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Merci, Dominique, de m’avoir proposé de partager avec toi, pour la deuxième fois, cette aventure des « vases communicants », ce vendredi 4 juillet 2014. Merci d’avoir accueilli mon billet jumeau d’aujourd’hui — titré « Combat du rouge et du gris » — dans ton blog. Basé sur un prétexte (une voiture rouge, élégante et inattendue) notre échange a été absolument libre : moi, j’ai profité d’un de tes admirables photos pour une improbable flânerie dans la « petite Venise » du canal Saint-Martin à Paris ; toi, tu as laissé couler le flux des souvenirs que peut-être mon dessin t’avait en partie  suggérés.
Cet échange a été très agréable pour moi et j’espère que les lecteurs saisiront les petites affinités qui relient entre eux nos deux récits. Je profite de cette occasion pour te remercier de tes publications quotidiennes, — avant sur
Le Tourne à gauche, maintenant sur Métronomiques  —, qui me donnent la possibilité de participer activement aux débats qui se déclenchent à partir des suggestions de tes billets, toujours riches et inattendus.
En quoi consiste le projet de « Vases Communicants », lancé par 
Le tiers livre (François Bon) et Scriptopolis (Jérôme Denis) ? Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. La liste complète des participants est établie justement grâce à Brigitte Célérier.
G.M.

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Giovanni Merloni, Arrêter la machine du temps, 1993

L’effet miroir au volant

Une fois dans la voiture, on démarre, l’étrave du capot fend le flot de la circulation. J’aime conduire (et j’essaie de me bien conduire), mais je ressens cette liberté comme paradoxale puisqu’elle est de plus en plus encadrée par les lois, limites, règlements, interdictions, radars et autres mesures dites « sécuritaires », problèmes dont la solution radicale serait, à terme, la disparition pure et simple de l’automobile.
Parmi les véhicules que j’ai possédés, je m’étais acheté d’occasion, quand j’étais étudiant en fac à Besançon, une Chevrolet Corvair qui voisina un temps sur le parking de notre petite maison à Vesoul (70) avec ma 2cv.
Cela devait sans doute assouvir un désir inavoué : la banquette pour trois (pas de ceintures de sécurité à l’époque !), le nom magique de la marque d’origine française, le souvenir des films américains époque James Dean, l’esthétique du véhicule, la conduite automatique… mais la consommation d’essence était nettement exagérée et je ne pouvais engloutir ma bourse d’étudiant dans le réservoir. Au bout de quelques mois, je revendis mon phantasme.
Quand j’ai acheté une petite Volkswagen, c’était autant à cause du nom « démocratique » (même s’il avait un passé un peu lourd à porter) que de sa forme arrondie et des deux pots d’échappement et du bruit si particulier du moteur. Je l’avais choisie rouge, on la voyait de loin sur les routes (maintenant le noir est majoritaire).
Cette gentille VW m’a emmené, entre autres destinations, jusqu’en Grèce, où elle coula une bielle pour nous dire que la chaleur (ajoutée au manque d’huile, sans doute) tapait vraiment trop fort. Notre bâtard Pollux, malgré son nom mythologique, ne put monter jusqu’à l’Acropole : les gardiens grecs du site nous affirmèrent que les chiens noirs portaient malheur.
Récemment, j’ai vu que Volkswagen avait lancé sa nouvelle VW, baptisée cette fois-ci « Coccinelle », reprenant ainsi, de manière marketing, le nom que lui avait donné spontanément « le peuple » : il faut dire que ce modèle semble plus réussi que le précédent (« New-Beetle »), car peut-être plus proche de l’original.
Quand j’ai acheté à Paris une 2cv Charleston, après avoir vendu ma moto Honda CBK 750 quatre cylindres, j’avais le choix entre deux couleurs : gris foncé et gris clair ou rouge et noir. J’ai choisi la deuxième couleur (qui me rappelait celle de ma « bécane ») et j’aimais, là aussi, son aspect rétro, ses phares et rétroviseurs chromés, son antenne radio verticale sur l’aile avant et son toit amovible qui en faisait la décapotable la moins chère du marché.
Après d’autres voitures, j’en suis maintenant à ma deuxième Scenic Renault (la première était vert bouteille), de couleur rouge. Cette constante m’interroge : est-ce l’attrait de cette teinte, violente et vitale comme le sang, sa connotation politique – « Laissons la peur du rouge aux bêtes à cornes ! » disait un slogan de Mai 68 – ou le fait qu’il est rare, sauf pour les pompiers, de se précipiter sur ce modèle du nuancier automobile ?
Une fois au volant, on ne pense plus à la couleur de la voiture que l’on conduit car ce sont les autres qui vous remarquent. Mais si vous apercevez un véhicule de couleur rouge, il se produit alors comme un effet miroir : vous vous mettez à la place de l’autre conducteur qui a oublié d’ailleurs, avant de vous repérer, que vous apparteniez exactement au même endroit que lui sur la palette du peintre.

texte : Dominique Hasselmann

dessin : Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 4 juillet 2014

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