le portrait inconscient

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Un portrait irrégulier, le point de vue de François Bonneau (les #vases communicants, mai 2014)

02 vendredi Mai 2014

Posted by biscarrosse2012 in les échanges

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François Bonneau, vases communicants

Le « système » des vases communicants (*) est en train de produire dans notre contexte francophone une série d’expériences de plus en plus intéressantes. La circulation de chaque « échange », à travers la lecture, fait progressivement déclencher une certaine variété de vases et aussi de variantes évolutives par rapport à l’idée originaire d’un échange tout court.
Avec François Bonneau, au risque de voir notre vase « excommunié » ou tout simplement anathématisé, nous avons osé regarder à l’intérieur du vase (une « giara » sicilienne ou une porcelaine chinoise ce serait le même), comme dans un puits. Une idée transgressive (pourquoi pas ?) de communication ou de réflexion commune.
Et voilà la découverte : le vase est un miroir. Si j’envoie un dessin ou une photo que j’ai choisie à François Bonneau, cela veut dire que je lui propose, bien sûr, une contrainte parmi les infinies contraintes possibles. Mais je lui offre aussi un « alibi » pour s’exprimer librement.
Et, vice versa, si Bonneau choisit pour moi des images — en correspondance d’un sujet commun ou sans aucune contrainte thématique — il me propose de travailler « à partir » de ces images, mais de façon libre, essayant le plus possible de garder l’esprit insouciant et l’âme disponible à la rêverie.
Donc ce que nous nous envoyons réciproquement, ce sont des miroirs. Des miroirs « souillés » par des traînées de couleurs, par des lignes plus ou moins serrées ou alors par des images apparemment complètes et exhaustives qui se superposent au miroir comme une pellicule opaque.
Cela a toujours fonctionné, car la présence de l’image ajoute au miroir un effet de décalage extraordinaire, telle une allumette s’appuyant sur une mèche destinée à provoquer tôt ou tard en nous l’explosion créative.
D’ailleurs, comme le disait très bien mon cousin psychanalyste (que j’ai déjà cité plusieurs fois) « c’est la rêverie qui allume la volonté », en déclenchant le désir de vivre et de faire quelque chose dans le monde.
Selon une logique tout à fait intéressée, cette hypothèse du vase-miroir peut justifier alors l’affirmation selon laquelle un vase communicant, en exaltant sa propre nature de miroir, peut offrir aux poètes et aux artistes des suggestions pour des portraits.
Et voilà le défi que François Bonneau et moi nous avons assumé aujourd’hui : profiter de cette identité entre le portrait, le miroir et le vase communicant pour mettre en relation deux philosophies de la vie et de la création, la sienne et la mienne. Ou, pour mieux dire, intégrer dialectiquement à l’intérieur d’un vase-miroir ce qu’évoquent les titres de nos blogs : « le portrait inconscient » et « l’irrégulier ».
On s’est donc échangés des images de quelques façons adaptées à l’idée d’un « portrait irrégulier » qui se réaliserait en « fusionnant » nos points de vue. Vous trouverez ci-dessous le « portrait irrégulier selon François Bonneau », tandis que le mien est hébergé dans « l’irrégulier » d’aujourd’hui.
Giovanni Merloni

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Portrait irrégulier – François Bonneau

Elle ne s’en remet pas.
Pas encore tout à fait, de sa fusion consentie avec son proche environnement. Elle s’en tient le ventre, veut éprouver sa chair, éprouver les matériaux qui l’entourent, comme ces tours, ces transparences, cette table support qui lui rappelle qu’elle est là où elle a choisi d’être.
Au loin l’attend depuis toujours une galerie noire, à la toiture triangulaire sans fin, recouverte de suie. Un chalet sans montagne tout autant qu’un tunnel pyramidal, sans grand espoir d’une sortie.
Aurait-il fallu prendre le temps de considérer ce point de fuite inexorable de charbon, au loin ? Peut-être pas, quand on peut être si bien, juste là, en tâtant ses propres cheveux au travers d’une tour qu’ils transpercent. Une tour à taille humaine qui abolit le lointain.
Elle n’entrera pas, l’inévitable ne sera plus guère qu’un choix. Et un refus, en l’occurrence.
Cet aileron, dans son dos, lui appartient-il encore ? Ou a t-il rejoint déjà l’environnement proche avec lequel elle s’entremêle ? Et ce tabouret circulaire, est-il une excroissance de sa colonne vertébrale ?
Elle s’en fiche et voudrait nous deviner, sur ce seuil qui l’enracine doucement, dans lequel elle se fond avec lenteur, silhouette gironde et anguleuse, aimante et perdue. Elle se demande certainement ce qui nous surprend, chez elle.

Texte : François Bonneau

Illustration : Giovanni Merloni

(*) Rappelons que le projet de « Vases Communicants », lancé par Le tiers livre et Scriptopolis consiste à écrire, chaque premier vendredi du mois, sur le blog d’un autre, chacun devant s’occuper des échanges et invitations, avec pour seule consigne de « ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre ». La liste complète des participants est établie grâce à Brigitte Célérier.

Interdit aux hommes, par Jessica Maisonneuve (les #vases communicants, mars 2014)

07 vendredi Mar 2014

Posted by biscarrosse2012 in les échanges

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vases communicants

Pour les vases communicants (*) de mars 2014 (voir liste complète des participants), Jessica Maisonneuve et moi nous avons décidé d’exploiter notre échange par des textes tout à fait libres autour d’un thème croisé : la maison ancienne et la maison neuve. À partir de ces traces aussi suggestives qu’incomplètes, chacun de nous a exploité un petit conte ou récit imaginaire se déroulant : pour Jessica dans un quartier haussmannien, pour moi dans la proche banlieue de Paris. Dans cet esprit ce blog-ci héberge Jessica Maisonneuve, tandis que je me suis invité, pour y déposer un conte assez farfelu, dans Gadins et bouts de ficelles, le blog de Jessica. Ce dernier, tout en reflétant la personnalité poétique profonde et sensible de Jesssica, est basé depuis sa naissance, sur l’idée de l’échange et du partage.
Giovanni Merloni

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interdit aux hommes

Le processus qui amène du chagrin à la végétation. Je le vis. De l’intérieur. Je l’observe dans mon corps. Dans ma chair.

Comme la marée, mon chagrin se répand de tous côtés. Jusqu’à l’horizon. Plus rien n’existe en dehors de lui. L’air que je respire. La nourriture que je mange. Tout a le goût du chagrin. Alors je ne mange plus. Alors je ne respire plus. Ou alors une fois sur deux. Ou trois. Ou quatre.

Je pars de chez moi avec une valise. Petite. Mal faite. Je fais un pas puis un autre. Ma vie se résume à ça. Respirer. Continuer de respirer. Manger. Un peu. Régulièrement. Même des bouchées ridicules de n’importe quoi.

Et puis je me retrouve à la rue. Enfin. Pas vraiment. J’habite les canapés des uns puis des autres, à tour de rôle. Pendant des mois. Ma valise calée au niveau de ma tête au pied de la banquette, j’ai vue, d’un simple mouvement, sur tout ce qui constitue ma vie. Un rien. Deux fringues. Un livre.

Je creuse ce désespoir. Je le creuse comme une tombe. Je m’y couche. Sans fin. J’attends la mort. Et en attendant. Je souffre. La nuit. Quand je n’ai plus le cinéma pour m’emplir le cerveau d’images. Je me tords de douleur, en larmes, gémissante. Des heures. En proie à la terreur la plus insensée. La plus poignante.

Le jour, je rôde. Je rôde sans fin dans Paris. Sans entrer nulle part. Je vois les gens passer autour de moi mais pour eux, je suis invisible. Un miroir sans teint. Plus aucune maison ne peut m’abriter. Me protéger. Je ne me sens bien que là. Dans la rue. Invisible.

Je maigris à vue d’œil. Légère comme une plume. Lourde comme une enclume. On me bouscule si facilement. Et je me relève si lentement.

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Un jour, je touche le fonds. Je le touche, et mon pied trouve la force, l’entêtement, de le repousser. J’ouvre les yeux. C’est le matin. Je ris. Un rêve plaisant m’a laissé ce cadeau.

Alors. Je me lève. Je prends un thé et décide de faire quelque chose. De trouver un endroit où habiter. Ou du moins faire comme si. Dans un premier temps.

Je cherche sur internet et trouve la mention de ce nom. Etrange. Fier. Le palais de la femme. Il semble fait pour moi. Un intermédiaire entre la rue et la vie avec lui. Un entre-deux. Un non-lieu. Salvateur peut-être.

Lorsque je pénètre sous le porche, je passe une frontière invisible. Mais très présente. Ce lieu est pour les femmes. Depuis longtemps. Il n’héberge que des femmes. Je me mets à imaginer des subterfuges pour y faire entrer des conquêtes d’un soir. Juste pour l’exercice de style. Car du style, je n’en ai plus. La peau sur les os. J’écoute le discours de la directrice, qui me parle salaire, caution et montant du loyer. Je suis surprise. Je pensais que mon chômage suffirait. Je dois me secouer les puces, sinon, je resterai à la rue. Lorsque je reviens, quelques jours après, un contrat en poche, elle accepte de me faire visiter l’immeuble. Aux murs, des sentences peintes. Un encouragement à la foi et à l’optimisme. Nous montons un grand escalier de pierre. Un couloir circulaire s’ouvre devant nous. Des portes très proches le ponctuent. Trouées par les sanitaires. Des filles passent en tongues. Indifférentes. Ca sent le carton-pâte. La directrice me fait entrer dans une chambre. La mienne. Elle donne sur un haut mur derrière lequel un immeuble haussmannien vient ouvrir ses fenêtres. Les Parisiens ont vue sur les femmes déshéritées. Et nous sur eux. Je regarde cette fenêtre sans volets. Ce pauvre rideau en PVC bleu. Le lit. Le petit bureau. La table de chevet. L’armoire. La pièce est étouffante. 6 mètres carrés. Au ras du plafond, le long du mur qui donne sur le couloir, une vitre. Nulle nuit pour les pensionnaires. Le jour entre par la fenêtre. La lumière du couloir par cette vitre. Nous ne sommes jamais seules.

Cet ascétisme me séduit obscurément. Je sens que j’ai besoin de la solennité de ce lieu. De son absence d’intimité pour avancer. Entre-deux.

Lorsque j’emménage, je me rends compte. La première nuit. Que je dors tout contre ma voisine. Nos lits se touchent à travers la paroi fine qui nous sépare. Pas un mur. A peine une cloison. L’odeur de carton-pâte doit venir de là. Je l’entends s’agiter. Agacée, je sors de ma chambre. La vitre au-dessus de la sienne est noire. Elle est plongée dans l’obscurité et fouille quelque part. Elle bouge des paquets. Sans cesse. Au bout de plusieurs nuits, je n’y prête plus attention. Elle fait partie du paysage. De temps en temps, je l’aperçois. Discrète. En jogging. Décolorée. Je l’oublie. Toute à ma renaissance. Je m’inscris à la bibliothèque. Je travaille. Je vis au rythme des gens qui ont un domicile. Même si le mien se réduit à sa plus simple expression. Un cube en carton où manger. Où lire. Où souffrir encore et toujours. Où dormir entre deux rais de lumière.

Mais un jour, en revenant des sanitaires, je trouve sa porte ouverte. Elle est partie et l’a laissée ainsi. Je jette un œil à l’intérieur, furtivement. Je tressaille. La pièce, pourtant minuscule, est remplie jusqu’au plafond. De cartons. Sous le lit. Autour du lit. Sur l’armoire. Devant la fenêtre. Et je comprends soudain. Ce que ce sont ces bruits nocturnes. Elle déplace ses cartons. Inlassablement. Elle les déplace. La nuit suivante, je ne dors pas. Je l’écoute. Je réfléchis. A ce que c’est. De tout perdre. Et de se retrouver ici. Chargée de son ancienne vie. Sans aucun moyen de s’en débarrasser. Alors, je regarde autour de moi. Je mets les mains derrière ma tête. Je regarde au plafond. Et je souris. Je ne resterai pas ici. Bientôt. J’aurai un chez moi. Une nouvelle vie commence. Je ne dépendrai plus jamais d’un homme. Plus jamais.

Texte : Jessica Maisonneuve

Photos : Giovanni Merloni

(*) Rappelons que le projet de « Vases Communicants », lancé par Le tiers livre et Scriptopolis consiste à écrire, chaque premier vendredi du mois, sur le blog d’un autre, chacun devant s’occuper des échanges et invitations, avec pour seule consigne de « ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre ». La liste complète des participants est établie grâce à Brigitte Célérier.

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 7 mars 2014

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Mémoire et silence (replay des vases communicants de février 2014 avec Franck Queyraud)

28 vendredi Fév 2014

Posted by biscarrosse2012 in les échanges, mes contes et récits

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vases communicants

Je publie aujourd’hui un texte que j’avais écrit sur le blog de Franck Queyraud [link] à l’occasion des Vases communicants de février 2014.

Le texte de Franck Q., que j’avais publié ici le dernier 7 février, est maintenant sur sa Flânerie quotidienne.

MÉMOIRE ET SILENCE
(Ce texte peut intéresser les lecteurs du Strapontin (et de Finestrino) parce qu’on y fait mention de localités d’Italie récemment citées.)

Il y a un an, en janvier 2013, je vivais encore à Rome, dans une ruelle de Trastevere. Pendant le jour, je me rendais à l’île Tiberina avec le prétexte de la peinture à l’aquarelle. Je devais trouver ma « vue » à moi. Un arbre couvrant une onde ; le pavé du quai, en bas des hauts murs, constellé de trèfles et d’orties. Mais j’avoue que je n’en avais pas envie, préférant flâner à la recherche d’autres prétextes…
Pendant la nuit, dans ma petite chambre pointée vers le ciel, dont personne ne pouvait soupçonner l’existence… j’ouvrais le nouvel ordinateur — un Mac pro que je m’étais accordé en échange d’un de mes tableaux les plus intimes — et je me branchais à ma petite ou grande communauté francophone d’Internet.
Je ne sais plus quand, probablement un lundi soir (le 14 ?), je reçus un mail, dans lequel un certain zambra.zibar 3102… bar m’écrivait ainsi :

Cher ami,
Je t’invite à partager avec moi l’expérience des vases communicants. ….. Le rendez-vous a été fixé pour le premier vendredi du mois prochain. Puisque ce sera pour vous la première fois, vous devrez surmonter quelques épreuves, comme dans une petite chasse au trésor… Je vous propose donc de vous exprimer à partir de cette phrase : « Il fallait accepter la possibilité de tout perdre pour pouvoir se rencontrer. »

Étonné et même épouvanté par cette espèce de déclaration solennelle, je fermai vite l’ordinateur, le faufilai au-dessous du matelas et m’en sortis dans une nuit romaine particulièrement froide et sombre. Tous les bars étaient fermés. Même le Zanzi Bar à côté de Campo de’ Fiori. J’allongeai le pas, jusqu’à la petite place avec la fontaine aux tortues. Le Bar Taruga était encore ouvert : un véritable refuge ou port de mer pour des artistes égarés à la recherche de leur âme sœur.
Le jour suivant, j’avais tout oublié, probablement à cause du whisky qu’à plusieurs reprises une nouvelle amie sculptrice m’avait gentiment versé. Il faisait chaud, une journée de printemps tout à fait inattendue au beau milieu de l’hiver. J’en profitai pour m’étendre à même le sol, appuyant la tête au grand arbre dominant la grève. En cette position préférée, j’achevai trois aquarelles avant de m’apercevoir qu’on était au couchant et que j’avais faim.
Plus tard, l’estomac en difficulté pour la diabolique intrusion d’une pizza aux champignons deux « supplì » et deux bières, je rouvris le Mac pro. Tout seul, il afficha sur l’écran la phrase arrivée par mail : « Il fallait accepter la possibilité de tout perdre pour pouvoir se rencontrer. » Mais, vous ne pouvez pas imaginer avec quelle drôle de réaction je vis paraître sur le même écran l’image que voici. Vous devez vous inspirer de cette photo, disait le mystérieux expéditeur. Ou plutôt vous devez carrément vous rendre dans le lieu concerné. Là, vous me trouverez au rendez-vous. Ce sera le prix pour vos longues ou brèves investigations.

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Mon Odyssée renversée a commencé à 23 h 23 d’une paisible nuit romaine, en face d’un ciel étoilé en concurrence et même en bagarre avec tout ce que mon écran avait pu s’inventer pour m’en détourner.
La nuit, entre le 7 et le 8 février, j’étais presque convaincu que j’avais trouvé l’endroit de la photo. C’était dans la zone de l’EUR, aux alentours du « Fungo », une étrange construction en ciment en forme de champignon empoisonné ayant une terrasse panoramique où l’on avait installé un restaurant cher. La maison cottage avait la même illumination criarde ;  juste à côté, un arbre noir en attitude de poteau pour les enseignes publicitaires avait une forte ressemblance avec celui de la photo. J’attendis longuement près du poteau avant de me faire courage pour frapper à la porte. En fait, avant ce moment héroïque, j’avais vu rentrer et sortir par une petite porte latérale, un par un, des messieurs sans histoire, mais j’étais pris par mes rêves communicants et n’avais rien compris. Je frappai une deuxième fois. Quand la porte s’ouvrit et qu’une femme petite, vautrée dans une serviette de bain, je m’en rendis compte. En rentrant dans la nuit romaine, je comparai le froid humide s’installant parmi les arbres à cette chaleur qui sentait le gazole, d’où cette petite voix m’avait dit « Attendez dehors ! Juste un moment, on a presque fini… »
Quelques semaines avant l’échéance de mars, je reçus un nouveau mail de ce curieux (ou curieuse) zambra.zibar3102…bar dont j’essayais de m’oublier. Puisqu’elle était de toute évidence une femme, je lui répondis, même convaincu qu’on m’avait attiré dans un piège. Je ne dis rien de la rencontre inquiétante dont j’avais raté la suite et que j’avais ensuite regrettée, mais je posais quelques questions : comment faire pour trouver une aiguille dans une botte de foin ?

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La nuit entre le 7 et le 8 mars j’étais à Civitavecchia, garé avec mon petit fourgon Ford comblé de tableaux que j’avais péniblement essayé de protéger avec une grande nappe en plastique. Je lisais et relisais le dernier mail de Zambra Bar en quête d’un détail quelconque qui pouvait confirmer mon choix. Pourquoi Civitavecchia ? Je crois que ce fut à cause de Stendhal, qui y avait longuement séjourné. Mon interlocuteur avait parlé en fait de spleen et de pinède… Il n’en restait pas trop, de pinèdes, aux alentours du port ou j’avais dîné, dans un bar nommé Alhambra. Pourtant j’avais trouvé un coin fort ressemblant à la photo de Zambra, et j’avais même pointé mes jumelles pour lorgner sans risques… Une belle famille de grenouilles ou de crocodiles traînait dans le salon presque vide. Je suis resté quelques minutes dans la position incommode que demande l’observation des tableaux d’Edward Hopper et je suis reparti.
La nuit entre le 4 et le 5 avril j’étais dans le sud de la Toscane, dans un maquis assez touffu encerclant la lagune d’Orbetello, en face du mont Argentario. Pas loin d’ici, à Talamone, est passé Garibaldi à l’époque de l’expédition des Mille. Dans mes pèlerinages dans les points internet de la côte ouest, j’avais échangé plusieurs messages avec le bar Zambra d’où ma camarade essayait, sans trop se soucier des détails, de me renseigner. J’imaginais qu’elle n’était pas trop distante des lieux que je décrivais, qu’elle aurait bien pu me rejoindre… Mais cette fois-là, minuit et demi de vendredi 5, lorsque je vis sortir de la porte illuminée un homme à cheval je me sentis soulagé.
Car je n’aimais pas trop l’idée de passer le reste de ma vie au milieu des moustiques, ayant pour unique engagement la reproduction des tours sarrasines (avec des ombres et des lierres brûlés par le soleil). En suivant les instructions de cette femme aussi invisible que péremptoire, je pris petit à petit l’habitude de conjuguer ma recherche de l’aiguille avec des rencontres abruptes et spontanées avec la population des villages traversés, à laquelle j’offrais un tableau ou des dessins en échange de leur hospitalité. Parfois, ces rencontres se déroulaient dans des Mairies, où l’on se souvenait du passage de mon grand père, député de la Maremme toscane, comme de mon père aussi. Parfois, les circonstances étaient plus modestes, de rencontres juste à côté de la route nationale, l’Aurelia, ou dans des méandres de la campagne où se perdre ce n’était pas trop rare.
La nuit entre le 2 et le 3 mai se passa à Quercianella, dans le jardin abandonné d’un hôtel particulier où séjournaient des amis de famille que nous fréquentions pendant l’été 1965.
Ce fut cette nuit-là que je m’aperçus du cactus sur la gauche de la photo. Je m’en aperçus parce que cette fois la plante tropicale était sur la droite… À quoi bon rester, alors ? Un petit doute. La photo que je gardais, désormais chiffonnée et méconnaissable, dans l’ordinateur, avait bien pu subir une rotation horizontale ! Je m’approchai de la fenêtre, sans crainte d’être vu. Le vacarme à l’intérieur m’avait rassuré. J’appuyais le nez. Deux familles en vacances (anticipées aux premiers jours de mai ?) se passaient un coussin jaune tout en criant un mot :
— Zanzibar !
— Zombie !
— Catacombe !
— Catastrophe !
— Apostrophe !
— Espion !
En entendant ce dernier mot, je m’aperçus que tout le monde me regardait, sans arrêter de rire. Heureusement, ils n’avaient pas peur de moi. Interloqué, je rentrai dans mon fourgon et me lançai vers le nord.

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Nonobstant cette série décevante de rencontres ratées — et de « vases » dont j’envoyais, je ne sais plus où, mes textes farfelus —, je ne décidai pas de revenir en arrière, comme il aurait été logique. La nuit, j’avais créé une grotte confortable dans le vide des tableaux vendus ou, pour mieux dire échangés.
Le jour, ma gloire parfois me précédait. Des familles m’offraient un verre de vin rouge avec des fromages et du jambon, d’autres m’adoptaient, au pied de la lettre, pendant quelques jours. Je prenais des photos pour en tirer plus facilement des portraits, ou bien j’acceptais le petit cilice d’une fausse scène de pose.
Au passage de la frontière entre l’ancien grand duché de Toscane et la plus austère Ligurie, les choses changèrent. La vente des tableaux devint de moins en moins facile, ainsi que la réalisation des portraits. Je dus me borner aux stations d’essence ou j’attendais patiemment des clients pour leur proposer le portrait et mettre ainsi de côté l’argent nécessaire pour le voyage.

J’étais dans le splendide village de Vernazza la nuit entre le 6 et le 7 juin. J’avais somptueusement dîné dans la terrasse de Gianni Franzi, juste en face du petit port naturel. J’avais montré la photo au garçon du restaurant, chargé aussi de l’entretien des barques. Étonné de ce coup d’œil inattendu (il dit effectivement le mot « inattendu ») il pointa le doigt vers le ciel : il y avait même la lune.
En fait, derrière le restaurant, sur la façade opposée au port, je trouvai le grand arbre noir sur la droite, le cactus sur la gauche ainsi que la maison illuminée de la photo numérique. Je ne dus pas trop attendre. Des gens m’attendaient. On m’invita à rentrer et m’offrit un deuxième dîner. Vers deux heures de la nuit, lorsque tout le monde allait se coucher et que je traînais à la recherche d’un fauteuil ami, une jeune femme m’interrogea très discrètement jusqu’au point où le malentendu fut expliqué.
En fait, je m’étais trompé de « vase ». Mais la femme, qui s’appelait Arianna, fut très gentille. Nous trouvâmes la façon de nous arranger pour la nuit et profitâmes de notre flirt ensommeillé pour échanger nos savoirs.
Elle était un peu sorcière aussi. Tout en fouillant dans les détails de ces mails mystérieux, elle me lisait discrètement la main et regardait attentivement dans le fond de mon œil. Résultat. J’avais bien fait de fouiller dans les pinèdes et dans les bars, ainsi qu’à Civitavecchia (la vieille cité). Peut-être devais-je maintenant pointer plus nettement vers l’ouest en m’éloignant de mon centre ancien pour en trouver un nouveau.

Vendredi 5 juillet, ayant désormais aux épaules le doux souvenir des cheveux chevaleresques d’Arianna, je commençais à douter du choix de Chiusavecchia (la vieille écluse), une localité à l’orée de la montagne où les édifices en pierre, blanchis par le soleil battant, n’avaient apparemment rien affaire avec ce que la photo reçue en janvier représentait. Pourtant l’étrange sortilège qui me suivait m’apprêta, dans le village de Lucinasco (juste à côté), une énième surprise. Apprenais-je à m’attendre ce que pendant une vie entière j’avais toujours classé dans l’inattendu ?
Dans une maison de Lucinasco, au rez-de-chaussée d’un restaurant célèbre, fréquenté par de riches familles piémontaises, il y avait une lumière allumée. Je frappai plusieurs fois, sans obtenir réponse. Je poussai légèrement la petite porte. Il n’y avait personne dans cet appartement assez confortable, avec ses deux fauteuils, ses bibliothèques… Sur la table il y avait un ordinateur allumé. Je m’assis. Par un déclic invisible et soudain, toutes les lumières s’éteignirent et l’ordinateur, seul comme un roi sur son trône, commença à me parler.
Il s’adressait sans doute à moi, par une voix (féminine) toujours changeante. Un flux continu de phrases sérieuses mêlées à des expressions plus abruptes, venant apparemment d’anciennes conversations téléphoniques… Parfois, j’avais la sensation de reconnaître une voix, une certaine voix particulière que je n’écoutais plus depuis longtemps…
Mais c’était en français ! Je n’avais pas le temps de m’arrêter à réfléchir que dans mon passé, à part Sylvie et Marilène, deux bonnes amies tout à fait fraternelles, je n’avais jamais eu d’amoureuse française ni francophone non plus…
Tu peux rester, tout le temps que tu voudras ! conclut cette voix d’un ton officiel. Pourtant, ton destin sera marqué par l’Ouest l’Eau, l’Amour et l’Inattendu.

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Ce fut ainsi que vendredi 2 août je traînai inutilement dans un village près de Nice où je trouvai l’ouest et l’eau, mais pas l’amour, ni l’inattendu non plus.

Vendredi 6 septembre, je fus à Avignon, où je fis une très agréable visite à Brigitte Célérier qui m’expliqua mieux comment cela marchait avec les vases communicants. Elle essaya de me faire réfléchir. N’était-ce pas étrange cette aventure qui se répétait toujours la même, avec cette photo de plus en plus usée qui se reflétait toujours dans un coin qui lui ressemblait comme une goutte d’eau ?

Vendredi 4 octobre je fus Carcassonne ; vendredi 1 novembre je fus à Toulouse ; vendredi 6 décembre, à Saint-Jean-de-Luz, je commençai à ressentir quelque chose de nouveau.

Vendredi 3 Janvier 2014 Arcachon m’accueillit dans sa Ville d’hiver. Comme si j’avais habité ces lieux depuis toujours, j’y restai deux semaines. Une jeune galeriste ayant de rapports constants avec Paris me proposa un accord. Il suffisait que je peigne deux tableaux par semaine. Elle aurait fait le reste. Vous êtes très jolie, mademoiselle, et je suis sincèrement tenté par votre proposition, lui dis-je. Mais je dois encore réfléchir. Donnez-moi juste un mois. Je sens que je suis proche de mon but.

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Blaye, 7 février 2014

Ma chère Brigitte,
Dorénavant, tu pourras bien dire que les vases communicants peuvent recouvrir une fonction, servir un but, ou même sauver une personne, un couple, un amour. J’ai suivi tes conseils et, petit à petit, voilà mon nid (à deux). Il y a longtemps, au temps de Rome, on s’était fâchés, moi et Silence. Car il voulait absolument que je m’adapte à l’idée de partir en France, de devenir française, de couper carrément les ponts avec notre passé. Oui, je le sais, il ne me demandait pas cela de façon explicite. Mais, tu comprends combien ses attitudes pouvaient m’agacer. Je suis Romaine, je vivais dans une ville où l’on parle très peu de langues, juste un peu l’anglais, avec plein de fautes !
On s’est séparés, il m’a longuement cherché… Je croyais que je n’en voulais plus de lui… Un jour, en me promenant sur le pont reliant l’île Tiberina au Portico d’Ottavia, je l’ai vu. Complètement étendu sur la grève, il peignait. Je suis tombée amoureuse à nouveau, follement. Pourtant, tu le sais, je m’appelle Mémoire. Je ne pouvais pas oublier ce qui s’était passé « avant » entre nous. Je ne voulais surtout pas que cette situation se répète. Nous avions besoin d’avancer, de poser des bases nouvelles. J’ai décidé alors de risquer. J’ai entamé une longue fréquentation de l’ambassade de France (piazza Farnese) et grâce à ma formidable mémoire j’ai appris la langue de Voltaire avec une rapidité et une efficacité surprenantes. On m’a offert un travail à l’ambassade, ensuite je me suis transférée à Bordeaux, où je travaille maintenant au DRAC d’Aquitaine.
Des amis de Rome, très obéissants à mes ordres, tout en gardant le silence avec Silence (qui d’ailleurs ne demandait rien), ils ont pu constater qu’il m’aimait encore. Oui, bien sûr, il ne dédaignait pas d’éventuels flirts de passage. Mais, il était désormais incapable de se refaire une vie. « Il est prêt pour la Légion étrangère, me dit Pierina. Tu peux bien te lancer dans la phase deux ».
Pendant cette année, que j’ai consacrée aux vases communicants pour l’attirer dans mon filet, j’ai eu plusieurs fois peur qu’il fît demi-tour. Je l’aurais définitivement perdu. Le moment plus critique, excuse-moi Brigitte, est arrivé juste après son passage par Avignon. Je ne sais pas pourquoi, mais là il a eu une crise profonde. Surtout, il risquait de briser son habitude au silence. La dernière crise s’est passée à Arcachon… Mais son amour pour moi résistait encore.
« Il fallait accepter la possibilité de tout perdre pour pouvoir se rencontrer. »

Brigitte ferma l’ordinateur. Tout de suite après le ralluma. Comment leur rencontre dans la forteresse de Blaye s’était-elle passée ?
Le couple reconstitué (ou pour mieux dire le nouveau couple) s’était borné à publier une phrase assez décevante que Silence avait gardée dans une poche de son fourgon :
« L’art de la rencontre se développe normalement entre deux personnes qui se fréquentent déjà. Dans le couple, un des deux se charge d’alimenter leurs rencontres par une séquelle d’inventions de tout genre. Mais avant, il faut développer l’art du rendez-vous ou, pour être plus pratiques, l’art de l’embuscade ».

Texte : Giovanni Merloni

Thème : « Il fallait accepter la possibilité de tout perdre pour pouvoir se rencontrer », phrase emblématique que Franck Queyraud a empruntée à sa collègue Bénédicte Junger

Photo : FloH 

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 28 février 2014

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Il fallait accepter la possibilité de tout perdre, par Franck Queyraud (les #vases communicants, février 2014)

07 vendredi Fév 2014

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vases communicants

Pour les vases communicants (*) de février 2014 (voir liste complète des participants), Franck Queyraud et moi nous avons décidé d’exploiter notre échange autour d’un thème unique : une photo (réalisée par FloH) accompagné par une phrase assez emblématique (que Franck Q. a empruntée à sa collègue Bénédicte Junger). À partir de ces traces aussi suggestives qu’incomplètes, chacun de nous a exploité tout à fait librement un petit conte ou récit imaginaire. Dans cet esprit ce blog-ci héberge Franck Queyraud et ses réflexions poétiques et philosophiques, tandis que je me suis invité, pour y déposer un conte assez farfelu, dans Flânerie quotidienne, le blog de Franck, que je trouve très intéressant, profond, sensible, inspiré depuis sa naissance à l’idée de l’échange, de la réflexion et du partage.

Comme j’avais écrit dans un très récent billet sur ce blog, « Je ne connais pas personnellement Franck. Je l’estime beaucoup pour ses textes poétiques où la réflexion profonde est toujours au rendez-vous. On dirait qu’il est, comme moi, une âme heureusement en peine tandis que cette circonstance existentielle lui donne l’élan pour affronter des questions aussi intimes qu’universelles. Il faut pourtant avouer qu’il y a un élément clou (ou clé) qui a fait déclencher mon intérêt pour la flânerie quotidienne de Franck. D’abord timidement, ensuite de façon de plus en plus consciente. C’est son nom d’art : Mémoire Silence, constitué de deux mots, déjà assez importants et lourds à porter sur les épaules même seuls. Par leur union, ils se transforment magiquement, devenant un cheval de bataille, un alter ego qui flotte dans l’air comme une divinité bienveillante… Est-elle possible, une mémoire sans paroles ? Est-ce possible se réfugier dans le silence de la mémoire ? Je pense que Franck veut aller bien au-delà d’une telle alternative. Sa mémoire conjuguée au silence exprime au contraire une envie profonde de fouiller dans la mémoire, instrument indispensable de l’Histoire. Et je crois que son silence exprime d’ailleurs la nécessité de poursuivre la mémoire en dehors de toute démagogie, voire bavardage plus ou moins consciemment manipulateur… »

Giovanni Merloni

« Il fallait accepter la possibilité de tout perdre pour pouvoir se rencontrer… »

memoire silence 180 - 18

Photo : FloH (cliquez pour agrandir)

Existe-t-il un mot qui résiste plus de cinq minutes à sa répétition ?
Un mot, je ne sais pas, répond le pâtre qui est aussi poète, et seul, et isolé dans sa montagne.
Il paît longtemps avec ses moutons mystérieux, en fixant le soleil couchant, en pensant aux autres – ses presque semblables – dans la vallée des merveilles – ce qui n’est pas ici a toujours plus d’attrait – ou en pensant à celle qui l’attend, qui pense à lui ou qui aurait pu l’attendre et penser à lui.
Un mot peut-être pas, chuchote-t-il, mais un prénom… certainement.
Notre pâtre a l’air sûr de lui, tout d’un coup, bien sérieux, ne sourit plus. Il a sans doute réfléchi longuement à cette question. Il rajoute avec un air ailleurs :
un prénom, oui, un prénom qui ne lasse jamais celui qui le répète. Qui vous fait gravir un échelon supplémentaire de compréhension à la manière de ce dièse qui fait la courte échelle à la note qui veut grimper dans la portée.
Il existe d’autres mondes et un jardin aux sentiers qui bifurquent. La mémoire est parfois ce jardin où l’on peut se perdre.
Dans l’espace, il n’y a plus de bruits ni de sons. Du silence. Certains corps célestes se déplacent et s’entrechoquent modifiant ainsi leurs trajectoires. Et l’endroit où devait se rendre l’astéroïde n’est plus le même que celui du départ. Et personne n’aurait pu le prédire. Personne ne connait la trajectoire finale des astéroïdes et si tout au bout de leurs routes, il y a un mur, un stop ou un nouvel embranchement. L’infini est peut-être le seul mot qui résiste aux faims et aux sens, mortels, des mortels. Il est un singulier un peu particulier…cachant sa multiplicité.
Personne – non plus – ne pensait que pour rencontrer quelqu’un il fallait tout perdre, c’est-à-dire, perdre tout ce qui vous avait construit, perdre tous ces chemins empruntés qui avaient pourtant fabriqués celui – unique – sur lequel vous étiez en ce moment précis où vous aviez eu ce vif et tranchant sentiment de tout perdre : l’essentiel. Ce qui vous faisait vous lever le matin. Ce qui vous faisait battre le cœur. Ou cette petite flamme qui brillait dans votre œil. Et qui un matin n’y était plus. Et vous aviez perdu les cinq sens dont le goût avec la saveur de la vie.
Mais il existait d’autres mondes et un jardin aux sentiers qui bifurquaient. Vous étiez cet astéroïde, choqué. Votre direction avait été modifiée. Vous aviez retrouvé le sourire du pâtre. Le vent s’était levé et vous aviez réussi à vivre.
La mémoire était aussi ce jardin où l’on pouvait se retrouver.
Silence.
Où l’on trouvera dans ce texte des allusions déguisées ou pas à Paul Valery, Pierre Bayard, Borges, un cinéaste japonais ou à mon cerisier en fleurs…. Mais c’est une autre histoire… Le titre de ce billet qui est devenu une contrainte oulipienne pour ce vase communicant est une phrase de Bénédicte Junger, qui n’est pas bénédictine mais bibliothécaire. La photographie partagée avec Giovanni M. est de FloH.

Franck Queyraud

(*) Rappelons que le projet de « Vases Communicants », lancé par Le tiers livre et Scriptopolis consiste à écrire, chaque premier vendredi du mois, sur le blog d’un autre, chacun devant s’occuper des échanges et invitations, avec pour seule consigne de « ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre ». La liste complète des participants est établie grâce à Brigitte Célérier.

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 7 février 2014

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Croisement et point de fuite. Rencontre avec l’enfance de Françoise Gérard

31 mardi Déc 2013

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Françoise Gérard, vases communicants

(Ce texte a été publié une première fois sur le blog de Françoise Gérard [link] à l’occasion des Vases communicants de décembre 2013.)

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Les enfants âgés de quatre à sept ou huit ans sont des hommes (ou des femmes) en miniature, capables aussi bien de chevaucher le vélo de leurs parents que de se faufiler dans une minuscule barque jouet.
Ces objets — le guidon de la bicyclette, la voile en plastique de la barque — ont la fonction d’autant de rochers, auxquels s’accrocher, comme aux genoux de la mère ou le veston rugueux du père. Autour de ces petits riens de métal ou de bois (ou aussi en plastique), les enfants ont l’indomptable pouvoir de construire des mondes merveilleux où le désir se transforme en découverte et la peur se fabrique un abri toujours adapté.
Les enfants n’ont pas besoin de s’évader dans des endroits forcément confortables, car ils possèdent la pleine conscience de l’inadéquation des instruments de leurs fantaisies et en même temps ils devinent l’existence d’un lien robuste entre ces objets récupérés n’importe où et les mondes extraordinaires où leurs fantaisies vont s’installer.
Je crois, ma chère Françoise, que nous avons beaucoup joué, tous les deux, avec la boue et les débris abandonnés dans les terrains vagues, que tu as secondé ton frère dans le jeu du ballon, comme je faisais avec mon frère à moi, souvent n’utilisant que de vieilles boules dégonflées ou donnant des coups de pied à des cailloux…

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« Cette photo a été prise près de l’endroit où, cet été-là, j’ai failli me noyer. C’est mon frère qui m’a repêchée avec des amis qui jouaient non loin ». J’imagine un fleuve ou un ruisseau apparemment tranquille. Peut-être, ce jour-là, tu essayais de saisir quelques objets qui flottaient au fil de l’eau (une plume blanche ?). Moi j’étais plus petit quand une femme moins distraite vis-à-vis des autres s’aperçut de cette petite île — un slip blanc qu’on aurait pu confondre avec une boule de savon — affleurer de la surface lessiveuse du lavoir. Évidemment, je ne me souviens de rien. D’ailleurs, après un long silence (assez inquiétant chez mes parents), le premier mot que j’ai prononcé de ma vie a été « acqua », c’est-à-dire « eau ». Donc je suis peut-être fondamentalement amphibie.
Mais toi, est-ce que tu te souviens de ce jour « particulier » ?
En te lisant, suivant les péripéties de tes textes, on a souvent l’impression d’avoir juste la bouche et le nez en dehors d’une mer heureuse et de s’y aventurer avec toi, sans aucun souci des distances ni des tempêtes. La mer et l’eau en général sont peut-être, pour toi, des moyens essentiels pour te rapprocher, physiquement et sentimentalement, de questions cruciales et engageantes. D’ailleurs, « le vent qui souffle » auquel s’inspire ton blog, c’est ton toit, ton baldaquin, ton abri. Si le toit est le vent même et que la mer est l’unique point d’appui, tu es bien courageuse, car la seule chose qui reste solide c’est toi, dans toutes les traversées que tu entames et que tu achèves.

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« Je sais bien que je n’ai pas l’air d’une fille et qu’il fallait que je le précise… ». Oui, j’avais appelé cette image, selon l’usage italien « le portrait des deux frères », bien sachant que la petite sur la droite est une jeune fille, arborant d’ailleurs un foulard autour du cou. Curieusement, cette photo pourrait se titrer « Croisement et point de fuite ». Car en fait la petite Françoise est juste au centre d’une curieuse perspective reliant sur trois niveaux une rue avec son garde-corps en ciment et briques, un mur en briques auquel tu t’appuies et l’autre mur en pierre blanche qui borde un petit gouffre végétal. Les axes visuels convergent vers leur point de fuite tandis que les jambes maigres de ton frère se croisent. Il y a donc un sentiment d’attente ou de vrai suspens : d’un côté, le bonheur d’avoir la vie sauve, une joie évidente moins dans les regards des deux jeunes que dans l’esprit du photographe ; de l’autre côté, l’épée de Damoclès  du reproche voltigeant sur les deux têtes. Est-ce que ton frère ressentait ce jour-là le même sentiment de culpabilité du frère du Petit fugitif ?

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« Ici, j’ai grandi et je suis habillée en fille… »
On ne se souvient que des beaux jeux, des livres aux illustrations colorées, de l’oncle sympathique ou de la tante bizarre. On ne se souvient pas de la faim. Notre génération, issue de l’après-Seconde Guerre, n’est pas morte de faim. Pourtant, nous avons bien sûr connu l’importance des repas et sommes redevables d’une reconnaissance infinie à toutes ces mains qui, souvent au prix de grands sacrifices, se sont précipités pour nous offrir le pain, les pommes de terre, les soupes ou le pot au feu. À cette époque-là, le fait de pouvoir manger c’était toujours des prix gagnés en échange de notre obéissance et bonté envers les autres. Sinon, au lit sans dîner !
Dans cette image de famille, je crois te reconnaître au centre, les yeux un peu resserrés pour te défendre du soleil. Un soleil bienveillant, qui caresse toute la famille d’une couche affectueuse. Je crois que vous êtes à Armentières, dans le nord de la France, en hiver, que vous venez de déjeuner et que vous êtes heureux. On le voit aussi bien dans l’air poli de ton frère (qui ne croise pas les jambes, ici) que dans le combatif de ta mère. Je trouve en elle une singulière affinité avec mes cousines de Romagne — Dora et Luisa — aussi vivantes que sérieuses, aussi prêtes à la lutte que disponibles aux sourires innocents. D’ailleurs, on dit que les gens de Romagne héritent beaucoup des anciens peuples de la Gaule… 

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Dans cette photo, l’enfant armé de pistolet ressemble beaucoup à ta mère et bien sûr à toi aussi. À sa gauche, je crois reconnaître son frère cadet. C’est une photo qui exprime parfaitement la paresse de celui ou celle qui actionne l’appareil photo et reflète en même temps ce typique climat de recherche d’un motif, d’un prétexte pour entamer un jeu, pour inventer une situation : « J’étais… Napoléon ! », « J’étais mon grand-père en charrette ! », « J’étais Jeanne d’Arc », « J’étais… »

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Ici, tes deux enfants ont déjà grandi. Et pourtant, ils aiment se faufiler dans une trappe. Il n’y a rien de plus suggestif qu’une porte serrée à l’embouchure d’une galerie souterraine. L’imagination part au galop.
Bien avant l’enfance, je crois, quelque dieu invisible décide pour nous le numéro magique qui nous fera de guide. Si on est enfant unique, ce 1 qu’on nous colle à la peau nous donne surtout des sentiments de responsabilité et de solitude. Si l’on est deux, ce numéro 2 nous poursuivra pendant toute la vie :
— M’accompagnes-tu ?
— C’est à toi de porter le cartable, maintenant !
— Tu en profites parce que je suis plus petit.
— Allons chercher quelqu’un pour jouer aux trois Mousquetaires !
En fait, le duo devient presque toujours une force dans les groupes de gens du même âge, surtout s’il y a entre les deux partenaires un expérimenté jeu d’équipe. Mais après, c’est la vie qui nous débarque dans une troupe nombreuse ou exigüe, et ce n’est pas évident de se débrouiller si quelqu’un d’entre nous est l’Eau et qu’il a affaire avec le Vent (qui souffle), la Terre (au-dessous de la trappe) et le Feu (de son âme inquiète).

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« Plus tard, je n’ai peut-être pas encore vraiment l’air d’une fille, mais il est plus facile de faire du vélo en pantalon. »
En voyant cette photo, j’ai tout de suite imaginé une promenade avec toi au bord d’un lac. Moi je me promène à pied, tandis que toi tu avances en bicyclette. Moi je suis obligé de courir un peu, mais toi tu es toujours prête à t’arrêter pour m’attendre. Ou alors tu décides carrément de marcher toi aussi, tout en poussant le vélo par le guidon.
De quoi parlerions-nous ?
Moi je me lancerais dans une divagation sur le thème de l’inconscience. Elle était absolument nécessaire si l’on voulait que ton portrait fût sincère et inoubliable. Donc, en raison de la beauté évidente de cette photo je conclurais que tu étais bien consciente du fait que quelqu’un essayait de t’encadrer dans une photo. Pourtant tu n’avais pas résisté dans le rôle du modèle insouciant ou indifférent, car tu étais intéressée à celui ou celle qui te pointait. Il ou elle te parlait, et tu t’oubliais de toi-même…
Dans un esprit philosophique qui me dépasse toi, au contraire, tu affirmes qu’à ces temps-là « les corps croyaient avoir une âme ». Donc, pendant que le photographe suait et soufflait, essayant tout de même de te convaincre — à arrêter la bicyclette et dire tout simplement « Cheese » —, ton corps se tenait péniblement en équilibre entre le vent et l’eau. Cela donnait à ce corps même l’illusion d’avoir une âme et cette âme en profitait pour voltiger comme un nuage invisible entre tes yeux et l’objectif qui les photographiait…
Mais, où allait vraiment cette bicyclette ? Et maintenant, où s’est-elle installé cette chasseuse de papillons poussée par le vent qui souffle ? Apparemment, un bûcher de la mémoire — ou le manque de temps pour s’y appliquer — empêche de reconstruire un à un les passages d’une vie de réflexions et de rêves, mais aussi la maturation d’une intelligence vive, subtile, émotive, ouverte vers les autres. Pourtant, cette fois-ci, en dépit de toutes les techniques ultra-sophistiquées du futur qui nous hante, il ne nous suffira pas de « cliquer pour agrandir » la photo et y voir l’éclair bruyant et venteux qui souffle dans tes yeux.

Siffle le vent, hurle la tempête
Souliers cassés et pourtant il faut continuer
Pour conquérir le printemps rouge
Où se lève le soleil de l’avenir
Pour conquérir le printemps rouge
Où se lève le soleil de l’avenir…

Chanson : Fischia il vento, urla la bufera

Photos : Françoise Gérard

Texte : Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 31 décembre 2013

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Enfance de l’art par Françoise Gérard (les #vases communicants décembre 2013)

06 vendredi Déc 2013

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Françoise Gérard, Portrait d'un tableau, vases communicants

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Le Voleur de bicyclette (Ladri di bicyclette), film réalisé par Vittorio De Sica (1948)

Pour les vases communicants (*) de décembre (voir liste complète des participants), Françoise Gérard et moi nous avons décidé d’exploiter notre échange autour du sujet de l’enfance. Mon enfance, son enfance, celle de mes enfants, celle de ses enfants et petits enfants. Nous nous sommes tout simplement envoyées quelques photos. À partir de ces traces assez incomplètes de passés révolus mais encore présents dans nos âmes sensibles, chacun de nous a essayé de se plonger dans le passé mystérieux et tout à fait inconnu de l’autre. Dans cet esprit ce blog-ci héberge Françoise Gérard et ses réflexions poétiques à partir de quelques photos d’enfance, tandis que je me suis invité pour le même but dans Le vent qui souffle, le blog de Françoise, que je trouve très intéressant, ouvert, accueillant, inspiré depuis sa naissance à l’idée de l’échange, de la réflexion et du partage.
Giovanni Merloni

Enfance de l’art, par Françoise Gérard

Les mots me manquent… Je me sens incapable… Je ne saurai pas… Trop, trop d’émotions, de sentiments confus et contradictoires me submergent soudain en découvrant les simples mais très belles photos que m’a envoyées Giovanni… J’imagine que le sourire confiant, que le visage radieux de cet enfant est le sien… Aux commencements de sa vie… Quand tout n’était encore vraisemblablement que promesses… Quand il n’était possible d’imaginer que bonheurs présents et à venir…

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Au milieu de tous ces enfants, frères, sœurs, ou peut-être cousins cousines, une femme fait converger sur elle leurs regards aimants et heureux. Manifestement, elle les a aidés à grandir en les armant de son amour pour affronter la vie, et les voici, grands, adolescents, jeunes gens, sur cette photo où les visages moins ronds n’ont pas complètement trahi l’enfance, autour de leur mère ou de leur parente dont les cheveux ont commencé de grisonner...

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Trahir, le mot est lâché… Sans doute suis-je déjà en train de trahir Giovanni, aussi bien l’enfant qu’il a été que l’adulte se souvenant de cette enfance qui lui est propre et dont lui seul a la clé!… Mais n’est-ce pas plutôt l’enfant qui abandonne l’adulte à ce qu’il est devenu?… Nostalgie de l’enfance, que cherchons-nous à découvrir ou à déchiffrer sur ces visages qui se sont laissés photographier par les adultes d’alors pour fixer les moments de bonheur et baliser la vie qui passait?… L’enfance est-elle vraiment cet âge d’or qui nous tend le trésor de ses souvenirs? Quelle perception avions-nous de nous-mêmes quand nous n’étions encore que des enfants soucieux de devenir grands et de quitter les enveloppes trop protectrices? La vie ne se montrait-elle pas déjà un peu rude?… La grâce de l’enfance est parfois meurtrie par l’expérience du malheur; et même les enfances heureuses sont blessées par l’apprentissage de la vie qui montre fatalement l’envers du décor… Comment se défendre contre les monstres, réels ou imaginaires?… Les petits d’hommes sont ambivalents comme leurs parents, et balancent entre leurs peurs et leurs joies!…
Dans la famille de Giovanni, les enfants sont heureux et font la fête. Le petit Giovanni est fier de sa cravate qu’il arbore en bombant la poitrine entre son frère et sa sœur.

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« Oui, c’est moi, je suis en train de devenir grand et cette cravate le prouve. Pourquoi me regarder comme un enfant? »… Comme si les adultes eux-mêmes n’étaient que des adultes et n’avaient pas gardé au fond de leur cœur une part d’enfance?… Mais quelle est-elle? Comment la définir?… Le jeu et toute l’inventivité qui lui est associée est sans doute ce qui sépare ou réunit au plus haut point, selon les degrés d’interférence, le monde des adultes et celui des enfants…
Mais voici que je parle de l’enfance en général et que je m’éloigne de l’enfant Giovannino. Quels étaient ses rêves mais aussi ses cauchemars? Quel était l’axe structurant autour duquel l’enfant apprenait à penser sa/la vie? La première photo a été prise à Paris, la seconde à Siena. La France, l’Italie. Ce partage géographique (du côté de… ou de…) a nourri son imaginaire. Quels reliefs particuliers le bilinguisme apportait-il aux histoires lues ou racontées?

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Infans, l’enfant qui ne savait pas encore parler découvre que les émotions qui bouillonnent dans les coeurs correspondent à des mots qu’il est possible de cueillir sur les pages d’un livre. L’adulte aimée est une lectrice, une liseuse qui adorait la France et la peinture de Renoir.

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Giovannino aimera la peinture autant que les mots. Il entame à cette époque, au gré des déplacements de sa famille entre l’Italie et la France, un long voyage intérieur qui n’aura jamais de fin, et qui s’apparente à un exil. Pour rassembler tous les morceaux de sa vie, Giovanni apprend à composer de grands tableaux qui ressemblent à des puzzles. C’est son jeu de prédilection. Il y a toujours deux ou trois pinceaux dans sa trousse de voyage, à côté d’un stylo. Car il s’est mis aussi à raconter de longues histoires foisonnantes qui parviennent à peine à traduire le bouillonnement des sentiments qui mènent la danse tout au fond de son coeur. Il y a tant et tant à explorer! Mais aussi tant de choses essentielles ou inessentielles (comment savoir?) à laisser de côté au moment des départs et à tenter de retrouver pour se ra-ressembler (à) soi-même et se sauver de l’oubli! Tâche épuisante et vouée à l’échec, car les mots sonnent toujours un peu comme le tocsin de la mort… Le geste d’écrire ou de peindre se fond alors en un seul qui s’apparente à celui qui nous vient des profondeurs de l’histoire humaine quand les premiers hommes avaient découvert et mis en oeuvre le pouvoir de laisser des traces sur les parois de leurs cavernes… Que ne connaissaient-ils l’informatique à cette époque! Prescience des chamans qui tentaient d’ouvrir des liens sur les portes de l’au-delà?!… Nous portons tous en nous l’énigme des premiers jours et de la fin du monde…
Mais que serait ce billet sans la personne hors champ qui a pris les photos qui lui ont servi de support? Que conclure sinon que l’invisible permet le visible?… Et que, à l’inverse, le geste de l’inscription dans le monde par les chamans-artistes, en ouvrant-ouvrageant des espaces-temps qui, sinon, resteraient hors de portée, permet la révélation de ce que le réel a d’insoupçonné?… Magie de l’écriture et/ou de la peinture… n’est-ce pas, Giovanni?
Giovanni devenu grand devient un père visible au milieu de ses propres fils… Mais alors, si ce n’est plus le père qui prend les photos, qui donc se dissimule hors champ cette fois ?

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Depuis la nuit des temps, c’est ainsi, les grands transmettent aux petits. Les fils reçoivent donc du père ce qu’il a de meilleur, les mots et les couleurs.

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Paolo le cadet suivra le père à Paris, tandis que l’aîné Raffaele restera à Rome. Ainsi continuera l’histoire d’une famille métronomique…
Les humains ont inventé la photographie automatique. Le regard de Gabriella ne rencontre pas, ici, celui de son père.

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Sans doute a-t-il choisi de s’effacer momentanément pour prendre en artiste cette photo de sa fille… De profil mais en réalité de face, brouillage de la perspective, mise en abyme… Une soeur et deux frères, trente ans auparavant, à Siena… etc, etc…

Texte de Francoise Gérard

Photos : archive Giovanni Merloni

(*) Rappelons que le projet de « Vases Communicants », lancé par Le tiers livre et Scriptopolis consiste à écrire, chaque premier vendredi du mois, sur le blog d’un autre, chacun devant s’occuper des échanges et invitations, avec pour seule consigne de « ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre ». La liste complète des participants est établie grâce à Brigitte Célérier.

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 6 décembre 2013

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Des traductions communicantes, entrevue avec Danielle Carlès (#vasesco novembre 2013)

01 vendredi Nov 2013

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vases communicants

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« Non, tu ne trouveras pas de meilleure photo, j’avais cherché aussi. La photo en question est mauvaise, avec un reflet, parce que c’est moi qui l’ai prise, d’un vase qui se trouvait dans des galeries un peu à l’écart, avec des œuvres de seconde zone au MET à NY. Il n’était pas indiqué qu’il s’agissait de Scylla, mais je l’ai reconnue et j’ai voulu la garder. »
Au commencement de notre échange Danielle Carlès et moi, dans l’esprit des vases communicants  (*), nous avions envisagé d’exploiter justement le thème des « vases physiques » (anciens ou antiques, nouveaux ou modernes), qu’après, pour des raisons multiples, nous avons abandonné.
Elle m’avait pourtant envoyé ces deux photos, que j’avais d’abord observées de façon distraite. D’emblée, j’avais marqué surtout deux choses : la présence d’une lumière presque aveuglante dans un antre sombre et mystérieux ; le contraste entre le vase rond et lisse (ou plutôt une jarre)  et la sculpture superposée. En y revenant aujourd’hui, aidé par les mots de Danielle, je me rends compte de l’émotion qu’elle a éprouvé en faisant cette découverte.
Dans la mythologie méditerranéenne qui est à la base de notre culture, Scylla et Charybde sont placés, entre Calabre et Sicile, au centre géographique et psychologique d’un monde immense peuplé des premiers poètes, philosophes, artistes et dramaturges. Peuplé aussi de nymphes, monstres et divinités ambigües en lutte continue. Quant à Scylla, ce monstre à plusieurs têtes garde, dans ses différentes iconographies, une beauté inexplicable. Pourtant, on a du mal à imaginer qu’il ait pu jaillir d’une figure féminine convoitée par le dieu Glaucos et la magicienne Circé. Et ce vase — condamné peut-être à attendre pendant quelques siècles encore dans une grotte obscure — souligne cette destinée contrariée par le décalage, tout à fait conscient, entre la surface lisse de la terre cuite (gardant encore des traces de l’ancienne peinture en bleu) et cette excroissance animée en forme de serpent ou de sirène multiple.
Tout en me souvenant des nombreuses suggestions venant, depuis toujours, de ce lieu et « topos » unique (appelé dans ma langue « Scilla-e-Cariddi »), j’ai imaginé d’assister encore une fois à Così è (se vi pare)  de Pirandello, le grand dramaturge sicilien qui a su exprimer mieux que beaucoup d’autres la contrariété et même la scission intérieure qui se cache dans l’esprit et dans l’âme des peuples méditerranéens. Il suffit de rentrer dans l’esprit de cette pièce pour s’apercevoir combien l’ambigüité de la métamorphose qui touche Scylla (et Charybde) rentre parfaitement dans notre ADN personnel et collectif, aussi dans la beauté que dans la laideur de nos actions quotidiennes.

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Des traductions communicantes
entrevue avec Danielle Carlès

Danielle Carlès s’occupe depuis toujours de littérature latine et de la traduction de ce monde immense et encore tout à fait vivant dans les langues latines d’aujourd’hui. Niçoise, elle a des racines familiales importantes en Italie. Cela est probablement une raison en plus pour se consacrer à la grande civilisation latine, dont l’Italie et la France sont les deux héritiers et continuateurs les plus importants.
Danielle Carlès est donc en train de fouiller dans un puits sans fond pour en faire ressusciter les perles, bien sûr à partir de ses auteurs préférés, Horace et Virgile en premiers.
Voilà, à partir de ces premiers traits, je voudrais atteindre le résultat d’un portrait fidèle. Pour obtenir cela, je vais lui poser des questions.

GM : Tu es née dans la ville natale de Giuseppe Garibaldi, héros national en Italie et personnage vraiment unique. Donc, dans mon imaginaire, à côté de la fameuse « promenade des Anglais », il y a l’idée d’un mélange très fort, à Nice, même aujourd’hui, entre Français et Italiens. Est-ce vrai ?

DC : Aujourd’hui il y a toujours beaucoup d’Italiens à Nice, c’est normal, puisque nous sommes voisins. Toutefois, il n’y a pas si longtemps que ça, les échanges n’étaient pas entre deux nations, la France et l’Italie, mais la frontière séparait  et rapprochait le Comté de Nice des terres du Royaume de Piémont-Sardaigne. À Nice nous ne sommes français que depuis 1860. Quasiment tous les Niçois comptent des Piémontais dans leur famille. C’est le cas chez moi. J’ai toujours eu l’idée que j’avais un pied de chaque côté des Alpes, d’autant que ma grand-mère piémontaise vivait chez nous, que j’ai appris la cuisine avec elle et la plupart des choses importantes de la vie. Le niçois était censuré à Nice, on s’appliquait même à gommer notre accent. Mes grands-parents niçois, sur la mise en garde des instituteurs, n’avaient pas transmis leur langue à mon père et mon oncle. Ils évitaient de parler niçois devant nous. Mais à la maison ma mère et ma grand-mère passaient librement du français au piémontais entre elles. Je l’ai gardé dans l’oreille, sans savoir rien dire à part quelques expressions. Avec les cousins transalpins l’habitude était qu’ils s’exprimaient en italien ou piémontais, selon qu’ils vivaient en ville ou à la campagne, et que nous répondions en français, et l’on se comprenait bien comme ça.

GM : Tu as donc, toi-même, des racines italiennes. Est-ce que cela a un rôle dans ton amour pour la langue latine ?

DC : Mon intérêt pour les langues, il y a une chance que ça vienne d’une question très profonde sur quelle est vraiment ma langue (français ? italien ? niçois ? piémontais ?) et que je n’avais pas vraiment droit à toutes. Mais le latin j’y suis venu  par un chemin détourné. Je n’ai pas fait d’études classiques, j’étais plutôt « scientifique » au lycée et dans une filière « moderne », ni latin, ni grec, et peu de langues vivantes. Sauf que j’aimais la littérature. Et c’est aussi la raison pour laquelle je n’ai pas choisi Lettres en entrant à la fac. J’ai commencé par faire des études de philosophie. Puis, à cause de la philosophie il y a eu un besoin urgent d’apprendre le grec, et par curiosité, en même temps que le grec, le latin. Plus tard j’ai finalement choisi le latin plutôt que le grec, d’abord parce que j’avais plus de chance d’obtenir un poste en latin à l’université, ensuite parce que j’ai fait une thèse en linguistique ancienne et que l’étude du latin, délaissée par rapport au grec, offrait des opportunités de recherche vraiment passionnantes. Peut-être qu’un de ces jours je me mettrai à traduire du grec, des poètes.

GM : Dans l’histoire de notre civilisation commune le personnage-clé, à mon avis, a été Julius Caesar. D’ailleurs, il était entouré par des figures de poètes et d’écrivains de la hauteur de Lucrèce, Catulle, Salluste, Cicéron. Le même Caesar était un grand écrivain. Tu aimes, toi aussi, cette période dialectique et de grand bouleversement politique et culturel ?

DC : Je peux dire que j’aime Lucrèce (passionnément) et Catulle et beaucoup Cicéron. Salluste j’avoue l’avoir très peu fréquenté, je n’ai rien à en dire. Quant à Jules César, il est redoutable, d’une intelligence hors du commun, et il  a imposé pour des siècles une certaine figure du pouvoir… que je refuse. Je souffre de savoir qu’on a exposé la tête et les mains tranchées de Cicéron plus que je n’admire les victoires de César. Le fait est que cette période est décisive, que nous vivons toujours dans l’orbite de ce moment de l’histoire, et qu’il est indispensable pour le comprendre de l’étudier.
J’ai aussi envie de dire qu’au départ je suis plutôt une spécialiste du latin archaïque et même de la période pré-documentaire, dans une perspective de reconstruction linguistique à partir des matériaux attestés, selon la méthode de ce qu’on appelle l’indo-européen. J’ai donc une vive conscience de la durée dynamique dans laquelle s’est inscrit le bouleversement de l’époque « classique » dont tu parles.

GM : Je suis convaincu que les véritables héritiers de la civilisation romaine, c’est-à-dire ceux qui en gardent aujourd’hui l’âme constructrice, l’esprit d’organisation et de diffusion de la culture, ce sont les Français aussi que les Italiens de certaines régions du centre-nord. Qu’en penses-tu ?

DC : J’ai beau chercher comment répondre, en fait je ne sais pas, tout simplement, je n’ai pas d’arguments.

GM : J’aime beaucoup Virgile. Pas seulement parce qu’il nous a donné l’Eneide, mais aussi pour Titire, son personnage autobiographique. En fait soit Virgile soit Horace, ils ont dû trouver leur voie de fuite, la moins douloureuse que possible, à l’intérieur de la « politique culturelle » d’Auguste. C’est la « nature bucolique » pour Virgile et le carpe diem pour Horace. Raconte-moi de « ton » voyage dans Virgile…

DC : Pour Virgile c’est la nature bucolique, mais pas seulement, c’est la nature dans toutes ses manifestations. Et la grande découverte, c’est la manière exceptionnelle dont ce poète « bucolique » parle de la mer. Je dis « grande découverte » parce que ce n’est qu’en le traduisant que je me suis rendu compte de ça. À lire les traductions, enfin la traduction universitaire « officielle », je ne comprenais rien à Virgile. La chance, c’est qu’Horace et Virgile étaient successivement au programme les deux années où j’ai préparé l’agrégation. C’est là que j’ai commencé à toucher du doigt ce que traduire voulait dire. Je suis restée ensuite avec mon envie rentrée de traduction : ce genre de travail n’est guère valorisé à l’université. Après « l’accident » qui m’a obligé à quitter l’enseignement j’étais extrêmement fatiguée, je ne pouvais plus randonner ou faire du bateau comme avant. Je me suis embarquée avec Virgile, j’ai relancé ma vie en traduisant le livre I de l’Énéide. Je l’ai traduit trois ou quatre fois à la suite : je cherchais un rythme. Au début en prose, puis en alternant des octosyllabes et des alexandrins, selon les besoins, librement. J’ai tenté le décasyllabe. Je ne voulais pas de rimes. Finalement quand j’ai commencé à le mettre en ligne c’est encore une autre traduction que j’ai faite sur les précédentes, renonçant à compter les syllabes, mais pas de prose non plus. J’ai fait également, mais non publié, une tentative sur un morceau assez long en vers justifiés, avec et sans ponctuaction, mais ça c’était un peu de la folie. Je voudrais dire que je ne m’interdis pas de jeter un coup d’œil sur les traductions existantes, mais pas de manière systématique, je ne travaille pas avec elles, je ne les compare pas, sauf en cas de litige, assez rare. Je trace dans le texte mon propre chemin directement à partir du latin.

GM : J’aime énormément aussi le Virgile qui accompagne Dante jusqu’au sommet du Purgatoire. Sans Virgile, je crois qu’il n’y aurait pas le décalage suprême entre rêverie et réalité dramatique qui fait l’immortalité et la modernité de la « Divina Commedia ». Venant à la langue, sous le profil lexical, la langue italienne semble être la plus proche à la mère latine. J’ai d’ailleurs l’impression que c’est le français, au point de vue de la syntaxe et de la grammaire, la langue la plus proche du latin. Peux-tu éclaircir mes idées sur ce point ?  

DC : En réalité, aussi bien le français (mâtiné de germanique : n’oublions pas les Francs qui nous ont donné leur nom) que l’italien, comme toutes les autres langues dites romanes, sont dérivés du latin au prix d’une forte mutation qui touche essentiellement la syntaxe. Un seul exemple, mais décisif : en français ou en italien, ce n’est pas la même chose de dire : le lapin tue le chasseur / il coniglio uccide il cacciatore ou le chasseur tue le lapin / il cacciatore uccide il coniglio, c’est l’ordre des mots qui décide de qui fait quoi (devant ou derrière le verbe). En latin en revanche on pourra mettre les mots dans un ordre grammaticalement indifférent, en affectant les mots de marques distinctives : lapinUS tue chasseurUM = chasseurUM tue lapinUS = lapinUS chasseurUm tue = le lapin tue le chasseur et si l’on veut dire le chasseur tue le lapin, c’est : lapinUM tue chasseurUS (dans l’ordre qu’on voudra, tout le monde a compris, et relisez donc Molière : « Marquise de vos beaux yeux… »). Autant il est aisé de retrouver la trace du vocabulaire latin dans le vocabulaire italien et, dans une moindre mesure c’est vrai, français, autant la syntaxe latine est complètement « exotique » par rapport à celles de nos deux langues, et sur ce point français et italien sont à égalité.

GM : Je vois que ta traduction des classiques va bien au-delà d’une traduction en tout cas impeccable. Tu y plonges ta sensibilité contemporaine et aussi le talent d’une interprétation nouvelle. Tu rends avec passion l’actualité et même la modernité d’Horace et de Virgile. Mais où est l’essence de cette modernité ?

DC : Je suis un peu fâchée avec le terme de modernité, ne serait-ce qu’en raison du clivage universitaire (français) ruineux pour les uns et les autres entre Lettres Modernes et Lettres Classiques. Alors disons que la modernité des anciens c’est d’avoir été contemporains de leur époque. Et l’on finit, à force, par subir un genre de déformation du temps et vivre dans un présent continu d’eux à nous. Sauf que le reste du monde s’imagine que nous vivons dans le passé, mais c’est faux bien sûr.

GM : Tu crois au juste milieu, à l’aurea mediocritas dont nous parle Horace ? Cela peut être un modèle de société et de culture qu’on a déjà vu et qu’on pourrait continuer ?

DC : Sinon un modèle de société, du moins un modèle de vivre dans la société. L’idée me plaît bien oui. Il m’est difficile de dire plus.

DC : Danielle Carlès

GM : Giovanni Merloni

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(*) Rappelons que le projet de « Vases Communicants », lancé par Le tiers livre et Scriptopolis consiste à écrire, chaque premier vendredi du mois, sur le blog d’un autre, chacun devant s’occuper des échanges et invitations, avec pour seule consigne de « ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre ». La liste complète des participants est établie grâce à Brigitte Célérier. Dans cet esprit ce blog-ci héberge Danielle Carlès et ses réponses à mes questions, tandis que je suis accueilli dans Fons Bandusiae, le blog de Danielle, que je fréquente et admire vivement.

Giovanni Merloni 

Une autoroute au visage humain, échange avec Claudine Sales, les vases communicants octobre 2013

13 dimanche Oct 2013

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vases communicants

Aujourd’hui, Claudine Sales et moi nous avons décidé de synchroniser la publication de ces mêmes articles de façon inverse par rapport à leur première sortie dans les vases communicants d’octobre 2013 (*). Cette fois-ci l’interview à Claudine Sales est publiée dans son blog, tandis qu’ici figure l’interview qu’elle a fait à moi, dont je la remercie vivement. Sincèrement, les questions qu’elle a posées, par leur simplicité et clarté, sont beaucoup plus efficaces et directes que les miennes.
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Giovanni Merloni – Paysage ondulé – encre, octobre 2013

Jeu de l’interview:

CS : Quand je regarde votre immense travail, un mot me vient à l’esprit : « interpénétration ». Toutes les techniques de peinture et tous les arts se donnent rendez-vous sur vos toiles. D’où et comment vous vient cette ouverture ?

GM : Quelqu’un a dit que je veux tout remplir, ne laissant même pas de petites fentes pour sortir du tableau. Pour moi, c’est une question d’équilibre (et d’équilibristes). Car en fait chaque fois que j’entame le dessin de base, un personnage entre en action sur mon plateau (ou passerelle, ou fil invisible). D’habitude, le premier personnage est une femme (qui reste souvent seule sur scène). En fonction de l’attitude physique ou sentimentale de cette femme (ou de cet homme), un deuxième personnage s’ajoute. Parfois, les personnages deviennent nombreux au fur et à mesure que la scène se constitue. D’ailleurs, selon les astrologues, je suis né dans la semaine du théâtre. Et mes personnages risquent parfois de subir un destin tout à fait incommode : les héros dramatiques s’échangent en des marionnettes et vice versa.

CS : Je suis émerveillée devant vos peintures de théâtre. Comment mettez-vous en scène l’espace avec vos couleurs et votre graphisme? Le récit précède-t-il l’espace?

GM : À vrai dire, je vis dans un théâtre, mais ma peinture ne dépend pas de cela, sauf qu’en certaines occasions, où j’ai voulu représenter, à ma manière, Rigoletto ou la Flûte enchantée.
Quant à ma façon d’organiser la page blanche, je n’adopte pas toujours le même critère. J’essaie de construire à partir d’un dessin très approximatif, surtout quand je m’applique à de grandes dimensions. Normalement, je poursuis l’impulsion. Je peux commencer avec un crayon, une plume ou un pinceau, c’est toujours le même : la ligne des cheveux, le cou, les yeux, les mains…. ou alors les arbres, les haies, les ponts, les poteaux…
Parfois, assez rarement en vérité, j’exploite un tableau très rapidement. Plus souvent, c’est un travail long à plusieurs reprises. En fait, j’aime énormément les encres et les gouaches sur papier parce que ce sont des matériaux vivants qu’on peut assujettir à des règles.
Au contraire, l’acrylique est trop opaque pour mes exigences. Il sèche trop vite, tandis que l’huile est merveilleuse, mais ne sèche jamais.

CS: Par quel miracle arrivez-vous à mener ensemble le travail de la peinture et celui de l’écriture? Chez moi, l’un excluant l’autre, j’ai dû faire un choix. Chez vous les deux coulent ensemble et se mélangent harmonieusement.

GM : En fait, au point de vue de mon inspiration de fond, je suis un visionnaire, beaucoup moins riche de science vis-à-vis de Jules Verne et beaucoup moins sûr au niveau philosophique si je pense à Pasolini.
De là se déclenche une attitude de conteur que j’exprime, plus ou moins consciemment, soit dans mes tableaux que dans mes textes.
Cela dit, ce n’est pas facile de concilier l’écriture avec la peinture.
Si je dois peindre de véritables tableaux, je dois forcément interrompre toute autre activité, m’éloignant de l’ordinateur. Par contre, il y a une parfaite complémentarité entre mes dessins sur papier carton et mes poésies, ainsi que tout ce que je publie sur le blog.

le ruban 180

Giovanni Merloni – Le Ruban 1 – encre, octobre 2013

CS : Je voulais encore poser cette question car c’est un sujet qui me travaille beaucoup personnellement. Parlez-moi du trait (dessin) et de la couleur. J’ai lu que vous détestiez le dessin académique, moi aussi.

GM : Même si au cours de la fac d’architecture j’ai fait deux examens de « Dessin d’après nature », je suis un autodidacte.
Cependant, ces cinq années universitaires ont produit deux importants changements vis-à-vis de ce que je faisais avant.
Car pour les tables d’urbanisme on utilisait les « Ecoline », encres en plusieurs couleurs fabriquées en Hollande et qu’en général on utilisait, avec extrême désinvolture, les « Rapidograph », c’est-à-dire les plumes à l’encre de Chine de plusieurs tailles.
À la sortie de l’université se sont d’ailleurs déclenchées deux façons parallèles de m’exprimer en peinture : le dessin à main libre (avec le Rapidograph) et les tableaux sur papier (avec les Ecoline) où la couleur prenait toujours le dessus, du moins au départ.
Et ma tendance parfois exagérée de me servir d’une géométrie assez minutieuse vient, elle aussi, de mes dessins d’architecture.
En tout cas, au cours des années, le rapport entre dessin et couleur n’a pas été facile.
Maintenant, je ne me pose plus le problème. Je me sens libre de faire : des dessins à la plume ou au crayon ; des tableaux totalement confiés aux pinceaux ; des tableaux sur lesquels (avant, durant ou après la peinture) interviens-je avec la plume, ou le crayon, ou le couteau, ou…

CS: Quels sont les peintres et auteurs qui vous ont donné l’électrochoc le plus puissant? desquels vous sentez vous proche, lesquels aimez vous pour leur(s) différence(s)?

GM: Quand j’étais jeune, autour des vingt ans, j’aimais Renoir, Degas et aussi Klimt et Chagall, en Italie il y avait Vespignani, Maccari et Ennio Calabria. Au commencement, j’ai beaucoup ressenti l’influence, plus ou moins totalisante, de chacun de ces maîtres.
Sur la trentaine, j’ai fait un véritable plongeon dans le Roland furieux de l’Arioste. Cela a été une occasion pour m’appliquer à fond dans le dessin. C’est à cette époque que j’ai découvert un penchant pour Rubens, ainsi que Rembrandt et Piero della Francesca. Mais j’aimais aussi Rauschenberg et Andy Warhol
Sur la quarantaine, j’ai eu un coup de cœur pour Mozart et j’ai remonté en arrière, aux maîtres vénitiens comme Guardi et Tintoretto, mais pas pour les suivre. D’ailleurs, cela aurait été impossible !
À mes cinquante ans, eux aussi déjà lointains, suite à mon transport exagéré pour la ville de Bordeaux, la Garonne et la Gironde, j’ai découvert Goya. Cet immense peintre avait passé ses dernières années dans cette ville unique, nous laissant la Laitière de Bordeaux, un tableau de rêve.

CS : Claudine Sales

GM : Giovanni Merloni

(°) « Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. » (vases Communicants) .
Dans l’esprit des #vasesco, vendredi 4 octobre Claudine Sales m’a accueilli sur colorsandpastels, son blog très intéressant dans lequel on ne trouve pas seulement une émouvante vitrine des oeuvres que Claudine confie aux monde du web avec une cadence presque journalière, mais aussi un lieu de rencontre et de discussion particulièrement serein et chaleureux. Sa générosité se voit dans les mot qu’elle a écrit pour présenter notre échange :
« Chacun de nous devait proposer un oeuvre graphique sur le thème de l’autoroute et c’est avec joie que je me suis lancée dans cette belle aventure avec cet auteur-peintre généreux et d’une grande amabilité. Merci à Giovanni qui m’a fait l’honneur de m’accueillir chez lui. N’hésitez pas à admirer le travail de Giovanni, sur son site consacré à la peinture et sur le portrait inconscient. Merci également à la merveilleuse Brigitte Célerier, qui nous permet de ne rien manquer des autres échanges de ce mois-ci. Giovanni m’a envoyé deux très beaux dessins à l’encre inspirés par le sujet qu’il m’a laissé choisir : “l’Autoroute”. Je suis très heureuse de retrouver toutes ses qualités de poète et de dessinateur : suivez la ligne ! La beauté des femmes, des deux autoroutes et des croisillons qui renvoient immanquablement à un monde coloré issu de l’imaginaire de ce conteur-poète. Voyager avec lui est exquis, d’autant plus qu’il est d’une profonde gentillesse, toujours à encourager ses pairs avec beaucoup de délicatesse ».

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 13 octobre 2013

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Autoroute vers le Luxembourg (les #vases communicants avec Claudine Sales – octobre 2013)

04 vendredi Oct 2013

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Portrait d'un tableau, vases communicants

Voyage dans un tableau de Claudine Sales

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Claudine Sales : « Driving with EdVolvo »
pastels 50x50cm, septembre 2013

Autoroute vers le Luxembourg. On est au crépuscule. La piste se défait de son absence de couleur pour refléter le céleste bleu du ciel. Curieusement, avec son allure en serpentine — dont on voit une contrecourbe luisante à l’horizon — l’autoroute envahit en long et en large toute la surface glissante sous mes roues. On a l’impression de naviguer sur une montagne russe. Je ne peux pas tout voir depuis le pare-brise encombré de lunettes et de mouchoirs. Alors je descends pour regarder le ciel. Personne, aucune voiture. Est-ce que le Luxembourg existe, est-ce qu’il est tellement petit que je l’ai déjà dépassé ? Je me touche la barbe. J’existe, donc cette parenthèse de rose et de bleu existe elle aussi, comme ce petit îlot au centre de l’Europe… D’ailleurs, mon amie me l’a assuré : elle sera là, elle m’accueillera en famille avec un petit dîner sur la terrasse…
Je m’assieds sur le garde-rails et je découvre le ciel qui à sa fois reflète la terre, en assumant le volume sans poids d’une colline renversée, où le soleil est chéri par des nuages filants en courbes concentriques. Je pourrais m’endormir dans cette merveilleuse solitude, la même que j’avais imaginé dans mon autoroute mentale.

Pour les vases communicants (*) d’octobre (voir liste complète des participants), Claudine Sales (CS) et moi (GM) nous avons décidé d’exploiter notre échange artistique sous forme d’interview ayant pour prétexte un dessin ou un tableau que chacun de nous a réalisé exprès pour ce rendez-vous. Nous nous sommes posées réciproquement des questions au sujet de notre travail de peintres, dans lequel nous devrons évidemment considérer comment et pourquoi ce travail même essaie de se confronter aux réactions du public du web. Dans cet esprit ce blog-ci héberge le tableau de Christine Sales et ses réponses à mes questions, tandis que deux dessin à moi sont accueillis dans Colorsandpastels, le blog de Claudine, que je fréquente depuis sa naissance et maintenant affiche une nouvelle veste graphique qui aide à mieux apprécier ses publications et ses oeuvres toujours extrêmement positives et intéressantes.
Giovanni Merloni

Interview à Claudine Sales (CS)
par Giovanni Merloni (GM):

GM : Nous avons travaillé sur un thème qui rentrait, depuis longtemps, dans votre imaginaire à vous, que j’ai adopté moi-même pour cette occasion en considération de sa grande force symbolique. Mais, pouvez-vous me dire ce que l’autoroute représente pour vous ? A-t-elle un rapport avec les autres sujets de votre inspiration ? A-t-elle une couleur pour vous ? Est-elle grise, pour vous, comme pour tout le monde ?

CS : Tout d’abord, je précise que je me considère comme « dessinatrice » autodidacte et non peintre. J’ai lu quelque part qu’on appelait « peinture » les dessins pastels suivant certaines conditions que je n’ai pas comprises.
Mon blog a été créé suite à l’insistance d’Isabelle Pariente-Butterlin. Je montrais de temps en temps mes petits dessins souvent inspirés par ses photographies sur twitter et elle m’a encouragée à ouvrir un blog où exposer mes dessins avec quelques textes courts illustrant mes recherches. J’ai la chance d’avoir une dizaine d’abonnés fidèles depuis deux ans.
L’autoroute/la route m’inspire parce que qu’elle est une invitation au voyage. Je déteste par-dessus tout voyager, trop accrochée à mes collines bleues (venez vérifier); mais j’éprouve un sentiment de compassion envers les voyageurs.
L’autoroute et la mer sont des lieux de téléportation où l’on se dit adieu.
L’autoroute est grise, mais aussi rose, mauve, noire, anthracite, bleue, brune et parfois bariolée grâce aux nids de poule. J’adore les nouvelles peintures réfléchissantes bleues.

GM : Du moment que les couleurs sont les grandes protagonistes de vos tableaux, est-ce qu’elles viennent avant le dessin, suggérées par un élan ascensionnel, quasi mystique ? Ou alors sont-elles le résultat d’un travail graduel, par couches successives ? Si cela n’est pas indiscret, combien de temps vous faut-il, en général, pour achever un tableau ?

CS : Votre première suggestion est la bonne : c’est la claque de la couleur qui fait avancer et le dessin la sert pour suggérer l’espace. J’ai une faiblesse pour le bleu, propice à la méditation. L’injonction à la couleur c’est mon trip. Mais au bout du compte, je fais toujours du figuratif, exploitant les caractéristiques a priori du cerveau.
Combien de temps pour un dessin? Est-ce qu’on inclut le sujet dans la question ou s’agit-il seulement de l’exécution? Un dessin peut être fini en une séance de deux-trois heures. Mais je peux tourner des mois, sinon des années, autour d’un sujet bien précis. Je sais quand je n’ai pas encore la maîtrise pour l’aborder, alors il reste là en suspens dans ma tête et je travaille à autre chose.

GM : J’avais en fait compris que la couleur est au centre. Elle est l’âme, le noyau essentiel de chacun de vos motifs. J’imagine une petite goutte bleue, ou jeune, d’abord infiniment petite, qui prend les formes d’un estuaire ou d’un ciel étoilé. La structure de cette petite goutte se multiplie ou plutôt se met en relation avec d’autres gouttes, ou grumeaux de matière ou pierres luisantes. Et voilà la question : ce monde explosé et lumineux (même dans un voyage nocturne en autoroute) quel rapport à-t-il avec le monde réel ? Est-ce qu’il y a des symboles — cachés ou inconscients — dans ces îlots qui flottent dans la stratosphère ou sur le fil de l’eau de la Gironde ?

CS : Comme je le disais déjà, je fais du figuratif. Lors de notre voyage vers le Périgord, à la hauteur de Metz, le lever du soleil et sa lumière rasante nous ont réservé un concert de bleus, de roses et d’oranges écarlates; je n’ai pas eu besoin de faire un effort d’imagination pour dessiner, la nature est bien assez colorée comme ça !

GM : Vous avez dit : je suis une dessinatrice. Pourtant, le dessin se fond tellement bien avec la couleur et la couleur est tellement efficace et poignante, que je dirai que les deux choses se fusionnent à la merveille. Est-il possible un dessin sans couleurs, pour vous ?

CS : J’ai commencé à dessiner en noir & blanc, au bic plutôt sur les agendas, les feuilles de cours; puis quand j’ai commencé le pastel, je faisais des dessins en couleurs et j’étais de plus en plus insatisfaite, j’ai même arrêté de dessiner pendant deux ans. Un jour j’ai inversé le problème: le dessin devait servir la couleur. Maintenant ça fait trois ans que j’exploite ce filon. Je vois comment je peux représenter avec la couleur et puis après j’essaie de me débrouiller avec le dessin. Souvent je rate mon coup, mais quand ça marche, je suis la plus heureuse !

palette claudine 740

GM : Vous vous inspirez à quelque maître du passé ou contemporain, auquel vous vous estimez proche ? En dehors d’éventuelles ressemblances avec quelqu’un d’eux, qui sont vos peintres préférés ?

CS : Je ne crois pas m’inspirer consciemment d’un peintre. Je gribouille depuis l’âge de 7 ans : je me souviens que j’avais été fasciné par le dessin d’une vache. Comme tout le monde j’ai dessiné le Saint et 007 dans la marge de mes livres d’Allemand.
Mes peintres préférés sont VerMeer & Rembrandt une semaine. La semaine d’après ce sera Van der Weyden & Van Eyck; et puis la suivante ce sera VanGogh & Caravaggio. Puis Caillebotte, Degas & Mary Cassatt & Sargent. Hopper, Freud. Et puis Morandi… J’aime les peintres secondaires et puis les moins bons, tous ceux qui se sont cassés les dents au travail. Difficile de choisir.
Je me sens proche de l’univers de Bonnard et Vuillard, un monde replié sur l’intérieur. Je regarde ces peintres avec envie mais sans imaginer que je pourrais un jour m’en approcher.
De toute manière, je dois m’éloigner d’eux pendant les périodes où je dessine. S’ils m’influencent, c’est par l’inconscient, mais là je ne parlerai qu’en présence de mon avocat ;))).

(*) Rappelons que le projet de « Vases Communicants », lancé par Le tiers livre et Scriptopolis consiste à écrire, chaque premier vendredi du mois, sur le blog d’un autre, chacun devant s’occuper des échanges et invitations, avec pour seule consigne de « ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre ». La liste complète des participants est établie grâce à Brigitte Célérier.

Aller-Retour (vases communicants septembre 2013)

10 mardi Sep 2013

Posted by biscarrosse2012 in les échanges, mes contes et récits, mes poèmes

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vases communicants

Le billet que je propose aujourd’hui a été déjà publié le 6 septembre 2013 par Élisabeth Chamontin dans BLOG O’TOBO, son atelier ouvert où paraissent quelques-uns de ses textes littéraires. Voilà ce qu’Élisabeth avait écrit :
 « Un grand merci à Giovanni Merloni qui, pour la seconde fois, m’a proposé un échange dans le cadre des “vases communicants”. Son texte “Aller-retour” est donc publié ci-dessous, alors que les miens le sont sur ‘Le portrait inconscient’, le blog dans lequel il publie ses poèmes, sa prose et ses images. Car Giovanni Merloni est non seulement poète, mais aussi peintre ! Depuis notre premier échange, nous nous sommes déjà rencontrés plusieurs fois et avons lié amitié. Partis cet été dans des directions opposées, nous avons rapporté, de nos vacances respectives, poèmes et photos que nous partageons aujourd’hui. »
En fait, nous avons travaillé ensemble dans un climat très amical sur le thème « d’après vacances » que nous avons essayé d’exploiter sous forme de récit rythmé (en vers dans son cas), selon un esprit de réflexion et de joie de vivre aussi tout à fait partagé.
Rappelons que le projet de « Vases Communicants », lancé par Le tiers livre et Scriptopolis consiste à écrire, chaque premier vendredi du mois, sur le blog d’un autre, chacun devant s’occuper des échanges et invitations, avec pour seule consigne de « ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre ». La liste complète des participants est établie grâce à Brigitte Célérier.
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Aller  
Attention aux marches, les partants !
Balancez-vous doucement, avec vos valises !
Comment vous expliquer qu’il y a des règles ?

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D‘accord, dorénavant je ne vous dis rien, je vais me coudre la bouche.
(Effectivement le globe est grand
Faut pas s’engueuler
Gentiment je vais leur souhaiter…) Bon voyage !

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Heureusement, vous avez de la chance !
Italie, c’est beau, vous verrez le tour de Pise…
(Je passai ma lune de miel à Venise
Kit de voyage une seule chemise
Linge pour une nuit et brosse à dents
Merveilleuse parenthèse, cela me suffit pour le reste de ma vie)

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Nous avons le canal, les vélos, Paris plage…
Opiniâtre ? Oui, j’aime le théâtre !
Pourtant on ne peut nier que parfois j’y pense

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Que c’est beau de partir…
Rouler dans une route vide, briser les remparts
Saluer le profil de maisons sans leur dire bonjour
Trébucher dans un pré de montagne frais et nu, saluer l’inconnu
Une à une apprendre les cimes, leurs noms redoutables
Voltiger dans l’air, se diriger vers la mer…

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What ? You don’t understand ?
Xénophobe ? Pas du tout.
Yes, dans le Yacht où j’habite vous serez toujours les bienvenus.
Zigzaguant on se débrouille, dans cette ville infinie. Je vous attends !

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Retour
Zénith, il faut laisser la chambre…
Yeux cernés, vous voyez ? C’est la Mort subite, une boisson locale…
Xylophone monotone dans le hall de l’hôtel, vous entendez ?
Whisky au petit matin pour ces messieurs hautains. N’est-ce pas drôle ?
Valises. Avec en plus les faïences hollandaises et les chocolats belges.
Urgence ! Je dois faire pipi !

008_nivelles pluie 740

Tournures menaçantes dans le ciel du Brabant,
Solennelles promesses de revenir,
Rêveries d’autres promenades ou d’autres bouffes, ensemble…

009_nivelles fin de la pluie 740

Quand la cloche sonne…
Partir est mourir un peu !
Opiniâtre nécessité de revenir à la base,
Notre seule plage, d’ailleurs.

010_via di bruxelles 740

Mirage d’une halte à mi-chemin, dans un village petit, très joli
Loisir de s’adonner à une halte rétrospective :
Kiss me my dear ! Embrasse-moi, idiot !

011_villers église 740

Je traverse comme un jongleur mes voyages de rêveur
Impossible, car tout cela restera inconnu,
Hélas ! On se console envisageant quelques bricoles :
Gentiment on pourrait transformer le cagibi en petit atelier ;
Froidement on pourrait remonter la pente en brisant les contraintes ;
012_république NB 1 740

Élégamment on pourrait s’en sortir.
Demain soir on se souviendra du code
Chancelant on grimpera dans l’escalier
Brusquement on ouvrira la porte
Attention au cafards !

013_escalier montant 740

Giovanni Merloni

écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication le 6 septembre 2013 sur BLOG O’TOBO et Dernière modification ici le 10 septembre 2013

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