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Archives de Catégorie: contes et récits

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Cette beauté provisoire de la vie

15 vendredi Nov 2019

Posted by biscarrosse2012 in échanges, contes et récits

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la ronde

Cette beauté provisoire de la vie

Député socialiste lors de la première législature républicaine, mon père se confronta à de nombreuses « épreuves » en mettant dans son mandat autant d’enthousiasme que d’expérience de la loi, notamment du droit administratif. Apprécié vivement par ses collègues ainsi que par les leaders de son parti, il n’eut pourtant pas de chance avec son collège électoral de Grosseto en Toscane, frappé par le succès parallèle du Parti communiste. Donc, il ne fut pas réélu aux élections politiques de 1953. Accompagné pour le reste de sa vie par cette blessure non cicatrisable, il ne cessa pour autant de couver le désir de rentrer un jour proche dans la vie politique active, sa véritable vocation. Cependant, il refusa courageusement tout rôle grégaire dans son parti et repartit à zéro. Ou alors, comme le disait notre regretté Massimo Troisi, il recommença par trois.
Un : il pouvait exercer l’activité professionnelle d’avocat civil. Deux : il avait à son côté une femme exceptionnelle, qui pendant des années, toujours avec le sourire, porta sur ses épaules une partie considérable du poids économique de la nouvelle situation. Trois : tout en ayant une profonde passion pour la musique, alimentée par une longue fréquentation du violoncelle, mon père était un grand photographe ainsi qu’un infatigable chauffeur.


En découvrant ses vieux films enroulés, dont la plupart des images, jugées moins bonnes, n’avaient pas été imprimées, je me suis moi-même engagé dans l’épreuve, difficile sinon impossible, de récupérer, mettre en valeur et garder la mémoire de ce qui a existé et ce serait dommage de perdre.
Mon père avait un talent naturel pour les portraits. Cependant, il ne se jugeait pas immortel : il voyait bien claire devant lui la précarité de toute existence. Voilà pourquoi il se sentait obligé d’exprimer à chaque déclic son immense gratitude à la divinité invisible qui protégeait notre famille. Sinon, il partageait avec ma mère une idée toute spartiate, mais absolue, de la beauté qu’on ne doit pas trahir. Il s’agissait en même temps de la beauté des choses et de la beauté de la vie.
Moi, je pourrais ajouter d’autres évidences que ces épreuves révèlent : non seulement le sentiment commun d’une famille heureuse et pourtant consciente d’être menacée par les brusques allures du monde. J’y vois déjà tracées ou même sculptées les épreuves que chacun de nous devra endurer tout au long de sa vie future.

Après les épreuves que nos parents durent affronter, chacun de nous en a enduré. Suivant des pistes apparemment différentes, se liant à des noms de personnes et de lieux bien éloignés les uns des autres. Et pourtant j’y reconnais un destin commun, une sensibilité tout à fait particulière, où les idiosyncrasies et les mythologies s’entrelacent en un écheveau impossible à démêler. Certes, on était très soudé et nos dates de naissance ne pouvaient être plus proches : ma sœur Barberina est née le 27.2.1944, suivie par moi le 16.10.1945 et par mon frère Francesco le 20.7.1947. Cependant, cette beauté provisoire de la vie que mon père a su immortaliser en quelques déclics — révélant un geste heureux ou la parution soudaine d’un rayon de soleil — fait désormais partie de notre ADN et finalement de notre essence vitale commune.

Giovanni Merloni

Au beau milieu des nymphéas pourris (La pointe de l’iceberg n. 18)

12 lundi Août 2019

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits, portraits inconscients

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La. pointe de l'iceberg

Giovanni Merloni, L’étrange histoire, acrylique sur carton
50 x 65 cm, 2019

Au beau milieu des nymphéas pourris

Dans une autre vie, Elle avait été un petit galet gris, doré par les premières lueurs de l’aube.

Ce caillou silencieux, récalcitrant et pourtant fidèle demeurait hier dans ma main et s’y abandonnait avec confiance et dévotion. Cependant, Elle avait froid et la chaleur de ma main ne lui suffisait pas. J’écartai alors mes doigts pour que le premier soleil de Normandie puisse lui redonner les couleurs, notamment le rouge coquelicot de ses lèvres, le bleu céleste de ses yeux et l’or nuancé de ses cheveux.

Grâce aux caresses du soleil, sa silhouette grandit à démesure, portant son visage à la portée du mien, sa bouche de la mienne, mais…
« C’est trop tard, désormais ! Je dois rentrer ! Je file… » m’a-t-elle dit, le temps tout bref qu’il lui fallait pour redevenir galet.
« Tu ne m’as jamais parlé de cette fontaine ! » lui répondis-je, avant qu’il arrive ce qui devait arriver…

Pour combien de jours et d’années devrai-je me demander si c’était moi le lanceur du galet dans la fontaine boueuse ou si c’était une main invisible — celle d’un mari jaloux ? d’un fils vindicatif ? — qui avait arraché de mes mains mon trésor incommensurable pour le renvoyer avec brutale assurance au beau milieu des nymphéas pourris.

Toujours est-il qu’Elle souriait en revenant subitement à la surface, avant de trouver une halte agréable dans la petite île herbeuse dont je ne m’étais pas aperçu. Elle ne paraissait pas triste pour notre brusque séparation. Au contraire, Elle semblait prête à faire front à ses multiples devoirs cumulés, quand l’effet du caillou jeté dans l’eau se matérialisa en de typiques cercles concentriques prenant au fur et à mesure la forme de haies ou carrément de cruels remparts d’une inexpugnable citadelle fortifiée…

Giovanni Merloni

« Il y a eu des jours où il a suffi du regard, du clin d’œil d’un inconnu pour nous faire tressaillir et nous arrêter devant le précipice » (La pointe de l’iceberg n. 16)

07 dimanche Juil 2019

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits

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La. pointe de l'iceberg

Turin, 1er mai 2008, fête du Travail au lendemain d’une débâcle électorale particulièrement déchirante pour le centre gauche en Italie

Mes chers lecteurs,
Ça fait plusieurs jours qu’ils étaient déjà prêts, le cœur et le corps de l’article d’aujourd’hui, consacré au rapport entre la Résistance à la dictature en Italie et la recherche de formes d’expression littéraires et artistiques alternatives aux multiples muselières que le régime mussolinien imposait par le biais du conformisme et de la violence.
Le témoignage de Cesare Pavese du 20 mai 1945 suffisait déjà, en lui-même, à expliquer les raisons de ma citation dévouée.
Cependant, j’aurais voulu être capable d’expliquer, en quelques mots, un inquiétant parallélisme, que je vois comme dans un miroir renversé :
— d’un côté, ce prodigieux procès de construction de la liberté dans la poésie et le roman (notamment chez des écrivains devenus célèbres au lendemain de la Libération, comme Cesare Pavese, Elio Vittorini, Italo Calvino, Natalia Ginzburg, Beppe Fenoglio et Mario Soldati, pour ne parler que des écrivains de Turin et du Piémont) : une construction alimentée par un dialogue fertile avec des « ailleurs » d’emprunt, épurés par la magie de la traduction, qui aboutit finalement à l’affranchissement des mensonges rhétoriques et baroques de la langue officielle ;
— de l’autre côté, le procès actuel où toute ambition de conjuguer la vérité avec la sincérité et la recherche intransigeante d’une beauté cohérente va depuis des années cogner contre un nouveau « langage des choses » que je perçois comme une censure et une dictature. Malheureusement, le singulier parallélisme entre la « xénophilie » de nos plus grands écrivains du XXe siècle et « l’amour de l’ailleurs » que je partage avec nombre d’émigrants ayant abandonné l’Italie à contrecœur ne semble pas aboutir au même résultat. Si, traduisant en italien William Faulkner, Ernest Hemingway et Francis Scott Fitzgerald, Cesare Pavese avait su « importer » dans notre langue un vigoureux souffle de liberté, je crois que mon apprentissage ni mes échanges de plus en plus intéressants, pour moi, avec la littérature française n’auront aucune rechute dans le pays où j’ai quand même essayé de faire de mon mieux jusqu’à mes soixante et un ans.
Pendant ces derniers jours, j’essayais de reconstruire de façon assez synthétique — autour des mots « Libération », « Constitution républicaine », « Unité » et « Humanité » — la parabole politique et culturelle de mon pays de 1945 à nos jours en suivant des dates-charnières dont je garde une précise mémoire. Mais ce n’est pas à moi de le faire. Il me faudrait le courage d’une fiction aussi romanesque que solitaire digne d’écrivains majeurs comme l’auteur du « Maître et Marguerite » ou du « Désert des tartares »…
Giovanni Merloni

« Il y a eu des jours où il a suffi du regard, du clin d’œil d’un inconnu pour nous faire tressaillir et nous arrêter devant le précipice »

Depuis des années, nous tendons nos oreilles aux nouveaux mots. Depuis des années, nous apercevons les sursauts et les bégaiements des créatures nouvelles et saisissons en nous-mêmes ou dans les voix suffoquées de ce pays qui est le nôtre comme un souffle tiède de naissance. Mais ce furent très peu les livres italiens que nous eûmes envie de lire dans les bruyantes journées de l’ère fasciste, pendant cette absurde vie désœuvrée et pleine de contraintes que nous dûmes mener alors, et, plus que des livres, nous connûmes des hommes, la chair et le sang d’où les livres naissent. Dans nos efforts pour comprendre et pour vivre nous soutinrent des voix étrangères : chacun de nous fréquenta et aima de véritable amour la littérature d’un peuple, d’une société éloignée, et en parla, en fit la traduction, jusqu’à en faire une patrie idéale. Dans le langage fasciste, on appelait tout cela xénophilie. Les moins agressifs nous accusaient de vanité, d’exhibitionnisme ou alors d’exotisme frivole, tandis que les plus austères disaient que nous cherchions dans les modèles au-delà de l’océan et des Alpes un exutoire à notre manque de discipline sexuelle et sociale. Naturellement, ils ne pouvaient pas admettre que nous allions chercher ailleurs en Amérique, en Russie ou en Chine, et l’on ne sait pas où, cette chaleur humaine que l’Italie officielle ne nous donnait pas. Ils n’admettaient pas non plus que nous cherchions tout simplement nous-mêmes. Mais justement, ce fut ainsi.
Là-bas, nous cherchâmes et trouvâmes nous-mêmes. Depuis les pages abruptes et bizarres de ces romans, depuis les images de ces films, arriva jusqu’à nous une première certitude : le désordre, même le plus violent et l’inquiétude de notre adolescence et de la société tout entière qui nous enveloppait, ils pouvaient se résoudre et s’apaiser dans un style, dans un ordre nouveau. Ils pouvaient et devaient se transfigurer en une nouvelle légende de l’homme. De cette légende, de cet esprit classique nous saisîmes le pressentiment dans la dure écorce de mœurs et de langages qui n’étaient pas faciles ni toujours accessibles ; mais, petit à petit, nous apprîmes à les chercher, à les soupçonner, à les deviner au fur et à mesure de chaque rencontre humaine.
Nous savons, maintenant, en quelle direction il nous faut travailler. Les signes éparpillés que pendant les années sombres nous cueillions dans la voix d’un ami, lors d’une lecture, de quelques joies et de beaucoup de douleur , ils se sont à présent recomposés en un discours clair et aussi en une promesse. Et voilà le discours : nous n’irons pas vers le peuple. Parce que nous sommes déjà ce peuple et que tout le reste n’existe pas.
Nous irons plutôt vers l’homme. Parce que l’obstacle, la croûte à briser est là, dans la solitude de l’homme — de nous et des autres.
La nouvelle légende, le nouveau style, et même notre bonheur ne réside qu’en ça.
Se donner le but d’aller vers le peuple : ça revient au même qu’avouer une mauvaise conscience. Aujourd’hui, nous avons beaucoup de remords, mais pas celui de n’avoir jamais oublié de quelle chair nous sommes. Nous savons que dans cette couche de la société qu’on a l’habitude d’appeler peuple le rire est plus franc, la souffrance plus vive, le mot plus sincère. Et nous prenons en compte tout cela. Mais quelle autre signification y a-t-il, en cela, en dehors du constat que dans le peuple la solitude est déjà vaincue — ou en train de l’être ? Avec ce même esprit, dans les romans, dans les poésies et dans les films qui nous dévoilèrent à nous-mêmes dans un passé très proche, l’homme était plus franc, plus vivant et sincère vis-à-vis de ce qu’on faisait chez nous. Cela dit, nous ne nous confessons pas inférieurs ou différemment constitués par rapport aux hommes qui font ces romans et ces films. Comme pour eux, pour nous aussi la tâche est dans la découverte, dans la célébration de l’homme au-delà de la solitude, au-delà de toutes les solitudes de l’orgueil et du sens.

Ces années d’angoisse et de sang nous ont appris que l’angoisse et le sang ne marquent pas la fin de tout. Une chose se sauve de l’horreur, elle est l’ouverture de l’homme envers l’homme. De cela, nous sommes tout à fait sûrs, parce que jamais l’homme n’a été moins seul que pendant ces temps de solitude affreuse. Il y a eu des jours où il a suffi du regard, du clin d’œil d’un inconnu pour nous faire tressaillir et nous arrêter devant le précipice. Nous savions, nous savons que partout, dans les yeux les plus ignares et les plus torves, une charité et une innocence couvent que c’est à nous de partager.
Bien de barrières et stupides murailles se sont écroulées en ces jours-ci. Même pour nous, obéissant depuis longtemps déjà à la supplique inconsciente de toute présence humaine, ce fut une surprise de nous voir envahis, submergés par autant de richesse. Il est vrai que l’homme a dévoilé ce qui demeure en lui de plus vif. Maintenant, puisque c’est nous qui en avons la tâche, il attend que nous sachions le comprendre et en parler.
Parler. Les mots sont notre métier. Nous assumons cela sans ombre de timidité ni d’ironie. Les mots sont des choses tendres, intraitables et vivantes, faites pour l’homme tandis que l’homme n’est pas fait pour elles. Nous avons tous la sensation de vivre dans un temps où cela devient nécessaire de ramener les mots à la même netteté nue et solide qu’ils avaient quand l’homme les créa pour s’en servir. Et, puisque les mots servent à l’homme, il nous arrive justement que les nouveaux mots nous saisissent et nous émeuvent comme une prière ou un bulletin de guerre et cela n’a rien à voir avec aucune des voix, même les plus pompeuses, du monde qui meurt.
Notre tâche est difficile, mais vivante. Elle est aussi la seule qui garde un sens et une espérance. Les hommes qui attendent nos mots, ce sont de pauvres hommes comme nous. Comme nous les sommes si nous oublions que la vie est dans la communion. Ils nous écouteront avec sévérité et confiance à la fois, prêts à incarner les mots que nous dirons. Les décevoir ce serait les trahir et ce serait aussi trahir notre passé..

Cesare Pavese
Article publié sur L’Unità de Turin, 20 mai 1945

« Ci furono giorni che bastò lo sguardo, l’ammicco di uno sconosciuto per farci trasalire e trattenerci dal precipizio »

Da anni tendiamo l’orecchio alle nuove parole. Da anni percepiamo i sussulti e i balbettii delle creature nuove e cogliamo in noi stessi e nelle voci soffocate di questo nostro paese come un tepido fiato di nascite. Ma pochi libri italiani ci riuscì di leggere nelle giornate chiassose dell’èra fascista, in quella assurda vita disoccupata e contratta che ci toccò condurre allora, e più che libri conoscemmo uomini, conoscemmo la carne e il sangue da cui nascono i libri. Nei nostri sforzi per comprendere e per vivere ci sorressero voci straniere: ciascuno di noi frequentò e amò d’amore la letteratura di un popolo, di una società lontana, e ne parlò, ne tradusse, se ne fece una patria ideale. Tutto ciò in linguaggio fascista si chiamava esterofilia. I più miti ci accusavano di vanità esibizionistica e di fatuo esotismo, i più austeri dicevano che noi cercavamo nei gusti e nei modelli d’oltreoceano e d’oltralpe uno sfogo alla nostra indisciplina sessuale e sociale. Naturalmente non potevano ammettere che noi cercassimo in America, in Russia, in Cina e chi sa dove, un calore umano che l’Italia ufficiale non ci dava. Meno ancora, che cercassimo semplicemente noi stessi. Invece fu proprio così.
Laggiù noi cercammo e trovammo noi stessi. Dalle pagine dure e bizzarre di quei romanzi, dalle immagini di quei film venne a noi la prima certezza che il disordine, la stessa violenza, l’inquietudine della nostra adolescenza e di tutta la società che ci avvolgeva, potevano risolversi e placarsi in uno stile, in un ordine nuovo, potevano e dovevano trasfigurarsi in una nuova leggenda dell’uomo. Questa leggenda, questa classicità la presentimmo sotto la scorza dura di un costume e di un linguaggio non facile, non sempre accessibili; ma a poco a poco imparammo a cercarla, a supporla, a indovinarla in ogni nostro incontro umano.
Noi adesso sappiamo in che senso ci tocca lavorare. I cenni dispersi che negli anni bui raccoglievamo dalla voce di un amico, da una lettura, da qualche gioia e da molto dolore, si sono ora composti in un chiaro discorso e in una certa promessa. E il discorso è questo, che noi non andremo verso il popolo. Perché già siamo popolo e tutto il resto è inesistente.
Andremo se mai verso l’uomo. Perché questo è l’ostacolo, la crosta da rompere: la solitudine dell’uomo – di noi e degli altri.

La nuova leggenda, il nuovo stile sta tutto qui. E con questo la nostra felicità.
Proporsi di andare verso il popolo è in sostanza confessare una cattiva coscienza. Ora, noi abbiamo molti rimorsi ma non quello di aver mai dimenticato di che carne siamo fatti. Sappiamo che in quello strato sociale che si suole chiamare popolo la risata è più schietta, la sofferenza più viva, la parola più sincera. E di questo teniamo conto. Ma che altro significa ciò sennonché nel popolo la solitudine è già vinta – o sulla strada di esser vinta? Allo stesso modo, nei romanzi, nelle poesie e nei film che ci rivelarono a noi stessi in un vicino passato, l’uomo era più schietto, più vivo e più sincero che in tutto quanto si faceva a casa nostra. Ma non per questo noi ci confessiamo inferiori o diversamente costituiti dagli uomini che fanno quei romanzi e quei film. Come per costoro, per noi il compito è scoprire, celebrare l’uomo di là dalla solitudine, di là da tutte le solitudini dell’orgoglio e del senso.

Questi anni di angoscia e di sangue ci hanno insegnato che l’angoscia e il sangue non sono la fine di tutto. Una cosa si salva sull’orrore, ed è l’apertura dell’uomo verso l’uomo. Di questo siamo ben sicuri perché mai l’uomo è stato meno solo che in questi tempi di solitudine paurosa. Ci furono giorni che bastò lo sguardo, l’ammicco di uno sconosciuto per farci trasalire e trattenerci dal precipizio. Sapevamo e sappiamo che dappertutto, dentro gli occhi più ignari o più torvi, cova una carità, un’innocenza che sta in noi condividere.
Molte barriere, molte stupide muraglie sono cadute in questi giorni. Anche per noi, che già da tempo ubbidivamo all’inconscia supplica di ogni presenza umana, fu uno stupore sentirci investire, sommergere da tanta ricchezza. Davvero l’uomo, in quanto ha di più vivo, si è svelato, e adesso attende che noialtri, cui tocca, sappiamo comprendere e parlare.
Parlare. Le parole sono il nostro mestiere. Lo diciamo senza ombra di timidezza o di ironia. Le parole sono tenere cose, intrattabili e vive, ma fatte per l’uomo e non l’uomo per loro. Sentiamo tutti di vivere in un tempo in cui bisogna riportare le parole alla solida e nuda nettezza di quando l’uomo le creava per servirsene. E ci accade che proprio per questo, perché servono all’uomo, le nuove parole ci commuovano e afferrino come nessuna delle voci più pompose del mondo che muore, come una preghiera o un bollettino di guerra.
Il nostro compito è difficile ma vivo. È anche il solo che abbia un senso e una speranza. Sono uomini quelli che attendono le nostre parole, poveri uomini come noialtri quando scordiamo che la vita è comunione. Ci ascolteranno con durezza e con fiducia, pronti a incarnare le parole che diremo. Deluderli sarebbe tradirli, sarebbe tradire anche il nostro passato..

Cesare Pavese
Articolo pubblicato su L’Unità di Torino, 20 maggio 1945

À qui, en quelle langue, raconterais-je mes abruptes déchirures et mes joies inconsolables ? (La pointe de l’iceberg n. 14)

21 mardi Mai 2019

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits, portraits inconscients

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La. pointe de l'iceberg

Giovanni Merloni, Vivre une idylle, acrylique sur toila 61 x 46 cm, 2019

À qui, en quelle langue, raconterais-je mes abruptes déchirures et mes joies inconsolables ?

On ne parle que de la grande consolatrice…

Mais il y a aussi une petite consolatrice dont je ne pourrais pas me passer, c’est-à-dire la littérature sous forme d’écriture à un autre où nous recherchons et toujours retrouvons nous-mêmes. En écrivant à cet être, connu ou inconnu, nous nous délestons de nos peines quotidiennes d’où vont inévitablement jaillir nos questions inavouables et intimes.
D’ailleurs, ce dialogue profond ne subissant pas les impatiences et les lassitudes typiques des colloques entre les humains est forcément hanté par la pensée de la mort comme contrebas constant de la vie, donc par l’attrait intermittent du passé qu’amènent la transfiguration du présent et l’évocation des rêves ou des cauchemars.

Des mannequins en vitrine boulevard Sébastopol, Paris

Dans mon désir de m’installer en France il y avait sans doute le charme irrésistible de l’ailleurs (« L’herbe du voisin est toujours plus verte »), mais aussi l’envie de revenir au rêve résistant et vif, déclenché bien avant du lycée par les rêveries de ma mère et de mes merveilleuses maîtresses de français : un rêve qu’ensuite alimentèrent les romans, les films et les chansons françaises où tout d’un coup, par-delà les décors que j’avais frôlé le nez en l’air lors de voyages aussi passionnants qu’interrompus, j’ai vu se cristalliser, comme dans une séquelle de films reconstitués par cœur, l’image d’un monde bien réel que je découvrais d’emblée familier.
Il s’agissait d’un univers urbain, homogène et disparate à la fois, qui se laissait connaître jusque dans les endroits les plus reculés où chaque vue d’intérieur paraissait merveilleuse et désirable dans la langue qui le racontait et même dans le silence abrupt où la vie de tous les jours montait à la surface toute seule.
Cette rêverie a laissé assez tôt la place à une véritable nostalgie de ce monde parallèle dont la vie se déroulait au-delà d’un miroir complice, tandis que cette nostalgie, elle, ressemblait au désir de retourner à l’enfance heureuse de mes premiers neuf ans, brisés irréversiblement par un banal changement de quartier.
Un beau jour, cette nostalgie-là et ce désir-ci ont fusionné dans une seule envie : être accueilli dans une maison appartenant à cet autre monde parallèle de Paris.
Et dans cette envie, il y avait la certitude que cette maison se révélerait fort ressemblante à celle de mon enfance.
Mon désir de retrouver le monde de Balzac ou Prévert et Truffaut a échoué heureusement sur l’amour des Français pour leur passé qui résiste dans l’image de la ville aux décors « institutionnels » et dans le soin extraordinaire qu’ils consacrent aux moindres traces et témoignages, se révélant tout d’un coup familiers pour moi.
En Italie, au contraire, je vois s’imposer de plus en plus le désir de tout effacer ou alors de stocker négligemment ce qui survit à la barbarie dans les caves d’un musée abandonné.

Des mannequins en vitrine boulevard Sébastopol, Paris

Ayant finalement ciblé la raison commune de mon transfert en France et de ma primordiale exigence d’expression, je pourrais désormais tourner la page et m’affranchir de la merveilleuse illusion envahissant mon esprit.
Cependant, un dialogue — ayant pour thème l’indispensable résistance, surtout esthétique, à la barbarie — s’est installé désormais, en moi, entre mes deux maisons et patries. Je reconnais que cela est bien singulier, mais elle est pour moi d’importance vitale cette recherche désespérée de survie animant les choses que nos ancêtres nous ont confiées.
Je ne peux pas raconter à l’Italie la France que je vis et apprends au jour le jour. Je risquerais de rédiger un guide assez maladroit et incomplet tout en percevant de l’incompréhension et de l’envie autour de moi.
Ce sera alors la France, non l’Italie, l’interlocutrice attentive ou distraite du récit parfois méticuleux de mes abruptes déchirures et de mes joies inconsolables.

Giovanni Merloni

« Le mariage de mes parents » (La pointe de l’iceberg n. 13)

08 mercredi Mai 2019

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits, portraits inconscients

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La. pointe de l'iceberg

Paolo Merloni, « Le mariage de mes parents », acrylique sur toile, 2001

« Le mariage de mes parents »

Dans une année 1969 commencée avec le même esprit dictant à Serge Gainsbourg, au-delà des Alpes, une chansonnette débridée et irrévérencieuse, je tombai, il y a cinquante ans pile, dans le piège maladroit et trompeur de l’utopie, embouchant, avec une cohue de confrères emportés par le même optimisme dangereux que moi, la voie de la paternité précoce.
Plutôt que se dérouler à l’enseigne de la liberté et de l’expérience (encore séparées, hélas, par la faible cloison d’un sentiment de culpabilité « non-catholique » profondément enraciné), cette année s’échoua pour moi dans la course folle d’Achille poursuivant une tortue ô combien difficile à rattraper !
Ce fut une année mémorable, dont je ne me souviens pourtant que de scènes courtes, amenant alternativement des rayons de soleil ou des foudres menaçantes… jusqu’à cet embarrassant poisson d’avril que mon frère m’apporta dans ce coin du bar d’en bas où j’avais pris l’habitude de me rendre, de temps en temps (avec un cher ami cette fois-là) pour jouer du flipper. Oui, le jour où j’appris que je serais père je m’acharnais nonchalamment sur ce truc diabolique, happé par le triste mirage d’une boule blanche pour recommencer !
Quelqu’un m’aura dit, ce jour-là, que j’avais fait « tilt » et dorénavant ma vie se précipiterait dans un changement obligé ressemblant moins à une catharsis héroïque qu’à un bagne. Mais la chose la plus difficile ce fut de parler à ma mère.

Toujours est-il que j’affrontai les joies conjugales avec l’élan d’un pionnier, réussissant en un seul mois à tout apprêter pour ce « mariage de mes parents » qui se déroula le 8 mai 1969. Un événement que mon fils Paolo, plus tard, immortalisa dans le tableau ci-dessus, successivement acheté par ma seconde épouse.

Ce fut sans doute l’amour qui nous amena le 29 novembre de cette année cruciale, presque deux ans pile après la disparition précoce de mon père adoré, son petit-fils homonyme, Raffaele, le premier de sept entre frères et cousins. Et, certes, dans cette époque lointaine et désormais révolue, il y avait autour de moi un univers d’hommes et de femmes de tous les âges avec qui j’entretenais des rapports exclusifs et profonds. Une longue passerelle de visages, de voix et de gestes typiques, pour la plupart disparus, auxquels je ne pouvais m’empêcher de faire recours comme à autant de sources inépuisables. Que reste-t-il, maintenant, d’un tel miracle de l’amour réciproque ? De l’amitié la plus sincère ? Il ne reste, je crois, que le désir impossible de revenir en arrière…

Giovanni Merloni

« On naît, on essaie de faire quelque chose… et l’on meurt ! » (La pointe de l’iceberg n. 9)

29 samedi Déc 2018

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Edoardo Romano Perna, La. pointe de l'iceberg, Vladimiro Arangio-Ruiz

Août 1955, Mon oncle Dodo à Cortina d’Ampezzo

« On naît, on essaie de faire quelque chose… et l’on meurt ! »

Aujourd’hui, 29 décembre 2018, s’il était encore vivant, mon oncle Edoardo Romano Perna, affectueusement appelé en famille « zio Dodo », accomplirait ses premiers cent ans.
Il s’agissait d’un homme unique, auquel j’ai toujours été profondément attaché, qui avait de sa part une sincère bienveillance pour moi.
À la veille de sa mort, en octobre 1988, il m’avait indiqué le coin de sa bibliothèque où il avait tant bien que mal fourré ses cartes les plus intimes, que je récupérai plus tard, en 1995, lors de la disparition, douloureuse aussi, de « zia Antonia ».
Pendant cette trentaine d’années, je n’ai fait pas grand-chose par rapport à ce que mon oncle attendait de moi, quitte à transcrire ses quelques lettres et en faire un provisoire « journal posthume » qui demande encore du travail pour que la mémoire de ses pulsions et de ses rêves ne soit pas maladroitement abîmée.
La difficulté que j’ai eue à parler de lui vient surtout du fait que mon oncle n’était pas qu’une personne charismatique dans le contexte de notre famille ou de nos échanges réciproques. Il n’était pas non plus qu’une personne douée de grande fantaisie et créativité ainsi que d’une vaste culture littéraire et philosophique. Il était un homme public. Un sénateur de la République. Un membre majeur du Parti communiste italien. Un ancien partisan ayant eu un rôle central dans la Résistance à Rome.
Il était d’ailleurs un homme politique assez particulier : un intellectuel. Il était en train d’entamer une brillante carrière universitaire, quand il prit la décision, un jour, de consacrer sa vie à cette idée de « faire le possible », d’abord pour affranchir de la misère les classes plus démunies, ensuite pour bâtir, avec l’ensemble des forces démocratiques, une société « plus juste » : ce que le Parti communiste de Palmiro Togliatti prêchait énergiquement et sut enfin imposer, malgré les innombrables obstacles que la Démocratie chrétienne et ses alliés fidèles ne cessèrent de lui opposer !
Né en 1918 et décédé en 1988, la vie d’Edoardo Romano Perna a presque coïncidé avec la fulgurante et tout compte fait brève parabole du communisme en Europe, débutée avec la glorieuse Révolution de l’octobre 1917 et terminée en novembre 1989 avec l’écroulement du Mur de Berlin.
Et, chose bien plus triste que paradoxale, la dernière partie de la vie de mon oncle a été sinistrement frôlée par le nuage noir de Tchernobyl, qui a été, peut-être, le responsable du mal qui l’a emporté.
Le jour où il me convoqua chez lui pour me confier ses « papiers privés » il me dit qu’il avait peur de mourir. Puis, tout d’un coup, il formula sa plus profonde vérité : « On naît, on essaie de faire quelque chose… et l’on meurt ! »
Dieu seul sait ce que « zio Dodo » a fait pour son pays et en général pour les autres.
Ses camarades ou collègues d’autres partis au Sénat l’ont commémoré comme l’un des piliers les plus solides auxquels s’ancrait l’activité législative ainsi que la discussion quotidienne, ayant au centre le sens de responsabilité du Parlement face aux citoyens et à la défense de la démocratie.
Quant à moi, j’essaierai de faire sortir de leur état suspendu les souvenirs que je garde de lui et chemin faisant de transmettre et interpréter les quelques documents ou textes originaux qu’il m’a laissés. Et bien sûr il sera content de recevoir mon hommage en français, une langue qu’il connaissait très bien et laissait s’imposer à l’improviste dans nos inoubliables réunions familiales :

Auprès de ma blonde,
Qu’il fait bon, fait bon, fait bon.
Auprès de ma blonde,
Qu’il fait bon dormir !

Août 1955, Mon oncle Dodo à Cortina d’Ampezzo avec ma tante Antonia

Dans le but de faire connaître la personnalité de mon oncle, réservé et récalcitrant en famille tout comme, je crois, dans le vaste et compliqué monde de la politique, je me passe, pour l’instant, de sa biographie et des traits caractéristiques de son portrait humain, et commence brusquement par un document tout à fait particulier.
Je vous parlerai plus tard du grand arbre d’où mon oncle est issu, notamment de la famille de ma grand-mère Agata dont j’ai déjà parlé quelquefois dans « le portrait inconscient ». Aujourd’hui, vous aurez affaire à un frère cadet de celle-ci, Vladimiro Arangio-Ruiz, l’oncle préféré de ma mère Pia, avec qui elle partageait son amour pour la littérature et la réflexion inattendue. Professeur universitaire d’italien et de philosophie à Florence et Pise, « zio Vlado » faisait bien sûr partie de la génération qui avait participé, jeune, à la Première Guerre et avait dû ensuite exploiter son travail sous le régime de Mussolini. Homme libre et intransigeant, toujours attentif à ne pas se faire contaminer par les mauvaises habitudes du régime au pouvoir, même s’il se professait libéral, Vladimiro Arangio-Ruiz pourrait être de ces temps appelé « humaniste ». Un homme ouvert vers le futur et prudent à la fois.
Il était très affectionné à son neveu Dodo, fasciné par sa brillante intelligence et sa curiosité sans bornes pour les questions littéraires et philosophiques dont il s’occupait. Au lendemain de la Libération, avec l’adhésion de ce « neveu rebelle » au Parti communiste, les discussions se multiplièrent dans cette famille très unie où l’estime réciproque n’était pas moins importante que l’affection sincère liant les uns et les autres.
Lors de leurs disputes politiques, très vivantes et parfois douloureuses, j’imagine bien le Dodo communiste passionné et tranchant — que j’ai vu plus tard discuter avec mon père, socialiste, par exemple — en train d’affronter son oncle Vlado, pas moins passionné, qui était alors affecté par une hypertension tellement grave qu’il ne pouvait quitter son lit lorsqu’il accueillait ses parents et amis en visite…
Or, parmi les papiers que Dodo m’a transmis, il y a une coupure de journal très intéressante : « lettre ouverte à un ami communiste ».
Je connaissais déjà l’existence de cette lettre, publiée sur « Il Giornale d’Italia » du 13 septembre 1949, quelques mois après la disparition de ma grand-mère Agata Arangio-Ruiz. Malgré la perte de sa sœur aînée, ô combien aimée, qui laissait sans doute son benjamin aussi dans la plus profonde détresse, la vivacité du débat politique ne cessait pas de se produire entre Dodo et Vlado ! Je vous laisse lire l’article.

Giovanni Merloni

1927, de droite à gauche, ma grand-mère Agata, son frère Vincenzo,
son père Gaetano et ses autres frères Vladimiro, Valentino et Vittorio Arangio-Ruiz

LETTRE OUVERTE À UN AMI COMMUNISTE

CHER AMI,
Ta lettre, ô combien agréée et attendue, je t’avoue, avec une certaine anxiété ; cette lettre, ainsi courtoise envers ma personne, ainsi cruelle envers mes idées, ta lettre m’a sur le coup — c’est le mot — frappé, et un peu, comme il arrive, attristé. Tiens, je me disais, la distance, la séparation qui peut se produire entre deux galants hommes, deux collègues, deux amis. Deux qui, plus ou moins, ont la même préparation, et envers plusieurs choses, essentielles, les mêmes goûts : faits, dirait-on, pour s’entendre ! Ensuite, comme il arrive aussi, je me suis calmé, rasséréné. Ce qui m’a rasséréné, c’est une pensée qui elle aussi m’est arrivée soudainement à l’esprit ; une pensée qui m’a fait rire cordialement, bruyamment, même si j’étais seul. Il m’est venu à l’esprit ce personnage de Molière, je ne me souviens plus duquel ni de quelle comédie il s’agissait ; à un certain moment, celui-ci dit : « Je dis toujours la même chose, parce que c’est toujours la même chose ; et si ce n’était pas toujours la même chose, je ne dirais pas toujours la même chose ». Une boutade très drôle, très juste, très amusante, qui me paraît (je ne sais pas bien pourquoi) de goût rabelaisien, que j’appliquais, libéralement et également, à toi et à moi. Parce qu’en fait tous les deux, c’est bien vrai, nous disons toujours les mêmes choses, toujours immobiles, tous les deux, sur les mêmes positions.
Mais au-delà de cette immobilité qui m’a fait si cordialement rire, il y a dans ta lettre, hélas, d’autres choses aussi. Il y a… à mes yeux, bien entendu… Et l’un de nous deux, de cela on n’échappe pas, c’est le meilleur, — ou alors meilleure c’est l’idée qu’il professe; objectivement meilleur ; et donc il a tout le droit et la dignité et la capacité de juger ; et pour moi, c’est moi le meilleur ; tandis que pour toi, au contraire, c’est toi, et avec quelle terrible assurance tu l’affirmes ! Dans ta lettre — que je garderai comme document d’une maladie, d’une épidémie qui attrape aussi (ou de préférence), je vois, les meilleurs —, il y a, esquissée de façon magnifique et exemplaire, cette mentalité nouvelle qui vous appartient tout à fait. Mentalité qui — pour parler net — m’est odieuse, répugnante ; mentalité que franchement, honnêtement je méprise. En force de laquelle donc, avec vous, il est inutile de parler : ce serait du temps gaspillé et même pire. Parce qu’enfin vous ne voulez pas, ne pouvez pas, ne devez pas nous écouter ; vous ne pouvez, ne voulez, ne devez écouter que vous-mêmes. Parce qu’à n’importe quelle chose qu’on vous dise autrement, vous ne pouvez pas, ne savez pas, ne devez pas prêter oreille (entre les trois verbes que les maîtres de la grammaire appelaient « serviles », vas-tu à découvrir lequel est le juste. Juste étant sans doute leur mélange, d’ailleurs caractéristique d’une certaine mentalité). Et vous ne voulez pas, ne prenez pas le soin de nous écouter, tandis qu’en dehors même de l’autorité de vos maîtres, vous avez forgé de vous-mêmes, pour votre usage, avec une délectation extrême, une « liste des livres interdits ». Et tous les livres figurent désormais parmi les livres interdits, tous moins un, ou alors moins deux ou trois. Pour quelle raison ? Parce qu’en vous occupant de nous, en nous écoutant, vous perdriez cette connaissance, cette vérité que vous avez conquise, ou alors vous risqueriez de la perdre. Il s’agit donc d’un concret que nous avons depuis longtemps perdu, que nous allons perdre en tout cas. En face de vous, si « concrets », nous serons toujours des enfants éternels (pour qu’on nous accorde, du moins, la bonne intention), d’éternels grands dadais.
Est-ce que vous dites pour de bon ? Sais-tu, mon cher ami, comment elle s’appelle cette mentalité ? Quel est le nom qu’on doit donner à cette attitude de n’écouter que vous-mêmes, qu’une seule voix ? Ce manque de soin, ce manque d’écoute pour les autres, parce que vous connaissez bien leurs lubies et finalement celles-ci ne peuvent ni ne doivent plus vous intéresser ? Cette épouvantable fermeture, sais-tu, mon ami, quel nom elle porte ? Dans l’un de ses écrits, la lettre à Coen, Manzoni définit et condamne magnifiquement cette mentalité. Cherche ces mots, lis-les ! Sauf si vous classez Manzoni aussi parmi les bons à rien et les dépassés qu’il vaut mieux ne pas approfondir, ne pas lire. Tandis qu’au contraire, si vous le lisiez à fond, il est bien possible que cela suffise à vous montrer l’absurdité et la partialité de votre concret. Cela pourrait vous défigurer.
Au contraire, moi — libéral — je vous lis, je vous écoute. Parfois, je dois vaincre une certaine répugnance, mais chaque jour je lis l’Unità, et souvent Vie Nuove, Società, tous les mois Rinascita. Et, je dois le dire, combien de choses ai-je apprises de vous ! Sans vous et, disons-le bien, sans votre pression, je ne ressentirais pas la nécessité de la « justice »; je ne souffrirais pas, comme j’en souffre, de la gravité insoutenable de certaines différences, de la monstruosité de certaines injustices.
Ce que tu dis (tu quoque), cher ami, c’est une chose, crois-moi, spectaculaire, épouvantable, et exemplaire. Voilà pourquoi je garde ta lettre ; et, une fois ou l’autre, pour son caractère de paradigme, je la commenterai. Mais, pour la commenter, il ne me suffira pas d’un article ni d’un essai. Il me faudra un volume. D’ailleurs, tout ce que j’écris, quand j’écris, est désormais consacré au commentaire de cette mentalité excessive, monoculaire, partielle, qui d’une petite vérité fait, tout simplement, le tout, et court tout de suite aux extrêmes. Il s’agit d’une mentalité pour laquelle plus rien n’existe au milieu, que vous avez choisie, que vous avez imposée à vous-mêmes. Une mentalité que tu adoptes, parmi les autres, et avec toi beaucoup d’hommes d’intelligence et de culture, tant de jeunes parmi les meilleurs que j’ai connus (les extrêmes, on le voit bien, possèdent en eux un terrible attrait). Et chaque fois que je commente cette mentalité, je ne peux pas éviter désormais d’en faire sentir toute l’erreur et toute l’horreur que j’y vois. C’est la même chose qui m’arrivait pendant le fascisme où tout ce que j’essayais sérieusement de dire et écrire — versus erat — c’était forcément antifasciste ; ainsi m’arrive à présent avec vous. Et il arrive à vous aussi, je vois, de parler de politique, d’art, de philosophie. Et pardonne-moi si j’ai dit ce que j’ai dit, si j’ai fait cette confrontation. Excuse-moi, mais c’est ainsi. Et je sais bien quelle différence y a-t-il entre le fascisme et votre « -isme » : le vôtre c’est une chose tragique, mais sérieuse, ayant en tout cas le but de faire une justice ; tandis que celui-là n’était qu’une tragique mascarade. Je vois maintenant que même mon Sophiste (le sophiste de Platon) est consacré au combat de cette mentalité. Il s’agit d’un texte contenant un passage pour lequel je me suis adressé à toi, à ta compétence, un texte dont j’ai longuement discuté avec toi. Et bien, ce texte combat certaines démesures, certains excès et des manques d’humanité. C’est une lutte que dans le Sophiste (auquel — ce n’est pas une boutade — j’ai travaillé pendant à peu près dix ans) je combats avec le Maître, avec Platon. Même si, contre le vieil ami Platon, me découvrant surtout ami, il faut le dire, de la vérité, je me suis vu obligé à combattre le dogmatisme, le naturalisme. Des choses plaisantes et intéressantes, tu verras que tu aimeras aussi, du moins à certains égards.
Une seule observation particulière. Tu dis que c’est une ridicule renonciation au concret celle de Jèmolo, et, si tu veux, la mienne… En fait, mon commentaire à un essai de Jèmolo, publié sur ces mêmes colonnes, est à l’origine de notre dispute : tu dis que nous nous dérobons à la lutte rien que pour défendre certaines lubies… Et non, cher, il ne s’agit pas de lubies, mais de choses bien concrètes, concrètes comme le besoin et la faim — même si c’est sûr, j’en suis bien d’accord qu’il faut d’abord vivre, et après l’on peut philosopher. Tu dis que nous osons même dire : — il vaut mieux demeurer seuls ; c’est sans doute mieux ! et que nous en éprouvons le désir. Et tu dis qu’il faudrait comparer notre « renonciation » à la fameuse taquinerie que fit un mari à sa femme pour la faire enrager… Il s’agit d’ailleurs d’une très vieille comparaison, toujours efficace et jolie… mais cela n’est pas pour moi, puisque moi, je le répète, je demeure toujours pleinement dans le concret. Et bien si notre renonciation est risible et méprisable, je me demande qu’est-ce qu’ils sont votre activisme et votre concret.
Cela amène les hommes, la majorité des hommes, à une invalidation, à une émasculation collective, que plusieurs subissent avec du plaisir même (il arrive cela aussi, au monde), — exception faite pour les gens du parti qui détient la dictature et pour les dictateurs du parti dictateur. Peux-tu m’expliquer tout cela ? Ou alors s’agit-il encore d’un éhonté mensonge, d’une bagatelle idiote ? Vous êtes capables même de dire que cette invalidation, oui, on ne peut pas la nier, mais c’est une chose, hélas, nécessaire dans un premier temps, et provisoire. Bien sûr, provisoire ! Et toi, reste ici à nous attendre, Calandrin ! (1)

Me vient à l’esprit ce qu’on dit justement de la rédemption. Après laquelle, comme après chaque conversion, s’engendre, dans l’âme du converti, une force dans l’amour et dans la pratique du Bien qui n’existait pas avant ni aurait pu y être. Le doute, la victoire sur le doute sont en fait salutaires ; tandis que la plupart des missionnaires font partie de ceux qui ont douté. Non, ça c’est sûr, ceux qui ont toujours été braves et bons comme papa et maman les avaient voulus. Mais de ceux que papa et maman ont renvoyés, à un certain moment, à se faire bénir. D’ailleurs, il est bien clair que cela doive se passer ainsi. S’il n’avait pas été ainsi, si tous les enfants avaient été toujours de braves enfants attachés au père et à la mère, il n’y aurait même pas été le Christianisme. On était encore à l’ère païenne ou même au fétichisme ou alors… laissons tomber ! Cependant, si l’on considère comme vrai ce qu’on disait à propos de la bonté et de la nécessité de la conversion et de la rédemption (et, même si cela n’arrive pas bruyamment, toute personne bien est, de quelque façon, un redent, un converti), je me demande si pour cela un père voudrait que sa fille fît provisoirement la… traviata, ou que son fils, avant, faisait le voleur. Ce que serait aussi un éloge de l’hérésie que vous n’admettez pas, que vous condamnez. Toujours, bien entendu, provisoirement ; ou jusqu’à l’eschatologie de la disparition définitive du mal du monde, jusqu’à l’unification de tout le monde. Utopie, uchronie (2), bien majeure que l’unification envisagée par le pauvre Dante.
Toujours est-il que, comme je dis une fois malignement, vous ne comprenez plus ces mots à nous. Et vous ne voulez pas les comprendre, parce que vous êtes naturellement ou, comment dis-je ? sub-volontairement « bouleversés » (pour répéter le terme utilisé dans mon article). Et vous ne les comprenez pas parce que dans la « nouvelle société » que vous préparez (oui, à une société nouvelle ou renouvelée, on aurait tous pour de bon le devoir de penser, mais avec un autre esprit, une autre mesure — : vous riez bien sûr de la mesure), en cette société nouvelle, vous serez les geôliers et non les détenus, ou du moins vous aspirez à ce rôle de geôliers. Tout comme Platon (tu vois, cher ami, que je te mets en bonne compagnie), qui est geôlier et non détenu quand il se laisse conduire par l’imagination et la méditation à ordonner toutes les invalidations et les saletés qu’il ordonne. Sans s’en apercevoir. (Tout cela arrive dans La République, dont je veux publier une anthologie bien soignée : cela pourra être une chose très instructive)

Dans quelques jours nous nous verrons, dans quelques jours, tu me promets, nous nous rencontrerons. Ce que nous nous dirons, je ne le sais pas. Ce qu’il arrivera, qui sait, avec le cœur que nous avons ; ayant la chance de n’être pas diplomatiques, tous les deux : ce que nous avons dans le cœur, nous l’avons sur la bouche.
Ce sera ce que ce sera. Mais je suis bien heureux de la rencontre, et toi aussi, je l’espère.
Avec beaucoup d’amitié et de cordialité
ton
Vladimiro Arangio-Ruiz

15 janvier 1983, Mon oncle Dodo lors de mon second mariage

(1) Calandrin est un personnage très naïf du Decameron de Giovanni Boccaccio, qui, entre autres, avait cru à l’existence d’une pierre appelée “elitropia” : une pierre au pouvoir extraordinaire : n’importe quelle personne qui la porte sur elle ne peut pas être vue par aucun de ceux qui regarde là où cette personne n’est pas.

(2) Le mot est inventé par Charles Renouvier, qui s’en sert pour intituler son livre Uchronie, l’utopie dans l’histoire, publié pour la première fois en 1857. L’« Uchronie » est donc un néologisme du XIXe siècle fondé sur le modèle d’utopie (mot créé en 1516 par Thomas More pour servir de titre à son célèbre livre, Utopia), avec un « u » privatif et, à la place de « topos » (lieu), « chronos » (temps). Étymologiquement, le mot désigne donc un « non-temps », un temps qui n’existe pas.

Des figures… humaines (Extrait de la Ronde du 15 novembre 2018)

15 samedi Déc 2018

Posted by biscarrosse2012 in échanges, contes et récits

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la ronde

Aujourd’hui, je publie un texte que j’avais écrit pour la Ronde du 15 novembre dernier, autour du thème « figure/s », publié ce jour-là sur le blog JFrish de Joseph FRISCH.
G.M.

Antonio Donghi. In villeggiatura

Des figures… humaines

« Comme autant d’arbres constellant le paysage des paradis perdus de notre enfance et jeunesse, les figures du père et de la mère avec celles des grands- parents, des tantes, des oncles et des cousins aînés ne sont pas forcément les seules qui ont assisté avec bienveillance et curiosité à l’évolution de ma personnalité en me « donnant l’exemple », comme l’on dit, ou alors en me proposant un chemin plus accidenté, pour ainsi dire « hérétique » qui m’a donné la chance de respirer le souffle de la liberté et de la beauté. Je suis doublement redevable à ceux qui m’ont appris à respecter le travail et le sacrifice nécessaires à bâtir et entretenir toute petite ou grande communauté humaine, en me fournissant en même temps les outils indispensables pour apprendre moi-même à reconnaître et aimer la beauté dont la nature, la poésie et l’art nous font cadeau… »
Après avoir écrit ces premiers mots, j’étais déjà fatigué et même épuisé. Les figures qui se promenaient parmi les bancs lançaient de temps en temps des regards désolés et impatients aux collègues installés derrière la chaire : est-ce qu’on avait bien choisi le sujet du thème en classe ?
À mon avis, c’était tout à fait inhabituel de condenser l’énonciation du devoir en classe en un seul mot : « figure ». Bien sûr, cela a été dit, on peut décliner ce substantif jusqu’au pluriel. Et ils ont bien fait à le préciser, parce qu’en fait ce serait inexact et trompeur de se borner à une seule figure hiérarchiquement posée sur un trône comme un roi absolu. Mais ils auraient pu mettre une explication, nous donner quelques repères en plus… Heureusement, Giuliano Manacorda, mon professeur d’histoire, nous a rassurés sur ce point : « ne songez surtout pas à Napoléon ou à Garibaldi ! Vous seriez obligés de fantasmer aussi autour de leurs figures d’exilés et de leurs îles… » avait dit le professeur d’un ton complice.
« Oui, c’est ça, avait ajouté Antonia Cellini, professeur d’histoire de l’art. Il faut s’éloigner de l’idée de l’icône ou de la représentation sacrée, même s’il s’agit bien évidemment de figures ayant eu un rôle très important dans les différentes civilisations ! »
Mon voisin de banc voudrait me montrer une illustration scandaleuse dont il s’est procuré une copie : un tableau, très fameux, d’un peintre nommé Courbet.
« Mais tu vas trop vite aux conclusions, je lui rétorque. Si Manacorda a la même vision laïque et anticonformiste que la Cellini (descendant, fort probablement, de l’excellent sculpteur Benvenuto Cellini…), cela ne veut pas dire que le professeur Pagani ou la Rizzo, par exemple, malgré leur approche respectivement mathématique et scientifique, soient-ils d’accord pour développer le thème de la figure à partir de la transgression comme principe fondateur ! »
Me voyant discuter de façon audible avec mon camarade, le professeur d’italien, Steno Vazzana, nous a rappelé Dante et l’Arioste :
« Vous devriez savoir que ces deux maîtres absolus de l’écriture figurative ont soumis leur talent visionnaire et débordant à l’intransigeante discipline de la musique des mots, ayant enfin le but de célébrer la dignité de l’homme et son devoir de se dépasser ! » Puis, il s’est approché de mon oreille — suscitant immédiatement la jalousie de toute la classe — et m’a soufflé un conseil : « souviens-toi de la métaphore ! »
Rouge de honte, je remets mon nez sur la feuille déjà chiffonnée et très peu présentable, mais je ne trouve pas une bonne métaphore à laquelle m’accrocher. Je reprends donc mon vagabondage à tâtons : est-ce qu’il existe une figure qui ne s’inscrit pas dans une enceinte de forme rectangulaire, ou, plus rarement, ronde ou ovale ?

Mon père au musée

« Mon père m’a transmis l’amour pour la musique et une certaine curiosité pour le dessin. Ma mère – goutte après goutte – m’a appris l’amour pour les trésors cachés dans les églises, les musées et les villes anciennes et aussi le goût pour les étoffes, les papiers colorés. Elle faisait de son mieux pour chercher tout ce qui pouvait rendre, par la beauté d’une petite lumière inattendue, plus supportables notre austère foyer et notre façon de sortir, dignement habillés, dans le monde… Donc, j’ai été élevé surtout par l’exemple… »
J’avais fini d’écrire ce mot, « exemple », quand il s’est produit dans la salle un vacarme inattendu : sans saluer personne, mon ancienne professeur de français, Hortense Lamy, au milieu des applaudissements de ses élèves les plus dévoués, s’est rapprochée de moi :
« Écoute, mon enfant, j’ai une surprise pour toi : te souviens-tu de Cyrano de Bergerac ? Il a le même nez que ton professeur de mathématiques et le même cœur que celui de lettres… Il va t’aider ! »
« À côté des figures en chair et os que nous avons appris au fur et à mesure à reconnaître et aimer, avant de les installer dans notre « cosmos affectif », elles sont innombrables les figures qui nourrissent notre imaginaire de lecteurs : voilà ce que Cyrano a eu la bonté de me dicter… En fait, ajoute-t-il, si la poésie peut très bien dessiner ou peindre par les mots et leur musique les figures humaines, en les rendant immortelles, la peinture et les arts visuels en général ont la faculté de fixer l’esprit et l’âme du sujet représenté, en l’inscrivant dans des décors plus ou moins adaptés… »
« Il faut d’ailleurs bien situer la figure par rapport au paysage, ai-je ajouté, en empruntant mes réflexions à la farine de mon propre sac. Si le paysagiste a l’ambition de décrire analytiquement ou saisir au vol un coin de monde qu’il aime et découvre en même temps, le peintre de figures s’engage à « zoomer » des parties privilégiées, des scènes où d’habitude la figure humaine s’installe au milieu : des scènes où l’on racontera-évoquera synthétiquement un événement ou, symboliquement, une histoire… »
J’étais finalement en train de me caler dans le thème le plus intéressant de mon devoir, quand je me suis aperçu d’un rire suffoqué, éclaté sur mon côté entre mon camarade et Cyrano. Ce dernier regardait obliquement la reproduction en noir et blanc de l’œuvre incontournable de Courbet, tandis que mon camarade insistait à dire qu’il n’y a pas d’art sans transgression. Cyrano avait lui aussi visité la Cappella Sistina et connaissait tout ce que Michelangelo avait dû endurer avec ces corps nus… Il avait aussi entendu parler du Caravage et de sa profonde rébellion contre l’hypocrisie des scènes sacrées aux visages sans aucune personnalité. Certes, le Caravage avait en lui une certaine violence… cependant, de sa brusque révélation de la vérité jaillissait une telle beauté !
« La figure étant toujours révélatrice d’un choix, d’une volonté de représentation fidèle ou déformée, ai-je vite écrit dans l’espoir de réussir enfin à dire, avant le son du tocsin scolaire, quelque chose de correct. On peut passer de la figure charismatique à la caricature, de la vision décalée à l’expression transgressive… voilà pourquoi la figure humaine a été toujours soumise au jugement des communautés les accueillant ou les rejetant en fonction de leurs différentes mentalités et cultures … Voilà pourquoi en certaines sociétés l’on arrive même à considérer les figures humaines comme autant de chevaux de Troie ayant pour but la destruction de leurs convictions et usages…»

Paolo Merloni, Mon arrière-grand-père au bureau, acrylique sur toile, 2005

En me réveillant de ce rêve « instructif » qui virait déjà au cauchemar, j’ai commencé à regarder d’un œil différent le petit tableau qu’avait fait mon enfant Paolo lors de sa première exposition, consacrée au thème de la famille. Comme vous pouvez bien le constater, il était parti de la photo en noir et blanc de la figure paternelle la plus charismatique dans notre famille et l’avait petit à petit transformée. Sa transgression n’a rien à voir avec la série de photos de Marilyn qu’Andy Warhol avait ressuscitée comme héroïne de la répétition. Mon grand-père Giovanni, par le biais des couleurs tout à fait inédites que Paolo avait choisies, semble se réjouir des caresses moqueuses de son arrière-petit- fils tandis qu’il demeurerait probablement ennuyé entendant lire des tomes autour de sa vie extraordinairement vivante et de sa mort ordinairement triste.

Giovanni Merloni

Une étrange vision d’ensemble (La pointe de l’iceberg n. 4)

02 dimanche Sep 2018

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits, mon travail de peintre, portraits inconscients

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La. pointe de l'iceberg

Une étrange vision d’ensemble

Si mon père aimait Doris Day, ma mère avait une véritable passion pour Gérard Philipe, comme le témoigne une coupure de journal qu’elle gardait au milieu de nombreuses photos de famille assez disparates..
Récemment, suite à un hasard dont je ne suis pas capable de me donner une explication, depuis mon ordinateur avait jailli une espèce de film par images superposées qu’un logiciel ou algorithme très compliqué avait crée tout seul, empruntant depuis mon disque dur, sans façon ni ordre, des images disparates de mon travail de peintre et de ma vie privée, suivant pourtant une logique surprenante, qu’accompagnait une musique aussi silencieuse que touchante, où le vacarme des tambours et des trombes s’alternait à un glissement imperceptible de feuilles de papier et de coulisses de théâtre, avec le résultat de dévoiler à moi-même des choses que je n’aurais jamais crues possibles…

Après une longue hésitation, j’ai décidé qu’il n’y avait rien di vulgaire ni de scandaleux dans un tel étalage automatique et inconscient d’une partie cachée de ma vie passée et finalement avec mon iPad, juste à la veille de sa brusque disparition, j’ai enregistré tout cela dans une vidéo très artisanale : chacun de nous peut subir, sans le savoir, le regard indiscret et parfois inexorable d’un œil extérieur… Mais rarement cet être diabolique et à la limite monstrueux a la générosité de nous dévoiler ses surprenantes découvertes !

Giovanni Merloni

Si vous voulez écouter la musique que j’aurais aimé ajouter à cette séquelle d’images « randon », en cliquant ci-dessous vous entendrez deux morceaux célèbres de « Pat Garret and Billy the Kid » de Bob Dylan.
G.M.

https://leportraitinconscient.files.wordpress.com/2018/09/pat-garret-et-billy-the-kid-2.m4a

Pourtant, je courais, la main appuyée sur le point rouge du cœur… (La pointe de l’iceberg n. 3)

31 vendredi Août 2018

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits, poèmes, portraits inconscients

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Ambra, La. pointe de l'iceberg

« Je faisais des rêves à thème escompté, je ne voulais rêver que d’une seule manière : les mots et les rambardes devaient suivre des marches imprégnées de lumière, tandis que petit à petit, telles des révélations, jailliraient du rêve même des femmes nues…
Pourtant, je courais, la main appuyée sur le point rouge du cœur… je descendais dans la sombre terreur de grottes abruptes où je sentais la lumière s’estomper doucement dans le noir. Et c’était monstrueux de me découvrir renfermé là-dedans, ô combien seul ! »

Nous marchons

Nous marchons
les yeux humides
les rêves cachés
les mains et les cœurs serrés
avec le remords et la peur
de cette joie stupide
qu’on appelle bonheur.

Nous nous regardons
dans les yeux, à travers
une poussière de lumière
qui frôle nos cœurs cachés
et nos mains enchevêtrées
tandis qu’au coin sombre de la rue
nos lèvres inconnues
se rencontrent volontiers.

Giovanni Merloni

Une déconnexion forcée

20 lundi Août 2018

Posted by biscarrosse2012 in contes et récits, portraits inconscients

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Gênes, les falaises


Une déconnexion forcée

Comme plusieurs d’entre nous — blogueurs ou simples navigateurs d’Internet — j’ai souvent manifesté mes doutes vis-à-vis de l’immersion totale que demandent les réseaux sociaux, ainsi que ma sincère méfiance au sujet de cette « globalisation » qui hanterait désormais nos pensées et nos actions vitales. Mais je n’ai jamais trouvé la force de me « déconnecter » pour revenir en arrière, en m’engageant dans une reconquête de valeurs plus durables et de rapports plus proches de l’humain.

En fait, dans ma condition d’exilé-immigré d’un pays à l’autre de notre Europe bien-aimée, j’avais besoin de rester « connecté », notamment par le biais de Twitter, à des gens bien réels que j’ai connu en France et qui m’ont aidé, même plus que d’autres amis traditionnels, à me sentir Français, voyant ainsi primés mes efforts dans l’apprentissage de la langue et civilisation de ce pays. En même temps, j’ai gardé « un pied » dans mon pays d’origine, allant de temps en temps retrouver, sur Facebook, les traces visuelles ou verbales de l’existence parallèle de quelques-uns parmi les amis plus chers qui sont restés là, à Rome ou à Bologne, à Naples ou à Gènes, à Perugia ou en Romagne…

Je ne me cache pas que cette « connexion » devient de plus en plus problématique pour moi, au fur et à mesure que des évènements traumatiques frappent mon pays et que je vois mes compatriotes piégés dans la Babel des hurlements croisés, pour la plupart en mauvaise foi, qui empêchent la raison et la bonne volonté de reprendre calmement le dessus.

Si l’Italie de l’époque « berlusconnienne » était sous l’emprise inexorable d’une télévision touche-à-tout, l’Italie occupée par la coalition populiste de droite de la Ligue et du Mouvement 5 étoiles est à présent soumise à une utilisation du web qui ne laisse aucun espace à la discussion ou à la réflexion.

L’écroulement récent du pont de Morandi à Gènes en est la preuve. Si la Ligue, gouvernant Gènes à plusieurs reprises à l’enseigne de l’indifférence, avait sous-évalué l’urgence de la mise en sécurité du territoire traversé par un viaduc qui ne pouvait plus tenir le poids d’un trafic multiplié pour quatre ou cinq… le parti de Beppe Grillo s’était « battu » pour empêcher que la solution alternative de la « Gronda », envisagée et financée, fût concrètement réalisée !

Malgré l’évidence de graves responsabilités politiques de ces deux partis populistes au pouvoir, il suffit de faire un tour sur les réseaux sociaux pour voir combien la confusion est alimentée et la recherche des responsabilités accaparée par la simple violence des mots, la ruse aidant de certains professionnels du détournement de l’information qui sont au service des actuels gagnants.

Ce qui se passe en Italie ne diffère pas beaucoup de ce qui s’est passé en Angleterre lors du référendum qui a amené au Brexit, ou alors de ce qui s’est passé dans les États-Unis avec les élections trompeuses de Trump : des utilisations malhonnêtes, anti-démocratiques et criminelles des possibilités octroyées par les nombreuses imperfections et contradictions d’un système informatique, celui d’Internet, qu’on a du mal à régler et maîtriser.

Heureusement, au sujet du pont conçu et réalisé à Gènes par l’un de plus grands ingénieurs du béton armé, j’ai vu sur Facebook quelqu’un qui a su expliquer avec lucidité et sens de l’Histoire ce qui s’est passé et aussi ce qu’on devra faire, logiquement et absolument.

Sans doute on trouvera une solution pour Gènes, redonnant souplesse et efficacité à cette corde brisée du réseau routier international. Mais je ne suis pas sûr que mes compatriotes seront capables de se libérer de ce long travail de dérangement mental et psychologique que la télévision et le web ne cessent d’entretenir, en manque de véritables tutelles et règles solides.

Voilà une bonne raison pour rester connectés, essayant d’ajouter quelques gouttes d’espérance à cette mer minoritaire de gens qui tout en refusant les idées reçues n’aiment pas non plus se laisser embobiner par les élucubrations trop parfaites des « gens bien informés ».

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Cependant, dans ce mois d’août où la canicule semblait intentionnée à s’installer durablement à Paris, je me suis trouvé de but en blanc déconnecté, obligé de m’inventer de nouveaux chasse-têtes, comme il m’arrivait à l’époque révolue où, avec mon frère, pour combattre l’ennui soudain de la fin de l’école, on se régalait de longues après-midis de combat acharné avec le baby-foot…

En fait, tout a commencé avec l’hypothèse d’un tableau érotique à partir d’une vielle diapositive aux contours flous, dont je voulais reconstruire les lignes exactes des corps émergeant de l’ombre, avant d’utiliser le croquis pour un tableau grand format. Cette « reconstruction » est possible avec Adobe Photoshop, si l’on dispose bien sûr d’une tablette graphique adéquate…

Je ne vais pas vous raconter les nombreuses vicissitudes qui m’ont jusqu’ici empêché d’utiliser la tablette Wacom toute neuve ainsi que mon ordinateur pendant deux mois… Cependant, jusqu’au moment du départ pour une brève vacance en Normandie, je pouvais encore me servir de mon iPad en très bon état…

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La décision de partir a été prise abruptement, pour réagir au sentiment de fatalisme et d’apathie qui nous avait dicté jusque-là des propos renonciataires :
C’est trop tard pour les Cinque Terre !

C’est trop compliqué aller à Paimpol, un endroit qui s’affiche trop engageant au point de vue naturel…

On fera des randonnées en Île-de France, cette région merveilleuse que nous ne connaissons que très peu…

Enfin, je me suis souvenu d’un pont… Pas du tout le nouveau pont de Bordeaux, ni bien sûr le pont de Morandi, suspendu sur la vallée du Polcevera à Gènes, que j’ai parcouru en voiture d’infinies fois…

Dans un flash, j’ai pensé au pont de Normandie séparant Le Havre de Honfleur, ce pont que j’aurais dû emprunter une deuxième fois pour me rendre du Havre à Dieppe… Pourquoi avais-je alors évité ce pont et, ensuite, préféré Rouen à Dieppe, renonçant à compléter la visite de la côte d’albâtre ?

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C’est ainsi que la décision de partir pour Dieppe s’est finalement concrétisée. La patronne de l’hôtel du Havre, l’été dernier, nous avait parlé avec enthousiasme du cimetière marin à côté d’une église au sommet de la falaise de Varengeville-sur-mer, en nous proposant de séjourner à Arques-la-bataille, dans un vieux manoir transformé en gîte ayant appartenu à sa famille. Heureusement, on nous y a accueillis pendant cinq jours, nous donnant ainsi la possibilité de visiter Dieppe et presque toutes les localités remarquables situées sur la côte entre Dieppe et Fécamp. Puisque cinq jours nous avaient parus un peu justes, nous avions réservé aussi, pendant trois jours, une grande chambre dans l’hôtel de Calais au Tréport…

Les trois villes enchevêtrées les unes darns les autres du Tréport, Eu et Mers-les-bains nous ont montré un contexte nouveau, où la frontière picarde amenait de sensibles changements dans l’esprit des lieux ainsi que dans les attitudes, brusques mais franches, de ses habitants.

Après une journée pleine d’émotions et une soirée où le hasard nous avait amenés à une funiculaire assez impressionnante qu’on pouvait emprunter tout à fait gratuitement comme un ascenseur… après une nuit pleine de rêves de falaises et d’ombres, je me suis levé encore à demi endormi… Et j’ai cogné fort du sommet de ma tête contre un écran télévisé redoutablement saillant dans la chambre très étroite.

Je ressens encore dans mon cerveau le bruit épouvantable de cette collision et les litres d’eau froide que j’y ai fait tout de suite couler dessus. Cela dit, je n’ai pas eu de phénomènes particulièrement graves et, malgré le choc, j’ai affronté la journée avec fatalisme et énergie…

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Le dimanche 12 août, ce n’était pas le cas de renoncer à la place que j’aurais sans doute perdue dans le parking de l’hôtel. Je me suis donc renseigné auprès de l’accueil et j’ai appris qu’on pouvait se rendre en Picardie confortablement à pied, la commune de Mers-les-bains ne faisant qu’un avec celle du Tréport.

Au delà d’une série de bassins et de ponts, d’où j’ai pris la photo ci-dessus, on a longé la gare du Tréport et…
AUX FRITES GOURMANDES

c’était l’enseigne du kiosque, typiquement picard, d’où commençait la promenade au bord de la plage de Mers…

Comme il arrive toujours dans ces endroits nordiques où l’on doit forcément trouver le juste équilibre entre le froid matinal et le chaud que provoque la marche prolongée, je me suis arrêté devant ce kiosque et j’ai posé mon iPad avec son étui rouge fort abîmé sur une table métallique peinte en vert. Étais-je encore étourdi pour mon accident domestique ? Étais-je contrarié pour quelques phrases changées avec les deux membres de ma famille à propos de ce même accident ? Je ne sais pas. Ce qui est sûr, je me suis éloigné de la table verte et de l’objet rouge sans lancer, comme d’habitude, un coup d’œil autour de moi.

Dix minutes plus tard, ou cinq peut-être, j’ai cherché l’iPad dans mon sac à dos… puis suis revenu en arrière…

C’était perdu, mon alter ego, mon compagnon de route auquel je confie toutes mes pensées et mes rêves.

Et cette perte, avec les trois ou quatre tentatives de le retrouver auprès d’un bureau des objets perdus qui n’existe plus, m’a longuement distrait de cet épisode principal de la collision contre cet objet, l’écran télévisé, que j’arrive souvent à détester pour ce qu’il représente et que je supporte seulement pour la petite joie inattendue de me livrer de beaux films… Comme « Certains l’aiment chaud », ce véritable chef d’œuvre de Billy Wilder qui jaillit à l’improviste, à la veille de notre départ, de ce même téléviseur assassin, avec un très soigné reportage d’Arte sur la vie et la mort de Marilyn Monroe !

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Quand je suis rentré à Paris, j’avais des falaises bleues et blanches dans la tête, avec le souvenir d’une mer d’émeraude qui prenait parfois les nuances « vertes de morve » dont parlait James Joyce dans son Ulysse. Oui, la Manche et la mer qui entoure et protège l’Irlande partagent les mêmes histoires et les mêmes fantômes. Je ne m’étonnai pas de voir un Alec Guinness assis dans une autre table du restaurant du manoir où nous étions hébergés et je fus content de savoir qu’entre Dieppe et la fameuse plage de Brighton il y a un va-et-vient continu de bateaux. J’ai découvert avec plaisir que les Anglais sont bavards et que la haute Normandie en hérite elle aussi quelques traits.

Cependant, cinq jours après ce heurt inouï, j’avais encore mal à la tête. Je me suis dit alors que mon fils Paolo, juste rentré de l’Italie, pouvait m’aider. Ce qu’il a fait, se renseignant d’abord sur l’hôpital où nous rendre, ensuite m’accompagnant aux urgences du Saint-Antoine, juste en face de la sortie du métro Faidherbe-Chaligny.

Avec une gentillesse extraordinaire, les médecins qui m’ont accueilli, m’ont rassuré et autorisé, pour l’instant, à survivre avec prudence.
J’attends maintenant de voir mon ordinateur ressusciter de son choc à lui, avant de reprendre, à petit pas, notre existence en suspens entre nos amours, eux aussi survécus.

Giovanni Merloni

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