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Depuis la terrasse de Jan Doets, en plein centre de La Haye, j’ai vu des ballons voltiger parmi les sombres clochers en brique. C’était au couchant de la mi-août et les deux ballons-montgolfières auraient bien pu arriver de la France, cette patrie littéraire qui avait comblé nos étranges discours de passionnés incertains. Alors, j’ai formulé l’hypothèse selon laquelle Dominique H. était accroché au ballon qui occupait le quartier du ciel plus en haut, devenu pâle et transparent, tandis que le deuxième ballon, aussi agréable que l’autre mais plus hésitant — apparemment dégonflé et prêt à tomber parmi les toits — cachait, cela venait par conséquent, l’élégante silhouette de Brigitte C..

Mais, personne n’a frappé à la porte. Pour le moment, juste un lien virtuel s’était transformé en connaissance réelle, avec l’avantage, pour moi, non seulement de découvrir le « village » de La Haye et ses alentours ordonnés et insouciants, mais aussi, surtout, de connaître un personnage tout à fait hors du commun.

002_jan 2 part BN Voilà deux photos que j’ai prises de Jan Doets sans qu’il s’en aperçût. 003_jan tre quarti NB

Elles sont déjà expressives de la personnalité pleine d’énergie de ce vieux loup de mer dont l’air joyeux et discret semble inversement proportionnel à une vie que j’imagine intense et parfois difficile. Ce qui m’étonne le plus est son choix opiniâtre de vivre « en français » dans un monde, la Hollande d’aujourd’hui, qui ne reconnaît plus cette langue comme indispensable pour les échanges culturels et humains.

Cet homme qui a lu tous les livres de Camus et nous a raconté, dans son blog, l’histoire de la Russe Moussia, « Française de goût », se considère un cosaque de frontière, le Giovanni Drogo du Désert des Tartares de Dino Buzzati se trouvant relégué dans une forteresse très éloignée et sombre, isolée du reste du monde : « Quelle triste erreur, pensa Drogo, peut-être en est-il ainsi de tout, nous nous croyons entourés de créatures semblables à nous et, au lieu de cela, il n’y a que gel, pierres qui parlent une langue étrangère ; on est sur le point de saluer un ami, mais le bras retombe inerte, le sourire s’éteint, parce que l’on s’aperçoit que l’on est complètement seul. » (Dino Buzzati, Le Désert des Tartares, chapitre 10, Robert Laffont, 1949)

Pourtant cet homme plein d’enthousiasme et d’ironie ne se contente pas de la seule consolation des livres… Il lance des signaux de fumée auxquels j’ai eu la chance de répondre en premier et d’autres aussi y répondront bien sûr, s’accrochant à des ballons-montgolfières ou à des trains à grande vitesse.

Les Pays-Bas ne sont pas vraiment si éloignés que l’on peut imaginer. Mais les distances physiques sont toujours réelles. Et, si j’y pense, si je me vois assis ou pour mieux dire verrouillé à mon fauteuil au milieu du quartier parisien des deux gares, si je me souviens de l’interminable hiver dernier, qui ne devenait jamais printemps, je crois que Jan Doets a raison lorsqu’il dit que je suis, moi aussi, un des cosaques des frontières dont il veut causer dans son nouveau blog

Giovanni Merloni écrit ou proposé par : Giovanni Merloni. Première publication et Dernière modification 20 août 2013 CE BLOG EST SOUS LICENCE CREATIVE COMMONS Licence Creative Commons Ce(tte) œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 3.0 non transposé.