, surtout… Etre l’autre, celle qui ne doute pas de son talent… Légèreté, légèreté…
Entre Henri, appuyé sur une canne.
Ah mon chou, j’ai failli ne pas t’attendre ! Tu m’avais dit 16h ! Sais-tu que j’ai foule de rendez-vous ? Le temps est si abstrait ! Pour que tu me parles de ton projet de pièce, j’ai réussi à caser une demi-heure, entre mon rendez-vous avec Fanny et la générale de Trahison au Vieux-Colombier. Réjouis-toi mon chou, une demi-heure en ma compagnie pour redorer le blason de ce vieux théâtre dont tu viens d’hériter ! Elle est morte à point nommé, ta vieille maîtresse richissime !
Je te préviens, je décide de mon texte et du rôle masculin pour me donner la réplique afin qu’il ne me fasse pas de l’ombre ! Tiens, Francis Huster par exemple ! Oh, ne me dis pas qu’il est plus jeune que moi, je suis…

HENRI (lui coupant la parole)
– Donnez-moi une minute encore… juste le temps de vous dire bonjour… Même s’il faudrait l’effacer du calendrier, ce jour-ci ! Je suis en retard, ma splendide, parce que… Je ne trouve plus la copie de mon scénario! J’ai dû rentrer à la maison la chercher… Partout ! Volatilisée… Tandis que mon ordinateur est en panne ! Heureusement… Vous avez l’autre copie, n’est-ce pas ? Oui, vous êtes radieuse aujourd’hui et j’en suis tellement ravi… On s’arrangera. Et pourtant, je vous avoue que je me sens fort contrarié. Est-ce que Louise, avant de mourir, a tout organisé ? « Après moi le déluge », disait-elle avec une insistance de plus en plus gênante… C’était banal aussi ! « Je m’appelle Henri, pas Louis comme toi ! » lui répondais-je…

JEANNE
– Henri ! Ai-je donc tant vieilli que tu ne me tutoies plus ? Est-il donc si loin ce temps où l’on m’appelait Mademoiselle ? Ah, le Français, ça avait quand même une autre allure que ton bouiboui ! Mais en souvenir de notre longue amitié, je donnerai le meilleur de moi-même, dans cette pièce que j’ai tout juste parcourue,
(en aparté) en fonction du contrat que l’on signera…
Il faudra d’ailleurs revoir des passages, mon chou, j’ai constaté qu’il y a deux scènes où je ne suis pas ! Rassure-moi ! Tu ne l’as pas mise sur internet, ta pièce, j’espère? On m’a dit que mettre des œuvres sur la touââle s’avérait dangereux, des corsaires peuvent te la voler !
Quant à Louise, c’était une vieille bique, mais je reconnais que son déluge a de la classe !

HENRI
– Sérieusement, je n’ai plus la pièce sur moi. On me l’a peut-être piquée et maintenant elle vole dans le nuage virtuel. Partout et nulle part… Et j’ai peur que le texte que tu as… Oui, bien sûr on se tutoie, je t’en remercie… (Il s’interrompt un instant pour embrasser Jeanne. Le public s’aperçoit tout de suite qu’ils se connaissent depuis longtemps et qu’un élan réciproque est prêt à exploser. Essayant de retrouver le même ton confidentiel qu’avant, Henri reprend) – Je disais que la copie que tu as dans tes mains, ce n’est pas la dernière version de la pièce… Je te propose alors de laisser tomber et de repartir à zéro…

JEANNE
– Repartir à zéro, comme tu y vas ! Je commençais à me projeter dans le texte que j’ai en main. Que les metteurs en scène sont donc inconstants de nos jours! Mais ton idée est séduisante, prenons des risques, partons de rien, créons ensemble, j’aurai ainsi un rôle sur mesure. As-tu l’intention de jouer dans ta pièce ?

HENRI
– Oui, mais ne t’inquiètes pas. Je n’ai aucune intention de prendre le dessus ! Je te parle franchement, au nom de notre… amitié, comme tu dis (Il élargit les bras). Une amitié intacte, tu vois ? D’ailleurs, je serai tellement engagé dans la mise en scène, que mes apparitions seront beaucoup moins importantes que les tiennes. Au contraire, regarde, tu seras toujours sur le plateau. Tu auras en plus le droit… la distinction de t’asseoir sur ce fauteuil, toi seule… Je resterai debout, et peut-être, dans une scène finale, je m’agenouillerai près de toi !…

JEANNE (éclate de rire)
– Si tu me laisses le fauteuil, je crois que je vais me laisser tenter ! Avoir un homme à ses pieds, même au théâtre, cela ne se refuse pas !

HENRI
– Au temps du lycée, te souviens-tu ? Tu étais mon idole… Tu écrivais des petits textes de théâtre, tandis que le professeur de philosophie, qui avait un penchant pour toi, lui aussi…

JEANNE (Elle se tait un instant, songeuse)
Si je me souviens ? Le lycée… Si loin, et pourtant si proche… Comme hier…J’avais de longs cheveux blonds emmêlés que je nattais chaque soir pour que tu les vois onduler le matin… Je faisais exprès de m’assoir au bureau juste devant toi… Et j’imaginais toujours que tu aurais le premier rôle dans mes pièces… Elles n’ont jamais été jouées…
(Elle se reprend) Oh, ce barbon de professeur de philo à l’haleine fétide qui me parlait dans le cou en me citant Platon « Existe-t-il plaisir plus grand ou plus vif que l’amour physique ? Non, pas plus qu’il n’existe plaisir plus déraisonnable » ! Te souviens-tu, mon chou, que tu voulais lui faire mordre la poussière ? Oui, tu jouais déjà la grande scène de jalousie !

HENRI
– En ce temps-là, c’était moi qui avais l’ambition de faire l’acteur, tandis que toi, tu te prenais pour un metteur en scène d’avant-garde, anticonformiste… Tu avais cette blouse blanche, avec au moins dix boutons dans le dos. Un jour, tu me demandas de boutonner ta blouse. J’étais fort maladroit, même si alors je n’avais pas besoin du bâton… Te souviens-tu ? J’étais concentré avec tous ces boutons, et tes cheveux, et ton parfum… lorsque la voix du professeur a brisé l’air poussiéreux à hauteur d’homme : « Py-laaaa-t ! »
Tu vois, je voudrais commencer notre pièce avec cette scène… ensuite nous pourrions reconstruire de quelque façon la fameuse promenade au parc floral…

JEANNE
– Oh quelle horreur cette blouse ! Mais ça aura un petit coté érotique dans la scène, les boutons dans le dos. Bonne idée pour le début de la pièce, tu m’effeuilles, tu m’effleures, dans la cour du lycée, ou plutôt tu déboutonnes ma blouse pour m’emmener au parc floral. (En minaudant) Quoique je ne peux quand même pas jouer mon rôle jeune, je ne passerai pas pour une ingénue, à moins que… avec une blouse … et de dos…Louis Jouvet disait que le théâtre est une de ces ruches où l’on transforme le miel du visible pour en faire de l’invisible. Je serai l’invisible (Elle rit). Tu sais, je vais t’avouer une chose…Au parc floral, j’étais très fière de me promener avec toi, tu étais si beau. Et j’espérais, j’avais une envie folle …que tu me dises…Que tu me dises…
(Elle se détourne)

HENRI
– Voilà. Si tu n’étais pas tombée enceinte juste à la fin du lycée, à dix-huit ans, si je ne me trompe pas… Si tu n’avais pas subi la distraction de ton père ni le désir impérieux de ta mère d’avoir une petite fille à pouponner, tu n’aurais pas épousé ce truand sans art ni part… Excuse ma sincérité, mais je le fais juste maintenant, à une telle distance de temps… pour mieux entrer dans la pièce… Si tu n’avais coupé net cette fleur en train de s’épanouir entre nous, j’en suis sûr, je n’aurais pas fait, à mon tour, à vingt-trois ans, une connerie pareille… Excuse-moi l’expression ! À défaut d’une telle bêtise il n’y aurait pas eu Louise… Elle ne se serait pas installée au milieu de toutes mes ruines, en les empirant…

JEANNE (un peu énervée)
– Les si sont source de regrets. Je n’aime pas les si. J’ai toujours assumé mes décisions, tout autant que l’anticonformisme que tu as évoqué ! Et je ne regrette pas ma fille, qui suit brillamment mes traces. En effet je l’ai eu à dix-huit ans, j’ai été aussi une jeune grand-mère. Mais tu t’es tu, ce jour-là, au parc, et j’ai accepté ce destin de femme d’aventurier de la finance. Bien vite quitté d’ailleurs ! Et sais-tu pourquoi j’ai embrassé la carrière de comédienne ? En dehors du fait que je ne suis bien que sur les planches, j’espérais secrètement qu’un jour, dans les coulisses, je te retrouverais !
(Avec amertume)
J’ai mis mon bonheur de femme dans les bas cotés de ma vie. Pourquoi as-tu laissé la fleur se faner ? Il suffisait de l’arroser, de lui parler pour qu’elle s’ouvre à ton soleil, de lui murmurer ce que seule une fleur sait entendre…Tu me parles de fleur, sais-tu que le Petit Prince et sa fleur m’ont toujours accompagnée ? Est-ce un signe ?
Ta Louise aura au moins eu l’avantage de t’assurer le vivre et le couvert, et même un peu plus puisqu’elle n’a pas emporté son théâtre dans son arche de Noé! Tu es enfin libre ! Moi aussi, d’ailleurs…Sauf que moi je ne porte pas un théâtre, c’est lui qui me porte ! Est-ce un signe ?

HENRI
Maintenant, tu touches un point faible. Car nos vies se rencontrent mais se croisent aussi…

JEANNE
– Que veux-tu dire par là ? Nos vies ? C’est ce travail sur la pièce qui nous réunit aujourd’hui ! Car nos vies ne sont que comédie. Ou tragédie si l’on compte nos cadavres laissés dans le placard ! Penserais-tu que cela va engager nos vies, en dehors du contrat qui va nous lier ?

HENRI
– Tu vois, j’étais venu plein de bonnes intentions, avec mon nouveau canevas dans la tête, prêt à entamer avec toi une discussion acharnée, pour te convaincre… Mais de but en blanc, depuis qu’on a remis en place le « tu » entre nous, je m’aperçois que ma vie a changé. Radicalement. J’avais cru, pendant des décennies, que mon seul désir était de m’emparer de ce caravansérail, de devenir le maître absolu de ce parterre, de ces décors, de ces gens qui l’animent avec leurs vies quotidiennes, beaucoup plus intéressantes, d’ailleurs, que ce qu’on lit et qu’on crie, à partir de ces textes problématiques, de ces histoires décadentes… En te voyant, je me suis rendu compte que j’aspirais à autre chose.

JEANNE (avec emphase)
– Autre chose ? Toi, mon chou, l’homme des pièces engagées, le pourfendeur des causes perdues que tu montais en pièces à succès, toi que j’apercevais entouré de papillons de mains baguées, tu voudrais me faire croire que tes retrouvailles avec la vieille chenille que je suis réveillent enfin ta conscience ? (en aparté) Ou serait-ce ton cœur ?

HENRI
– J’ai toujours bossé, je me suis chargé de devoirs et d’ennuis pour remplir un vide… Il n’y a pas eu que Louise, au cours de mes tournées et de mes festivals. Je me réjouissais, bien sûr, des explosions de plaisir et de la stupeur des visages raisonnants ou idiots, uniques ou banals… Mais, derrière le coin, le vide m’attendait…

JEANNE (très émue)
-Tu vois, Henri, ce que tu me dis maintenant, je l’ai si souvent ressenti… Ce vide…Cette solitude dans la foule, dans le vacarme des corps… des corps étreints, moi éteinte… Alors je jouais des rôles de femme heureuse, épanouie, extravagante, démesurée pour tenter d’y croire, d’être une autre… Je pense à une phrase de François (Mauriac) Magnifique et dangereux métier de l’acteur qui consiste à se perdre puis à se retrouver ».
Moi je me retrouvais à chaque fois, dans le vide, quand les spectateurs sortaient de la salle. Et là, maintenant, je te trouve dans mon vide.

HENRI
– Te souviens-tu de notre promenade ? (Henri prend la main de Jeanne, en l’invitant à se lever. Ils font deux pas…) Il y avait une fontaine. Tu m’avais parlé de Rome, d’une fontaine baroque placée contre un palais au milieu d’un quartier… (Jeanne  esquisse un geste) Oui, c’était la fontaine de Trevi, et tu me racontais cela comme si tu étais cette femme fatale, blonde, plantureuse, comme si tu incarnais en fait Anita Ekberg qui ne cesse de briser l’écran avec son étrange fierté… Et moi, je « devais » être absolument Marcello Mastroianni. Tu plaisantais, tu étais très bienveillante envers moi mais au fond, comme tu dis, et maintenant je le comprends, tu attendais quelques avances de ma part que je n’osais pas…

JEANNE
– As-tu seulement imaginé à quel point j’étais fébrile, ce jour-là ? Presque contre toi, je humais ton parfum de jeune homme plein de promesses, j’aurais défailli malgré mon éducation de petite bourgeoise, si tu avais osé. Ah, pourquoi ne l’as-tu pas fait ? Pourquoi n’as-tu rien dit ?

HENRI
– Ce jour-là, près de cette fontaine, je t’ai résisté. Je me suis créé un alibi pour renoncer à toi. Maintenant, je m’aperçois qu’en renonçant à toi j’avais renoncé à vivre. Mais, depuis lors, j’ai refoulé toute prise de conscience à ce propos. Je n’ai pas vécu comme le personnage incontournable du livre de Marquez…

JEANNE
– L’amour au temps du choléra… ! Je ne t’ai d’ailleurs jamais rendu ce livre que tu m’avais prêté…(2)

HENRI
– Oui. Ce jeune poète pauvre et maladroit, comme moi, s’appelait Florentino, encore un nom évocateur de l’Italie. Tout au contraire de moi, celui-ci a vécu son « attente inexorable » avec la pleine conscience qu’une seule personne pouvait lui correspondre jusqu’au bout…

JEANNE (rêveuse)
– Firmina Daga…

HENRI
– Firmina, quel nom merveilleux et terrible ! Une femme cohérente jusqu’au sacrifice d’elle-même et pourtant elle aussi consciente de porter en soi un seul amour. Oui, mon amie, j’ai passé la vie à essayer de me convaincre qu’on pouvait se consacrer à plusieurs amours, même deux ou trois à la fois. Mais je sais depuis une demi-heure que ce n’est pas vrai. Il n’y a qu’une possibilité.

JEANNE (à voix basse)
– Oui, une possibilité. Une seule, pour ne pas souffrir.

HENRI
– Quand j’ai renoncé à toi j’ai renoncé aussi, sans le savoir, à être comédien, ce que je désirais. D’ailleurs, je n’aurais pu jouer que sous tes yeux ! Ensuite, pour progresser dans le jeu de l’acteur, j’aurais eu besoin de ton enthousiasme et de ta rigueur ! Parallèlement, privée du piédestal de mon amour, toi aussi tu as renoncé à moi ainsi qu’à ton rêve… En deux, dans le seul instant de l’intrusion entre nous du film de Fellini, nous avons perdu à jamais quatre choses !

JEANNE
– Perd-on vraiment à jamais ? Quelle phrase absurde! On devrait dire qu’on perd à toujours. Et ce que l’on perd n’est jamais pour rien, car rien ne se perd, encore moins les sentiments, on peut les transcender, ils sont sources d’inspiration, d’exaltation, de création. (Elle s’enflamme) L’amour ne meurt pas, ne peut pas mourir, je ne le veux pas ! Laisse le passé au passé, nous sommes le présent maintenant. Il arrive que les feux que l’on croit morts ressurgissent encore plus vigoureux, une simple idée de braise suffit à les ranimer. (Elle s’éloigne d’Henri)

HENRI
– Quand je suis arrivé à ce rendez-vous, je t’ai parlé de la fleur à la jambe cassée. Au cours de notre… entrevue — ne t’en es-tu pas aperçue ? — notre amour a explosé. (Il parcourt nerveusement le plateau en long et en large, en soulignant ses propos avec des gestes exagérés) Je pourrais te faire la chronique comme dans un match de boxe : un, je suis arrivé, premier coup… deux, tu m’as tutoyé, un autre coup déjà lourd… trois, le souvenir de la blouse… quatre, la jalousie rétrospective envers ce professeur dragueur d’élèves… cinq, la fontaine ! Là c’est le K.O. Pas question de compter jusqu’à dix. Le boxeur est fini, l’amour a triomphé !… (Il s’arrête pensif, avant d’assumer un ton plus calme et triste) Ensuite… notre amour a flotté librement, douloureusement ou alors il a glissé invisible entre nos corps et nos âmes perdues…. Oui, perdues, Jeanne ! Il faut le dire, maintenant que l’âge et les chagrins nous donnent la force insouciante de parler même des choses les plus insupportables… Notre amour s’est déjà consommé, brûlé, pulvérisé. Et maintenant il est en train de se volatiliser. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas non plus les raisons d’une telle rapidité. Nous sommes, maintenant, comme deux orphelins. Dans un éclair, chacun a perdu à jamais la personne qu’il cherchait depuis une vie. Mais on peut arranger tout cela…

JEANNE (fait quelques pas vers Henri en levant la tête et les bras au ciel)
– Henri ! Ne vois-tu donc rien ? Ils sont là, les papillons, les débris d’amour, les pulvérisés, ils volent autour de nous, il suffit de les attraper, de les réunir…

HENRI (ne l’entend pas, continue sur sa lancée)
– Voilà ce que je te propose. Je te donne mon théâtre et tout ce que j’avais mis de côté pour le sauver et le nourrir. Toi, tu m’as déjà donné ce que j’attendais, sans le savoir, pendant tout ce temps inutile où nous avons vécu séparés… Un grand cadeau : tu m’as transmis un sentiment de la liberté qu’on ne pourrait plus vif et sincère. Il m’a suffi de te voir pour en être imprégné ! Tout cela a déclenché, en un éclair, un épanouissement de la vérité, violent et doux à la fois… Aujourd’hui, j’ai compris ce que voulait dire pour moi être comédien, ou jongleur, ou funambule. Je ne désirais que vivre sans mère ni père. J’ai besoin à présent d’expériences banales, terre à terre, comme les vivait Florentino Ariza. Et toi, tu as besoin de te voir objectivement, à travers le regard des autres. Tu dois forcément te séparer de toi même… (Henri cherche dans la poche interne de sa veste.) Voilà… je te donne la clé ! C’est une clé électronique universelle qui ouvre toutes les portes et fait déclencher toutes les machines théâtrales…

JEANNE (se plante devant Henri)
– A qui offres-tu ton théâtre ? A Jeanne Bréhant, la comédienne, qui resplendira sur les planches vernies, à celle qui se glisse dans la peau des autres, qui est blanche ou noire pour une symphonie tragique ou une comédie, celle qui ne montre jamais son visage tant il est recouvert des expressions volées aux personnages ? Ce ne serait qu’un partenariat, un contrat de plus, qui nous séparerait à jamais. Cette Jeanne-là accepterait sûrement, tant son ego est surdimensionné. Mais si tu l’offres à Jeanne, l’autre, celle qui avait une blouse blanche, celle qui ne porte plus que du noir, celle qui a des frayeurs, qui doute de tout et plus encore d’elle-même, celle qui espère voir enfin son rêve secret se concrétiser, celle restée fidèle à un amour jamais crié et qui n’attendait qu’un mot de lui… (Sa voix se brise) De toi… Cette Jeanne ne voudra pas d’un théâtre dont elle ne saurait que faire : Elle n’a plus de temps pour écrire des vies inventées, elle veut juste vivre une vraie vie de femme aimée, malgré l’âge et la rouille… Et aussi(elle fait un clin d’œil au public) avoir des petits rôles, de temps en temps, juste pour le plaisir de jouer sans courir après les contrats…Et puis, (elle s’approche d’Henri, lui prend les mains) que tu m’emmènes en voyage, tu sais, là où pousse la fleur, là où il y a une fontaine…

Jeanne s’arrête, fixant la petite lumière rouge d’un réflecteur accroché au balcon le plus proche. Avançant comme une somnambule elle rejoint le fauteuil et, toujours au ralenti, elle s’y assied.

HENRI (En s’agenouillant)
– Je voudrais que tu acceptes mon théâtre justement comme preuve de mon amour, Jeanne ! C’est tout ce que je possède, tout ce qui me lie à cette ville, à ce trottoir, à ce petit monde qui nous entoure. Si je le donne à toi, je sais que ce petit trésor tombera dans de bonnes mains… Après, tu peux en faire ce que tu veux…

JEANNE (essayant de masquer son embarras… hoche la tête pour signifier que c’est trop…)
– Mes bonnes mains… Sont-elles vraiment bonnes ? Savent-elles gérer un théâtre ? Mes mains se tordent de douleur, se tendent vers toi à la recherche des tiennes ! Un amour a-t-il donc besoin de preuve ? Je n’en demande pas ! Est-ce si difficile à donner, l’amour nu ?

HENRI
– Si tu savais combien je désirerais entamer une vraie vie avec toi ! Mais je ne suis plus l’homme beau et… costaud que tu regrettes… Je veux dire intimement… costaud ! Je n’ai plus mes vingt ou trente ou même quarante ans qui m’auraient donné cette assurance indispensable… Je suis un peu vieillot, à présent… On devrait vivre sur le fil du rasoir… aujourd’hui c’est beau, on danse, on part en vacances… Demain il fait gris, l’estomac se bloque, on doit s’arrêter dans l’espoir que ça passe… Je ne peux pas prétendre te demander de partager cela…

JEANNE
– (Après un long silence) J’accepte. Je prendrai ton théâtre. Je l’appellerai « La fleur brisée »…

(Noir.)

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Scène 2

(Sur scène, une grande table vide. Derrière, le fauteuil. Lumière concentrée sur la table)

(Un factotum arrive avec une grande enseigne peinte sur le bois : Théâtre « La fleur brisée ». Très gentiment il serre plusieurs fois la main de Jeanne en signe d’entente, avant de s’asseoir au premier rang pour assister sans transition à l’événement. Tous les gens présents s’aperçoivent que cet homme maladroit déguisé en factotum est en réalité Henri Pylat)

JEANNE (s’assoit derrière la table, chausse de gigantesques lunettes. Elle lit à haute voix un document)
– Chers amis, cher public, merci d’être venus nombreux à cette première. Comme vous le savez, il y a quelques mois je suis devenue e)propriétaire de ce théâtre, grâce à la générosité de mon cher Henri Pylat (Elle le désigne de la main avec un doux sourire, et s’arrête de lire). J’aurais dû être pleinement heureuse. Mais une petite voix me taraudait à chaque instant, que je tentais de faire taire. En vain. Elle me disait : « Tu te trompes, tu aurais dû suivre ta première impression et refuser ce théâtre. Ce n’est pas ta voie, pas ta vie. Henri l’a voulu ainsi, mais ce n’était pas son désir profond. Il voulait que la décision vienne de toi » Maintenant je sais que le désir d’Henry est le même que le mien…(Elle reprend sa lecture) Je vous annonce donc que je viens de vendre le théâtre. Il gardera le nom de «La fleur brisée» et le nouveau propriétaire s’engage à proposer de temps en temps des pièces d’Henri Pylat… Comme toutes ces pièces à succès que vous avez applaudies ces derniers mois et qui ont permis au théâtre de revivre. Et si bien revivre que nous pouvons enfin partir l’esprit serein… (Elle se lève, pose ses lunettes sur la table et va vers l’avant-scène). Oui, c’est notre rêve à deux… Monter un spectacle de rue près d’une fontaine… Dans toutes les villes du monde !

(Pleine lumière)
(Jeanne descend les trois marches du plateau au parterre. Les journalistes mêlés au public, debouts, sont prêts à applaudir comme si c’était la fin du spectacle. Mais quelqu’un fait signe d’attendre. Henri Pylat se lève. Il a les deux mains occupées. La gauche s’appuie sur sa canne, la droite traîne péniblement une grosse valise sur roues).

HENRI
– Dans toutes les nuits du monde… !

(Dans un vacarme d’applaudissements, Jeanne et Henri traversent solennellement le parterre, passent dans le hall du théâtre avant de disparaître.)

FIN

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(1) Rappelons que le projet de « Vases Communicants », lancé par Le tiers livre et Scriptopolis consiste à écrire, chaque premier vendredi du mois, sur le blog d’un autre, chacun devant s’occuper des échanges et invitations, avec pour seule consigne de « ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre ». La liste complète des participants est établie grâce à Brigitte Célérier.

(2) : Dans une petite ville des Caraïbes, à la fin du XIXe siècle, un jeune télégraphiste, Florentino Ariza, pauvre, maladroit, poète et violoniste, tombe amoureux fou de Fermina Daza, l’écolière la plus ravissante que l’on puisse imaginer. Sous les amandiers d’un parc, il lui jure un amour éternel et elle accepte de l’épouser. Pendant trois ans, ils ne feront que penser l’un à l’autre, vivre l’un pour l’autre, rêver l’un de l’autre, plongés dans l’envoûtement de l’amour…

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première et Dernière modification 5 septembre 2014

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Le combat du rouge et du gris (débris des vases communicants n. 13)

25 vendredi Juil 2014

Posted by biscarrosse2012 in les échanges, mes contes et récits

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Vendredi 4 juillet 2014 le texte suivant avait été publié, dans l’esprit des « vases communicants« , sur Métronomiques, le blog de Dominique Hasselmann, tandis que le texte à lui a été publié ici à la même date. (1)

Un de mes camarades de Bologne, F. C., s’amusait à dire, de temps en temps, qu’il « aimait le gris ». Dans son inspiration, le gris c’était la couleur de l’anonymat, de la fuite (impossible) des responsabilités. C’était la couleur aussi, peut-être, de « l’aureamediocritas », qu’un verre de vin ou une petite goutte de sang pouvait teinter de passions impromptues ouvrant la porte à des instants de rare bonheur.
À mon avis, ce camarade aimait (et probablement, aime encore) le gris en fonction surtout d’un parti pris et de son irréductible esprit de contradiction envers cette ville de Bologne, trop belle, trop humaine et trop colorée aussi. Je respecte son exagération, même si à ce sujet j’ai des idées tout à fait contraires.
Je considère le gris comme une condition inévitable, une donnée de la réalité — humaine et urbaine — dont on hérite. Comme les quatre murs où l’on naît. Le gris est d’ailleurs la « couleur de base » de Paris, la ville que j’ai enfin préférée à Rome et à Bologne.
Le gris des façades, des trottoirs, et en général des rues de Paris, donnerait raison à mon ami de Bologne : cette couleur de fond, ainsi qu’inévitable, se révèle en fait assez confortable. Un « plaisir de base » s’installe quand on y vit pendant longtemps et que l’on y savoure l’esprit indomptable. D’ailleurs, le gris est aux couleurs ce que la pomme de terre est aux saveurs. Si cette dernière doit sa suprématie à son absence (presque) de saveur et donc à sa disponibilité exquise vers une infinité de nuances merveilleuses et inattendues que certaines cuissons ou assaisonnements peuvent lui conférer, le gris ordinaire des architectures de Paris se marie parfaitement aux couleurs des décors et de l’improvisation quotidienne. On dirait même que le « gris de Paris » attend les autres couleurs au passage, pour s’en enrichir et aussi pour susciter la curiosité sinon l’admiration des passants.
Sans renoncer à sa physionomie unique, Paris sait s’embellir des couleurs de Picasso et de Modigliani mieux que n’importe quelle ville du monde. Néanmoins, elle sait aussi très bien profiter des petites touches, des créativités mineures, du talent diffusé qui jaillit souvent de la pure et simple nécessité de s’en sortir, dictée par les exigences du ménage familier ou tout simplement par le besoin individuel de se garantir un petit équilibre.
Je vais maintenant vous raconter une photo. Une photo que M. Jemmapes, un de mes amis parisiens habitant dans les parages de l’Hôtel du Nord, m’avait envoyée dans l’esprit d’une espèce de chasse au trésor. Jemmapes et moi (M. Valmy), nous avons la chance d’habiter, tous les deux, dans le même 10e arrondissement, « terrible et bruyant », qui prend alternativement le nom des « deux gares » (du Nord et de l’Est) ou de « Magenta » (le boulevard qui coupe brutalement le quartier en deux, reliant la place de la République à Montmartre).
Entre nos deux domiciles demeure la « petite Venise » parisienne, ce village tout à fait particulier (et diversifié à l’intérieur) se développant autour du canal Saint-Martin, le principal contrepoids vis-à-vis des grands axes haussmanniens (boulevard de Magenta, avenue de la République, boulevard Voltaire). Un véritable « poumon » naturel ainsi qu’un havre de paix à la dimension humaine qui a récemment engendré la transformation de la place de la République, devenue, elle aussi, oasis pour les piétons, ne faisant dorénavant qu’une avec le Paris du canal.

001_rue de Lancry 10.5 180 def

(10 mai 2014. Cliquer pour agrandir.)

Quand Jemmapes m’a envoyé cette photo concernant la rue de Lancry, d’abord je me suis perdu. Parce que ces arbres qu’on voit sur le fond, je croyais que c’étaient les platanes du canal près du pont tournant (et du célèbre Hôtel du Nord, pas loin duquel mon ami réside). J’ai même fait une descente sur les lieux avec mon fils, car je ne m’expliquais pas la raison de cette 2cv rouge orientée en sens contraire vis-à-vis du sens unique, obligeant les voitures à circuler en direction du pont. D’ailleurs, dans ma promenade, je n’avais pas trouvé, sur le trottoir de droite, cet énorme cône de glacier.
Ce n’est que le soir, en regardant mieux la photo, que je me suis aperçu que le point de vue du photographe était exactement à l’opposé du mien. Les arbres au fond faisaient en fait partie de cet autre havre de paix qui prend le nom de la station de métro consacrée à Jacques Bonsergent, le premier Français mort, en 1940, lors de l’occupation allemande… Rien qu’un triangle qui élargit la silhouette du boulevard Magenta, offrant aux passants la possibilité d’une halte pour de nonchalantes réflexions ou conversations debout devant le kiosque des journaux ou…
Il n’y a pas ici l’espace pour raconter l’importance, pour moi, de certains endroits de ce quartier ou de leurs noms. Je note ici juste des circonstances : après le nom République, j’ai appris en deuxième celui de Saint-Martin, en troisième celui de Bonsergent et en quatrième celui de Magenta. Ensuite, j’ai appris le sens intime de mots tels « les Garibaldiens » (ne faisant qu’un avec la rue des Vinaigriers) ou « l’Atmosphère » (ne faisant qu’un avec l’Hôtel du Nord et le pont tournant des rues de Lancry et de la Grange aux Belles).
Ces mots faisaient déjà partie de mon « indispensable » vocabulaire, bien avant que je m’installe avec ma femme dans l’hôtel Est en assumant le nom d’art de Valmy.
Depuis que l’on se connaît, Jemmapes et moi, nous nous sommes toujours donné rendez-vous près du pont tournant de la rue Dieu, dans le célèbre bar-bistrot de La Marine. Il descendait depuis l’hôpital Saint-Louis, tandis que moi je venais depuis l’hôtel Est par un parcours plus tortueux, à baïonnette, cohérent avec l’esprit de la glorieuse bataille de Magenta…
Et voilà le mystère expliqué. Avec cette photo, Jemmapes avait voulu tout simplement me donner un nouveau rendez-vous, en proposant un pont tournant situé presque à mi-chemin entre nos deux foyers.
Une fois découverte la bonne orientation de la photo, j’ai reconnu tout de suite, sur la gauche, la boulangerie où je me rends chaque fois que je trouve fermée celle qui est plus proche de chez moi. J’ai ensuite reconnu, petit à petit, les autres enseignes, ainsi que les vitrines et chaque détail d’un parcours que je pourrais faire aussi bien les yeux fermés.
Reste à comprendre la signification, le rôle symbolique de cette « intruse », c’est-à-dire de cette voiture au rouge joyeux qui s’écarte nettement du sanglant magenta…
Une voiture dans un quartier presque complètement reconquis par les piétons, les flâneurs, les coureurs à pied et en vélo, les familles en trottinette, et cætera.
Une voiture qui semble sortir du garage Citroën pour la première fois. Un véritable mirage, donc un oxymoron de la fantaisie photographique de mon correspondant. J’observe mieux. Je m’aperçois qu’ici et là le rouge est présent partout dans la photo. Si ce n’est pas le magenta, c’est le rouge de la casaque des Garibaldiens, le rouge des briques des tours de Bologne, le rouge du drapeau républicain…
Je n’arriverai jamais à comprendre le sens de la devinette que Jemmapes m’a proposée… Je ferme les yeux et je continue pourtant ma flânerie mentale dans ce quartier encore authentique qui, pour le moment, « joue » l’étalage de marchandises colorées, la plupart inutiles, avec le but modéré de capturer quelques passants, tout en gardant son esprit fier et fataliste…
S’il n’y avait pas ce typique fond gris ou grisâtre, on ne saisirait pas les petites différences entre les rideaux, les vitrines, les enseignes, les petites bornes du décor villageois.
S’il n’y avait pas le rouge républicain, créant un nombre infini de petites ou grandes provocations de la curiosité dormante en chacun de nous, Paris ne serait pas Paris.

P.-S. : J’étais déjà en train de jeter l’éponge, me déclarant incapable de dénouer la devinette proposée par mon ami habitant du côté de Jemmapes, quand j’ai finalement compris la raison de cette voiture garée à contre-sens, tant bien que mal, dans l’espace réservé pour les cyclistes. C’était pour s’acheter une glace d’une fameuse marque italienne que quelqu’un (un Italien peut-être) avait emprunté, dans un « blitz », cette 2cv rouge. Une bravade ! L’invitation de Monsieur Jemmapes avait donc un but très innocent : profiter d’une glace au bord du canal et précisément près de l’écluse la plus proche, pour y étudier, de façon scientifique, le principe « social » des vases communicants.

texte : Giovanni Merloni

photo : Dominique Hasselmann

(1) (vases communicants juillet 2014 avec Dominique Hasselmann)

La maison de nos rêves (débris des vases communicants n. 12)

06 dimanche Juil 2014

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vases communicants

Vendredi 7 mars 2014 le texte suivant avait été publié, dans l’esprit des « vases communicants« , sur le blog de Jessica Maisonneuve, tandis que le texte à elle est publié ici à la même date.
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Londres, métro 1978

La maison de nos rêves (1) 

« Celui qui laisse la maison vieille pour la maison neuve, sait bien ce qu’il perd, mais ne sait pas ce qu’il trouve… »
J’avais reçu une lettre non signée de quelqu’un qui devait me connaître très bien. Donc, apparemment, j’aurais dû découvrir à mon tour celui ou celle qui m’avait écrit.
Pour tout dire, je n’avais pas entièrement lu cette lettre. Je m’étais borné aux premières cinq lignes, faisant au commencement confiance à cette écriture fluide et généreuse… Mais j’avais dû m’arrêter lorsque j’avais constaté que l’on connaissait mon secret. Une chose que je n’avais avouée à personne.
Ce monsieur (ou madame ou mademoiselle) savait que je n’en pouvais plus de cette copropriété ainsi que de cet appartement clair et calme au troisième étage d’un immeuble haussmannien dans le quartier de l’Horloge… D’ailleurs, il était trop petit. Ses quarante-cinq mètres carrés ne me suffisaient pas. Je rêvais d’une petite chambre à coucher sans cheminée ni moulures où j’aurais pu finalement me passer du canapé-lit ou de ce lit fantôme s’adaptant à toutes les circonstances. Ce deux-pièces que maintenant je voyais se perdre dans un brouillard épais… Étais-je moi celui qui avait creusé une niche dans le mur mitoyen pour élargir le placard ? Comment avais-je pu apprendre si bien l’art de la menuiserie ainsi que le métier redoutable de l’embaumeur ? Tout cela, maintenant il me semble impossible. Par contre, je trouve cohérente à ce drame mon impulsion aveugle pour le changement :  je pouvais m’adapter à tout, me contentant même d’un petit hublot encastré dans le toit. J’avais juste besoin de quatre murs où me vautrer quand j’aurais eu envie de m’isoler…
Cette lettre arrivait, d’ailleurs, dans un de ces moments cruciaux, décisifs, où l’on est obligés de se faire violence pour sortir d’une effrayante impasse. Néanmoins, ces lignes pleines de charme et de parfum m’inquiétaient. Je me sentais menacé et attiré en même temps.
« Venez, vous me remercierez ! » c’étaient les derniers mots.

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Londres, métro 1978

Si je pense que tout cela s’est déroulé en quelques heures seulement ! Ce matin, j’étais sorti à l’aube, tout de suite après que mon voisin de palier s’était lancé la tête première, comme d’habitude, dans l’escalier. En profitant de ce vacarme, qu’il augmentait au jour le jour pour se donner de l’importance, j’avais vite refermé la porte à double clé. Je ne voulais surtout pas que mes voisins s’intéressent à ma « disparition ».
En me dirigeant vers le métro, j’avais songé aux milliers de personnes prêtes à faire n’importe quoi pour prendre ma place. Mon cœur bondissait comme une boule de ping-pong, tandis que mon cerveau poussait sur le crâne à la seule idée que quelqu’un trouvant la porte ouverte rentre chez moi… J’essayais de me rassurer, en me disant que je l’avais soigneusement refermée à clé, profitant de la voix de contralto de la concierge, ainsi que de son aspirateur en pleine action… Pourtant, j’avais laissé la vieille chaudière allumée. Elle était assez décrépite ! Je paniquai à l’idée d’une explosion de quatre sous, qui aurait pu déclencher l’intervention des Sapeurs-Pompiers, l’irruption des curieux, la bagarre de la police.
Dans le métro, la vision d’une jeune femme pensive, renfermée dans un imperméable identique à celui du tenant Colombo, eut la force de me distraire. Ses yeux bleus et sa bouche en perpétuel mouvement me plongèrent dans une histoire d’assassins et d’espions internationaux. Pourtant elle ne m’était pas étrangère. Son parfum était le même…
Il m’avait fallu presque une heure pour atteindre la station de Saint-Ouen. À pied, puisque je n’avais pas envie de me renseigner chez des inconnus, je m’étais rendu en bord de Seine…
« Dans les emplacements des anciens entrepôts, un nouveau quartier va surgir. Au bout d’un parcours tout à fait inattendu, vous resterez bouleversé à la vue d’une construction ultramoderne, solide et légère à la fois ! » C’étaient les mots qui m’avaient provoqué, en me faisant sortir de mon cocon. Ainsi que ce parfum…
Je me tournai en arrière, brusquement. La femme à l’imperméable avançait derrière moi, tranquille, avec l’air typique de tous ceux qui se rendent au travail à pas de course. Un éclair jaune illumina violemment le petit tunnel où je m’étais joint au troupeau. Cela me donna une étrange euphorie. À la sortie du tunnel, je lorgnai un banc public. Je m’assis.
Sens dessous dessus, je décidai que je ne pouvais plus avancer, même d’un millimètre, si je ne lisais pas la lettre, de A à Z.
(tandis que je lisais, la femme à l’imperméable frôla imperceptiblement mon genou et me sourit, s’accompagnant d’un petit geste complice.)
Je me forçai de lire : « n’ayez pas peur ! » disait au final le mystérieux expéditeur. « On vous montrera plusieurs habitations de différentes tailles. Vous êtes attendu au pied du tapis roulant »
Je me levai, prêt à tout. J’avais reconnu le parfum qui se dégageait de ce profil de femme hâtive qui m’avait gentiment salué. C’était le même parfum inondant la lettre ; le même « Tocade et fuite » de Madame Rochas qu’utilisait…

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Londres, métro 1978

Au bout d’un instant où j’avais hésité, et que j’avais envisagé de faire demi-tour, je m’aperçus qu’il était tard, désormais. J’essayai d’imaginer une possible stratégie pour sortir de mon impasse dangereuse. Une fois installé dans le nouveau logement, j’aurais appelé la concierge, qui a le double de mes clés. Je lui aurais demandé, tout simplement, de rentrer dans l’appartement, d’éteindre la chaudière, avant de couper carrément la lumière et le gaz, se souvenant enfin de renfermer à nouveau la porte d’entrée. De mon nouvel appartement, m’accoudant paisiblement depuis un de ces étages en haut, j’aurais jeté un coup d’œil sur la Seine, avant d’expliquer que j’étais maintenant en voyage et que je serais rentré très tôt, au bout d’une dizaine de jours au maximum.
En fait, il n’y avait plus moyen de changer d’avis, ou de projet de vie. Une ombre épaisse m’emprisonnait sans remèdes. Elle descendait depuis un truc immense que je n’avais pas la force ni l’envie d’examiner avec la même désinvolture des gens qui arrivent au travail comme si c’était une alcôve. Heureusement, le paysage sombre était traversé par des flèches lumineuses et des silhouettes phosphorescentes qui se croisaient avec une sorte de joie complice. Je fus attiré par une inscription : LOGE. Étais-je déjà arrivé ?
Par une vive déception, je vis, au lieu des sabots usés de ma concierge bien aimée, une machine pour le péage ! Elle me demandant de façon dictatoriale de faufiler un billet de métro ou l’équivalent en argent dans un filet. J’obéis et…

BIM ! BUM ! BAM !

Comme si je devais entamer une longue visite dans un musée, je me trouvai dans les mains une espèce d’émetteur-récepteur à la voix très aiguë.

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Londres, métro 1978

Il n’y avait pas de choix, j’étais obligé de monter avec le tapis roulant par un parcours en courbe. On aurait dit que j’allais me lancer dans une autoroute ou dans une piste ne faisant qu’un avec un bateau de ligne ultramoderne prêt à partir sur le ruban bleu de la Seine.
Voilà, je fus sur une énorme terrasse, avec des saules pleureurs partout, où les gens circulaient comme des ombres parmi des haies en guise de labyrinthe…
— Quel est le mien ? Je demandai au microphone
— Suivez les charmilles rouges avec panorama incorporé. Elles sont là pour
vous, me répondit l’inconnue à l’air ricaneur.
J’eus peur. Et pourtant, sur le fond de mon pessimisme noir s’ouvrait une petite fente teintée de rose. Le couchant aurait pu se muter en aurore… En fin de compte, qu’avais-je fait ? Je n’étais qu’un exécuteur… Oui, le mot existe, j’avais été le bras armé, j’avais travaillé pour quelqu’un qui devait ensuite s’occuper de tout : de nouveaux papiers, un costume tout à fait différent ainsi que de lunettes métalliques… Je n’avais pas besoin de changer ma gueule, anonyme jusqu’à la transparence. Et voilà qu’il y avait un autre être qui se chargerait de me donner une chance, une place libre, un immeuble tout neuf en échange d’un immeuble tout pourri !
Pendant un instant, rien qu’un instant, j’entendis une voix de l’au-delà — ayant appartenu peut-être à mon silencieux compagnon de chambre — murmurant : «
Celui qui laisse la maison vieille pour la maison neuve, sait bien ce qu’il perd, mais ne sait pas ce qu’il trouve ! »

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Londres, métro 1978

Troublé par cette interférence, j’attendis que le problème technique fût réglé. Ensuite, tout en trébuchant péniblement sur les aspérités du sol — qui voulait peut-être évoquer les sous-bois pleins de branches et d’orties —, je poursuivis dans le parcours indiqué par mon assistant virtuel. Il me hurlait dans l’oreille BIM pour avancer, BUM pour m’arrêter à réfléchir et BAM pour me prévenir vis-à-vis des risques d’emprunter la fausse direction.
Bientôt, je me trouvai dans un escalier en colimaçon. Obéissant aux instructions de cette voix de plus en plus familière, je me plantai solidement sur l’une des marches triangulaires en m’accrochant aux poignées suspendues sur ma tête. Je plongeai enfin dans un espace gris et sombre (un garage au sous-sol ?) où cette voix me conseilla de suivre les petits cailloux de plâtre collés au linoléum : — juste trois secondes :

BIM ! BUM ! BAM !

La femme assise sur le fauteuil, tout en me tournant le dos, me demanda la carte vitale, le RIB et la carte fidélité de cette unité d’habitation, qui s’appelle

ROUGE LE SOIR, IL N’Y A QUE L’ESPOIR…

L’ayant reconnue, j’essayai de rester sage. Gentiment, je lui dis que je n’avais pas de carte fidélité, car je venais juste d’arriver.
— Si, si ! Vous l’avez ! Regardez bien dans votre portefeuille !
(Ces deux mots courts — « si, si » — me ramenèrent d’un coup en Italie, au souvenir d’une incontournable visite au Colisée, endroit que j’avais trouvé idéal pour s’y abriter, à condition, certes, qu’on renonce aux portes et aux fenêtres.)
Tout de suite après, la jeune femme à l’imperméable fit tourner brusquement son fauteuil, jusqu’à cogner son nez contre le mien.
C’était elle. Avec sa nouvelle coiffure, elle avait rajeuni d’une quinzaine d’années. D’un air hagard et sournois, elle ne cachait pas son triomphe. Croyant de voir en elle Ariane ou Eurydice je compris en un seul déclic que je n’aurais jamais dû, comme Persée, suivre ses cailloux ni ses ordres sous-entendus. Et maintenant, puisque c’était elle qui se tournait en arrière, moi j’aurais dû être plus sage qu’Orphée…
Mais l’attrait de la maison neuve ce fut plus fort que toute prudence : je vis la Seine couler dans ses yeux, tandis que les terrasses des bistrots, baignées de lumières, lui ouvraient la bouche dans un sourire…
— Arrête un moment d’étaler tes merveilles ! lui dis-je. Laisse-moi essayer de répondre à l’énigme qui règle ce cauchemar. Car je devine déjà, en un seul regard, ce que tu incarnes. C’est toi l’immeuble ultramoderne et ultra confortable ! C’est toi l’héritière de Le Corbusier et de son Esprit nouveau ! 
(2) 

006_maisonneuve 180Londres, métro 1978

— D’ailleurs, tu savais très bien combien j’admire cet homme visionnaire et réaliste à la fois. Tu vas même au-delà… Pourtant, tes yeux sont le toit-terrasse que le Maître prêche dans toutes ses publications, même posthumes, depuis en 1927 ; ta bouche ressemble comme une goutte d’eau à la fenêtre en longueur de ses unités d’habitation ; ton indispensable nez c’est un des pilotis qui soutiennent cette baraque-ci (si, si ! C’est une baraque !) ; tes oreilles, finalement à l’écoute, sont la dernière touche qui rend fort aimable ton visage juste un peu épuisé par ce travail pénible… tandis que tes cheveux ébouriffés et pleins de charme évoquent le plan libre !
— Bravo, avec votre exploit vous venez de signer un contrat avec votre « maison neuve », dit-elle, en me vouvoyant.
— Je veux voir mon appartement, avant.
— Mais vous y êtes déjà ! Vis-à-vis de 1927 on a fait des progrès. Abolis les couloirs ainsi que les portes, pour ouvrir les fenêtres il suffit d’écarquiller les yeux…
— Qu’après on referme avec la bouche, n’est-ce pas. ? essayai-je d’ajouter, tout en lui lançant un baiser, qui tomba pourtant dans le vide.
J’ai obtenu une chambre en plus, avec un hublot bleu-nuit de train, comme je désirais. Mais, je ne sortirai d’ici qu’au bout d’un long couloir d’années — vingt-cinq ou vingt-six : je n’ai pas retenu ce numéro. À condition bien évidemment de survivre avec tout ce BIM BIM BAM et cette modernité ultramoderne.
De cette immense construction, je n’ai pu saisir que quelques images en écho. Pourvu qu’elle soit robuste, cela ne change en rien, pour moi, si son aspect extérieur est agréable comme une unité d’habitation plongée dans la nature selon les prescriptions de l’Esprit nouveau, tandis qu’au contraire je suis abandonné dans un cachot humide aux tréfonds d’une galère.
Tout en recouvrant plusieurs rôles, dont celui de syndic de cet hôtel particulier, elle vient de temps en temps me voir, s’invitant dans le jeu redoutable et parfois pervers d’un rapport de plus en plus intime entre la victime — moi-même — et celui du bourreau, qu’elle incarne à la perfection.
En fin de compte, je n’aurais rien de quoi me plaindre, ayant enfin obtenu une chambre exclusive pour moi. Mais, à chaque fois qu’elle se rhabille — avant de prononcer le code de sortie, toujours différent —, j’ai toujours peur qu’elle me dise, à brûle-pourpoint :
— Mais pourquoi as-tu décidé un jour de tuer mon mari ? Il est vrai, il était fort ennuyeux, mais il faisait bien son travail de syndic, gardant toujours une séparation nette entre les questions concernant ta copropriété et les questions privées…
Heureusement, elle me disait cela assez rarement, car nos discussions architecturales autour de Le Corbusier et du baron Haussmann l’emportaient jusqu’à la rendre distraite. Par contre, dans les moments silencieux, un petit diable lui suggérait souvent de tout gâter par une phrase aussi déplacée qu’inutile, désormais :
— Ne pouvais-tu pas me dire que tu gardais le cadavre embaumé de mon mari dans ton placard-lit et que cela devenait de plus en plus gênant… car tu ne pouvais plus m’y recevoir à cause de ce tiers incommode ?

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Londres, Agatha Christie, Madame Tussauds, musée de cire, 1978

Oui, c’est vrai, avec ma fantaisie galopante, j’avais cru obéir à ses désirs, en la débarrassant de son époux. Mais, évidemment, j’avais eu ensuite quelques doutes à propos de ses intentions effectives. Cela m’avait affaibli et rendu incertain. J’avais perdu toute détermination dans le moment précis où je m’étais trouvé seul avec ce mort étendu de travers sur le lit pliant. C’était d’ailleurs impossible de sortir de cet immeuble frénétique, le jour ou la nuit cela aurait été la même chose. Alors, je décidai de résoudre « en famille » la question, achetant chez un bouquiniste à côté de Notre Dame un manuel pour embaumer les oiseaux. Quelques jours après, ce corps enveloppé dans les draps et les journaux m’était désormais familier. J’avais creusé une niche dans le mur où le cadavre gisait debout, caché tant bien que mal par un rideau noir de photographe.
J’avais dû me priver de la compagnie d’elle, évidemment, par des prétextes affreux. D’ailleurs, je ne pouvais pas lui expliquer que la momie ne me donnait aucun souci. Je m’attachais à l’air prétentieux des habitants de mon immeuble haussmannien, tout en déclarant que j’en souhaitais la mort violente.
Maintenant, dans les rares quarts d’heure d’air qu’on m’accorde sur le toit-jardin, je me répète la même question : « pourquoi Ariane et Eurydice, ont-elles voulu me convoquer ici tandis que, pendant longtemps, ni l’une ni l’autre ne s’est aucunement intéressée au sort du mari disparu sans une seule trace ? »

Texte : Giovanni Merloni

Photo : Giovanni Merloni

(1) (vases communicants mars 2014 avec Jessica Maisonneuve)

(2) Voilà les cinq points de l’architecture moderne lancés en 1927 par Le Corbusier et Pierre Jeanneret2 :

Premier : les pilotis (le rez-de-chaussée est transformé en un espace dégagé destiné aux circulations, les locaux obscurs et humides sont supprimés, le jardin passe sous le bâtiment) ;

Deuxième : le toit-terrasse (ce qui signifie à la fois le renoncement au toit traditionnel en pente, le toit-terrasse rendu ainsi accessible et pouvant servir de solarium, de terrain de sport ou de piscine, et le toit-jardin) ;

Troisième : le plan libre (la suppression des murs et refends porteurs autorisée par les structures de type poteaux-dalles en acier ou en béton armé libère l’espace, dont le découpage est rendu indépendant de la structure) ;

Quatrième : la fenêtre en longueur (elle aussi, rendue possible par les structures poteaux-dalles supprimant la contrainte des linteaux) ;

Cinquième : la façade libre (poteaux en retrait des façades, plancher en porte-à-faux, la façade devient une peau mince de murs légers et de baies placées indépendamment de la structure).

L’effet miroir au volant

04 vendredi Juil 2014

Posted by biscarrosse2012 in les échanges

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vases communicants

Merci, Dominique, de m’avoir proposé de partager avec toi, pour la deuxième fois, cette aventure des « vases communicants », ce vendredi 4 juillet 2014. Merci d’avoir accueilli mon billet jumeau d’aujourd’hui — titré « Combat du rouge et du gris » — dans ton blog. Basé sur un prétexte (une voiture rouge, élégante et inattendue) notre échange a été absolument libre : moi, j’ai profité d’un de tes admirables photos pour une improbable flânerie dans la « petite Venise » du canal Saint-Martin à Paris ; toi, tu as laissé couler le flux des souvenirs que peut-être mon dessin t’avait en partie  suggérés.
Cet échange a été très agréable pour moi et j’espère que les lecteurs saisiront les petites affinités qui relient entre eux nos deux récits. Je profite de cette occasion pour te remercier de tes publications quotidiennes, — avant sur
Le Tourne à gauche, maintenant sur Métronomiques  —, qui me donnent la possibilité de participer activement aux débats qui se déclenchent à partir des suggestions de tes billets, toujours riches et inattendus.
En quoi consiste le projet de « Vases Communicants », lancé par 
Le tiers livre (François Bon) et Scriptopolis (Jérôme Denis) ? Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. La liste complète des participants est établie justement grâce à Brigitte Célérier.
G.M.

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Giovanni Merloni, Arrêter la machine du temps, 1993

L’effet miroir au volant

Une fois dans la voiture, on démarre, l’étrave du capot fend le flot de la circulation. J’aime conduire (et j’essaie de me bien conduire), mais je ressens cette liberté comme paradoxale puisqu’elle est de plus en plus encadrée par les lois, limites, règlements, interdictions, radars et autres mesures dites « sécuritaires », problèmes dont la solution radicale serait, à terme, la disparition pure et simple de l’automobile.
Parmi les véhicules que j’ai possédés, je m’étais acheté d’occasion, quand j’étais étudiant en fac à Besançon, une Chevrolet Corvair qui voisina un temps sur le parking de notre petite maison à Vesoul (70) avec ma 2cv.
Cela devait sans doute assouvir un désir inavoué : la banquette pour trois (pas de ceintures de sécurité à l’époque !), le nom magique de la marque d’origine française, le souvenir des films américains époque James Dean, l’esthétique du véhicule, la conduite automatique… mais la consommation d’essence était nettement exagérée et je ne pouvais engloutir ma bourse d’étudiant dans le réservoir. Au bout de quelques mois, je revendis mon phantasme.
Quand j’ai acheté une petite Volkswagen, c’était autant à cause du nom « démocratique » (même s’il avait un passé un peu lourd à porter) que de sa forme arrondie et des deux pots d’échappement et du bruit si particulier du moteur. Je l’avais choisie rouge, on la voyait de loin sur les routes (maintenant le noir est majoritaire).
Cette gentille VW m’a emmené, entre autres destinations, jusqu’en Grèce, où elle coula une bielle pour nous dire que la chaleur (ajoutée au manque d’huile, sans doute) tapait vraiment trop fort. Notre bâtard Pollux, malgré son nom mythologique, ne put monter jusqu’à l’Acropole : les gardiens grecs du site nous affirmèrent que les chiens noirs portaient malheur.
Récemment, j’ai vu que Volkswagen avait lancé sa nouvelle VW, baptisée cette fois-ci « Coccinelle », reprenant ainsi, de manière marketing, le nom que lui avait donné spontanément « le peuple » : il faut dire que ce modèle semble plus réussi que le précédent (« New-Beetle »), car peut-être plus proche de l’original.
Quand j’ai acheté à Paris une 2cv Charleston, après avoir vendu ma moto Honda CBK 750 quatre cylindres, j’avais le choix entre deux couleurs : gris foncé et gris clair ou rouge et noir. J’ai choisi la deuxième couleur (qui me rappelait celle de ma « bécane ») et j’aimais, là aussi, son aspect rétro, ses phares et rétroviseurs chromés, son antenne radio verticale sur l’aile avant et son toit amovible qui en faisait la décapotable la moins chère du marché.
Après d’autres voitures, j’en suis maintenant à ma deuxième Scenic Renault (la première était vert bouteille), de couleur rouge. Cette constante m’interroge : est-ce l’attrait de cette teinte, violente et vitale comme le sang, sa connotation politique – « Laissons la peur du rouge aux bêtes à cornes ! » disait un slogan de Mai 68 – ou le fait qu’il est rare, sauf pour les pompiers, de se précipiter sur ce modèle du nuancier automobile ?
Une fois au volant, on ne pense plus à la couleur de la voiture que l’on conduit car ce sont les autres qui vous remarquent. Mais si vous apercevez un véhicule de couleur rouge, il se produit alors comme un effet miroir : vous vous mettez à la place de l’autre conducteur qui a oublié d’ailleurs, avant de vous repérer, que vous apparteniez exactement au même endroit que lui sur la palette du peintre.

texte : Dominique Hasselmann

dessin : Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 4 juillet 2014

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Un portrait irrégulier, le point de vue de Giovanni Merloni (Débris des vasescommunicants n. 13)

30 vendredi Mai 2014

Posted by biscarrosse2012 in les échanges, mes contes et récits

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Vendredi 2 mai 2014 le texte suivant avait été publié, dans l’esprit des « vases communicants », sur le blog de François Bonneau, tandis que le texte à lui est publié ici à la même date.
Aujourd’hui, dernier vendredi du mois, je propose à nouveau la lecture de mon « point de vue » au sujet d’un « portrait irrégulier ». Ou, pour mieux dire,  sur la possibilité d’intégrer dialectiquement, à l’intérieur d’un vase-miroir ce qu’évoquent les titres de nos blogs : « le portrait inconscient » et « l’irrégulier ».
On s’est donc échangés des images de quelques façons adaptées à l’idée d’un « portrait irrégulier » qui se réaliserait en « fusionnant » nos points de vue. Vous trouverez donc ci-dessous le « portrait irrégulier selon Giovanni Merloni », tandis que le sien est hébergé dans « l’irrégulier » d’aujourd’hui.

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Un portrait irrégulier (le point de vue de Giovanni Merloni)

Le point de vue que me propose François est celui d’un miroir déformé, comme vous voyez ci-dessus. Un visage long et gonflé, que la lumière sur la joue droite brûle un peu. Un effet d’éloignement réciproque entre les yeux et la bouche qui met « en valeur » un nez un peu exagéré.
Ce qui m’étonne, ces yeux (qui viennent juste de sortir du sommeil) nous regardent débonnaires, avec surprise et curiosité, tandis que la bouche hurle en protestant, indignée.
Quoi faire ?

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Dans la deuxième photo, je note la même chemise céleste dépourvue du premier bouton et le même pull bleu. Mais le personnage « irrégulier » ne présente presque aucune ressemblance avec le précédent. Si celui-là pouvait évoquer mon professeur de latin en train d’expliquer les gênes rencontrées dans la correction des devoirs (et d’ajouter : « dorénavant le tour de vis sera encore plus sanglant ! »), celui-ci ressemble carrément à un extra-terrestre humanisé. Il nous accueille, apparemment, dans sa cellule spatiale super équipée où l’on peut entrevoir des piments spéciaux pour rendre mangeables de tristes pilules colorées qui vont remplacer le pot au feu ainsi que les lasagnes à la bolonaise.

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Heureusement, ce monsieur lunaire a été compréhensif. Il m’a laissé descendre de l’astronef : « Juste le temps de faire pipi la dernière fois dans votre atmosphère ! » m’a-t-il dit, en refermant ses yeux énormes, tout en sachant que j’aurais profité de sa distraction pour m’en fuir.
Mais, je suis tombé de la poêle dans la braise. Pour me sauver, je suis rentré dans la première porte ouverte. C’était un musée d’art contemporain. Il ne manquait de rien. De Hopper à Rauschenberg, de Burri à Pollock. Et, naturellement, il y avait Léger, Kandinskij et Picasso. Imaginant de pouvoir finalement reprendre haleine, je me suis installé sur un divan de velours très commode. En face, on avait accroché un tableau au châssis déformé exprès… Sur fond bleu, des figures géométriques vertes et marron se détachaient harmoniquement… J’ai fermé les yeux.
À l’improviste, quelqu’un m’a adressé la parole : « réveillez-vous ! D’ici quinze minutes, on va fermer. Je vous conseille de ne pas rater la dernière salle. Dépêchez-vous ! » Surpris de cette attitude empressée, j’ai essayé de regarder dans les yeux ce monsieur… et je me suis trouvé devant un tableau personnifié ! Essayant d’esquiver son regard hypnotiseur, j’ai demandé en quoi consistait l’attraction de la dernière salle. « C’est moi ! Venez, venez ! »
Dix minutes après, j’étais entouré d’un groupe de visiteurs inquiets pour ma santé. Ils m’avaient installé sur un banc public dans le jardin encore baigné des rayons rouges du crépuscule. « Vous vous êtes évanoui », me dit une gentille femme blonde, en m’offrant de l’eau dans un verre de papier. « Vous avez oublié ça ! » me dit son mari en me glissant sur la poitrine essoufflée deux cartes postales.
En les regardant, je me souvins petit à petit. Mais, quand je prononçai péniblement le nom « Francis Bacon », c’était trop tard pour raconter. Les deux secouristes étaient partis et le gardien de l’hôtel particulier me fit signe de sortir, car il devait fermer la grille.

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Heureusement, la rue qui longeait le petit jardin se déroulait selon une perspective opposée à la place où encore trônait l’araignée spatiale avec ses gyrophares multicolores. Je me faufilai dans le bistrot de L’ANCÊTRE en m’isolant au bout du local, derrière le comptoir de zinc.
Avec mes derniers euros, je me régalai en demandant une « Mort subite » blanche. Essayant de ne pas attirer l’attention, j’examinai la première carte postale en la confrontant avec la deuxième. Dans celle-ci, on découvrait un visage presque humain. Cela me fit réfléchir : peut-être, je devrais renverser leur ordre. Car la deuxième reproduisait sans doute un tableau plus ancien de Francis Bacon. Oui, celui-ci est un portrait assez irrégulier, si l’on considère que sur la gauche vous avez un regard tout à fait humain venant du XIXe siècle — on dirait Marcel Proust en personne — ainsi qu’une attitude légèrement agacée, mais patiente, tandis que sur la droite la tête se modernise en « mettant en valeur » la moitié gommeuse du personnage concerné…
J’avoue pourtant que les deux photos me dérangeaient vivement. J’avalai deux gorgées de « Mort subite » et tout revint à mon esprit : la dernière salle, complètement noire ; les deux encadrements vides, tandis que l’homme y glissait dedans. Mais, comment avait-il pu se caler dans deux tableaux dans le même instant ?

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Ensuite, comment dire ? Un deuxième verre de « Mort subite », que je ne pouvais pas payer, acheva mon égarement. Je notai dans la table à côté de la mienne un de mes poètes maudits préférés, ou alors Pierre-Auguste Renoir en chair et os.
Celui-ci, en constatant mon embarras financier, me fit signe qu’il n’y avait pas de problèmes. Il était l’arrière-grand-père du patron et donc je n’aurais pas payé la deuxième bière.
Il se suivit un long silence, dans lequel je n’osais rien dire.
Bouche bée, je regardais cet homme tourmenté, que la lumière psychédélique du bar rendait surréel :

« Je suis le Ténébreux, — le Veuf, — l’inconsolé,
Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie… »

était-il en train de dire.
« Mais vous êtes… »
« Oui, j’étais Gérard de Nerval ! »

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Voilà, j’ai échappé à la rage du vieux professeur, je me suis sauvé d’un piège interplanétaire… J’ai ensuite réussi à sortir indemne du risque d’être englouti par deux tableaux de Francis Bacon (ou peut-être de François Bonneau) et j’ai survécu à la Mort subite grâce à l’intercession d’un esprit poétique et désintéressé.
Mais après, je me suis trouvé dans la rue, sans un sou, empêché par mon orgueil d’artiste jeûnant de trouver un boulot quelconque. Ici, loin de tout, dans cet unique carrefour après de kilomètres et des kilomètres de campagne, je pourrais bien travailler comme fossoyeur ou facteur ou simple galopin.
Pourtant, j’ai confiance dans le temps. Ça va passer. Je dois encore descendre un peu, avant de toucher le fond du vase. Après je remonterai !

À propos, avez-vous une cigarette ?
Imaginez-vous ce qu’on m’a répondu.

Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication 2 mai 2014 sur « l’irrégulier », Dernière modification 30 mai 2014
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